La prière efficace (1/3)
5 mai 2022

Cette mini-série est la seconde d’un ensemble de méditations suivies dans l’épître de Jacques. Elle est composée des trois parties ci-dessous. :

1/3 : Le destinataire de la prière

2/3 : Le sujet de la prière

3/3 : La foi dans la prière

Si vous sentez le besoin d’être renouvelé dans votre vie de prière, n’hésitez pas à lire les nombreuses prières réformées publiées sur le site.


Préambule

Avant de plonger nos regards dans les précieux enseignements de ces versets sur la prière, laissez-moi vous rappeler quelques points importants que nous avons vus dans les précédents articles sur les épreuves de la vie. Dans l’introduction générale de la lettre, nous avons vu que le but que Jacques avait en tête pour ses lecteurs lorsqu’il l’a écrite, c’est que nous persévérions dans la pratique de notre foi. Persévérance et pratique sont les deux maîtres mots, les deux piliers de cette lettre. Jacques ne veut pas que nous nous contentions d’avoir une bonne orthodoxie, il veut que notre foi se manifeste en paroles et en actes extérieurs, visibles, et sincères dans tous les domaines de notre vie. Et, assez logiquement dans le contexte de persécution que vivent ses destinataires directs, le premier sujet que Jacques aborde dans les versets 1 à 4 est celui du chrétien face aux épreuves, de la vie.

Nous avons vu quelles sont les trois caractéristiques de ces “diverses épreuves” évoquées ici : ce sont toutes les souffrances qui sont liées à notre fidélité au Christ, qui nous sanctifient, et qui ont pour finalité la gloire éternelle. Nous avons vu plus en détail comment ces épreuves peuvent se manifester concrètement dans notre vie, puis nous avons médité sur ce que Jacques nous appelle à faire lorsque nous sommes éprouvés : il nous appelle, malgré la souffrance qui est bien réelle, à considérer l’épreuve comme un sujet de joie complète, parce que l’épreuve, par le Saint-Esprit, produit en nous de la persévérance, qui elle-même nous sanctifie en vue de la vie éternelle.

Autrement dit, ce qui permet au chrétien de traverser et de sortir victorieux de l’épreuve, c’est la perspective de la délivrance, de la consolation et de la joie éternelle auprès du Christ.

Nous chrétiens nous avons des raisons objectives, concrètes, raisonnables, et saines de porter un regard positif sur nos épreuves. Nous avons d’ailleurs fini en considérant les nombreux bénéfices temporels et éternels que nous recevons lorsque nous persévérons dans l’épreuve en comptant sur Dieu.

Pour résumer tout cela très simplement et faire la transition vers cette nouvelle série d’articles, nous pouvons dire que cette exhortation à considérer l’épreuve comme un sujet de joie complète, et les bénéfices liés à la persévérance dans l’épreuve, n’appartiennent légitimement qu’au chrétien.

Importance de la prière

En effet ce que nous avons étudié précédemment sur la joie dans l’épreuve ne peut être compris, accepté et vécu que par un chrétien authentique qui a reçu de Dieu une sagesse qui vient d’en haut. Jacques le sait très bien, et c’est pourquoi, sans transition après le verset 4, il dit Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu.

Certains exégètes considèrent que Jacques change ici brusquement de sujet, comme il le fait souvent dans sa lettre, mais je me range personnellement du côté de ceux qui, comme Jean Calvin, considèrent que cette exhortation à la prière est directement liée à celle qui précède sur la persévérance dans l’épreuve. Autrement dit je considère qu’il est fort probable que Jacques dise ici (je paraphrase) : “Vous ne pourrez pas vivre en considérant vos épreuves comme un sujet de joie complète sans sagesse spirituelle, vous ne pourrez pas posséder cette sagesse sans la demander à Dieu par la prière, et vous ne pourrez rien obtenir de Dieu, ni sagesse ni rien d’autre, sans prier efficacement“.

Rappelons nous que “Jacques le Juste” était un homme de prière, et qu’il devait être tout à fait conscient du lien indissociable qui unit persévérance dans la foi et prière. Ce texte va être pour nous l’occasion de nous rappeler l’absolue nécessité de la prière dans notre marche chrétienne, individuelle et communautaire. Notre Seigneur l’a dit, sans lui, nous ne pouvons rien faire1, et sans prière, nous sommes sans lui, donc sans prière, nous ne pouvons rien faire, nous sommes paralysés dans notre foi. La prière est une de nos armes spirituelles principales, comme le dit Paul dans sa lettre aux éphésiens, à la suite de sa description de l’armure du chrétien : Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance et en priant pour tous les saints2. C’est aussi ce que dit Jacques lui-même, plus loin dans sa lettre “La prière fervente du juste a une grande efficacité.”3.

En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas vivre sans prier. La prière est un des moyens de grâce principaux de notre quotidien que Dieu utilise pour notre persévérance dans la foi. Il nous a accordé ce privilège de pouvoir nous adresser à lui directement au nom du Fils, et il nous encourage sans cesse à prier. Considérant donc la centralité de la prière dans la vie chrétienne, il est essentiel pour nous de savoir comment prier efficacement.

En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas vivre sans prier.

Dans ces versets, Jacques nous présente une prière efficace et une prière inefficace, et je crois pouvoir dire que nous voulons tous apprendre à prier efficacement. Alors à quoi reconnaît-on ce type de prière, qu’est ce qui fait qu’une prière est efficace, et à quoi reconnaît-on l’efficacité d’une prière ? Qu’est-ce qui caractérise la prière efficace ? C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre dans cette nouvelle série d’articles.

LE DESTINATAIRE DE LA PRIÈRE

La première des trois caractéristiques de la prière efficace, c’est qu’elle est adressée au seul vrai Dieu trinitaire, Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit. Même si Jacques commence au verset 5 avec le sujet de la prière, qui est ici la demande de sagesse, je pense que nous devrions d’abord porter nos regards vers le destinataire de cette prière, et évidemment, de chaque prière que nous élevons vers les cieux, à savoir, le Dieu trinitaire. Ce n’est pas inutile de le rappeler, et ça ne le sera jamais à vrai dire. Car la prière, le jeûne, la circoncision, le baptême, la prédication, le discipulat, ou l’étude des textes sacrés, ne sont pas le monopole du chrétien. J’entends par là que beaucoup d’autres religions dans le monde ont pratiqué ou pratiquent ces disciplines spirituelles. Celles que l’on appelle les religions du livre en particuliers, le judaïsme, l’islam et le christianisme ont plusieurs de ces pratiques en commun. Et il n’est pas rare d’entendre, même de la part de chrétiens malheureusement, “Les musulmans prient comme nous”, certains allant même jusqu’à dire “ils prient le même dieu que nous”. Il y a pour beaucoup de personnes, dont des chrétiens, une grande confusion à ce sujet, qu’il nous faut clarifier à l’aide de ces versets.

Le destinataire de nos prières n’est évidemment pas une question secondaire. Avant même le sujet de notre prière, avant même les dispositions de notre cœur dans la prière, le point le plus important est : la personne à qui j’adresse ma prière. Car votre sujet peut être bon et légitime, votre disposition de cœur peut être bonne dans un certain sens (quoique nous verrons qu’elle est indissociable du destinataire, justement), mais si vous priez une idole, vous pouvez être sûr que votre prière ne sera pas efficace.

Et croyez-moi, il est malheureusement très facile de se fabriquer une idole. Dans certains milieux chrétiens, on met beaucoup d’emphase sur la prière, ce qui est une très bonne chose ! Mais tout doit être équilibré dans la vie chrétienne. Car dans ces mêmes milieux, souvent, il y a un désintérêt, voir un découragement pour l’étude des Écritures, et donc, des attributs de Dieu. Vous entendrez souvent dans ces milieux que ce que vous connaissez ou croyez de Dieu n’est pas le plus important, ce qui est déterminant, c’est l’intensité de votre foi, le temps que vous passez dans le jeune et la prière, la conviction, quasiment physique, que vous y mettez. Si vous priez assez longtemps, si vous proclamez encore et encore les mêmes choses, avec assez de foi pour que la répétition finisse par convaincre Dieu, et assez fort pour être sûr qu’il vous a bien entendu, c’est là que vous pouvez vous dire que votre prière est efficace. Et nous y reviendrons, je contredirais ces versets de Jacques, si je disais que le temps passé dans la prière, la répétition des mêmes sujets, la conviction de l’esprit et du cœur, et même la participation du corps n’avaient aucun rôle à jouer dans l’efficacité d’une prière. Ce n’est pas ce que je dis au contraire. Mais tout est une question de priorité, et avant toute chose, ce qui est déterminant, c’est la personne à qui vous adressez votre requête. Et pour illustrer cela, je voudrais évoquer avec vous un passage bien connu des Écritures, en 1 Rois 18,20-40.

Dans ce récit, le prophète Élie défie les prophètes de Baal afin de rendre évident pour tout le peuple, tombé dans l’idolâtrie, que l’Éternel est le seul vrai Dieu. La proposition est simple : chaque parti prépare un sacrifice en suivant la même méthode, prie son dieu, et le sacrifice qui sera consumé par le feu sera celui du vrai dieu.

D’un côté, quatre-cent cinquante prophètes en position de force, qui prient leur dieu depuis le matin jusqu’au midi. Aucune réponse. Alors, sous le juste cynisme d’Élie, ils reprennent de plus belle, ils crient, il se font des incisions rituelles jusqu’à être recouverts de leur propre sang, et ils prophétisent jusqu’à ce que l’offrande arrive, ils renversent même l’autel de l’Éternel pour se donner plus de chance de réussite ! Mais il n’y eut ni voix, ni réponse, ni signe d’attention. Nous constatons un grand zèle, une grande implication, beaucoup d’agitation de quatre-cent cinquante personnes, et pourtant, aucun résultat, car il n’y a rien d’autre qu’une idole de pierre inerte taillée de leurs mains pour entendre leurs supplications.

En face d’eux, Élie, seul. Il commence par reconstruire l’autel dédié à l’Éternel avec douze pierres, à l’image de celui élevé par Josué à la traversée du Jourdain vers le pays promis. Douze pierres qui symbolisent les douze tribus d’Israël. Cet autel rappelle à lui seul qui Dieu est, le Dieu de l’alliance. Puis, contre toute attente, il inonde par trois fois le bois, la viande de taureau et tout le fossé qu’il a creusé autour de l’autel. Et ses efforts physiques s’arrêtent là. Élie s’est employé à redresser l’autel de l’Éternel, à préparer le sacrifice et à l’inonder afin que sa confiance en Dieu soit indiscutable, et surtout, qu’il soit évident pour toute la foule que la réponse à sa prière venait indiscutablement de Dieu afin que Dieu en retire toute la gloire.

Vient alors la présentation de l’offrande. Élie s’avance, et s’adresse à Dieu, en commençant par invoquer son nom, l’Éternel, rappelant qu’il est le Dieu fidèle à son alliance de grâce avec Israël. Vient alors la réponse de l’Éternel. Le feu descend, et consume tout, jusqu’aux pierres de l’autel et la terre et l’eau.

Je crois que l’on peut tout d’abord dire de la prière d’Élie qu’elle a été efficace ce jour-là. Je crois qu’on peut aussi dire des prophètes de Baal que ce même jour, ils n’ont pas manqué de zèle et d’engagement dans les prières qu’ils élevaient vers leur dieu. Alors, où résidait la différence entre Élie d’un côté, et les prophètes de Baal de l’autre ?

Le zèle d’Élie s’est beaucoup moins extériorisé que celui des prophètes de Baal. Il n’a élevé qu’une courte prière. Mais toute la différence réside dans le fait qu’il a adressé sa prière au seul vrai Dieu, l’Éternel, le Dieu de l’alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, avec le profond désir de lui proclamer son allégeance, et que tout le peuple le reconnût et le proclamât avec lui. Les prophètes étaient animés du même zèle, ils y ont même mis plus d’ardeur extérieurement qu’Élie, mais tous leurs efforts et leur motivations étaient vains, car ils ne s’adressaient à personne. Plus tard, dans un un contexte spirituel similaire, Ésaïe écrira :

Ceux qui fabriquent des idoles ne sont tous que vanité
Et leurs plus belles œuvres ne servent à rien ;
Elles le témoignent elles-mêmes :
Elles n’ont ni la vue, ni l’intelligence,
Afin qu’ils soient dans la confusion.
Qui est-ce qui fabrique un dieu, ou fond une idole,
Pour n’en retirer aucune utilité ?
Voici, tous ceux qui y travaillent seront confondus,
Et les ouvriers ne sont que des hommes ;
Qu’ils se réunissent tous, qu’ils se présentent,
Et tous ensemble ils seront tremblants et couverts de honte.

Ésaïe 44,9-11

N’est ce pas exactement ce qui se passa ici ?

Ce que ce premier point nous montre, c’est que vous ne pouvez pas espérer grandir dans une vie de prière efficace si vous ne grandissez pas d’abord dans votre connaissance de Dieu.

Et c’est pourquoi nous abordons cette caractéristique de la prière efficace en premier, car elle est la base des deux autres. C’est une bonne connaissance de qui Dieu est qui nous pousse, comme Élie, à prier pour les bons sujets, et avec les bonnes motivations. Est-ce que connaître Dieu est la priorité numéro un de votre vie chrétienne ? Non seulement connaître ses attributs mais le connaître relationnellement, comme le Dieu qui a fait alliance avec vous en Jésus Christ ? Si vous prenez du recul sur votre vie de prière aujourd’hui, pouvez-vous dire qu’elle est nourrie par votre connaissance de Dieu ?

Nous devons tous rester très vigilants quant au risque d’adresser nos prières à une idole. Car avant d’être une statue de bois ou de pierre, l’idole trouve naissance dans le cœur humain. Et elle n’a pas besoin de ressembler à un taureau avec des ailles et des cornes : un Dieu qui change, qui n’était que justice et colère dans l’Ancien Testament et amour et grâce dans le Nouveau, c’est une idole ! Aussi “proche” soit-elle du vrai Dieu. Un Dieu qui ne connaît pas l’avenir, un Dieu qui n’a pas créé tout ce qui existe, un Dieu qui ne juge pas les pécheurs, toutes ces fausses versions de Dieu sont des idoles. Attention ! je ne dis pas que nous devons avoir lu tous les livres de théologie et connaître les attributs de Dieu par cœur avant de pouvoir prier. Mais nous devrions tous faire de la connaissance de Dieu notre priorité absolue en comprenant que sans elle, notre vie de prière sera vaine et inefficace. Si vous voulez grandir en maturité dans votre vie de prière, lisez et étudiez la Bible pour connaître le Dieu à qui vous vous adressez.

Car l’assurance d’une prière efficace réside premièrement dans notre connaissance du caractère de Dieu.

C’est pourquoi Élie avait autant d’assurance face aux prophètes de Baal, car il connaissait la fidélité de Dieu, sa puissance, son zèle pour sa gloire. Jacques connaît le Dieu à qui il nous exhorte d’adresser nos prières. Il nous dit qu’il est celui qui donne à tous simplement et sans reproche. Nous pouvons attester de la générosité de Dieu, que ce soit dans la providence de sa grâce commune envers toutes ses créatures et en particuliers les êtres humains. Mais nous, chrétiens, n’avons aucune raison de douter de la générosité de Dieu, car pour nous sauver de sa colère, il n’a pas épargné son propre Fils, ainsi que l’a dit l’apôtre Paul : Lui qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il point aussi toutes choses avec lui4?

Le seul vrai Dieu a livré son Fils unique à la croix en rançon pour nous, et il ne pouvait nous offrir un don plus précieux que celui-là. À partir de là, comment douter qu’il ne nous donnera tout ce que nous lui demanderons pour persévérer dans notre salut ? Comment douter qu’un Dieu si généreux, qui nous a déjà donné ce qu’il avait de plus précieux, nous priverait de la sagesse spirituelle dont nous avons besoin pour persévérer dans l’épreuve et que lui seul peut nous accorder ? L’Éternel donne généreusement, il ne retient pas sa main, il est un Père bon pour nous, qui ne nous donnera pas une pierre si nous demandons du pain. Notre assurance dans la prière réside dans le caractère de Dieu.

La première caractéristique de la prière efficace est donc qu’elle est adressée au seul vrai Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche. Mais comme il est un père sage et omniscient, Dieu ne nous donne pas tout ce que nous demandons. Ce n’est pas parce qu’un enfant va demander à son père de ne manger que des gâteaux et des bonbons que celui-ci va les lui donner, car il sait que c’est mauvais pour sa santé. Cela nous amènera dans le prochain article à la deuxième caractéristique de la prière efficace, qui est le sujet que nous adressons à Dieu.


  1. Jean 15,5[]
  2. Éphésiens 6,18[]
  3. Jacques 5,16[]
  4. Romains 8,32[]

Nathanaël Fis

Nathanaël est ancien en formation à l'Eglise Bonne Nouvelle à Paris. Il est l'heureux époux de Nadia et père de Louis. Il étudie la théologie à Thirdmill Institute ainsi qu'au Birmingham Theological Seminary.

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