Les deux boucs
23 décembre 2022

Dans les premiers chapitres de la Genèse, nous rencontrons deux frères : Caïn et Abel. L’un d’entre eux, Abel, est associé au sacrifice d’une bête. Premièrement parce que c’est ce qu’il offre à l’Éternel, mais aussi parce qu’il est, pour ainsi dire, sacrifié par son frère. Son sang répandu dans les champs est comparé par l’épître aux Hébreux au sang du Christ crucifié. Caïn, quant à lui, est l’exilé. Il est envoyé au loin. Adam et Ève avaient été couverts d’une peau de bête pour leur exil à l’Est du jardin d’Éden, Caïn reçoit une marque lors de son exil encore plus à l’Est.

Plus loin dans le même livre, nous rencontrons à nouveau deux frères : Isaac et Ismaël. Le premier est encore associé à un sacrifice duquel il échappe toutefois de peu, un bouc étant sacrifié à sa place. L’autre, Ismaël, est encore associé à l’exil : il est envoyé au loin dans le désert avec sa mère pour que son frère soit bien l’unique héritier. Ismaël, dans ce récit, est explicitement mis côte à côte avec Isaac. Là où Isaac risque de mourir sous le couteau d’Abraham, l’Ange pourvoit et indique un bélier coincé sous un buisson. Ismaël risque de mourir de soif dans le désert, et c’est lui qui est déposé sous un buisson par sa mère, tel le bélier d’Isaac, l’Angle appelle des cieux et lui procure la délivrance.

Vers la fin du même livre, deux frères sont encore présentés côte à côte dans un récit. Il s’agit de Joseph et de Juda. Le premier est associé au sacrifice. Son père le croit mort, massacré par un bête sauvage et ses frères tuent un bouc afin d’en tacher sa tunique. Le second, Juda, est associé à l’exil. En effet, en Genèse 38,1, il est nous dit que “Juda s’éloigna de ses frères” et partit pour un pays étranger. Lui aussi est associé à un bouc. En effet, alors qu’il veut payer une prostituée (qui s’avère être sa belle fille), il envoie un chevreau au loin comme salaire pour celle-ci.

En Lévitique 16, lorsque le grand jour des expiations est décrit, il est question de deux boucs : l’un qui doit être sacrifié comme expiation et l’autre qui doit être envoyé dans le désert.

Jésus semble être à la fois le bouc sacrifié et celui qui est envoyé hors de Jérusalem.

À ce stade, je n’ai pas d’explication aboutie de ces parallèles, mais ils ne sont pas présents dans le récit par hasard. Alastair Roberts mentionne un tel parallèle dans ses Q&A sur YouTube mais sans avoir non plus d’explication. Je les mentionne, comme je l’ai fait pour l’article sur les bons Samaritains, pour que nos lecteurs s’accoutument à ces parallélismes, les recherchent et enrichissent ainsi leur lecture du texte biblique. Ces parallèles ne trouvent pas toujours d’explication rapide. Et cela est probablement à dessein : de la sorte, ils restent dans nos têtes, nous obligeant à prendre une pause pour méditer, chercher le sens, interpeller. Je pense que plusieurs “difficultés bibliques” ont en réalité ce rôle de retenir notre attention et nous forcer à nous questionner sur des récits qui auraient été trop lisses pour que nous nous y arrêtions autrement. Si vous identifiez une autre “paire de boucs” dans la Bible, je serai heureux de l’ajouter à l’article. Et si vous pensez avoir une explication ou un début d’explication, je serai heureux de l’entendre !


Illustration en couverture : Palma il Giovane, Caïn et Abel, 1603.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

2 Commentaires

  1. Pascal-Eric

    Bonjour,
    Il est sans doute bon de chercher des parallèles et des correspondances, en le faisant toutefois avec prudence.
    Quand on en vient à Lévitique 16 et que le parallèle suivant est fait entre Jésus et Jean-Baptiste, je trouve qu’on perd quelque chose et ça donne l’impression que le bouc pour azazel serait à mettre en parallèle avec Jean-Baptiste.
    Les 2 boucs de Lévitique 16 représentent tous deux un aspect de l’oeuvre de Christ à la croix, dans laquelle Jean-Baptiste n’a pas de part.
    Le bouc sacrifié présente le côté de la propitiation, rendant Dieu propice (favorable) pour tous les hommes, tandis que le bouc pour azazel (“qui s’en va”) représente plutôt le côté de la substitution, les péchés étant posés sur sa tête, et là ne sont concernés que ceux qui sont sauvés. On retrouve ce double aspect dans le NT dans plusieurs passages.

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    • Maxime Georgel

      Bonjour,

      Oui votre remarque est juste. Le parallèle est trop ténu.

      Réponse

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