Ce passage de l’Écriture a été la cause de beaucoup de chagrin pour les peuples chamitiques, en particulier pour les noirs américains, en raison de sa mauvaise interprétation et de sa mauvaise application. Ce passage contient un certain nombre de difficultés d’interprétation, et une grande variété de propositions ont été faites pour tenter de les résoudre.

Il faut souligner tout d’abord, contre diverses théories des théologiens critiques, que ce passage contient clairement une prophétie prédictive. Les deux fois que Cham est mentionné, il est appelé le père de Canaan. Ceci anticipe la malédiction prononcée sur Canaan, et son accomplissement dans la conquête israélite de la Palestine. La bénédiction prononcée sur Japhet trouve quant à elle son accomplissement à l’époque de la nouvelle alliance.

Le problème majeur porte ensuite sur la question de savoir pourquoi Noé a maudit Canaan pour le péché de son père, Cham. On peut en comprendre la raison en considérant la dynamique psychologique qui se manifeste dans le cours de l’histoire des hommes. Le cinquième commandement lie la prospérité terrestre au respect de l’autorité parentale, car toute autorité vient de Dieu, et le respect de l’autorité, même mauvaise (Jude 8-10), est un respect de Dieu. Ceux qui honorent Dieu et les autorités auxquelles il a délégué ses pouvoirs élèveront des enfants qui honoreront leurs parents. Quant à ceux qui méprisent leurs parents, ils seront à leur tour méprisés par leurs enfants. La prédiction de Noé est basée sur une dynamique psychologique que l’on peut observer dans la vie de tous les jours. Les pères rebelles élèvent des enfants rebelles.

Pourquoi les trois autres fils de Cham n’ont-ils pas été maudits (Gn 10,6) ? Sans doute parce que, sous l’influence de leur grand-père et de leurs oncles, ils ne suivaient pas les traces de leur père. Ils avaient choisi d’habiter, spirituellement parlant, dans les tentes de Sem.

La malédiction consiste, de manière appropriée, en un esclavage. Ceux qui sont rebelles à l’autorité ne peuvent être des hommes libres dans la société, car ils ne se soumettent pas de manière responsable et libre aux pouvoirs en place. Ils doivent donc être ramenés dans le rang par la force, en devenant des esclaves. Ils seront esclaves, tout d’abord, des autres Chamites, leurs frères (v. 25). Ils seront aussi les esclaves de Sem et de Japhet. (v. 26 et suivants).

Cassuto signale à juste titre un accomplissement immédiat de ces prophéties en Genèse 14. Le territoire de Canaan est identifié comme incluant les villes de la plaine (10,19). Ce sont précisément ces villes qui ont été conquises par Kedorlaomer et qui lui furent soumises pendant douze ans (14,4). Kedorlaomer était roi d’Élam (14,1), une terre sémite (10,22) ; de fait, Élam était le premier-né de Sem, bien qu’il ne fisse pas partie de la lignée promise (11,10 et suivants). Tideal, roi des goyim (ou des nations) (14,1), était allié à Kedorlaomer. Cassuto l’identifie aux nations issues de Japhet mentionnées en 10,5.

Cependant, une fois qu’Abram fut dans le pays, le pays devint en un sens le sien, même s’il ne le possédait pas. Le contrôle qu’Abram exerçait sur le pays était supérieur à celui de Kedorlaomer, comme l’indique le fait qu’il fut défait par Abram (14,17). Le roi cananéen de Sodome a alors dû demander à Abram le droit de reprendre sa propriété (14,21). La domination sur ces Cananéens est ainsi passée de la lignée large des Sémites à la lignée plus étroite des Hébreux (les descendants d’Héber) (14,13). La malédiction de Canaan se traduisit finalement par la conquête israélite du pays de Canaan, à ceci près que le commandement effectif était d’exterminer, et non de réduire seulement en esclavage, les Cananéens (Dt 20,16-18). Certains Cananéens ont en réalité toutefois survécu. Ils ont alors été réduits en esclavage par les descendants de Sem (Jos 9,23 ; 1 R 9,21).

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Les motifs et les termes premiers de cette prophétie sont d’ordre spirituel et éthique, et non racial. C’est à cause de son péché de mépris de l’autorité que Cham et ses descendants spirituels ont été maudits ; et c’est pour leur piété que Sem et Japhet ont été bénis. Ainsi, le principe permanent exprimé par la péricope est spirituel et éthique, et non racial. Ceux qui choisissent d’habiter dans les tentes de Cham et de Canaan recevront la malédiction de Canaan ; ceux qui choisissent, comme Japhet, de s’installer dans les tentes de Sem recevront l’héritage du Seigneur, le Dieu de Sem.