À l’occasion de l’instauration du passe vaccinal appliqué aux Églises du Québec, j’ai eu l’occasion d’écouter le discours d’une personne dont je ne dirai pas le nom. Sans approuver formellement le passe vaccinal, il défendait l’idée que s’assembler n’était pas un commandement divin, et que par conséquent il n’y avait pas d’atteinte de la loi divine dans le passe vaccinal. À ses yeux, nous avons durci un modèle qui n’est pas biblique, notamment au niveau cérémoniel. Il attaque les confessions de foi réformées qui ont, selon lui, rendu obligatoire ce qui n’était pas dans les Écritures.
Dans cet article, je vais simplement défendre l’idée qu’assister aux assemblées est bel et bien une ordonnance de Dieu, et que tout doit être fait pour protéger ce droit, à l’image de ce qu’on fait les huguenots du XVIIIe siècle. Nos pères dans la foi n’ont pas rigidifié quelque chose de non biblique : ils sont en fait plus bibliques que certains évangéliques contemporains.
Je ne pourrai pas dans cet article me prononcer sur les détails du passe vaccinal, car ce serait trop long, et je ne suis pas convaincu que mon avis soit vraiment nécessaire à mes frères du Québec. Ils savent que faire, et ont surtout besoin de mon intercession, que j’offre volontiers. Je ne m’oppose ici qu’à ceux qui pensent trouver un échappatoire en disant que les assemblées ne sont pas un ordre de Dieu.
Je commencerai par synthétiser l’argument de mon interlocuteur, qui saura se reconnaître. Puis, en réponse, je m’appuierai énormément sur le livre La nécessité du culte public parmi les chrétiens d’Armand Boisbeleau de la Chapelle, écrit en 1747 pour défendre l’Église du Désert, les huguenots résistants à la révocation de l’édit de Nantes, privés de liberté de culte. Je procède ainsi (1) parce que c’est un excellent livre sur le sujet, et qu’il est bien pratique de partir sur ce qui a déjà été construit ; (2) pour faire la connexion entre les luttes des Églises du Québec et celles des Églises réformées de France. Tenez bon mes frères, vos pères ont déjà eu ce débat avant vous, et les défenseurs de la discrimination sont tombés dans l’oubli.
Sans introduction supplémentaire, rentrons dans le sujet : les assemblées religieuses sont une ordonnance de Dieu.
Ce qui a été dit contre l’obligation des assemblées
Je résume d’abord le discours de mon interlocuteur. D’après lui, le dimanche n’est pas imposé par les Écritures. Il n’y a pas d’ordonnance du Seigneur pour le dimanche. Les Églises sont instituées bien sûr, mais rien de précis sur le dimanche. Jésus n’a pas fait d’assemblées de façon régulière en un jour particulier et un lieu ou type de lieu précis. Se réunir n’est pas un commandement au même titre que les dix commandements. On a durci un modèle qui n’est pas biblique, notamment au niveau cérémoniel.
Voici pour un premier argument. Je relèverai simplement qu’il joue sur l’équivoque : évoquant le jour du dimanche il fait remarquer à juste titre que l’établissement de ce jour particulier relève de la coutume et tradition davantage que du commandement explicite. À mes yeux, Apocalypse 1,10 montre que pourtant, déjà à l’époque des apôtres, il y avait un jour particulier pour les assemblées, et que ce « jour du Seigneur » est très probablement le dimanche. Mais ce n’est pas le plus important. L’important, c’est que mon interlocuteur fait une confusion entre s’assembler le dimanche en particulier, et le principe de s’assembler en un jour particulier général. Selon lui, parce qu’il n’est pas écrit « Tu t’assembleras le dimanche », il n’y a aucun commandement de s’assembler en aucun jour. C’est ce qu’on appelle une erreur de composition, qui invalide le raisonnement.
Je reprends son deuxième argument. Il relève le contraste entre le flou du Nouveau Testament et la règle hyper rigide de la liturgie de l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament plaque tout et part dans le flou. Donc c’est que le Nouveau Testament n’exige pas de liturgie publique, contrairement à l’Ancien Testament.
Voilà pour le deuxième argument contre lequel j’ai cette objection : on peut interpréter la même chose à l’envers ; loin de rejeter l’Ancien Testament, le Nouveau Testament le prend pour acquis, et ne fait que modifier certains aspects : abolition des sacrifices, ouverture du clergé à toute personnes selon certaines qualifications, abandon de la circoncision et donc de l’ethnicité de l’Églises… mais tout le reste (liturgie élaborée, lectures, solennelité du culte…) demeure et est considéré comme acquis par les apôtres ! Cette interprétation est validée par le fait que l’Église a très tôt eu des cultes solennels plutôt que spontanés : on a perpétué et adapté les liturgies synagogales.
Je réaborderai ce point plus tard dans l’article, mais à la racine de cette divergence se trouve aussi une théologie des alliances différentes : les baptistes considèrent que la Nouvelle Alliance tranche radicalement avec l’Ancienne Alliance, et c’est le cas de mon interlocuteur. Ils auront donc tendance à les opposer. Les réformés considèrent que la Nouvelle Alliance est la continuité de l’Ancienne Alliance, et il va donc avoir tendance à compléter l’une par l’autre. C’est mon cas.
Je reprends la synthèse de mon interlocuteur. Troisième argument : Si le rassemblement du Dimanche était une ordonnance, alors faire autre chose le dimanche est-il interdit ? Ou bien inversement, les rassemblements de l’Église en semaine sont-ils une loi de Dieu ? On a vraiment une géométrie variable sur le sujet.
Ma réponse : Oui ! En fait cette objection n’est valable que pour des évangéliques qui veulent conserver le sabbat sans la structure confessionnelle. Nos pères réformés étaient très clairs que tous les loisirs et toutes les activités n’étaient pas permises le jour du Seigneur, et que manquer aux assemblées était une désobéissance à Dieu, passible de discipline. Regardez comment les réformés écossais gardent le jour du Seigneur, et vous verrez que cette objection n’en est pas une.
Enfin, mon interlocuteur traite Hébreux 10,25 : N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns ; mais exhortons-nous réciproquement, et cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour. Ce texte ne parle pas de tous les dimanches, il était seulement destiné à des juifs tentés de retourner vers la synagogue plutôt qu’à l’Église. Il ne s’agit pas tant de culte que d’appartenance à la bonne assemblée. Bref, on peut faire autre chose que le rassemblement du dimanche.
Je réponds que je peux lui concéder ce point si ça lui fait plaisir, car l’obligation d’assister aux assemblées s’appuie sur toute la Bible, et non seulement un verset d’un livre du Nouveau Testament. À présent, passons à la « réponse » qu’a faite Armand de la Chapelle il y a trois siècles, à un autre protestant qui, lui aussi, disait que les assemblées n’étaient de toute façon pas bibliques.
La défense des assemblées par Armand de la Chapelle
Je ne présente bien sûr ici qu’une brève synthèse de son ouvrage et vous en conseille la lecture.
Preuve de la nécessité des assemblées publiques avant Moïse
Même sans la Chute, il y aurait tout de même eu un culte public pour les actions de grâce, à l’image du culte que les anges rendent à Dieu1. Il serait fondé sur la loi naturelle, écrite dans le coeur des hommes2. Ainsi donc, avant même toute Écriture, il y a bien un commandement du culte public.
Autre raison de croire que ce culte public est une loi naturelle : toutes les nations ont une forme ou une autre de culte public, de prières publiques, etc.
Dès le début de la Création, Dieu mit à part le septième jour pour le bénir et le sanctifier, ce qui montre qu’il avait en tête ce culte public dès le départ. Même si les détails liturgiques devaient venir plus tard, il y avait déjà le principe d’une liturgie publique.
Le péché change les modalités, mais pas le principe : on doit désormais ajouter au culte la pénitence, pour gérer les fautes qui font écran à Dieu. Il faut ajouter des prières d’humiliation en plus des actions de grâce. L’exemple de Caïn et d’Abel est invoqué : leur sacrifice fut public, puisque Caïn put voir les effets du sacrifice de son frère, tandis qu’il fut humilié de l’échec du sien.
Les sacrifices sont-ils d’institution divine ou humaine ? Sans trancher dans un débat du XVIIIe siècle, La Chapelle dit simplement que même si l’institution n’était pas divine, Dieu a si puissamment approuvé ce moyen que cela compte comme une institution divine.
Ensuite, ce culte public se fixe à des endroits particuliers : Genèse 4.26 Alors on commença à invoquer le nom de l’Éternel. en parlant des descendants de Seth. Cette expression renvoie dans la Genèse à des lieux particuliers où l’on peut invoquer Dieu. C’est ce que l’on voit en Genèse 13,4, 21,33, 36,25, 33,20, 12,8. Genèse 4,26 désigne donc le moment où a emergé un culte public et visible.
Les sacrifices ont continué après Abel, puisque les bêtes qui montent dans l’arche de Noé sont pures et impures, une distinction cérémonielle qui n’a de sens que pour les sacrifices publics. Or, ici, on voit qu’elle est en usage du temps de Noé. On y voit d’ailleurs un signe supplémentaire de la puissante approbation de Dieu quant à cet usage : pourquoi l’aurait-il suivie, s’il n’était pas d’accord avec les sacrifices, qui sont une part du culte public ? De même, Dieu agrée le sacrifice de Noé après le Déluge.
Objection : Abraham n’avait pas de culte public. Ce n’était qu’un culte familial et privé.
Réponse: Pourtant, il a élevé des autels et rendu un culte visible qui allait au delà de la sphère domestique. Il n’a pas reçu de commandement pour un culte public, parce qu’il y en avait déjà établi depuis la Création. De même, dire qu’Israël n’avait pas de culte public du temps de l’Égypte est hasardeux et infondé.
Preuves de la nécessité des assemblées publiques sous la Loi de Moïse
Il est incontestable — et incontesté — que l’Ancien Testament décrit et préssupose un culte public. La Chapelle en établit cinq parties instituées par Moïse :
- L’action de grâce, établie depuis la Création, et représentée par les sacrifices de remerciement. Aussi: le culte de pénitence et d’humiliation, établi depuis la Chute, représenté par les sacrifices expiaitoires et les holocaustes.
- La profession publique de l’alliance divine, représentée par les offrandes de paix et les sacrifices de propitiation.
- Le ministère est drastiquement réduit à une seule famille, celle d’Aaron, et un seul lieu, le Tabernacle puis le Temple de Jérusalem.
- Un culte de louange en musique est institué par David, à partir des trompettes commandées par Moïse.
- Lecture publique de la parole de Dieu. Déjà du temps de Moïse, il ordonne de lire la Loi tous les sept ans lors de la fête de Pentecôte. Cette lecture était entourée de beaucoup de solennités. Ensuite, pendant l’Exil, afin d’éviter que le peuple n’oublie Dieu, on mit en place les synagogues, qui du temps de Jésus étaient un usage ancien et bien établi.
De là, La Chapelle établit quatre propositions qui prouvent la nécessité du culte public pour aujourd’hui, contre son interlocuteur de l’époque. Je n’en retiens que deux, utiles dans le débat particulier que je traite:
- Aucune autorité temporelle ne put le dissoudre ou s’en dispenser.
- Il a été perfectionné et non détruit par le Nouveau Testament.
Le culte public de Moïse était une obligation imposée par Dieu
L’interlocuteur de La Chapelle prétendait aussi que le culte public était indifférent parce que ni Dieu ni les fidèles ne se plaignaient de la disparition du culte public lors des périodes où il était aboli (par ex, sous Achab). Contre cela, La Chapelle fait remarquer que:
- Les fidèles se sont lamentés de la perte du culte public, comme lorsqu’Israël a perdu l’arche de l’alliance entre les mains des Philistins3. Quelle contrariété affiche David de ne pas pouvoir bâtir le Temple4. Les lévites et autres israélites se sont indignés face aux réformes de Jéroboam5 et ils exultent lorsqu’Ézéchias restaurent le culte du Seigneur6. Jamais ils ne sont indifférents aux cérémonies et au culte public.
- Dieu a sévèrement puni les innovateurs en matière de rituel et cérémonies, comme Nadab et Abihu7, Ozias8. L’autel des rubénites ne demeura que parce qu’il n’était pas cultuel, et les hauts lieux furent toujours condamnés, même quand ils étaient consacrés à l’Éternel. C’est donc que ces cérémonies sont importantes aux yeux de l’Éternel.
Il semble pourtant qu’on a un contre exemple de l’obligation des assemblées religieuses. Sous le roi Achab, le culte de l’Éternel est si bien interdit en Israël qu’Elie croit être seul. Un ange lui révèle alors qu’il existe 7 000 fidèles qui ne pratiquent pas le culte public, mais restent fidèles à Dieu. En tout cas, l’interlocuteur de La Chapelle y voyait la preuve que le roi avait le droit de supprimer les assemblées publiques dans l’Ancien Testament, en vue de montrer que dans la Nouvelle Alliance, les autorités peuvent encore plus facilement suspendre le culte.
La Chapelle répond ceci:
- Élie se plaint d’être le seul prophète qui reste, pas le seul croyant.
- Ni Jéroboam ni aucun roi n’a interdit à son peuple d’aller rendre un culte à Jérusalem. Tout ce qu’ils ont fait est d’établir et d’encourager un culte parallèle au culte de Dieu.
- Ce n’est pas que le reste d’Israël n’assistait pas à un culte public, c’est qu’il assistait à un culte idolâtre gêré par les rois d’Israël.
- Cette politique est condamnée par Dieu.
- La raison pour laquelle les 7 000 ne faisaient pas de culte à leur sauce est leur respect pour la loi de Dieu, qui ne voulait rien d’autre qu’un culte à Jérusalem seul, par un fils d’Aaron exclusivement, et que c’était matériellement impossible pour eux. Ce n’est pas parce qu’ils adhèrent aux commandement d’Achab.
- Il n’est pas exclu que certains aient fait le voyage jusqu’à Jérusalem : rien ne l’empêchait après tout. Affirmer donc à partir de là, qu’ils étaient tous de bons petits sujets du roi sur ce point est une spéculation infondée.
Ce culte a été perfectionné et non aboli sous le Nouveau Testament
Nous avons vu que mon interlocuteur prétend que le culte de l’Ancien Testament a été aboli, parce que le culte du Nouveau Testament n’est pas décrit avec beaucoup de détails. Voici ce qu’en répond La Chapelle :
Nous avons vu que Dieu mérite un culte public parce qu’il est :
- notre créateur et bienfaiteur, à qui nous devons des actions de grâce.
- le sauveur de tous les hommes, à qui nous devons notre culte pénitentiel, nos invocations, nos requêtes et nos demandes de protection.
Ces aspects sont renforcés et non gommés par l’Évangile. Tout un chapitre sera consacré aux preuves du culte public dans le Nouveau Testament, mais il faut déjà clore sur l’interprétation de l’Ancien.
Opposer ainsi Ancien et Nouveau Testament comme l’a fait mon interlocuteur, c’est oublier que la Loi était l’ombre de l’Évangile, une image de l’Évangile à venir (Colossiens 2,17 ; Hébreux 10,1). La Loi tend vers l’Évangile, et l’Évangile préssupose la Loi.
Certes, il y a eu des choses abolies sous la Nouvelle Alliance. Mais même ces ruptures ont une continuité : aux sacrifices d’animaux s’est substitué un culte entièrement raisonnable, le sacrifice de notre propre corps dans une vie sainte, et des sacrifices de louange issues de nos propres lèvres. À la place de la lignée d’Aaron, notre unique grand-prêtre Jésus-Christ. À la place du Temple unique de Jérusalem, chaque croyant est un temple du Saint-Esprit.
Preuves de la nécessité du culte public tirées du Nouveau Testament
Mon interlocuteur a artificiellement limité le champ des preuves acceptables au Nouveau Testament. Ce n’est pas un souci, car La Chapelle y consacre son plus long chapitre.
Il procède en établissant la vérité des propositions suivantes :
- La profession publique et constante de la foi chrétienne est d’une indispensable nécessité pour le salut.
- Il est nécessaire, pour cette profession publique, que les chrétiens se forment entre eux des assemblées de religion.
- Ces assemblées, qui entrèrent dans le plan de Jésus-Christ, furent instituées par les apôtres.
- La nécessité d’assister à ces assemblées, autant que faire se peut, est un devoir de conscience qui ne relève d’aucune autorité temporelle.
Procédons dans l’ordre.
La profession extérieure est indispensable
Nous sommes d’accord pour dire qu’il est nécessaire de croire pour être sauvé. Cette foi est d’abord intérieure, mais elle se voit à l’extérieur par le moyen de la profession publique.
Il ne fait aucune difficulté qu’une profession extérieure sans foi intérieure n’a aucune valeur. Mais le problème ici est de savoir ce qu’il en est d’une foi intérieure sans profession extérieure. La Chapelle fait remarquer au moins un élément qui ne colle pas avec cette dissociation complète entre foi et profession publique : c’est que le Nouveau Testament affirme que cette profession extérieure est indispensable.
C’est ce qui est dit en toutes lettres par Jésus-Christ : Quiconque se déclarera publiquement pour moi, je me déclarerai moi aussi pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux9Ou bien encore : Quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura aussi honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père, avec les saints anges10.
On voit ici qu’il ordonne d’une part de professer publiquement et extérieurement notre foi chrétienne, et il menace ceux qui refuseraient d’assumer publiquement leur foi. Et par dessus les paroles de Jésus, il y a celles de Paul : Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car c’est en croyant du cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut11. On peut difficilement être plus explicite quant à l’aspect extérieur et public de la profession, lié en plus au salut de notre âme!
Objection : À quoi bon professer publiquement sa foi face à un Dieu qui sonde le cœur et les reins et connaît ma foi ?
Réponse:
- La consécration de nos corps à Jésus-Christ. Jésus a offert son propre corps pour nous, et nous devons offrir nos corps pour la sanctification qu’il opère en nous. La profession de foi fait partie des manières de glorifier Dieu dans notre corps, conformément à sa volonté.
- Pour glorifier Dieu. Le glorifier de façon uniquement intérieure, c’est renoncer à le faire de façon visible et de le faire connaître à d’autres. Jésus a demandé à ce que notre lumière soit visible devant tous les hommes12 et cela ne peut se faire que si nous glorifions visiblement Jésus-Christ.
- L’intérêt de la religion chrétienne. À quoi serviraient les bonnes oeuvres, l’irénisme chrétien, la douceur des paroles et l’aumône si l’on n’assumait pas publiquement leurs principes et fondations ?
- L’union fraternelle entre chrétiens, dont Jésus a demandé qu’ils s’aiment les uns les autres, et qui nécessite donc une profession publique pour se reconnaître entre eux.
- Parce que nous sommes encouragés à être candides et transparents et amoureux de la vérité en toute circonstances, et que cacher sa foi relève plus du mensonge et de la dissimulation.
Les assemblées publiques sont nécessaires à cette profession publique
Il ne suffit pas de se rassembler en privé, ou en famille. Il y a quatre avantages à professer publiquement sa foi dans un culte public :
- Rendre à Dieu nos hommages commun, comme nous l’avons suffisamment établi jusqu’ici.
- Marquer notre fraternité avec d’autres frères en Christ. Il y a plusieurs passages enseignant en termes très nets l’égalité et la solidarité entre chrétiens 13. Or, pour cela, il faut avoir une espérance et des pratiques communes.
- Déclarer solennellement que nous appartenons à Jésus-Christ. Les paroles où Jésus nous ordonne de le confesser devant tous les hommes (même hostiles) étaient destinées à des chrétiens sans accès aux magistats. C’est donc entre eux qu’ils doivent le confesser premièrement.
- Affermir comme on peut notre foi salutaire. La meilleure façon de renforcer notre foi prête à tomber en permanence est justement d’assister à un culte public, pour l’affermir. C’est quasiment le seul endroit où il peut parler de Jésus.
Le culte public permet :
- de rendre la profession de foi habituelle, et donc mieux ancrée en temps de persécution.
- d’écouter la parole de Dieu, ce qui est un véhicule d’apprentissage puissant, et ce d’autant plus que trop souvent on méprise la lecture à la maison. Les prédications aident à s’approprier la Bible et à soumettre toute pensée captive à Christ.
- de marquer nos souvenirs par le décor et la liturgie afin que nous retenions mieux ce qui est enseigné.
- d’adresser des requêtes à Dieu pour pouvoir marcher à chaque pas avec Christ. Or, les prières publiques sont plus efficaces que les requêtes privées, comme l’a dit Jésus-Christ14.
C’est Jésus qui a fondé le principe même des assemblées
Tout d’abord, il a mentionné son désir de bâtir l’Église lorsqu’il dit aux apôtres des choses comme Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église15. Cette Églises était appelée à remplacer la Loi et donc à supplanter l’Ancienne Alliance. La loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean : depuis ce temps-là, le Royaume des Cieux est évangélisé16. Cet établissement était proche17 et l’on serait intégré au peuple de l’alliance d’une nouvelle façon, plus spirituelle et moins ethnique18. La Chapelle liste quelques autres différences.
Mais malgré ces différences, il préssupose tout de même la continuité d’assemblées, même si elles ne seraient plus pour sacrifier des animaux à Jérusalem. Pour citer les plus pertinentes :
- La sainteté n’est plus attachée à un lieu mais aux assemblées14.
- Jésus donne un formulaire pour la prière, le Notre Père, ce qui n’a de sens que pour un culte public.
- Les sacrements institués dans le Nouveau Testament sont compris comme étant faits dans une assemblée publique.
En fin de compte, le plus fort témoignage c’est lorsque Jésus dit : Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom14… Comment peut-on récupérer ce verset pour l’appliquer aux petits groupes de prières, et rater le fait qu’il implique aussi de plus grandes assemblées ?
Ce sont les apôtres qui ont fondé la pratique des assemblées publiques
Les apôtres ont prêché publiquement l’Évangile, conformément au commandement de Jésus-Christ19. Loin de l’interdire si jamais le roi est en désaccord, Jésus les a prévenus que cela serait un obstacle à surmonter20 et qu’il y aurait tensions et désaccords. D’ailleurs Jésus lui-même a eu de grandes assemblées où il prêchait en enseignait les doctrines religieuses du royaume de Dieu, parfois même à la synagogue ou au Temple. Les apôtres aussi, loin de faire de discrètes rencontres, faisaient aussi de grandes assemblées publiques, comme à la Pentecôte.
Certes, mais ne s’agissait-il pas de petites Églises de maisons qui ne faisaient pas de bruit ? La Chapelle admet qu’en effet dans les premiers temps c’était dans les maisons, et non dans des lieux de réunion fixes. Il fait remarquer que c’est davantage dû au fait que le lieu fixe n’avait pas encore été désigné, plutôt que par opposition de principe aux grandes assemblées. De même, loin de se conformer à la volonté des autorités, les apôtres ont rejeté l’idée de limiter la prédication, et ont continué à prêcher publiquement, devant une assemblée de gens.
Les apôtres ont organisé un culte public à plus long terme, lorsqu’ils ont nommé des bergers et des pasteurs pour guider un troupeau21.
La nécessité des assemblées publiques ne dépend que de Dieu, et non de l’État
Le décret du gouvernement ne suspend pas notre devoir d’assister aux assemblées. Le culte est bien plus qu’une affaire strictement civile soumise à l’arbitraire du gouvernement. Comme le disaient même les opposants aux assemblées dissidentes du XVIIIe siècle:
L’intérêt de la Cité de Dieu doit engloutir celui de l’État quand il n’y a pas moyen de les concilier.
Cette supériorité de l’un sur l’autre est confirmée par Jésus en Matthieu 10,28, s’il y a besoin de le rappeler. Nous avons aussi montré que certes le culte intérieur est important, mais que le culte extérieur est tout autant inclus dans le commandement de Dieu, puisque nous devons le glorifier avec nos corps22.
Il est temps de conclure sur ces paroles d’Armand de La Chapelle:
Au moins nous avons la consolation que tout le monde entend comme nous, et ne peut entendre autrement, cette déclaration de Jésus-Christ : Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant Dieu le Père qui est dans les cieux.
Confessons donc Dieu devant les hommes.
Conclusion pour les Églises du Québec
Bien que je n’y sois pas exposé, j’ai eu vent de la détresse des pasteurs et des assemblées du Québec, et des énormes difficultés qu’ils rencontrent à garder leur troupeau entier, et à quel point cela n’a rien d’évident. À mes lecteurs pasteurs québécois, que j’aurais l’audace d’appeler ici mes pères, car ils me sont supérieurs en dignité, j’adresse le message suivant :
Mes pères, Dieu ne vous en voudra pas d’avoir été de faibles humains incapables de lui obéir parfaitement, car si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses... Et quand bien même vous n’arriveriez pas à trouver de moyen de contourner prudemment les règles gouvernementales, souvenez-vous qu’Il ne nous traite pas conformément à nos péchés, il ne nous punit pas comme le mériteraient nos fautes, mais autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant sa bonté est grande pour ceux qui le craignent ; autant l’orient est éloigné de l’occident, autant il éloigne de nous nos transgressions. Comme un père a compassion de ses enfants, l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent, car il sait de quoi nous sommes faits, il se souvient que nous sommes poussière.
Mais par pitié, mes pères, char et cavalerie de l’Église ! Ne prêchez pas que les assemblées ne valent pas la peine que l’on se batte pour elles ! Ne dites pas qu’elles ne sont pas un commandement de Dieu ! Ne renoncez pas à prêcher cette sainte et divine obligation, ne serait-ce que parce que vos charges pastorales en dépendent ! Et si ce n’était que vos charges ! Votre vocation devant Dieu est justement de convoquer et encadrer ces assemblées, car Dieu a un peuple, et ce n’est qu’assemblés en peuple que nous pouvons lui rendre tous nos hommages. Si nous sommes soldats du Christ, alors vous êtes nos officiers. Ne tordez pas la vérité pour apaiser les tensions auxquels vous êtes soumis : ces tensions seront toujours là, et vous aurez la colère de Dieu contre vous, et la destruction de vos assemblées sur la conscience.
Souvenez-vous du sort de ceux qui ont emprunté cette voie d’esquive auparavant : ils ont sombrés dans l’oubli, et ils sont restés sans postérité. À l’inverse, Dieu a honoré et proclamé la gloire de ceux qui ont tenu les assemblées pleines et entières, même lorsqu’elles étaient très désaprouvées par le gouvernement terrestre. Ne vous laissez pas endurcir ce point : ce serait pour un sommeil de mort.
Par pitié, mes pères, officiers et cadres de l’Église de Notre-Seigneur : faites ce que vous pouvez ou ne pouvez pas, mais ne changez pas la loi de Dieu. Il est notre Seigneur, et il veut son armée assemblée. Il est notre Sauveur, et il veut son troupeau assemblé, plutôt que dispersé.
Souvenez comment Dieu intervint contre Achab, et contre tous ceux qui avancèrent contre son culte. Il est plus puissant que tous nos ennemis, et il n’a pas fini d’agir. Ne paniquez pas, nous sommes avec vous aussi, et nous vous aimons. Soyez fort pour notre Dieu et vos assemblées.
Ô Seigneur, Dieu d’Israël, toi qui t’opposa à Achab parce qu’il empêchait ton culte, enlève tout obstacle à la tenue des assemblées de tes enfants du Québec ! Amen.
Illustration :
- Job 38,7 ; Ésaïe 6,3 ; Luc 2,13-14 ; Apocalypse 5,8-14 ; 19,1-6.[↩]
- Romains 2.[↩]
- 1 Samuel 4.[↩]
- Psaumes 42,2-5 ; 74,1-9 ; 84,2-8 ; 137,1-6.[↩]
- 2 Chroniques 11.[↩]
- 2 Chroniques 29.[↩]
- Lévitique 10,1-2.[↩]
- 2 Chroniques 26,16-19.[↩]
- Matthieu 10,32-33.[↩]
- Marc 8,38.[↩]
- Romains 9,9-10.[↩]
- Matthieu 5,16.[↩]
- Galates 3,28 par exemple.[↩]
- Matthieu 18,20.[↩][↩][↩]
- Matthieu 16,8.[↩]
- Luc 16,16.[↩]
- Matthieu 4,13.[↩]
- Jean 3,5-18.[↩]
- Matthieu 10,27.[↩]
- Matthieu 10,17 ; 18,21.[↩]
- Actes 14,23.[↩]
- 1 Corinthiens 6,20.[↩]
Étienne Omnès a fort raison d’affirmer qu’assister au culte dominical est un ordre de Dieu. Il a bien raison de répondre comme il l’a fait à ce Québécois remettant en question l’impératif divin de s’assembler le dimanche, qui est une évidence dans les Écritures. Mais j’espère qu’Étienne Omnès admet que le gouvernement civil doit être respecté par l’Église (1 Pierre 2:13-17, Romains 13:1). J’espère qu’il n’utilise pas l’exemple des Huguenots du XVIIIe siècle pour nous inciter à la désobéissance civile lorsque nos gouvernements nous demandent de ne pas nous réunir durant une période critique d’une pandémie mondiale. J’espère qu’il ne compare pas nos gouvernements légitimes, aux prises avec des problèmes logistiques et sociaux compliqués, avec l’ignoble roi Achab.
J’espère, mais je crains que ce soit le cas.
Ce qui est frappant (et révélateur) dans l’article d’Étienne Omnès et aussi dans l’article de Maxime Georgel du 3 janvier 2022 sur le site Par la Foi (« Problèmes éthiques posés par la vaccination covid »), c’est que les deux auteurs passent sous silence les conséquences tragiques des rassemblements interdits ou du refus de la vaccination : saturation des hôpitaux, report d’hospitalisations (parfois pour des cancers !), épuisement du personnel hospitalier. Lorsqu’on donne un avis théologique sur l’impératif de se réunir le dimanche, ou un avis sur la licéité d’un vaccin, un bon jugement implique une réflexion globale, en soupesant tous les tenants et aboutissants. Ça n’est clairement pas le cas dans ces deux articles.
L’article de Brad Littlejohn, sur le site Par la Foi du 12 août 2020, exprime un point de vue plus équilibré sur l’attitude de l’église dans les périodes de pandémie [https://parlafoi.fr/2020/08/12/christ-et-cesar-une-reponse-a-john-macarthur/]. Sa référence aux écrits du Puritain Richard Baxter est un rappel que nos ancêtres dans la foi, face aux situations sanitaires graves, ont su user d’une sagesse qui semble manquer à certains intellectuels chrétiens d’aujourd’hui :
Considérer ce que disait Richard Baxter il y a 350 ans :
Question 109 :
Pouvons-nous ne pas nous assembler le dimanche, si le magistrat l’interdit ?
Réponse :
1. C’est une chose que de les interdire pour un temps, pour une cause spéciale (comme les infections des pestilences, le feu, la guerre, etc.) et une autre que de les interdire pour des raisons politiciennes ou profanes.
2. C’est une chose d’interdire pour un temps, une autre que d’interdire de façon permanente.
3. C’est une chose que de les interdire par obéissance formelle à la loi ; et une autre de le faire par prudence, ou par nécessité, parce qu’on ne peut pas garder ces rassemblements.
4.L’assemblée et les circonstances de l’assemblée doivent être distinguées. Si le magistrat interdit les rassemblements cultuels pour un bien supérieur (comme la sécurité publique) dans des temps de pestilence, d’attaques ennemies, ou de feu, ou de nécessités semblables, alors c’est un devoir de lui obéir : (1) Parce que ces ordres positifs se font en vue des devoirs naturels qui leur sont supérieurs. C’est ainsi que Christ s’est justifié lui-même et ses disciples quant à la violation du repos extérieur lors du sabbat « le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ». (2) parce que ces ordres positifs ne lient pas ad semper [pour toujours], et que les régulations à contre-temps sont des péchés. (3) Parce que le jour du Seigneur ou du rassemblement n’a pas à être préféré à beaucoup d’autres, comme si l’omission d’un seul compromettait tous les autres…
Le slogan du site Par la Foi est de « découvrir les trésors de la sagesse chrétienne »…
La vision du site consiste en « une redécouverte, pour l’Église contemporaine, du protestantisme historique »…
En ce temps de pandémie et de mesures sanitaires gouvernementales, cet extrait d’un texte de Richard Baxter est un de ces trésors du passé protestant qu’il serait salutaire de considérer avec attention.
Bonjour,
Etienne Omnès a peu de chance de l’ignorer, car c’est aussi Etienne Omnès qui a traduit l’article de Brad Littlejohn, et Etienne Omnès approuve toujours ce qui a été publié il y a quelques mois. Etienne Omnès s’appuie sur la même citation de Baxter que vous:
» C’est une chose que de les interdire pour un temps, pour une cause spéciale (comme les infections des pestilences, le feu, la guerre, etc.) et une autre que de les interdire pour des raisons politiciennes ou profanes »
Il est aujourd’hui plutôt malhonnête de maintenir que nous sommes dans un état exceptionnel, lorsque le virus dont on parle a désormais une mortalité inférieure à celle de la grippe, un âge médian des décès supérieur à l’espérance de vie, une charge hospitalière qui était déjà présente auparavant à cause des politiques d’austérité, et qui a été aggravée par les suspensions de personnel, puisque nous préférons faire travailler des infirmières vaccinées et malades du covid plutôt qu’une infirmière non vaccinée et saine. Plus de 80% des opérations chirurgicales annulées lors de cette dernière vague l’ont été par manque de personnel, et non parce que le Covid prenait trop de lits.
D’autre part, le critère de Baxter ne saurait s’appliquer à un pass vaccinal dont la logique est d’exclure du culte le non-vacciné sain et accueillir le vacciné contaminé, si bien que la « pestilence » circule malgré tout dans l’Eglise.
Enfin, en France, il est possible de dire que la cause des restrictions du culte sont officiellement politiciennes et profane, car notre magistrat a lui-même déclaré que l’objectif de son pass vaccinal était d’embêter les non-vaccinés. Avec un mot plutôt profane.
La sagesse n’est pas la modération: elle est surtout la prudence et la conformité au réel.
Vous semblez n’avoir lu que partiellement l’article de Bradford Littlejohn ou l’avoir fait avec un présupposé qui n’est plus tenable aujourd’hui. En effet, tout l’argument ne tient que si l’on maintient une vision catastrophiste de notre situation. Or il est manifeste pour tout le monde désormais que le COVID n’est pas la peste noire. Pour ma tranche d’âge, la probabilité de survivre lorsqu’on l’attrape est supérieure à 99,99%. Permettez-moi de considérer que, dans cette situation et malgré la mortalité restante, il est légitime que l’on ne stoppe pas la vie du monde entier pour permettre éventuellement la survie d’une population à risque, à supposer bien entendu que poser comme condition d’accès aux églises le vaccin (qui n’empêche pas la transmission) et non un test négatif, par exemple, fasse quoi que ce soit pour limiter la propagation de la maladie, ce que le simple bon sens récuse.
A l’hôpital où je travaille, tous s’accordent désormais à dire que les dernières mutations du virus l’ont rendu banal. Si le problème est la surcharge des hôpitaux, alors il faut agrandir les hôpitaux et recruter tout le personnel qui a fuit vers l’exercice libéral de la profession en raison des mauvaises conditions de travail. Enfermer les non-vaccinés négatifs et laisser libres les vaccinés positifs, en plus d’être d’aucune utilité pour ralentir l’épidémie, est donc un bricolage politique maladroit, pour faire accroire que le gouvernement est responsable et « lutte » contre le virus tout en poursuivant sa politique de saignées du système hospitalier. Des milliers de lits d’hôpitaux ont été fermé en France pendant que les non-vaccinés négatifs (et donc inoffensifs) étaient reclus. Cette politique irrationnelle et inefficace a couté très cher et tout cet argent aurait pu être employé à revaloriser le salaire des employés des hôpitaux, ce qui aurait stoppé en partie les démissions (ma sœur infirmière a démissionné pour partir en libéral entre deux vagues) voire attiré les libéraux. A mesure que les danois, les espagnols, les britanniques lèvent les restrictions partiellement ou totalement sans que l’on constate la moindre aggravation dans l’épidémie, il sera de plus en plus clair aux yeux de tous que les politiques adoptées étaient un cirque peu comique.
Ainsi, je vous suggère de compléter votre lecture de Littlejohn par celle-ci : https://parlafoi.fr/2020/09/26/lidolatrie-de-la-vie/
EN RÉPONSE AUX RÉPONSES D’ÉTIENNE OMNÈS ET DE MAXIME GEORGEL
Messieurs, j’ai réagi d’abord à certaines comparaisons déraisonnables entre la situation et les mesures sanitaires récentes et de vraies situations de discrimination ciblée (non-vaccinés d’aujourd’hui versus Huguenots du XVIIIème siècle ; des gouvernements élus imposant le passeport sanitaire versus l’ignoble roi Achab).
Essentiellement, vos réponses remettent en question la gravité de la pandémie. La situation est peut-être différente en France. Au Canada, dans un rapport commandé par l’Association médicale canadienne, on a estimé « qu’en raison des retards dans les soins courants accumulés jusqu’ici durant la pandémie,…, au moins 4000 décès supplémentaires non liés à la COVID-19 seront dénombrés. » Depuis le début de la pandémie, les hôpitaux du Québec reportent des milliers de chirurgies en raison des hospitalisations liées au virus. Le nombre de Québécois en attente d’une chirurgie depuis plus d’un an est passé de 18 500 avant la vague Omicron à environ 21 000 en l’espace de quelques semaines. [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1862699/patients-attente-chirurgie-quebec-dube-rattrapage]
Même si la COVID-19 a fait très peu de victimes dans votre groupe d’âge (grand bien vous fasse), en France comme au Québec, d’autres groupes d’âge ont été sévèrement touchés, particulièrement chez les non-vaccinés, qui se sont retrouvés en grand nombre en centre hospitalier, avec des conséquences tragiques pour d’innocentes victimes en attente d’opération (cancers, problèmes cardiaques). Aux mois de décembre et de janvier, la situation au Québec était critique, et il était normal _du moins, pas déraisonnable_ de demander la fermeture de tous les lieux publics de rassemblement, y compris les églises.
Votre insistance à blâmer les gouvernements et à leur prêter des intentions malveillantes me trouble (« la cause des restrictions du culte sont officiellement politiciennes et profane »). Bien sûr, ils ont commis des erreurs. Bien sûr, la capacité hospitalière n’était pas suffisante (particulièrement au Québec, où nous avons le tiers des lits par million d’habitants de la France). Cela est à dénoncer. Mais cette idée que « les politiques adoptées étaient un cirque peu comique » laisse à penser que les gouvernements ont fait exprès pour nous frustrer.
Cette vision paranoïaque est à la base de la pensée complotiste qui a mené à l’assaut du Capitole ou à l’occupation de notre parlement à Ottawa. Des manifestations auxquelles, malheureusement, plusieurs chrétiens se sont clairement associés. Il me semble qu’un principe chrétien fondamental est ici en jeu : ne pas présumer du mal. Et la question essentielle est celle-ci : quelle est la véritable attitude chrétienne en temps de pandémie ? En appeler à la désobéissance civile dès que le gouvernement demande de fermer tous les lieux de rassemblement, le temps que la situation s’améliore ? Se révolter parce que le gouvernement demande un passeport sanitaire pour entrer dans les lieux de culte, en sachant très bien que cette mesure durera peu de temps ? Des pasteurs du Québec ont fait cela, et je ne crois pas que cela a livré un bon témoignage chrétien, surtout que l’exigence du passeport aura duré… 2 dimanches !
Comme la vision du site Par la Foi est « une redécouverte, pour l’Église contemporaine, du protestantisme historique », j’invite mes interlocuteurs à lire le commentaire de Calvin sur 1 Pierre 2 et de relire ensuite certains passages très forts du texte d’Étienne Omnès. Calvin va très loin dans son avis de respect (soumission même face aux tyrans ! : »Ma réponse est celle-ci, que le gouvernement établi par Dieu doit être tellement apprécié par nous, qu’il honore même les tyrans lorsqu’ils sont au pouvoir. Il y a encore une autre réponse encore plus évidente, – qu’il n’y a jamais eu de tyrannie (et on ne peut pas l’imaginer) si cruelle et débridée qu’elle soit, dans laquelle une part d’équité n’est pas apparue; et de plus, une sorte de gouvernement, aussi déformé et corrompu soit-il, est encore meilleur et plus bénéfique que l’anarchie. »), alors que le texte d’Étienne Omnès appelle clairement à la désobéissance civile : « Mais par pitié, mes pères, char et cavalerie de l’Église ! […] Votre vocation devant Dieu est justement de convoquer et encadrer ces assemblées, car Dieu a un peuple, et ce n’est qu’assemblés en peuple que nous pouvons lui rendre tous nos hommages. […] vous aurez la colère de Dieu contre vous, et la destruction de vos assemblées sur la conscience. » J’en conclus que la colère de Dieu sera sur ceux qui ont auront suivi le conseil de Calvin…
Je rappelle une évidence : ni l’État français ni l’État québécois n’ont interdit la tenue des cultes de façon malveillante comme l’a fait Philippe II aux Pays-Bas, au 16ème siècle [https://bredenhof.ca/2022/02/14/the-protests-which-divided-reformed-churches/?fbclid=IwAR0gCGZDwlArj2ObVG–axP7Cd1S-5rRwj4r95UDKzDRimuAj4BQJ62RHtQ]. Certes, nos gouvernements manquent prodigieusement de considération pour les besoins spirituels de la population. Mais ne présumons pas outre mesure du mal : ils l’ont fait parce qu’ils croyaient que cela était nécessaire au bien du peuple. S’ils se sont en partie trompés, je ne doute pas que c’était de bonne foi.
En appeler à la désobéissance civile est chose grave. Gardons cette option pour des situations où la loi des hommes vient véritablement en collision avec la Loi de Dieu. Si l’on considère les dérives morales récentes de la société occidentale, cela ne saurait tarder. Alors, je serai à vos côtés.
Et étant donné les récents évènements en Ukraine, j’ajouterais ceci : si vous voulez voir un dirigeant qu’il est légitime d’associer au roi Achab, regardez plutôt vers la Russie…