Frédéric III du Palatinat était le prince du Palatinat, un état électeur du Saint-Empire romain germanique. Il est connu pour avoir organisé la publication du Catéchisme de Heidelberg, dont nous avons déjà brièvement raconté l’histoire. À la publication de ce texte, il se retrouve dans une position très inconfortable : les convictions réformées sur la Cène affichées dans le catéchisme le mettent à part des princes luthériens et catholiques de l’Empire, faisant de lui presque un ennemi commun pour les deux camps. Il se retrouve convoqué à la diète d’Augsbourg en 1566. Il risque la destitution, et un destin qui n’est pas loin de la mort ensuite.
Loin de plier, il dit alors à la Diète, le 14 mai 1566 :
Je ne puis, à cause de vous, changer mes opinions et ma doctrine, car il ne s’agit pas ici d’une marotte, mais bien de l’âme et son salut éternel. Je suis ici sous les ordres de mon Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, je me sens responsable devant lui et suis prêt à le défendre. Dans ces questions, je ne relève pas de votre Majesté impériale mais de Dieu, le créateur de toutes choses. Mon Catéchisme a été bâti sur le fondement de la sainte Écriture, de sorte qu’il est resté jusqu’à présent invulnérable. Mais je suis prêt, moi Frédéric, et tous ici, savant ou ignorant, ami ou ennemi, à me laisser plus fortement instruire par la parole de Dieu. Quoi que l’on fasse pour me détourner du but que je me suis proposé, je suis consolé et fortifié par la certitude que mon Seigneur et Sauveur Jésus–Christ m’a mis au nombre de ses rachetés et m’a fait cette promesse certaine que tout ce que je perdrai pour son honneur et pour son nom me sera rendu au centuple dans l’autre monde.
Jean Cadier raconte la suite :
Ces paroles firent sur la Diète une extraordinaire impression. Au milieu du silence général, l’Électeur Auguste de Saxe s’avança et saisissant Frédéric aux épaules l’embrassa en lui disant : « Fritz, tu es plus pieux que nous tous ! » C’est à partir de ce moment que l’éecteur du Palatinat porta dans l’histoire le nom de Frédéric le Pieux.
Jean Cadier, Contribution au congrès de l’Association internationale réformée, août 1980.
Que Dieu nous donne d’autres princes comme celui-ci.
Trouverait-on aujourd’hui un prince capable de prononcer publiquement des paroles semblables à celles de Frédéric le Pieux si les circonstances le lui imposaient ? On peut en douter. Cependant, parmi les princes qui ont régné récemment, il me semble qu’il serait injuste de ne pas se souvenir qu’il y a une trentaine d’années, le roi des Belges, Baudouin Ier, a refusé de signer la loi de dépénalisation de l’avortement comme la Constitution l’y obligeait et a fait connaître publiquement le motif de son refus. A-t-il dit, comme Frédéric le Pieux, « Je suis sous les ordres de mon Seigneur Jésus-Christ » ? Qu’importe, tant il aurait pu la faire sienne cette belle profession de foi ! C’est en effet en raison de sa foi chrétienne sincère de souverain catholique qu’il a refusé d’ accomplir cet acte qui s’opposait à sa conscience. Le monde entier apprit donc qu’en cette fin de XXe siècle, un roi qui régnait était capable de ne pas fléchir devant l’impérieuse nécessité de défendre la cause de Christ. Pourtant, la désapprobation royale manifestée dignement et sans faiblesse n’a pu inverser le cours des événements au sujet de l’avortement, ce qui illustre dramatiquement le peu de poids du christianisme dans la société moderne.
C’est pourquoi, si on ne peut affirmer avec certitude que le temps des princes de la qualité d’un Frédéric le Pieux (ou d’un roi Baudouin) est définitivement révolu, on peut penser que de pouvoir disposer un jour, en France ou ailleurs, d’un prince digne de ces deux-là, tiendrait du miracle.