La Souffrance (1/3)
22 septembre 2020

Cette série est composée de trois parties :

1/3 Que sont les « afflictions » ?

2/3 La justification, la souffrance et l’espoir de la gloire.

3/3 Nous nous glorifions même des afflictions.


Préambule

Allez aujourd’hui sur les plateformes qui vendent des livres papier ou audio, et vous verrez que dans la catégorie philosophie, c’est le stoïcisme qui a le plus de succès. Celui-ci a même vu son succès s’agrandir pendant la pandémie du Covid-19, au point de voir ses philosophes être appelés les « superhéros de la pandémie ». Le stoïcisme a beaucoup à proposer pour atteindre le bonheur terrestre, ou du moins naviguer à travers le malheur ; c’est notamment par sa doctrine de la souffrance que cette philosophie se démarque.

Marc Aurèle, le célèbre empereur romain auteur des Pensées, remercie au commencement de cet ouvrage un de ses précepteurs – un philosophe stoïcien – de lui avoir appris à « rester toujours le même malgré de vives douleurs, la perte d’un enfant, de longues maladies1 ». En effet, poursuit plus loin l’empereur, « si un fait extérieur te cause de l’affliction, ce n’est pas lui qui produit ce trouble en toi, c’est le jugement que tu portes à son endroit. Mais ce jugement, il dépend de toi de l’effacer incontinent2 ». Qu’on lise Marc Aurèle, ou Sénèque, ou qui sais-je, les réponses au problème de la souffrance se ressemblent : il faut en quelque sorte devenir une pierre insensible à la douleur, qu’elle soit physique ou psychologique.

Pendant mon enfance, c’est précisément cette approche que j’ai adopté, naturellement, sans savoir que c’était du stoïcisme – ni même ce qu’était le stoïcisme ! Je suis devenu une pierre insensible. Ceci permettait que les diverses difficultés que j’endurais ne m’atteignent pas.

En réalité, toute cette souffrance n’avait pas disparu. Elle avait juste été cachée sous le tapis. J’étais si dur que je ne parvenais plus à m’ouvrir ; ma carapace était bien trop épaisse. Des années plus tard, des douleurs que je pensais avoir enfoui au fond de mon esprit pour de bon ressortaient tel un volcan de larmes et de pleurs. Mon mécanisme de gestion de la souffrance ne l’avait que refoulée pour un moment.

Ce n’est que lorsque Dieu m’a transformé que j’ai pu réellement commencer à adresser mes souffrances. Sa Parole offre la vraie solution ; et je dis « commencer à adresser », car à ce jour quelques douleurs ressortent encore parfois, mais je vais mieux, et je sais en qui je peux me réfugier, ainsi que le but de la souffrance.

1Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or, l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. (Romains 5 : 1-5)

1. Que sont les « afflictions » ?

Le terme grec pour « affliction » est θλῖψις (thlipsis ; pluriel θλῖψεις). Il apparait 45 fois à travers le Nouveau Testament et se traduit par une variété de mots tels que « tribulation », « détresse » et « souffrance ». Au sens littéral, le mot fait référence à une pression écrasante, dont les expressions vétérotestamentaires les plus parlantes seraient Lm 3:20 « Quand mon âme s’en souvient, Elle est abattue au-dedans de moi » et Ps 44:25 « Pourquoi caches-tu ta face ? Pourquoi oublies-tu notre misère et notre oppression ? »

Dans les Saintes Ecritures, l’affliction est un fait. Elle commence avec la Chute (Gn 3:16-19 ; Rm 5:12-14), elle souille la création entière (Rm 8:18-22), elle devient une composante normale de la vie pour tous les humains (Jb 5:7, 14:1 ; Ecc 2:23), de même qu’elle prend fin uniquement lorsque Jésus revient (És 25:8, 35:10, 51:11, 60:20, 65:19 ; Jr 31:12 ; Ap 21:4).

Dans le Nouveau Testament, θλῖψις est souvent lié à la souffrance résultante du fait d’être chrétien. Jésus dit à ses disciples : « vous aurez des tribulations (θλῖψεις) dans le monde » (Jn 16:33). Paul avertit les Églises qu’il a fondées lors de son premier voyage missionnaire, « disant que c’est par beaucoup de tribulations (θλῖψεις) qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14:22), et ce, peu de temps après s’être fait lapidé et avoir été laissé pour mort à Lystre. Les croyants de Thessalonique reçoivent l’Évangile et en souffrent (1 Th 1:6). En Ap 2:9-10, le terme est utilisé par Jésus afin de prophétiser la persécution imminente de l’Église de Smyrne.

Le terme fait également référence à l’affliction dans le ministère. Par exemple, Paul utilise θλῖψις pour désigner l’affliction qu’il endure en raison de sa préoccupation pour l’Église de Corinthe (2 Co 1:4, 8 ; 2:4). Voir aussi Ép 3:13, Ph 1:17, 4:14, Col 1:24, 1 Th 3:7.

La vérité qui découle de tout ceci est qu’être chrétien n’éloigne pas la souffrance ; au contraire, celle-ci s’amplifie.

Cependant, θλῖψις n’est pas un synonyme de « persécution » (διωγμóς), qui fait référence aux afflictions endurées spécifiquement en raison de la foi en Christ :

  • Mt 13:21 et Mc 4:17 – Jésus distingue explicitement les « tribulations » (θλῖψεις) de la « persécution » (διωγμóς).
  • Mt 24:9 – Jésus parle en différenciant les « tourments » ou « tribulations » (θλῖψεις) de la mise à mort ou le fait d’être haï de tous à cause de son nom.
  • Rm 8:35 et 2 Th 1:4 – Paul fait la même distinction.
  • Rm 2:9 – Paul prophétise de la tribulation (θλῖψις) liée au jugement réservé aux non-croyants, ou hommes qui font le mal (et désobéissent à la vérité selon le verset 8). Ceci n’est pas une référence à la persécution endurée en raison du Christ.
  • He 10:32-33 – le terme est employé pour un type précis d’affliction parmi les injures et autres types de persécutions.
  • Jc 1:27 utilise θλῖψις afin de décrire les souffrances des veuves et des orphelins, se référant implicitement à la pauvreté matérielle.
  • Ap 7:14 a recours au terme pour la description de la Grande tribulation qui, selon vos croyances eschatologiques, inclut les croyants et/ou les non-croyants.

Si nous compilons toutes ces notions, il appert que « θλῖψις » englobe une diversité d’afflictions qui sont liées directement ou non au fait de suivre Jésus. L’emphase est effectuée particulièrement dans Romains 8:18-23, lorsque Paul – qui certainement connaissait la souffrance pour le Christ (2 Co 11 : 23-33) – relie la souffrance de la création entière à celle des croyants. C’est au point qu’à la fois la création et les croyants soupirent en l’attente du retour du Christ et de la rédemption des corps. L’affliction est alors vécue en raison de la foi, ainsi qu’à cause du monde qui est déchu : maladies, catastrophes naturelles, horreurs humaines etc. (Gn 3:16-19 ; Rm 5:12-14).

Néanmoins, Paul encourage les chrétiens à tout faire pour la gloire de Dieu (1 Co 10:31), de même « [qu’] au nom du Seigneur Jésus » (Col 3:17). Au vu du fait que l’entièreté de la vie du chrétien devrait être vécue à la gloire du Christ, nous pourrions dire que toute affliction endurée par le chrétien, directement ou indirectement, est pour – et à cause du – Christ. Comme nous le verrons plus bas, la gloire du Christ est manifestée dans le croyant.

2 Co 12:10 nous dévoile l’apôtre Paul en paix avec les afflictions, car elles sont « pour Christ » : « c’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ ; car, quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

  • Faiblesses (ἀσθενείαις)
  • Outrages (ὕβρεσιν) 
  • Calamités (ἀνάγκαις)
  • Persécutions (διωγμοῖς)
  • Détresses (στενοχωρίαις)

Après avoir prié à trois reprises concernant quelque chose qui l’affligeait (probablement physiquement) afin que cette chose lui soit enlevée (2 Co 12:9), le Seigneur dit à Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » Voici le Christ utilisant des afflictions qui ne sont pas du registre de la persécution, dans le but de manifester sa puissance en accomplissant des choses que Paul, dans sa faiblesse, n’aurait pas pu.

En conséquence, ce n’est pas étonnant que Paul dise : « je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi » (2 Co 12:9). Ses afflictions diverses sont des moyens par lesquels le Christ met en lumière sa puissante protection et son maintien bienveillant.

Nous souffrons pour que la puissance de Dieu – et non la nôtre – soit manifestée. Les afflictions nous poussent à toujours plus faire confiance à Dieu, à dépendre de Lui, à l’attendre et à compter sur Lui constamment, en se reposant sur ses promesses. Jésus Christ est notre repos. Nos forces, talents, savoirs, ressources, stratagèmes et notre personnalité sont fondamentalement insuffisants. Dieu recherche avec zèle sa gloire et il se glorifie en toutes choses (ex. : És 49:9-11 ; Ps 19:1, 50:6 ; 1 P 4:11) ; ainsi, il nous rend suprêmement heureux, satisfaits, confiants et reposés en Lui seul (Ps 43:4).

Conclusion : les souffrances (θλίψεις) comportent tout type de difficultés, quel qu’en soit le degré, qui mettent au défi la foi du chrétien ainsi que sa dépendance sur les promesses et la bonté de son Père céleste. Que ces souffrances résultent de la persécution, ou du simple fait de vivre dans un monde déchu, leur but ultime est de déclarer la puissance providentielle de Dieu en la faisant briller à travers des personnes faibles.


  1. MARC-AURÈLE, Pensées, TRANNOY, A.-I. (trad.), Paris : Belles Lettres, 1947, livre 1, § 8.[]
  2. Ibid., livre VIII, § 47.[]

Josué Isaac

Sauvé, mari, père, historien et passionné de théologie.

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