Du péché originel [Q7.3 Heidelberg]
9 juin 2020

QUESTION 7

D’où vient donc cette corruption de la nature humaine?

Elle vient de la chute et de la désobéissance de nos premiers parents, Adam et Ève, dans le Paradis ;
par la chute, notre nature a été si corrompue que nous sommes tous conçus et nés dans le péché.

DU PÉCHÉ EN GÉNÉRAL

Ces questions traitent du péché en général sont principalement les suivantes:

  1. Est-ce qu’il y a, ou d’où savons-nous qu’il y a du péché dans le monde et en nous ?
  2. Qu’est-ce que le péché?
  3. Combien y-a-t-il de sortes de péchés?
  4. D’où vient-il, ou quelles sont ses causes?
  5. Quels sont ses effets?

Il y a cinq divisions principales de péché. La première d’entre elles est celle entre péché originel et actuel. Cette distinction est enseignée dans Romains 5:14 ; 7:20 ; 9:11.

LE PÉCHÉ ORIGINEL

Le péché originel est l’état de péché de tout le genre humain à cause de la chute de nos premiers parents et de la privation de la connaissance de Dieu et de la volonté divine dans l’esprit, des penchants à l’obéissance de Dieu dans la volonté et le cœur. Et dans cet état, un penchant vers ce qui est interdit par la loi de Dieu, et un rejet de ce qu’elle prescrit qui suit la chute de nos premiers parents et à partir de là dérivée dans toute leur postérité, et la dépravation totale de toute leur nature, si bien que tous sont sous la colère de Dieu à cause de leur dépravation, et qu’aucun ne peut plaire à Dieu, à moins qu’il ne soit racheté par la médiation du Fils de Dieu et la régénération de sa nature par le Saint Esprit. À ce sujet il est écrit : « la mort a régné depuis Abraham jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam » ; « Je suis né dans la faute, ma mère m’a conçu dans le péché » (Romains 5:14 ; Psaumes 51:7)

Le péché originel comprend donc deux choses :

  1. L’état de damnation éternelle à cause de la chute de nos premiers parents.
  2. La dépravation de toute la nature humaine après la chute.

Sur ces deux choses Paul dit : « par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort est passée à tous les humains, parce que tous ont péché » (Romains 5.12). La même chose est exprimée, un peu plus obscurément dans la définition commune que l’on attribue à Anselme : « Le péché originel est le manque de justice originel qui devrait être en nous ». En effet, la justice originelle non seulement était la conformité de notre nature avec la loi de Dieu, mais aussi l’acceptation ou approbation divine. Cependant la conformité dépravée et l’approbation de choses qui lui sont opposés lui succède. C’est ainsi que l’exprime Hugo « Le péché originel est celui que nous héritons à la naissance, à travers l’ignorance dans notre esprit et la concupiscence de la chair. »

Les pélagiens ont combattu contre la doctrine du péché originel, comme aujourd’hui les anabaptistes, disant qu’il n’y a pas de péché originel, que la descendance n’est pas en cet état à cause de la chute de nos premiers parents, et que leur péché ne fut pas propagé de l’ascendant au descendant, mais qu’au contraire c’est par imitation de nos premiers parents que chacun est mis dans cet état. Augustin les a réfutés dans de nombreux livres. D’autres concèdent cet état à cause de la chute des parents, mais nient la dépravation innée qui mérite la damnation. En effet, ils affirment que le défaut avec lequel nous naissons et la concupiscence ne sont pas des péchés.

Contre ceux-là nous affirmons ces quatre propositions :

  1. Tout le genre humain est sous la colère de Dieu à cause de la désobéissance des premières parents.
  2. Au-delà de cette condamnation, il y a en nous un défaut, des penchants qui résistent à la loi de Dieu, dans lesquels nous naissons premièrement.
  3. Ces défauts et penchants sont des péchés méritant la colère éternelle de Dieu.
  4. Ces choses mauvaises ne viennent pas par imitation, mais par la propagation de notre nature vicieuse depuis nos premiers parents jusqu’à toute leur postérité, à l’exception de Christ.

Nous avons déjà prouvé la première, deuxième et troisième affirmations. Nous allons maintenant démontrer la quatrième.

  1. Le témoignage de l’Écriture. « Nous étions par nature voués à la colère, comme les autres » ; « il ne va pas de ce don comme du péché d’un seul homme. En effet, le jugement, à partir d’un seul, aboutit à la condamnation, tout comme par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse » ; « Je suis né dans la faute, ma mère m’a conçu dans le péché » ; « Jésus lui répondit : Amen, amen, je te le dis, si quelqu’un ne naît pas d’eau et d’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. » (Éphésiens 2:3 ; Romains 5:16 ; Romains 5:19 ; Psaumes 51.7 ; Jean 3.5-6)
  2. Le fait que les enfants meurent et doivent être baptisés. Donc ils ont du péché. Mais ils ne peuvent pas avoir du péché par imitation. Donc ils ont un péché inné. D’où le fait qu’il est écrit : « je savais que tu n’es qu’un traître, et que depuis le ventre de ta mère on t’appelle « Révolté ». » le cœur des humains est disposé au mal depuis leur jeunesse » (Ésaïe 48:8 ; Genèse 8:21)
  3. Tout ce qui naît a une nature conforme à la substance et les accidents propres de l’espèce qui engendre. Et tous naissent de parents corrompus et condamnés. Donc tous naissent en ayant hérité de la corruption et de la condamnation par nature.
  4. Par la mort de Christ, qui est le second Adam, qui nous donne une double grâce : la justification et la régénération.  Donc un double mal s’étend en nous depuis le premier Adam : la condamnation et la dépravation naturelle. Sans celles-là, il n’y aurait pas l’œuvre double de la grâce et du remède.

Objection 1 : Si le péché originel se transmet des parents à la descendance, il se transmet soit par l’âme, soit par le corps. Ca ne peut pas être par le corps parce qu’il est sans raison. Ca ne peut pas être par l’âme, parce qu’elle n’est pas propagée selon le modèle traducianiste1. Mais elle est une substance spirituelle, indivisible et qui n’est pas créée vicieuse par Dieu, vu que Dieu n’est pas l’auteur du péché. Donc rien n’est transmis la nature.

Réponse :

  1. Nous nions la mineure : Parce que l’âme est créé par Dieu sans vice, mais peut contracter le péché par le corps, bien que sans raison, dans laquelle elle est versée. Il n’est pas non plus absurde de dire qu’il y a une mesure de vice dans le corps, et qu’il est prôné au mal, qu’il est un organe mal adapté aux actions bonnes de l’âme et corrompant l’âme qui n’est pas confirmée dans la justice, en lui faisant perdre son intégrité qu’elle avait dans son premier corps.
  2. Nous nions la conséquence : Parce qu’il n’y a pas tous les détails dans la majeure. La culpabilité ne se transmet pas par le corps ou par l’âme, mais par la faute des parents. A cause de cette faute, au moment où Dieu crée les âmes, il les prive en même temps de la justice originels et des dons qui furent conférées aux parents par la loi. Cette même justice originelle qu’ils devaient obtenir ou perdre, selon s’ils obéissaient ou désobéissaient. Dieu n’est donc pas injuste en agissant de cette manière, ni l’auteur du péché. Car cette privation de la part de Dieu est infligée pour la faute des parents, et donc n’est pas un péché, mais une très juste punition. Et concernant les parents, ce qu’ils s’attirent sur eux et leur descendance est du péché. Nous corrigeons donc la proposition majeure ainsi : « Le péché originel se transmet à la descendance ou par le corps, ou par l’âme, ou par la faute des parents –soit ce qui mérite la privation. Le défaut de l’argument est évident. Comme en effet le péché originel est originaire des parents par la faute, ainsi il est transmis aux descendants par la même faute. Elle n’est pas la petite fissure au sujet de laquelle les scolastiques se disputaient anxieusement, entre transmission et contamination par le corps, mais la très grande porte par laquelle surgit le péché originel dans notre nature, comme l’atteste Paul : « tout comme par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse » (Romains 5.19)

Insistance 1 : La privation de justice originelle est un péché. Dieu inflige une privation telle qu’il crée en nous une âme non ornée des dons qui lui seraient données si Adam n’avait pas pêché. Donc Dieu est l’auteur du péché. Réponse : Il y a une faute d’accident dans la proposition majeure. La privation est un péché, pour ce qui concerne celle d’Adam et la nôtre, dans la mesure où cette privation et notre faute nous attire fortement et que nous la retenons avec empressement. Or le manque de justice des créatures et leur manque de conformité à Dieu répugne à la loi de Dieu et est un péché. Pour ce qui concerne Dieu en revanche, c’est la punition très juste de la désobéissance d’Adam et de la nôtre, conforme à la nature et la loi de Dieu.

Insistance 2 : Et pourtant Dieu ne doit pas infliger une punition à la faute d’Adam dont il sait que la conséquence de cette punition est la mort de toute la nature humaine. Réponse : Que la Justice soit et que périsse le Monde. Dieu doit venger l’obstination des hommes de cette façon, à cause de son extrême Justice et Vérité. Parce qu’une offense contre le Bien Suprême mérite une punition suprême, c’est-à-dire, la destruction éternelle des créatures et c’est pourquoi Dieu dit : « Tu mourras certainement ». Ce n’est que par la miséricorde qu’il sauve et arrache quiconque de la fin commune, et en fait des élus.

Objection 2 : Les désirs des objets sont naturels. Donc ils ne sont pas des péchés. Réponse : Bien sûr que les désirs régulés de ces objets que Dieu a mis en ordre ne sont pas des péchés. Mais les désirs qui sont désordonnés et contre la loi sont des péchés. Désirer en soi n’est pas un péché ; le désir en lui-même est bon parce qu’il est naturel. Cependant désirer quelque chose qui est contre la loi est un péché.

Objection 3 : Le péché originel est enlevé parmi les saints. Donc les saints ne peuvent pas le propager à leurs descendants. Réponse à la proposition mineure : Le péché originel est enlevé parmi les saints quant à leur condamnation, qui est rachetée par Christ. Mais il demeure, comme premier moulage de nos vices qui s’opposent à la loi. En effet,  la restauration n’est pas parfaite en cette vie, quel que soient les péchés qui sont rachetés, et même si en même temps nous sommes régénérés par le Saint Esprit. Nous transmettons donc malgré tout notre nature corrompue à nos descendants, tels qu’ils l’ont.

Insistance : Ce que les parents n’ont pas, ils ne peuvent pas le transmettre à leurs descendants. La condamnation est enlevée des parents régénérés. Donc, à minima, la condamnation n’est pas propagée.

Réponse : Il faut faire une distinction dans la proposition majeure. Les parents ne transmettent pas à leur descendance ce qu’ils n’ont pas dans leur nature. Ils sont protégés de la condamnation non par nature, mais par la grâce et le don du Christ. Donc les parents propagent le péché originel à leurs enfants par nature puisque la justice est imputée par grâce, mais que les parents sont soumis l’injustice et la damnation par nature. Cependant, la cause pour laquelle c’est la condamnation et non la justice qui est propagée est la suivante : parce que ce n’est pas selon la grâce, mais selon la nature que nos enfants naissent de nous. La grâce et la justification ne sont pas données par propagation naturelle, mais très librement. Le meilleur exemple est Jacob et Esaü. Augustin utilise deux images pour décrire cela : l’une est celle du grain de blé, qui bien qu’ils aient été semés purgés de l’enveloppe, de la paille et des barbes, font naître des grains qui ont tout ce qui a été énuméré. C’est ainsi parce que le battage du grain n’arrive pas naturellement, mais par industrie humaine. L’autre image est celle des pères circoncis, qui n’ont pas de prépuces, mais qui engendrent des fils avec des prépuces. Il en est ainsi parce que la circoncision n’est pas naturelle, mais à cause de l’alliance.

Objection 4 : Si la racine est sainte, alors les branches sont saintes. Donc les enfants des croyants sont saints et libres du péché originel.

Réponse : Il y a une erreur d’ambiguïté : Ici le mot sainteté ne signifie pas immunité au péché, ou intégrité de la nature, mais la dignité de la descendance d’Abraham. Dieu veut convertir à jamais ceux de la postérité d’Abraham et leur donner une vraie sainteté intérieure, à cause de son alliance avec Abraham. De plus : Tous ceux qui descendent d’Abraham aux promesses de l’église extérieure.

Objection 5 : Vos enfants sont saints (1 Corinthiens 7.14). Donc etc.

Réponse : Il y a une erreur quant à la figure de style. Les enfants des croyants ne sont pas saints parce que tous les enfants des saints seraient régénérés, ou qu’ils auraient la sainteté propagée par la chair. Car il est dit : « les enfants, en effet, n’étaient pas encore nés et ils n’avaient encore fait ni bien ni mal, et pourtant il fut dit : J’ai aimé Jacob et j’ai détesté Ésaü. » Romains 9.11. Mais les enfants des justes sont saints quant à l’appartenance à la communauté de l’église extérieure, c’est-à-dire : ils possèdent le droit et la qualité de membres de l’église et aussi celui d’élu et de saint, à moins qu’à l’âge adulte il ne montre divers signes d’incrédulité ou d’impiété.

Objection 6 : Si les péchés de tous les ancêtres se transmette, alors ceux qui héritent de ces péchés sont davantage misérable. Mais si le péché de tous les ancêtres se transmet aux derniers hommes, alors les péchés de tous les ancêtres qui les ont précédé sont hérités par les derniers hommes. Donc les derniers hommes sont plus misérables. Or ceci est absurde et répugnant à la justice de Dieu.

Réponse : Ce ne serait pas plus absurde, Dieu en effet punit et abandonne davantage les derniers. Car plus le nombre de péchés commis et accumulés par le genre humain est grand, plus grande est la colère de Dieu et plus ses châtiments sont rendus rudes, comme il est écrit : « la faute des Amorites n’est pas encore à son comble. » « afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie » (Genèse 15.16 ; Matthieu 23.35)

La mineure est niée : En effet, Dieu à cause de sa justice fixe une limite à la transmission du péché originel, c’est-à-dire à la corruption de notre nature et la condamnation à toute notre postérité. Il arrête le péché par pure miséricorde, que la postérité ne soit pas toujours punie pour la transgression de ses ancêtres, ni qu’elle les imite, et que les enfants de parents méchants ne soient pas mauvais, ou pires et plus malheureux que leurs parents.

Objection 7 : Les fils ne portent pas l’iniquité de leurs pères (Ezéchiel 18.20). Donc il est injuste que la descendance porte l’iniquité d’Adam.

Réponse : Le fils ne porte pas l’iniquité du père ou ne subit pas le châtiment à cause du père, du moins s’il ne l’approuve pas, ni ne chute dedans, mais qu’il le condamne et l’évite. Mais nous sommes justement punis du péché d’Adam :

  1. Parce que nous approuvons et imitons sa faute.
  2. La faute d’Adam est en effet la nôtre. En nous étions tous en Adam lorsqu’il a péché. D’où le fait que l’apôtre enseigne que tous ont péché en lui.
  3. Toute la nature fut condamnée avec lui (Romains 5.12). Nous aussi sommes condamnés à partir de sa substance, dont nous sommes comme une partie. Nous ne pouvons donc pas ne pas être condamnés.
  4. Dieu a reçu les dons de Dieu pour nous les communiquer s’il gardait la loi, ou pour les détruire s’il perdait sa justice. Parce qu’il a perdu sa justice, ce n’est pas seulement lui mais toute sa descendance qui a perdu ces dons.

Objection 8 : Tous les péchés sont commis volontairement. Les enfants manquent de la volonté, donc ils ne commettent pas de péchés.

Réponse :

  1. L’argument est vrai à propos du péché actuel, mais non du péché originel qui est la corruption de la nature.
  2. La mineure est rejetée parce que les enfants ne manquent pas de la faculté de vouloir : bien qu’ils ne pèchent pas en acte, il le font selon les penchants.

Insistance contre la première réponse : la corruption ou le mal de notre nature méritent davantage la bienveillance que le reproche et le châtiment, comme en témoigne Aristote : « Qu’aucun homme ne censure les défauts qui s’attachent à notre nature » (Ethique, livre 3, chap. 5). Le péché originel est une corruption de nature. Donc nous ne méritons pas la punition.

Réponse : La proposition majeure est vraie des corruptions de notre nature qui ne viennent pas par négligence ou méchanceté, mais qui viennent de notre nature, de la maladie, ou des blessures faites à l’aveugle. Ces corruptions ne méritent pas que l’on s’emporte, mais que l’on ait de la bienveillance. Mais la corruption attirée par la méchanceté, telle que celle du péché originel, toutes les lois la punissent. Aristote affirme la même chose quand il ajoute : « Mais tout le monde s’en prend à celui qui devient aveugle par excès de vin, ou par toute autre action méchante ». Voici pour le péché originel.


  1. Doctrine sur l’origine de l’âme individuelle qui enseigne que l’âme d’une personne naît à partir de l’âme des deux parents, et non crée directement et individuellement par Dieu.[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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