Je remercie les éditions Excelsis d’avoir répondu favorablement à ma demande en m’envoyant gratuitement ce livre pour cette recension.
Le Charme de l’andréide1 est un excellent ouvrage approfondi, complet et accessible (avec des schémas) sur le transhumanisme d’un point de vue chrétien. Il l’aborde d’un point de vue culturel, historique, philosophique et théologique. L’auteur, Yannick Imbert est professeur d’apologétique à la Faculté Jean Calvin à Aix en Provence. Il suit une méthode apologétique appelée présuppositionnaliste2 (tenant de la méthode de Cornelius Van Til).
Pour information, vous pouvez aussi lire un livre Rechercher l’immortalité : folie ou réalité. Le défi du transhumanisme bien plus court du même auteur sur le même thème.
La définition du transhumanisme
Avant d’aller plus loin, il faut définir ce qu’est ce mot compliqué. D’après l’auteur lui-même, le transhumanisme est « un mouvement culturel, politique, et scientifique qui exige que chaque individu ait la liberté personnelle d’améliorer constamment ses capacités, acquises ou héritées, en vue d’un dépassement final et radical de l’humanité telle que nous la connaissons […] L’espoir transhumaniste vise la transformation radicale, par la technologie (et en particulier les NBIC3), de notre humanité4. ».
Pour préciser les choses, Imbert5 fait une distinction judicieuse entre transhumanisme et posthumanisme, deux notions à ne pas confondre :
- Le posthumanisme, c’est déconstruire puis redéfinir ce qu’est l’homme (la nature humaine), dépasser ses barrières/limites ;
- Le transhumanisme, c’est la transition, le chemin à parcourir jusqu’au posthumanisme à l’aide des avancées technologiques fulgurantes.
En gros, le posthumanisme est le résultat à atteindre et le transhumanisme le moyen à utiliser pour y arriver.
Résumé du livre
Le livre se découpe en quatre parties :
1. L’histoire du transhumanisme
Dans la première partie où l’auteur raconte l’histoire du transhumanisme depuis l’Antiquité jusqu’à notre époque. On passe d’abord des mythes fondateurs6 (l’épopée de Gilgamesh, le mythe d’Icare, le mythe de Prométhée) et des golems du judaïsme (des « proto-hommes » sans âme) au Moyen Âge aux automates créés par les scientifiques humanistes de la Renaissance.
Puis, à une époque plus récente, à la cybernétique (trois vagues), à la naissance d’institutions et à l’implication d’acteurs importants comme Norbert Wiehler, des anime (Ghost in the Shell, Albator, Astro Boy), la culture pop, la science-fiction (William Gibson, Philip K. Dick, H. G. Wells), des films (Star Wars, L’Odyssée de l’espace, Transcendence avec Johnny Depp) et des séries (Star Trek). Et enfin à la période où le transhumanisme s’organise et prend pied dans de grandes institutions (entreprises comme Google, Microsoft, des universités, etc.).
2. Une présentation du transhumanisme
La deuxième partie présente le courant qu’est le transhumanisme, ou plutôt ses divers branches comme le transhumanisme démocratique, le transhumanisme politique, les courants de la “singularité”, etc. Je l’ai personnellement trouvé très intéressante car elle a cassé le cliché que j’avais du transhumanisme.
En effet, je le voyais à tort ou bien comme un moyen pour une élite de dominer les autres grâce à une société de surveillance et de contrôle rendue possible par la technologie (ex : la reconnaissance faciale, la géolocalisation, l’identification biométrique). Comme c’est le cas dans Le panoptique du philosophe utilitariste Jeremy Bentham, le film Minority Report de Steven Spielberg ou plus récemment l’anime Psycho-Pass de Gen Urobuchi. Ou bien comme une anarchie où tout le monde ferait ce qu’il veut avec de nouveaux pouvoirs (vision pessimiste).
Il existe au contraire des courants qui croient sincèrement que le transhumanisme est non seulement compatible avec la démocratie, mais qu’il pourrait aussi la développer considérablement. Par exemple en rendant les « pouvoirs » acquis par le technologie accès à tous les hommes (promotion de l’égalité).
3. Évaluation du transhumanisme
Cette troisième partie évalue philosophiquement le transhumanisme. Celui-ci rencontre plusieurs problèmes, lesquels sont :
- Sa définition contradictoire car elle consiste à 1) dépasser la nature humaine, et donc 2) reconnaît une nature humaine (fixe) à dépasser tout en 3) niant l’existence de toute nature humaine. Ce qui contradictoire car les points 2) et 3) ne peuvent pas être vrais en même temps. Soit il existe une nature humaine (à dépasser), soit il n’y en a pas tout court, mais pas les deux. Il faut choisir entre l’un et l’autre !
- Son incapacité à définir l’homme car il n’a aucun point d’accroche, point de vue extérieur pour le faire.
- Son matérialisme7 et les conclusions absurdes et invivables qu’il implique donc, entre autres son incapacité à fonder une éthique et à fournir les présupposés nécessaires à la science.
- Sa contradiction interne, dans son incapacité à expliquer la finalité et le but ultime de la vie dont il prône pourtant l’existence. J’ai particulièrement aimé cette partie où Imbert défend très bien la finalité dans le monde, notamment en reprenant les travaux des philosophes thomistes Edward Feser et David Oderberg.
- Ses contradictions épistémologiques : comme il met toute son emphase sur la liberté individuelle sans fondement de la vérité dans le réel, il tombe dans un relativisme, tous les avis se valent, ce qui est absurde.
4. Une alternative au transhumanisme
Cette dernière partie montre comment la foi chrétienne répond aux problèmes et aux aspirations du transhumanisme avec la création de l’homme à l’image de Dieu, le salut en Jésus-Christ, la résurrection des corps, la vie éternelle et l’Église qui peut et doit proposer une alternative viable qui reflète l’œuvre de son Dieu. On apprend aussi comment vivre avec la technologie en tant que croyants et ce qu’en dit la Bible de la Genèse à l’Apocalypse.
Conclusion
Qu’on soit d’accord (c’est mon cas) ou non avec les objections données au transhumanisme, les premières parties qui le présentent sont excellentes. L’auteur a réalisé un travail gigantesque en s’informant aussi bien, il a trouvé et synthétisé beaucoup de sources (même les auteurs chrétiens qui interagissent avec le transhumanisme), d’auteurs, de différents courants qu’il partage avec nous dans son livre.
De cette façon, il a énormément facilité le travail pour ceux qui s’intéressent à ce sujet car il a rassemblé des tas d’informations que nous aurions eu du mal à trouver (sites spécialisés ou “perdus”, auteurs durs à trouver, etc.).
Illustration en couverture : Anton Joseph von Prenner, La tour de Babel, gravure, 1728-1731 (musée du Louvre, Paris).
- Andréide est un synonyme d’androïde, “Automate à figure humaine qui, au moyen d’un mécanisme intérieur, reproduit certains mouvements d’un être humain” (source).[↩]
- Pour plus d’informations sur ce courant lire son livre, cet article et notre évaluation.[↩]
- Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives.[↩]
- Yannick Imbert, Le Charme de l’andréide. Des promesses du transhumanisme à l’espérance en Jésus-Christ, Charols : Excelsis, 2021, p. 114.[↩]
- Ibid, pp. 105-106.[↩]
- Que nous sommes nombreux à avoir appris en français ou en latin au collège et au lycée.[↩]
- Effectivement plus ou moins explicite, mais bien présent chez tous les partisans du transhumanistes.[↩]
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