Ce qui va suivre est un extrait de la Discipline des Églises réformées de France, chapitre 11, article 3. Il s’agit de la liturgie de baptême des huguenots du XVIIe siècle. Je la publie ici, pour témoignage et édification du lecteur, et aussi pour mieux présenter la théologie du baptême non seulement par traité théologique, mais aussi par témoignage liturgique. On appréciera en particulier la clarté de la renonciation aux croyances précédentes.
Formulaire du baptême d’adulte
De ceux qui se convertissent à la foi chrétienne, d’entre les païens, les juifs, et les mahométans, et des anabaptistes qui n’ont pas été baptisés ; dressé au synode national des Églises réformées de France, assemblée à Charenton, l’an 1644, le 26 décembre et jours suivants.
Après que le catéchumène aura été suffisamment instruit et catéchisé, pour rendre raison de sa foi, et que l’Église aura pris, par des témoins irréprochables, connaissance de l’intégrité de sa vie, et de son instruction ; il sera par lesdits témoins présenté à toute l’assemblée des fidèles, pour être baptisé en sa présence. Et le ministre lui dira :
Premières demandes
Reconnais-tu être par nature un enfant de colère, digne de la mort et de la malédiction éternelle ?
R. Oui.
Es-tu désolé et affligé de tous les péchés que tu as commis depuis que tu es au monde et promets-tu d’y renoncer à jamais ?
R. Oui.
Renonces-tu de tout ton cœur aux séductions et artifices du Diable et de ses anges, à toutes les pompes et vanités du monde, et à toutes les affections et les convoitises de la chair ?
R. Oui.
Si c’est un païen, le Ministre lui dira :
Crois-tu qu’il y a un seul Dieu, qui a créé le ciel et la terre et qui soutient toutes choses par sa parole puissante, et en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être ?
R. Oui.
Demande commune à tous :
Crois-tu que ce grand Dieu, qui a créé le ciel et la Terre, est un en essence et distingué en trois personnes égales et co-éternelles, le Père, le Fils engendré du Père de toute éternité, et le Saint-Esprit procédant éternellement du Père et du Fils?
R. Oui.
Si le catéchumène est païen
Crois-tu que ce grand Dieu, ne se laissant jamais sans témoignage, s’est manifesté aux hommes, non seulement par ses œuvres, qui publient incessamment depuis leur première production sa louange et sa gloire : mais aussi par la révélation de son conseil, pour le salut du genre humain, contenu dans les Saintes Écritures, appellées l’Ancien et le Nouveau Testament ?
R. Oui.
Crois-tu que toutes ces saintes Écritures sont divinement inspirées, et qu’elles contiennent la règle parfaite de notre croyance, et de nos mœurs ?
R. Oui.
Prêtes-tu serment que tu vas résister jusqu’au dernier soupir au Diable, que tu as adoré jusqu’à présent, servant soit les idoles faites à la main, soit les armées des cieux, ou, en un mot, à ceux qui de nature ne sont pas dieux ?
R. Oui.
Si le catéchumène est juif
Détestes-tu la rébellion et l’endurance des Juifs, et ne demandes-tu pas pardon à Dieu d’y avoir été engagé si longtemps?
R. Oui.
Crois-tu que tout ce que Dieu a daigné nous révélé de sa volonté, est conçu, non seulement dans les livres de l’Ancien Testament mais aussi ceux du Nouveau ?
R. Oui.
Crois-tu que Jésus, le Fils de la bienheureuse vierge Marie, conçu en elle par la vertu ineffable du Saint-Esprit, et condamné à mort sur la croix, sur l’accusation calomnieuse des Juifs, par la sentence inique de Ponce Pilate, ressucité au troisième jour, et maintenant élevé dans la gloire, est Dieu manifesté en chair ? Crois-tu qu’il est la Parole éternelle du Père, par laquelle il a créé et soutient l’Univers, la semence bénite qui a été promise à Adam juste après sa chute, par la vertu de laquelle la tête du Serpent a été brisée, de qui tous les Patriarches ont attendu l’avènement par la foi et par l’espérance ? Crois-tu qu’il est le grand prophète et vrai messie, prédit autant par Moïse que par les autres prophètes qui ont vécu après lui ?
R. Oui.
Crois-tu que Jésus est l’accomplissement de la la Loi en justice de tout croyant, la vérité de ses types et de ses figures, le vrai agneau de Dieu qui ôte le péché du monde et qu’en lui habitude toute la plénitude de Dieu corporellement ?
R. Oui.
Crois-tu que maintenant l’observation des cérémonies de la Loi est non seulement superflue, mais aussi totalement préjudiciable aux consciences ?
R. Oui.
Si le catéchumène est musulman
Crois-tu que l’Écriture de l’Ancien et du Nouveau Testament est inspirée de Dieu et qu’elle contient tout son conseil, pour le salut des hommes et la règle unique et parfaite de la foi et des mœurs ?
R. Oui.
Crois-tu que Jésus, le fils de la bienheureuse vierge Marie, conçu en elle par la vertu du Saint-Esprit, et formé selon la chair de sa propre substance, est Dieu et homme béni éternellement, Dieu parfait et homme parfait, homme fait de la femme à l’accomplissement des temps, et Dieu engendré de Dieu le Père devant les temps éternels ?
R. Oui.
Crois-tu que le Seigneur Jésus dès sa première conception selon la chair, a été saint, innocent, sans tâche, et séparé des pécheurs, et qu’il n’a pas souffert la mort pour ses péchés, mais seulement pour les nôtres?
R. Oui.
Ne crois-tu pas que sa mort est la propitiation de nos péchés, même de ceux de tout le monde ; et que cette propitiation est d’un mérite infini, par lequel le salut et la gloire éternelle nous ont été acquis ?
R. Oui.
Crois-tu que Mahomet a été un imposteur et que son Alcoran est un ramas sacrilège de songes pleins d’absurdités et avancés à dessein d’établir une fausse et abominable religion ?
R. Oui.
Crois-tu que l’Évangile du Seigneur Jésus est la puissance de Dieu à salut à tout croyant, que la religion chrétienne est l’unique par laquelle Dieu a manifesté son bon plaisir, pour le salut des hommes, jusqu’à la fin du monde : que depuis sa manifestation, il n’y a plus de nouvelle à attendre : que le Seigneur Jésus-Christ seul est le grand prophète promis aux fidèles de l’Ancien Testament ; et que Dieu ayant autrefois parlé en diverses manières aux hommes avant la Loi, et sous la Loi, a parlé à l’Église du Nouveau Testament par la propre bouche de son Fils unique Jésus ?
R. Oui.
Récite le sommaire de votre foi :
R. Je crois en Dieu le Père tout-puissant, etc.
Si le catéchumène est anabaptiste
Crois-tu que le Seigneur Jésus est et sera le vrai Dieu et vrai homme, en ces deux natures éternellement ; qu’il a été selon son humanité, semblable à toutes choses, hormis le péché, aux autres hommes, au point qu’il a été vrai fils d’Abraham, de David et de la Sainte Vierge, issu de leur sang et de leur semence, et que la substance de son corps a été formé, non seulement dans la Vierge, mais aussi de la propre substance de la Vierge, conformément à ce que dit l’Apôtre, qu’il a été de la semence de David selon les Écritures, qu’il a été fait de la femme, et qu’il a participté à la chair et du sang, comme les autres enfants?
R. Oui.
Crois tu-que le baptême des petits enfants est fondé dans l’Écriture et dans la pratique perpétuelle de l’Église ?
R. Oui.
Renonces-tu de bon cœur à l’erreur de ceux qui le rejettent et es-tu repentant de l’avoir dédaigné jusqu’ici ?
R. Oui.
Crois-tu que l’établissement des magistrats est une ordonnance de Dieu, que ceux qui ne s’y veulent pas assujettir font venir une condamnation sur eux-mêmes, et que toute sorte d’obéissance leur est due selon Dieu ?
R. Oui.
Retour aux demandes communes
Crois-tu que ce bon Dieu qui nous appelle tous par la prédication de sa Parole à la vie et au salut, a institué quelques signes et sacrements dans son Église, qui nous scellent et confirment la vérité de l’alliance de grâce, qui nous est proposée par la prédication de l’Évangile ?
R. Oui.
Combien crois-tu qu’il y ait de sacrements dans l’Église chrétienne ?
R. Deux, à savoir le baptême et la Sainte-Cène.
Désires-tu être instruit de la nature et de l’usage du baptême que tu demandes à l’Église ?
R. Oui.
Exposition du baptême
Notre Seigneur nous montre en quelle pauvreté et misère nous naissons tous, en nous disant qu’il faut renaître, car s’il faut que notre nature soit renouvelée pour pouvoir entrer au Royaume de Dieu, c’est le signe qu’elle est entièrement perverse et maudite. Par cela donc il nous est averti de nous humilier et de nous déplaire à nous-même, et de cette manière, il nous prépare à désirer et demander sa grâce, par laquelle toute la perversité et malédiction de notre première nature soit abolie : car nous ne sommes pas capables de la recevoir, si nous ne somme pas d’abord vides de toute confiance entre notre vertu, sagesse et justice, jusqu’à condamner ce qui est en nous.
Or, quand il nous a révélé notre malheur, il nous console semblablement par sa miséricorde, en nous promettant de nous régénérer par son Saint-Esprit en une nouvelle vie, qui est comme une entrée dans son Royaume. Cette régénération consiste en deux parties : que nous renoncions à nous-même, ne suivant pas notre propre raison, et notre propre volonté ; mais que soumettant notre entendement et notre cœur à la sagesse et à la justice de Dieu, nous mortifiions tout ce qui est de nous et de notre chair ; puis que nous suivions la lumière de Dieu, pour complaire et obéir à son bon plaisir, comme il nous le montre par sa Parole, et nous y conduit par son Esprit.
L’accomplissement de l’un et de l’autre est en notre Seigneur Jésus, dont la mort et passion a une telle vertu qu’en y participant nous sommes ensevelis au péché, afin que nos concupiscences charnelles soient mortifiées. De même, par la force de sa résurrection, nous ressuscitons en une vie nouvelle, qui est de Dieu, où son Esprit nous conduit et nous gouverne, pour faire en nous les œuvres qui lui sont agréables. Toutefois le premier et le principal point de notre salut, c’est que, par sa miséricorde, il nous remet toutes nos fautes, ne nous les imputant pas, mais en effaçant la mémoire, afin qu’elles ne viennent pas en compte de son jugement. Toutes ces grâces nous sont conférées, quand il lui plaît de nous incorporer dans son Église par le baptême, car en ce sacrement, il nous assure de la rémission de nos péchés. C’est pourquoi il lui a donné le signe de l’eau, pour nous figurer que, comme les saletés corporelles sont nettoyées par cet élément, ainsi il veut laver purifier nos âmes, afin qu’il n’y paraisse plus aucune tache. Puis il nous représente notre renouvellement, qui consiste comme il a été dit dans la mortification de notre chair, et dans la vie spirituelle qu’il produit en nous.
Aisni nous recevons une double grâce de notre Dieu au baptême, pourvu que nous n’anéantissions pas la vertu de ce sacrement par notre ingratitude. C’est que nous y avons un certain témoignage que Dieu veut être pour nous un Père propice, ne nous imputant pas toutes nos fautes et nos offenses. Ensuite, qu’il nous assistera par son Saint-Esprit afin que nous puissions combattre contre le diable, le péché et les concupiscences de notre chair, jusqu’à en avoir la victoire, pour vivre dans la liberté de son règne, qui est le règne de justice.
Puisque ces deux choses sont accomplies en nous par la grâce de Jésus-Christ, il s’en suit que la vertu et la subsistance du baptême est comprise en lui. Et de fait, nous n’avons pas d’autre lavement que son sang, ni d’autre renouvellement qu’en sa mort et sa résurrection. Mais comme il nous communique ses richesses et ses bénédictions par sa Parole, aussi il nous les distribue par ses sacrements.
Or, en ceci paraît le merveilleux amour de Dieu envers nous : ces grâces qui nous font conférées, ayant été, avant la venue du Rédempteur, renfermées dans le peuple des Juifs, et la muraille mitoyenne qui séparait les Juifs d’avec les nations étant ôtée par la mort du Seigneur Jésus, il a répandu sur le genre humain les eaux salutaires de la grâce, en telle abondance qu’il n’y a maintenant qu’en lui, ni Juif, ni Grec, ni mâle, ni femelle, ni circoncision, ni prépuce, ni aucune condition extérieure, qui nous exclue de ce grand salut que Jésus-Christ veut être préché à toutes les nations, comme il veut que l’alliance de sa paix leur soit ratifiée par le baptême, selon la charge qu’il a donné à ses apôtres, disant Allez, prêchez à toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, etc. C’est de cette grâce, mon frère, que vous désirez être participant par le baptême. Est-ce le cas?
R. Oui.
Puisqu’il est question de vous conférer le saint baptême, prêtes-tu serment de vivre et mourir dans la foi du Seigneur Jésus, que tu viens de confesser, l’accompagnant d’une vie et d’une conversation sainte et d’employer toutes tes pensées, tes paroles et tes actions, et à glorifier Dieu et à édifier tes prochains, te soumettant à l’ordre de l’Église et à la discipline, selon laquelle ce saint ordre doit être maintenu inviolablement ?
R. Oui.
Prière de bénédiction
Une fois cela fait, le Ministre ajoutera Prions Dieu qu’il lui plaise de bénir cette sainte action et fera cette prière :
Seigneur notre Dieu tout sage et tout miséricordieux : nous louons et bénissons ton saint Nom, pour la grâce que ta bonne main a daigné répandre sur ce tien serviteur, qui était dans les plus profondes ténèbres de l’ombre dela mort, lorsque tu l’as illuminé, faisant lever sur lui la clarté salutaire et vivifiante de ton ciel, le tirant d’un endurcissement déplorable, pour amollir son coeur, en le délivrant des liens de la mort, pour lui rendre la vie. Comme tu as, Seigneur, levé le voile qui était sur son cœur, l’appelant à te reconnaître seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus Christ et lui as inspiré le courage de ta très sainte foi et de l’espérance que tu as fait naître dans son âme, lui donnant de te présenter devant ta face, pour recevoir le saint Baptême, qui est le sceau de ton Alliance, le gage de la rémission de nos péchés et le symbole de notre entrée en ta maison, par une renaissance spirituelle : jette, ô bon Dieu, de plus en plus, sur lui, le regard de ta miséricorde, pardonnant tous ses péchés, arrosant sa conscience du sang précieux de l’Agneau sans tâche, qui ôte le péché du monde, et lui faisant sentir la vertu toute puissante de sa propitiation ; que ton Esprit le sanctifie, le rende nouvelle créature, afin que mourant au péché, il vive à la justice, et que dépouillant le vieil homme avec ses actes, il revête le nouveau qui se renouvelle en justice et vraie sainteté. Comme nous allons verser sur sa tête l’eau de ton sacrement, répands sur lui les dons et grâces de cet Esprit, le recevant au nombre de tes serviteurs, et l’honorant de l’adoption de tes enfants. Fais-lui la grâce de te consacrer durant tout le cours de sa vie, l’obéissance et le service religieux qui t’est dû et de persévérer à jamais dans ta sainte alliance, afin que, comme maintenant, en ton nom, nous le recevons en la communion de ton Église militante ; daigne l’élever un jour dans le sein de ton Église triomphante, et l’agréger à jamais à l’assemblée des premiers-nés, dont les noms sont écrits au Ciel. Exauce-nous, Père de miséricorde, afin que le baptême que nous lui communiquons, selon ton ordonnance, produise son fruit et sa vertu, telle qu’elle nous est déclarée par ton Saint Évangile, en ton Fils notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous est commandé de te prier, c’est-à-dire :
Notre Père qui est au cieux, etc.
Le ministre parle alors à ceux qui présentent le catéchumène :
Comme vous vous êtes charitablement employés à l’instruction et à l’édification de notre frère et que vous êtes témoins du baptême qu’il doit recevoir présentement par notre ministère, promettez-vous devant Dieu et devant cette sainte assemblée, de continuer de plus en plus à le fortifier dans la foi, et à l’exhorter à toutes bonnes œuvres ?
R. Oui.
Cela fait, parlant au catéchumène qui attend à genoux que le baptême lui soit administré et en lui versant de l’eau sur la tête, le Ministre dira :
Vu les témoignages de votre foi, N., je vous baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen.
Que le Seigneur restaure la pleine pureté de son baptême dans nos Églises !
Illustration : « Baptême du juif Jachiel Hirschlein à Zurich, 1746 », in David Herrliberger, Kurze Beschreibung der Gottesdienstlichen Gebräuche, wie solche in der Reformirten Kirche der Stadt und Landschaft Zürich begangen werden, Bâle, 1751, p. 33.
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