Dans cette série d’articles, je me propose d’interagir avec ce que Wayne A. Grudem, un théologien charismatique dont la Théologie systématique a été traduite en français, enseigne sur les dons spirituels. Parce que c’est l’édition de 1994 qui a été traduite dans notre langue, c’est avec les sections de cette édition (que j’ai consultée dans sa version originale) consacrées aux dons spirituels que j’interagirai dans ces cinq articles, en suivant simplement l’ordre dans lequel Wayne Grudem présente la matière. À chaque fois, je résumerai d’abord son enseignement de la manière la plus neutre possible (I) avant d’en proposer une évaluation située dans la tradition réformée évangélique (II). Cliquez ici pour lire cette série d’articles depuis son commencement.
Dans ce quatrième article, j’examine la suite des dons « mal compris ou qui génèrent des controverses aujourd’hui » dont Wayne Grudem traite au chapitre 53 : les dons d’enseignement, de miracles et de guérison (pp. 1061-1069 de l’édition originale de 1994).
I. Le dons d’enseignement, de miracles et de guérison : résumé
A. Le don d’enseignement
Dans cette section, Wayne Grudem énonce que le don d’enseignement dans le Nouveau Testament est, selon lui, la capacité d’expliquer les Écritures et d’en tirer les implications pour la vie des personnes enseignées. L’enseignement n’est pas fondé sur une révélation spontanée, mais sur l’enseignement apostolique et fixe les normes doctrinales et éthiques conformes à l’Écriture, par lesquelles l’Église doit être encadrée.
B. Le don de miracles
W. Grudem explique sobrement que le don de miracles n’est pas clairement défini dans le Nouveau Testament, mais semble recouvrir une large gamme de manifestations de la puissance de Dieu.
C. Le don de guérisons
W. Grudem organise la discussion sur le don de guérison autour des six éléments suivants :
1. Introduction : maladie et santé dans l’Histoire de la rédemption. W. Grudem rappelle d’abord que la maladie est une conséquence de la Chute que Jésus-Christ a prise sur lui en mourant pour nous. Il souligne toutefois que nous ne serons cependant pleinement délivrés de la maladie qu’à son retour. Les guérisons que nous pouvons vivre sont dès lors pour lui un avant-goût de la nouvelle création.
2. Les buts de la guérison, estime Grudem, sont d’authentifier le message de l’Évangile, de démontrer la miséricorde de Dieu et de rendre apte au service.
3. Et la médecine dans tout ça ? Grudem réagit alors contre la tendance à refuser d’utiliser des médicaments disponibles sous prétexte que Dieu guérit. W. Grudem estime que c’est là en fait tenter le Seigneur. Il faut donc les utiliser tout en se confiant, évidemment, dans le Seigneur. Il faut aussi se rappeler que Dieu peut guérir les maladies que les médecins ne peuvent guérir.
4. Le Nouveau Testament montre-t-il des méthodes courantes utilisées dans les guérisons ? Grudem signale que l’imposition des mains et l’onction d’huile sont des gestes que l’on retrouve fréquemment dans le Nouveau Testament. Cependant, il estime que ce qui y est principalement souligné, c’est le rôle primordial que jouent la foi et la prière qui manifeste cette foi.
5. Comment devrions-nous donc prier pour la guérison ? Grudem répond à cette question en expliquant qu’il faut demander la guérison avec foi parce que Dieu guérit fréquemment, même s’il ne guérit pas toujours – ce qui correspond à notre situation dans la fameuse ère de tension entre le « déjà » et le « pas encore ». Grudem identifie alors ceux qui ont le don de guérisons à ceux dont les prières de guérison sont plus souvent exaucées que les autres.
6. Et si Dieu ne guérit pas ? W. Grudem explique alors, face à cette question pastorale importante, que dans sa souveraineté, Dieu permet que la maladie et la souffrance continuent, mais que nous devons alors nous rappeler qu’il ne le fait pas, dans ce cas, sans but. Il souligne que les apôtres eux-mêmes et leurs compagnons connaissaient la maladie et que Dieu ne les guérissait pas toujours, ou pas toujours instantanément. La maladie peut en fait ainsi devenir une circonstance favorable pour que nous croissions dans la sainteté et c’est pourquoi, même dans la maladie, nous pouvons rendre grâces à Dieu.
II. Les dons d’enseignement, de miracles et de guérison : une évaluation
Pour la première fois dans ces chapitres, je suis globalement en accord avec les vues développées par Wayne Grudem. Comme quoi, tout est possible. Pour cette raison, je qualifierais ma compréhension générale des dons spirituels extraordinaires de « cessationiste modéré »
A. Le don d’enseignement
Je n’oserais toutefois pas dire, comme lui, qu’à l’époque des apôtres, c’était l’enseignement plutôt que la prophétie qui primait, générant les normes doctrinales et éthiques par lesquelles l’Église était réglementée : à mon avis, la prophétie était utile dans la communauté locale précisément parce qu’il n’y avait pas encore ce corpus des enseignements apostoliques écrits connus plus tard sous le nom de Nouveau Testament. Si l’on accepte l’idée que la prophétie du Nouveau Testament est ce que Grudem pense qu’elle est (c’est-à-dire, ce que je qualifierais d’intuition faillible, mais auquel je ne crois pas qu’il faille attribuer le nom de prophétie), alors elle ne pourrait qu’être inférieure en importance à l’enseignement apostolique. Puisque la prophétie du Nouveau Testament n’est pas cela, il n’y a pas lieu de subordonner le don de prophétie au don d’enseignement.
B. Le don de miracles
Je suis également globalement en phase avec Wayne Grudem lorsqu’il considère les miracles comme recouvrant toutes sortes d’activités par lesquelles la puissance de Dieu devient manifeste. Je définirais peut-être les miracles un peu autrement, en faisant moins jouer la notion de puissance et plus celle d’inhabituel : un miracle, c’est un acte de Dieu par lequel il dirige et soutient le monde qu’il a créé, non de manière ordinaire, mais de manière inhabituelle. Toutefois, je peux rejoindre la définition de Grudem dans ses grandes lignes, puisque lorsque Dieu agit inhabituellement, sa puissance est généralement bel et bien mise en évidence. Si, tout comme Wayne Grudem, je ne veux pas restreindre la période où les miracles divins sont donnés à la seule période apostolique, j’ajouterais toutefois, à la différence de Grudem, que la fonction théologique des miracles est l’authentification du message de l’Évangile : pour cette raison, il est normal que la période apostolique en ait eu plus besoin que les périodes subséquentes – et que dans les périodes subséquentes jusqu’à nos jours, c’est sur le front missionnaire, là où l’Évangile est en pleine expansion quant à sa proclamation que l’on est en mesure de s’attendre à plus de miracles. De là à dire qu’il y a des personnes qui, après l’époque apostolique, ont le don des miracles attaché à leur personne, il y a un pas que je ne franchirais pas, mais des miracles voulus et accomplis ponctuellement par Dieu, parfois par l’intermédiaire de chrétiens, certainement !
C. Le don de guérisons
Enfin, j’ai trouvé utile la discussion de Grudem sur la guérison, car il apporte un rappel nouveau et nécessaire (surtout pour ceux d’entre nous, calvinistes, qui ont un profil psychologique qui tend vers la résignation) que la maladie n’est pas la volonté révélée de Dieu, que Jésus est venu aussi pour ôter la douleur physique, et que Dieu guérit fréquemment par la foi et la prière. Ce ne devrait pas être quelque chose que les cessationnistes qui veulent empoigner fermement leur Bible redoutent d’admettre – sans devoir pour autant faire de la recherche de la guérison physique, mentale ou émotionnelle une caractéristique centrale de leur piété.
Illustration : La Pentecôte dans le missel de Sherbrooke, parchemin du XIVe siècle originaire d’Angleterre (Aberystwyth, bibliothèque nationale du pays de Galles).
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