Après avoir parlé du péché originel, ou l’état d’injustice que nous héritons à la naissance, nous allons maintenant parler du péché actuel, c’est à dire celui que nous faisons nous-même. Toutes les distinctions développées après sont des sous-espèces du péché actuel. Au delà de ce paragraphe, voici des extraits du commentaire du catéchisme de Heidelberg par Ursinus, que je traduis en ce moment, et dont la pertinence est juste IMMENSE!
Le péché actuel
Le péché actuel inclut toutes les actions qui s’opposent à la loi de Dieu, que ce soit celles qui concernent la compréhension, la volonté et le cœur, ou le comportement extérieur de nos vies, comme penser, vouloir, suivre et faire ce qui est mal ; et une omission des choses que la loi de Dieu commande, comme être ignorant, ne pas vouloir, se soustraire et ne pas faire ce qui est bien
Péché régnant/non-régnant
Par péché régnant, nous entendons cette forme de péché à laquelle le pécheur ne résiste pas par la grâce de l’Esprit Saint. Il est donc exposé à la mort éternelle, à moins de se repentir et d’obtenir le pardon par le Christ. Ou bien il inclut tout péché qui n’est pas déploré, et auquel la grâce de l’Esprit Saint ne résiste pas, et à cause duquel celui en qui il règne est exposé au châtiment éternel, non seulement selon l’ordre de la justice divine, mais aussi selon la nature même de la chose. Les passages suivants de l’Écriture font référence à cette distinction du péché : « Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel . » « Celui qui fait le péché, » c’est-à-dire, celui qui pèche habituellement, volontairement et avec plaisir, « est du diable. » (Rom. 6:12 ; 1 Jean 3:8).
On l’appelle péché régnant, parce qu’il gratifie et asservit ceux qui en sont les sujets, et aussi parce qu’il domine sur l’homme en qui il règne, et l’expose à la condamnation éternelle. Tous les péchés des hommes dans leur état non régénéré sont de ce caractère. Il y a aussi quelques péchés de cette description chez ceux qui ont été régénérés, comme les erreurs dans les fondements de la foi et les offenses contre la conscience qui, à moins qu’on ne s’en repente, sont incompatibles avec l’assurance du pardon des péchés et avec le vrai réconfort chrétien. Que les régénérés soient coupables de péché sous cette forme, la chute lamentable de ces saints hommes comme Aaron et David en témoigne abondamment.
Le péché qui ne règne pas ainsi, est celui que le pécheur résiste par la grâce de l’Esprit Saint. Elle ne l’expose donc pas à la mort éternelle, parce qu’il s’est repenti et a trouvé grâce par le Christ. De tels péchés sont des inclinations désordonnées et des désirs impurs, un manque de justice, et beaucoup de péchés d’ignorance, d’omission et d’infirmité, qui demeurent dans le pieux tant qu’ils continuent dans cette vie ; mais qu’ils, néanmoins, reconnaissent, déplorent, haïssent, et résistent et prient sérieusement, et qui peuvent leur être pardonné à cause du Christ, le Médiateur, en disant, pardonne-nous nos offenses. Par conséquent, les pieux conservent leur foi et leur consolation, même s’ils ne sont pas exempts de ces péchés. « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. » « Ce n’est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi. » « Il n’y a pas de condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ, qui marchent selon l’Esprit. » « Qui peut comprendre ses erreurs ? « Purifie-moi de mes fautes secrètes. » (1 Jean 1:8 ; Rom. 7:18 ; 8:1 ; Ps. 19:13)
Péché contre la conscience/pas contre la conscience
Le péché contre la conscience, c’est quand quelqu’un qui connaît la volonté de Dieu fait, avec dessein et intention, ce qui lui est contraire ; ou c’est ce péché qui est commis par ceux qui pèchent en toute connaissance de cause et de leur propre chef comme David, quand il commet un crime d’adultère et un crime.
Le péché qui n’est pas contre la conscience, c’est quand quelqu’un fait quelque chose de contraire à la loi de Dieu, par ignorance ou contre son gré ; ou bien c’est ce qui est connu pour être péché et déploré par le pécheur, mais qu’il ne peut parfaitement éviter dans cette vie, comme péché originel, et de nombreux péchés par ignorance, omission et infirmité.
NdT – Ursinus prend le reniement de Pierre comme exemple de péché qui n’est pas contre la conscience, à cause de la peur et de la faiblesse qui l’a amené à pécher.
Le péché contre le Saint-Esprit
Par péché impardonnable, ou péché contre le Saint-Esprit, et jusqu’à la mort, on entend un déni et une opposition volontaire à la vérité reconnue de Dieu, par rapport à sa volonté et ses œuvres, au sujet desquelles l’esprit a été pleinement éclairé et convaincu par le témoignage du Saint-Esprit ; tout cela procède, non pas de la peur ou de l’infirmité, mais d’une haine déterminée pour la vérité, et d’un cœur rempli d’amertume malveillante.
Ce péché, Dieu le punit d’une aveuglement perpétuel, de sorte que ceux qui en sont coupables ne se repentent jamais, et par conséquent n’obtiennent aucun pardon. Elle est dite impardonnable, non pas parce que sa grandeur dépasse la valeur du mérite du Christ, mais parce que celui qui la commet est puni d’une aveuglement total, et ne reçoit pas le don de la repentance. Il s’agit d’un péché d’une nature particulièrement aggravée, et il est donc suivi d’une punition en fonction de sa nature, laquelle est l’aveuglement et l’impénitence définitifs. Et là où il n’y a pas de repentance, il n’y a pas de pardon obtenu. « Quiconque parle contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce monde, ni dans le monde à venir. » « Mais celui qui blasphème contre le Saint-Esprit n’a jamais de pardon, mais il est en danger de damnation éternelle. » (Matt. 12:32 ; Marc 3:29)
Il est appelé péché contre le Saint-Esprit, non pas qu’on puisse commettre une offense contre le Saint-Esprit qui n’est pas en même temps une offense contre le Père et le Fils, mais par une figure de style particulière, dans la mesure où elle est commise d’une manière particulière contre l’Esprit Saint, à savoir, contre sa fonction et son œuvre particulières et immédiates, qui consiste à éclairer la pensée.
L’Apôtre Jean appelle cela un péché à mort, non parce que cela seul est un péché mortel, et mérite la mort, mais, comme on vient de le dire, parce qu’il mérite spécialement la mort, et parce que ceux qui en sont coupables mourront assurément, car ils ne se repentiront jamais, ni n’obtiendront le pardon. L’apôtre Jean ne désire donc pas que nous priions pour elle, car c’est en vain que nous demandons à Dieu d’accorder son pardon. Les Écritures parlent aussi de ce péché en d’autres lieux, comme dans Hébreux 6:4-8 ; 10:26-29 ; Tit.3:10, 11.
« Certaines règles à observer quand on parle du péché contre le Saint-Esprit »
- Le péché contre le Saint-Esprit ne se trouve pas dans chaque méchant ; mais seulement dans ceux qui ont été illuminés par le Saint-Esprit, et qui ont été pleinement convaincus de la vérité, comme Saul, Judas, etc.
- Tout péché qui est contre le Saint-Esprit est un péché régnant, et un péché contre la conscience, mais pas l’inverse. Car il peut arriver que quelqu’un puisse, par ignorance, ou même sciemment et volontairement, commettre certaines erreurs, ou violer certains commandements de Dieu, par faiblesse, ou torture, ou par crainte du danger, et pourtant ne pas contrevenir délibérément et avec malice à la vérité, ou totalement tomber de sainteté et persister dans sa sensualité, son dédain pour ce qui est sacré ; mais il peut retourner à Dieu et se repentir de ses fautes. Ces formes de péché diffèrent, par conséquent, comme genre et espèce.
- Le péché contre le Saint-Esprit n’est pas commis par les élus, ni par ceux qui sont vraiment convertis. Ils ne peuvent jamais périr, car Christ les préserve et les sauve. « Ils ne périront jamais, et personne ne les arrachera de mes mains. (Jean 10:28 ; Aussi, 2 Tim. 2:19 ; 1 Pierre 1:5 ; 1 Jean 5:15). C’est pourquoi ceux qui péchent contre le Saint-Esprit ne furent jamais vraiment convertis et appelés. Ils sont sortis de nous, parce qu’ils n’étaient pas de nous.
- Nul ne doit décider hâtivement ou précipitamment du péché contre le Saint-Esprit ; oui, le jugement ne doit en aucun cas être prononcé sur qui que ce soit, sauf a posteriori, pour la raison que nous ne savons pas ce qui est dans le cœur de l’homme.
Péché en soi/par accident
Ces choses qui sont des péchés en soi, et dans leur propre nature, sont ces inclinations, désirs et actions qui sont contraires et interdits par la loi de Dieu.
Ce qui est péché par accident, ce sont les actions des hypocrites, et de ceux qui n’ont pas été régénérés, qui, bien qu’ils aient été prescrits et commandés par Dieu, lui déplaisent néanmoins, dans la mesure où ces oeuvres ne sont pas issus de la foi, et d’un désir de glorification de Dieu. On peut dire la même chose des actions indifférentes, qui sont accomplies et suivies avec honte. « Tout ce qui n’est pas de foi, c’est le péché. » « Pour ceux qui sont souillés et incrédules, ce n’est rien de pur. » « Sans foi, il est impossible de plaire à Dieu. » (Rom. 14:23 ; Tit. 1:15 ; Héb. 11:6)
Toutes les vertus, donc, du non régénéré, comme la chasteté de Scipion, la bravoure de Jules César, la fidélité de Romulus, la justice d’Aristide, etc.., bien que bonnes en soi et commandées par Dieu, elles sont néanmoins des péchés accidentels et odieuses envers Dieu, à la fois parce que les personnes qui les commettent ne lui plaisent pas, parce qu’elles ne sont pas dans un état de réconciliation, et aussi parce qu’elles ne sont pas faites de la manière et avec le dessein que Dieu demande ; c’est-à-dire, elles ne découlent pas de la foi, et ne sont pas faites pour la gloire de Dieu. Ces conditions sont si nécessaires dans toute bonne œuvre, que sans elles nos meilleures actions sont des péchés ; comme les prières, les aumônes, les sacrifices, etc. des hypocrites et des méchants sont des péchés ; car ils ne naissent pas de la foi, et ne sont pas faits par égard pour la gloire de Dieu. « Les hypocrites font leur aumône dans les synagogues et dans les rues, afin d’avoir la gloire des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. » « Celui qui tue un boeuf, c’est comme s’il tuait un homme, » etc. (Matt. 6:2 ; Is. 66:3)
Il y a donc une grande différence entre les vertus du régénéré et celles du non régénéré. Car,
- Les bonnes oeuvres du régénéré procèdent de la foi, et sont agréables à Dieu ; mais c’est différent avec les oeuvres du non régénéré.
- Les régénérés font toutes choses pour la gloire de Dieu ; les non régénérés et les hypocrites agissent en référence à leur propre gloire.
- Les actions des régénérés sont liées à un désir sincère d’obéir à Dieu ; les non régénérés et les hypocrites ne montrent qu’une profession extérieure, sans obéissance intérieure. Leurs vertus ne sont donc pas telles en réalité ; elles ne sont rien d’autre que des ombres et de faibles ressemblances avec ce qui est vraiment bon.
- L’imperfection des oeuvres du régénéré est couverte par la satisfaction du Christ, et la corruption qui leur est encore inhérente ne leur est pas imputée, et il ne leur est pas fait reproche de souiller les dons de Dieu par leurs péchés ; mais les vertus du non-régénéré bien qu’étant en elles-même bonnes sont et demeurent péchés par accident et sont souillées par plusieurs autres crimes.
- Les bonnes œuvres de ceux qui ne sont pas régénérés ne sont honorées que par des récompenses temporelles, non pas parce qu’elles plaisent à Dieu, mais parce qu’il peut ainsi les inviter et les encourager, ainsi que les autres, à cette honnêteté et à cette conduite extérieure pour le bien de la race humaine.
Mais Dieu accepte les œuvres des justes à cause de Christ, et les couronne gracieusement de récompenses temporelles et éternelles, comme il est dit : « La piété est profitable à toutes choses, ayant la promesse de la vie qui est maintenant, et de celle qui vient. » (1 Tim. 4:8) Enfin, ceux qui ne sont pas régénérés, en accomplissant les œuvres commandées par Dieu, obtiennent une atténuation du châtiment, afin qu’ils ne souffrent pas avec d’autres méchants plus gravement dans cette vie ; mais les justes font ces choses, non seulement pour que leurs souffrances soient apaisées, mais aussi pour qu’ils en soient entièrement libérés.
Bonus: Quels sont les effets du péché?
1. Le péché originel, ou la dépravation de toute la nature de l’homme, ou la destruction de l’image de Dieu dans l’homme, dans le sens où nous l’avons expliqué, est l’effet de la chute de nos premiers parents au paradis. (Rom. 5:19)
2. Tous les péchés actuels sont les effets du péché originel. « Ce n’est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi. » (Rom. 7:17)
3. Tous les péchés actuels subséquents sont les effets des péchés précédents, et une augmentation de ceux-ci ; puisque, selon le juste jugement de Dieu, les hommes courent souvent d’un péché à l’autre, comme Paul l’enseigne concernant les païens, dans le premier chapitre de son épître aux Romains.
4. Les péchés des autres hommes sont souvent aussi les effets des péchés réels, dans la mesure où beaucoup de personnes sont aggravées par les reproches et les mauvais exemples des autres, et sont ainsi attirées et poussées au péché, comme on le dit : « Les mauvaises relations corrompent les bonnes manières. » (1 Cor. 15:33)
5. Une mauvaise conscience, et la crainte du jugement de Dieu, suivent invariablement et constamment la commission du péché. (Rom. 2:15 ; Isaïe. 57:21)
6. Toutes les calamités de cette vie, ainsi que la mort temporelle elle-même, sont les effets du péché : car c’est à cause du péché que Dieu a infligé toutes ces choses au genre humain, selon la déclaration : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gen. 2:17)
7. La mort éternelle est la dernière et la plus extrême conséquence du péché, chez tous ceux qui n’en ont pas été délivrés par la mort et le mérite du Christ : « Maudit soit celui qui ne confirme pas toutes les paroles de cette loi pour les faire. » « Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront dans la honte et le mépris éternel. » « Éloigne-toi de moi, maudit, dans le feu éternel. » (Deut. 27:26 ; Dan. 12:2 ; Matt. 25:41)
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