L’adoration du fils de Marie — Charles Drelincourt
6 octobre 2023

Après avoir montré au chapitre III que la piété protestante était celle qui obéissait aux commandements de Marie, Drelincourt ajoute en appendice à son opuscule une longue prière, où l’Incarnation, la naissance mais aussi l’humiliation et la gloire finales du fils de Marie — présente à chacune de ces étapes dans l’histoire du salut — occupent une place de choix.


Prière et méditation
sur l’Incarnation et la naissance
de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ

Prière d’illumination

Mon Seigneur et mon Dieu, je cherche le moyen d’épandre mon âme devant toi, et de te présenter mes très humbles prières, mes louanges et mes actions de grâces. Mais je ne sens pas en moi les dispositions convenables à un si saint exercice. Mon cœur est plus lâche et plus pesant que ne furent jamais les mains de ton Moïse ; et mes lèvres sont sans comparaisons plus souillées que celles du Prophète, qui tremblait à la vue de ta glorieuse majesté.

Grand Dieu, subviens à mes défauts, et parfais ta vertu en mon infirmité. Épands sur moi ton esprit de grâce et de supplication, qui soulage de sa part mes faiblesses, et fais requête pour moi par soupirs et gémissements inénarrables. Élève à toi mon âme, et que le mérite infini de ton cher Fils lui serve d’appui. Envoie-moi quelqu’un de ces bienheureux séraphins qui volent autour de ton trône ; qu’il prenne du charbon vif de dessus ton autel, qu’il en purifie mes lèvres et en allume un feu sacré au-dedans de mes entrailles, afin que les paroles de ma bouche et les méditations de mon cœur te soient agréables, ô Éternel, mon rocher et mon Rédempteur.

Ô Seigneur, qui par une miraculeuse étoile as adressé les sages d’Orient, envoie-moi ta lumière et ta vérité afin qu’elles me conduisent jusqu’à ta Bethléem, où ton saint Fils Jésus repose.

Qu’avec une âme tranquille je contemple cette admirable naissance, après laquelle ta pauvre Église a soupiré près de quatre mille ans, étant comme en travail d’enfant. Naissance qu’il t’a plu de promettre à nos premiers parents au paradis terrestre, et que tu as prédite et annoncée par la bouche de tous tes saints prophètes. Naissance qui est l’admiration continuelle des anges, l’espérance et la gloire de ton Israël.

Que je contemple aujourd’hui à face découverte celui que plusieurs rois ont désiré de voir, et dont les plus grands prophètes n’ont vu que la figure et la grossière image.

Prière d’action de grâces

Pour la naissance du Sauveur

Mais, Seigneur, il se présente à mes yeux des merveilles si éclatantes, et en si grand nombre, que ma vue s’éblouit. Je compterais aussitôt les étoiles du ciel, et le sable de la mer. Il me serait aussi facile de sonder les abîmes que de pénétrer jusqu’au fond de ces divins mystères. Quand je serais revêtu de la lumière des anges qui contemplent ta face, et que je vivrais un million d’années, je trouverais toujours nouvelle matière d’admiration ; car aussi ce sont les choses qu’œil n’a point vues, ni oreilles ouïes, et qui ne sont point montées en cœur d’homme, que tu as préparées à ceux qui t’aiment.

Ô mon Dieu, que tu me fais de grâce ! Car je contemple en effet et en vérité ce qu’autrefois le patriarche Jacob vit en songe. Je vois la vraie et miraculeuse échelle, qui d’un bout touche le ciel et de l’autre la terre. Celui qui habite aux plus hauts cieux, je le vois descendre dans les parties les plus basses de la terre. Je vois le roi des rois, qui prend forme de serviteur, et qui s’habille en esclave. Celui qui n’estime point rapine d’être dit égal à Dieu s’est anéanti soi-même, et je le vois semblable à nous en toutes choses, excepté le péché. Je vois les cieux ouverts et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme, et le Père lui-même prenant en lui son bon plaisir.

Ô grand Dieu, qui par ta puissance infinie et incompréhensible, as tiré d’un homme la mère des vivants, sans l’aide de la femme ; selon les riches trésors de ton inépuisable sagesse, tu as estimé convenable de former le prince de vie de la substance d’une femme, sans aucune œuvre d’homme. Une femme nous avait apporté le fruit de mort, et en voici une autre qui nous présente le fruit de vie et d’immortalité.

Ô Seigneur ! tu as voulu naître d’une Vierge, mais d’une Vierge fiancée, afin d’honorer par une même action la virginité et le mariage, et de procurer à ta sainte Mère un support et un témoin de son innocence.

Pour l’incarnation de Dieu

Ô incomparable naissance ! puisque la mère est Vierge et l’enfant est Dieu. La mère est la créature de celui qu’elle engendre, et lui est son Créateur, son Sauveur et son Dieu.

Ô admirable enfant ! qui es le Père d’éternité, et le premier-né de toute créature. Enfant qui es le conseil des vieillards, la prudence des sages, et la sagesse même ; qui es le prince de paix, et le Dieu des armées. Enfant qui mesures les cieux de la paume de ta main, qui tiens entre tes bras toutes les créatures, et qui portes sur tes épaules le souverain empire de tout l’univers.

Ô mystère de piété, que tu es grand, que Dieu se soit manifesté en chair, qu’il ait habité entre les hommes et que les yeux des mortels aient contemplé sa gloire ! Que la Parole essentielle du Père, par laquelle toutes choses ont été faites, ait été faite chair ! Que celui par lequel ont été créées toutes choses, soit visibles et invisibles, soit les trônes, les dominations, les principautés ou les puissances, ait voulu naître entre les hommes et revêtir notre nature infirme ! Que celui qui est le Père des lumières et la lumière même ait voulu s’envelopper de nos ténèbres ! Que la source de vie et l’unique auteur de l’immortalité ait voulu emprunter d’une femme, une vie mortelle ! Que celui qui est de toute éternité, et par lequel les siècles ont été faits, soit né en la consommation des siècles, et en l’accomplissement des temps ! Que celui qui dès le commencement du monde soutient toutes choses par sa Parole puissante ait voulu être porté l’espace de neuf mois dans le ventre d’une fille, que celui qui est infinie en son essence, et que les cieux les plus hauts ne peuvent pas comprendre, ait pu habiter en un tabernacle si étroit ! Que le Créateur se soit fait créature ! Et que le Dieu vivant soit devenu l’homme mortel !

Ô grand Dieu, dans les abîmes profonds de ton éternité, tu nous fais adorer trois personnes en unité de nature, et au moyen de cette incarnation bienheureuse, nous adorons deux natures en unité de personne. Oh ! que le lieu de ces deux natures est admirable et incompréhensible ! Car elles sont inséparablement conjointes, et toutefois elles ne sont nullement confondues, et leurs propriétés essentielles ne sont point altérées.

Pour la nouvelle création

Ô nuit bienheureuse en laquelle est né le Christ, le Seigneur ! Je te trouve beaucoup plus claire et plus resplendissante que tous les plus beaux jours de l’année ; car tu as été éclairée de ce bel Orient d’en haut, au regard duquel le soleil même n’est que ténèbres. Ô bienheureuse nuit qui as couvert de tes voiles toute la gloire et la richesse qui était jadis en ombre et en mystère sous les courtines du Tabernacle, et en ses vases d’or !

Bienheureuse nuit en laquelle on chante le triomphe dans le ciel, et on publie sa paix sur terre aux hommes auxquels Dieu prend son bon plaisir.

Ô admirable nuit en laquelle Dieu a déployé plus de merveilles, et fait de plus grandes œuvres que dans les six jours entiers de la Création ; car alors, Seigneur, tu fondas le monde, et maintenant tu poses des fondements de notre foi plus fermes et inébranlables que le Ciel et la terre. Alors tu créas la lumière qui éclaire les vivants, et maintenant tu fais lever sur nous la vraie lumière qui ressuscite les morts, et le vrai soleil qui porte en ses ailes la justice et la santé, la gloire et l’immortalité. Alors tu séparas la lumière d’avec les ténèbres ; maintenant d’une façon du tout admirable, tu joins ensemble la lumière et les ténèbres, la gloire et l’ignominie, la vie et la mort. Alors tu fis germer la terre et épanouir les fleurs. Maintenant tu fais reverdir nos espérances mortes et languissantes, et le fruit que notre foi nous rapporte, c’est le salut de nos âmes.

Pour le nouvel Adam

Là, Seigneur, d’une poignée de terre vierge tu formas Adam à ton image et ressemblance, et le revêtis de justice et de sainteté ; mais ici, du sang virginal, tu as formé le nouvel Adam, qui est ta vive image, la splendeur de ta gloire, et la marque gravée de ta personne. Il ne se trouve point de fraude en sa bouche, et le nom dont on l’appelle, c’est l’Éternel notre justice. Tu soufflas dans les narines d’Adam une respiration de vie. Mais en Jésus-Christ tu as mis les trésors de lumière, et la source de vie. En lui habite corporellement toute plénitude de divinité. Davantage, il est Dieu sur toutes choses, béni éternellement.

Ô Dieu des bontés ! alors tu donnas à l’homme un paradis terrestre, arrosé de quatre fleuves, et honoré de l’arbre de vie ; maintenant tu nous donnes un paradis céleste, dont la richesse et la beauté est éternelle. Et comme si tout ce monde n’était pas digne de nous, tu crées en notre faveur de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habite la justice et l’immortalité. Tu approches de nous une mer de célestes voluptés. Tu fais découler en nos âmes des fleuves d’eau vive saillante pour la vie éternelle. Tu nous donne la libre jouissance du vrai arbre de vie qui porte ses fruits chaque mois de l’année, et dont les feuilles sont pour la santé des Gentils. Bref, alors tu donnas à l’homme une infinité de créautres, mais maintenant tu te donnes toi-même en la personne de ton Fils, et en quelque façon tu t’ôtes le moyen d’être à jamais plus libéral.

Ô bon Dieu ! ce n’est donc point sans raison que nous comptons nos jours et nos années du temps de cette naissance bienheureuse, car alors tu as donné au monde une nouvelle vie. Tu as renouvelé la face de la terre. Tu as fait couler de nouveaux siècles et nous as donné le germe de notre bienheureuse immortalité. Les choses vieilles sont passées, voici, toutes choses sont faites nouvelles.

Pour la cité de David

Misérable hôtellerie ! qui refusas le Seigneur Jésus et sa bienheureuse mère, si tu eusses reconnu le bonheur qui t’était présenté, tu eusses surpassé en gloire les maisons d’Abraham et de Lot, et de tous les patriarches qui ont logé des anges, car celui qui te demandait une place est le prince souverain des anges et des archanges.

Ô bienheureuse étable en laquelle est né le Sauveur du monde, je te trouve plus glorieuse et plus magnifique que les maisons des rois, et les palais des plus superbes monarques ; car tu reçois celui aux pieds duquel les rois et les monarques jettent leurs diadèmes. Les anges eux-mêmes l’adorent, et en sa présence les séraphins se couvrent de leurs ailes.

Ô crèche bienheureuse, en laquelle a été couché le petit enfant Jésus ! Je te trouve beaucoup plus riche et précieuse que les lits et les trônes des plus grands princes du monde ; car en toi repose la consolation d’Israël, la gloire du Ciel et les délices du paradis.

Ô cher et divin enfant ! qui pourrait suffisamment célébrer tes louanges ? Car tu es le père des élus, et le roi de l’Église, le Sauveur de Sion, et le Dieu de l’univers : bienheureux est le ventre qui t’a porté et les mammelles que tu as sucées. Mais plutôt, bienheureux sont ceux qui écoutent ta Parole et qui la gardent.

Hérode impie et malheureux tyran, pourquoi t’effraies-tu de cette bienheureuse naissance ? D’où procède la fureur qui t’embrase, et la rage qui te porte à tremper tes mains dans le sang innocent ? Celui qui vient du sein du père pour nous acquérir un royaume céleste ne ravit point les couronnes terriennes, et ne brise point les sceptres.

Ingrate et cruelle Jérusalem, d’où vient que tu te laisses transporter au trouble et aux agitations de ton roi infidèle ? Celui qui prépare un repos éternel au peuple de Dieu ne vient point pour heurter les États, pour bouleverser les cités, ni pour troubler la paix et la tranquillité du monde.

Pour l’humiliation du fils de Dieu

Mon Seigneur et mon Dieu, encore que je ne sois que poudre et cendre, donne-moi la liberté de te parler, et de te demander les raisons d’une dispensation si étrange. D’où vient qu’étant vrai Dieu éternel avec le Père, une même essence et d’égale puissance, tu as voulu naître entre les hommes et te revêtir d’une nature mortelle ? D’où vient qu’étant Seigneur et dominateur du monde, tu y fais ton entrée en si pauvre équipage ? Tu es né pour être roi, et c’est pour cela que tu es venu au monde, et cependant tu n’as pas plus de train [suite] qu’un pauvre serviteur. Tu es le Fils unique et l’héritier de toutes choses, et cependant tu viens comme un pauvre étranger et un voyageur inconnu. Tu n’as pas où reposer ton chef. D’où vient que toi qui as tous les palais de la terre à ton commandement, qui pouvais occuper la demeure des plus glorieux esprits, et qui en un moment pouvais bâtir des édifices superbes et créer un nouveau monde, aies choisi une chétive étable pour lieu de ta naissance ? Que toi qui es de toute éternité ceint de force et revêtu de magnificence, aies voulu être enveloppé de bandelettes ? Que toi qui as le Ciel pour ton trône où mille milliers te servent, et dix mille millions assistent devant toi, aies voulu être couché dans une crèche ?

Ô Seigneur, tu as voulu par là nous découvrir les abîmes de ton infinie sagesse. Le premier homme nous avait perdu par son orgueil et son ambition, et tu as voulu nous sauver par ton humilité et ton anéantissement. Le premier homme voulant devenir semblable à Dieu nous avait précipités en la mort et en la damnation éternelle, et toi, Dieu des compassions, en te faisant semblable à l’homme, tu nous as remis en vie, et nous as enrichis de bénédictions célestes. Tu as réuni en ta personne la divinité et l’humanité qui avaient été séparées par le péché. Tu t’es approprié un corps pour l’offrir en sacrifice, et nous acquérir une rédemption éternelle. Tu as participé à la chair et au sang, afin de détruire par ta mort celui qui avait l’empire de mort, à savoir le diable, et délivrer tous ceux qui, par crainte de mort, étaient toute leur vie assujettis à la servitude.

Ô grand Dieu, qui habites en une lumière inaccessible, tu as voulu t’accommoder à nos faiblesses, et couvrir les rayons de ta gloire sous le voile de notre pauvre et chétive nature, afin que nous approchions avec assurance du trône de ta grâce. Tu as voulu nous apprendre que ton règne n’est point de ce monde. Tu as voulu rendre notre foi plus illustre et plus miraculeuse. Car si tu étais venu au monde à la tête d’une armée victorieuse et triomphante, armée de foudres, accompagné de flammes et revêtu de magnificence, la chair et le sang nous eussent conseillé de nous ranger de ton parti. Tu as voulu confondre la gloire du monde et sanctifier la pauvreté par ton exemple. Bref, Seigneur, c’est à nous que revient tout le fruit de ton Incarnation et de ton anéantissement : car l’enfant nous est né, le fils nous est donné.

Pour la glorification du fils de Dieu

Miséricordieux Sauveur, tu es descendu dans les parties les plus basses de la terre, mais c’est afin de nous élever jusqu’au plus haut des cieux. Tu t’es enveloppé de nos ténèbres mortelles, afin de nous revêtir de ta lumière et de ton immortalité. Tu as voulu participer à la nature humaine, afin de nous rendre participants de ta nature divine. Tu t’es revêtu de notre chair, pour nous revêtir de ton Esprit. Tu t’es fait fils de l’homme afin de nous acquérir le droit d’être faits enfants de Dieu. Tu as pris forme de serviteur afin de nous détacher de la chaîne du diable, et de nous faire rois et sacrificateurs pour Dieu ton père. Tu as été enrôlé au registre de César, afin que nos noms soient gravés dans ton livre de vie et que notre portrait soit à jamais sur la paume de ta main.

Tu es venu ici-bas comme étranger, mais c’est afin de nous rendre concitoyens des saints et domestiques de Dieu. On t’a fermé les portes des maisons de Bethléem : il ne s’est point trouvé de lieu pour toi en l’hôtellerie, mais c’est afin de nous ouvrir les portes de ta sainte cité, et de nous préparer place en la maison de ton Père céleste, où il y a plusieurs demeures. Tu es né dans une étable, mais c’est afin qu’un jour nous soyons logés au domicile des anges et des archanges. Tu as été enveloppé de bandelettes, afin de nous ceindre de force et de couvrir notre front d’un diadème. Tu as été couché dans une crèche, afin de nous élever au palais de la gloire céleste, et de nous faire asseoir sur un trône. Tu as voulu bégayer en enfant afin de nous apprendre le langage des anges. Tu as succé les mammelles de ta mère afin de nous abreuver du lait d’intelligence et de nous rassasier des mammelles de tes consolations. Bref, tu as voulu pleurer, afin d’essuyer toutes nos larmes.

C’est ici le vrai Noé qui nous consolera de toutes nos douleurs et qui mettra fin à nos travaux. C’est la vraie colombe qui après un déluge de maux, nous apporte les bonnes nouvelles de notre réconciliation avec Dieu. C’est le vrai Salomon, le vrai roi de paix : il est né durant la plus grande paix qui fut jamais au monde, et il nous procure une paix spirituelle et éternelle, laquelle surmonte tout entendement. Lui-même est la paix, la joie et la consolation de nos cœurs.

Prière d’intercession

Ô Dieu, que pourrions-nous maintenant souhaiter pour rendre notre condition heureuse, et notre état glorieux ? Car par l’Incarnation de ton cher Fils, nous sommes élevés au plus sublime degré de gloire dont la créature pouvait être capable. Notre chair est devenue le temple de la divinité et le pavillon de sa gloire. Notre nature humaine est élevée au-dessus des anges et des archanges, des principautés et des puissances. Nous sommes entrés en ton alliance. Les titres de notre noblesse sont plus anciens que le ciel et la terre. Nous sommes devenus princes d’un sang vraiment royal et divin, et héritiers infaillibles d’une couronne incorruptible : car étant frères de Jésus-Christ, nous sommes héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. Les anges auparavant s’armaient de glaives flamboyants pour nous empêcher l’entrée du paradis terrestre ; mais à présent ils se campent à l’entour de nous, et nous servent durant le temps de notre pèlerinage terrien. Car ne sont-ils pas tous esprits administrateurs envoyés pour l’amour de ceux qui doivent recevoir l’héritage de salut ?

Renaître avec Jésus

Seigneur Jésus, ne permets point que je contemple aujourd’hui ta naissance d’une contemplation oisive, comme un passant qui s’arrêterait à regarder quelque riche tableau, ou comme un homme curieux de choses nouvelles et anciennes, qui prendrait plaisir à lire ou à réciter quelque histoire célèbre ; mais qu’en contemplant comme en un miroir ta gloire à face découverte, je sois transformé en la même image de gloire en gloire, comme de par ton Esprit. Qu’en te voyant naître, j’apprenne à renaître, et à commencer une nouvelle vie. Car aussi, si quelqu’un est en Jésus-Christ, il faut qu’il soit fait nouvelle créature.

Seigneur Jésus, j’aperçois en ton Incarnation le vrai modèle de ma régénération ; car comme tu as été conçu du Saint-Esprit sans aucune œuvre d’homme, aussi nous, qui par ta grâce sommes enfants de Dieu, ne sommes point nés de la chair ni du sang, mais nous sommes nés de Dieu. Tu as été conçu une seule fois au ventre de ta bienheureuse mère ; mais tous les jours tu es conçu au cœur de tes élus, par la prédication de ta Parole, et l’opération secrète de ton Saint-Esprit.

Esprit tout-puissant et tout bon, qui es intervenu en la conception du fils de Dieu, et qui, en enveloppant la Sainte Vierge, lui as fait concevoir corporellement ce grand Dieu et Sauveur, possède tellement mon âme, et déploie sur moi ta vertu, de telle sorte que je le conçoive spirituellement, et que je puisse dire avec l’Apôtre : Je vis non plus maintenant moi, mais Christ vit en moi. Donne-nous de faire la volonté de notre Père céleste, afin que notre Seigneur étende sur nous les mains de sa grâce, et qu’il nous reconnaisse comme sa mère, ses frères et sa sœur. Tu nous as rendu auditeurs de ta sainte et divine Parole, donne-nous de la garder et d’y obéir tous les jours de notre vie, afin que nous soyons mis pour jamais au rang des bienheureux.

S’humilier avec Jésus

Seigneur Jésus, qui as quitté pour un temps le séjour glorieux du paradis céleste, pour venir ici-bas plier à nos misères, pleurer à nos malheurs, et t’accommoder à nos infirmités, donne-moi d’être prêt à quitter père, mère, femme, enfants, maisons et héritages, et de souffrir toutes les choses qui serviront à la gloire de ton grand nom, et à l’édification de ton Église.

Seigneur Jésus, qui as voulu naître en une hôtellerie, donne-moi de vivre ici-bas comme étranger et voyageur, en m’abstenant des convoitises charnelles qui guerroient contre l’âme. Que ce monde me soit une hôtellerie et un chemin passant. Que sans cesse je soupire après mon vrai pays, à savoir le céleste. Que je m’y en aille avec allégresse, par le chemin des bonnes œuvres que tu as préparées, afin que nous cheminions en elles.

Seigneur Jésus, que ton étable et ta crèche, et tes bandelettes, et tout l’opprobre de ta naissance soit sans cesse présente à mes yeux. Apprends-moi à m’humilier à ton exemple sous la main puissante de mon Dieu, afin que je sois élevé par lui quand il sera temps. Donne-moi de fouler aux pieds l’orgueil et la pompe de ce siècle, de me sevrer pour jamais des mignardises du monde, et des délices de péché. Ô folles vanités, retirez-vous de moi ! Voluptés trompeuses, maudites convoitises, je ne veux plus que vous possédiez mon cœur, car mon Sauveur par sa naissance m’a appris à bien vivre et à renoncer au monde et à moi-même, et toutes mes affections terriennes. Il m’a laissé un patron, afin que je suive ses traces.

Ô Seigneur, je ne vois rien dans les ténèbres de ton abaissement, qui ne soit mille fois plus aimable que toutes les richesses du monde, et que la pompe et la splendeur des plus superbes monarques. Ce sera à jamais le sujet de ma méditation, l’objet de mon amour, la consolation de mon âme.

Marcher avec Jésus

Tes saints prophètes, Seigneur, qui n’ont vu ta naissance que de loin, l’ont crue et l’ont saluée. Le Père des croyants en a tressailli de joie, et moi, Seigneur, qui la regarde de près, ne serai-je point tout ravi de joie, et rempli de consolation ? Ne sentirai-je pas les tressaillements de cet homme nouveau formé en mon cœur du doigt de ton Esprit ? Le ciel se réjouit de ce qu’aujourd’hui en la cité de David nous est né le Christ, le Seigneur. Et combien plus devons-nous être transportés de joie, nous qui sommes ton peuple, et le troupeau de ta pasture ? C’est ici la journée que le Seigneur a faite, égayons-nous, et réjouissons-nous en elle. Réjouissons-nous au Seigneur, et réjouissons-nous encore, égayons-nous d’une joie inénarrable et glorieuse.

J’entends les armées angéliques qui chantent dans le ciel ; et moi, Seigneur, serai-je aujourd’hui muet à tes louanges ? Ne tiendrai-je pas ma partie en cette sainte et divine harmonie ? N’entonnerai-je pas du cœur et de la voix ce sacré cantique, gloire soit à Dieu dans les cieux très hauts, et paix sur terre aux hommes de bonne volonté.

Je vois de pauvres bergers qui courent en grande hâte ; et moi, Seigneur, serai-je sans émotion ? Ne m’avancerai-je pas en diligence vers le but et le prix de ma vocation surnaturelle ? Ils quittent leurs troupeaux ; et moi, Seigneur, ne renoncerai-je pas à mes affections brutales ? Ne quitterai-je pas allègrement toutes les occupations de la terre pour aller à mon Jésus ? Ils vont jusqu’en Bethléem, pour voir les choses grandes et merveilleuses que le Seigneur leur avait déclaré ; et moi, Seigneur, n’irai-je pas en ta vraie Bethléem, en l’assemblée de tes saints, en la maison en laquelle tu nous donnes le pain de vie, dont quiconque mange vit éternellement.

Les Sages viennent d’Orient pour chercher le roi d’Israël ; et nous, Seigneur, tes pauvres enfants épars en tous les endroits du monde, ne nous assemblerons-nous pas en ton saint temple, pour vivre à jamais bienheureux à l’ombre de ton sceptre ? Ils viennent d’Orient pour l’adorer ; et moi, Seigneur, me contenterai-je aujourd’hui de te voir et de me réjouir en ton amour, sans te rendre l’hommage qui est dû à ta divinité ? Ô incomparable enfant, que je t’adore de bon cœur ! Car tu es mon rédempteur et mon Dieu, ma gloire et ma félicité.

Demeurer avec Jésus

Mais, Seigneur, que je ne me présente point devant ta face à vide. Qu’à l’exemple de tes sages, je t’apporte de mon or et de mon encens. Que je t’en fasse un sacrifice de bonne odeur, pour le soulagement de tes pauvres membres. Mais surtout, que je te présente une foi plus précieuse que le fin or, des prières et des louanges plus suaves que l’encens, et un cœur plus incorruptible que la myrrhe.

Et non seulement, Seigneur, que je me prosterne devant toi en toute humilité, et que je t’adore avec les sages ; mais permets-moi, je te supplie, de t’embrasser avec ton Siméon ; et non seulement de t’embrasser, mais de te retenir en mon sein, et de te loger en mon cœur.

Les bergers ayant adoré le Seigneur Jésus, et les sages lui ayant offert leurs présents se retirèrent, et Siméon, après l’avoir embrassé, le bénit, et le rendit à sa mère : mais il m’est impossible de quitter mon Sauveur. Il est tellement attaché et uni à mon cœur, que ni la vie, ni la mort ne l’en saurait séparer. Je ne le laisserai jamais qu’il ne m’ait conduit en la salle du festin préparé là-haut au ciel, dès la fondation du monde.

Mon Père et mon Dieu, qu’en toi je vive, qu’en toi je meure, qu’avec toi je demeure éternellement. Je suis las et ennuyé de cette vie, ses plaisirs me sont fades et amers. Seigneur, laisse aller ton serviteur en paix selon tes promesses. Car mes yeux ont vu ton salut.


Illustration de couverture : Henry Ossawa Tanner, Christ et sa mère étudiant les Écritures, huile sur toile, vers 1909 (musée d’art de Dallas).

Arthur Laisis

Linguiste, professeur de lettres, étudiant en théologie à la faculté Jean Calvin et lecteur dans les Églises réformées évangéliques de Lituanie. Principaux centres d'intérêts : ecclésiologie, christologie, histoire de la Réforme en Europe continentale. Responsable de la relecture des articles du site.

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