Joseph, père de Jésus — Alastair Roberts
21 décembre 2023

À l’approche de Noël, nous vous proposons quelques réflexions sur la généalogie du Christ, tirées des méditations bibliques du théologien Alastair Roberts. Ces quelques notes sont des remarques indépendantes, peut-être parfois décousues, comme des pistes de réflexion plus abouties.


Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères ; Juda engendra de Thamar Péretz et Zérah ; Péretz engendra Hetsrom ; Hetsrom engendra Aram ; Aram engendra Aminadab ; Aminadab engendra Nahchôn ; Nahchôn engendra Salma ; Salma engendra Booz de Rahab ; Booz engendra Obed de Ruth ; Obed engendra Isaï ; Isaï engendra David.

Le roi David engendra Salomon de la femme d’Urie ; Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abiya ; Abiya engendra Asa ; Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Yoram ; Yoram engendra Ozias ; Ozias engendra Yotham ; Yotham engendra Ahaz ; Ahaz engendra Ézéchias ; Ézéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Amôn ; Amôn engendra Josias ; Josias engendra Yékonia et ses frères au temps de la déportation à Babylone.

Après la déportation à Babylone, Yékonia engendra Chéaltiel ; Chéaltiel engendra Zorobabel ; Zorobabel engendra Abioud ; Abioud engendra Éliaqim ; Éliaqim engendra Azor ; Azor engendra Sadoq ; Sadoq engendra Ahim ; Ahim engendra Élioud ; Élioud engendra Éléazar ; Éléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob ; Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ. Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations depuis David jusqu’à la déportation à Babylone, et quatorze générations depuis la déportation à Babylone jusqu’au Christ.


Matthieu 1,1-17.

L’utilité d’une généalogie

Avant de songer à ce qu’apporte la généalogie du Christ en Matthieu, il convient de se remémorer l’utilité des généalogies en général. Elles ont plusieurs fonctions :

  1. Établir le pédigrée de certains dépositaires d’un office particulier ;
  2. Faire la transition historique entre des récits narratifs ;
  3. Montrer comment des lignées se sont étendues ;
  4. Montrer la continuité du plan de Dieu au travers des âges ;
  5. Résumer une grande histoire ;
  6. Amener à la pensée certains éléments importants du passé pour mieux comprendre ce qui va se dérouler ensuite.

Toutes ces choses se retrouvent ici.

Jésus, résumé de l’histoire sainte

Jésus est présenté comme héritier de David et fils d’Abraham. La généalogie offre un résumé de l’Ancien Testament : le livre commence par le « Livre des généalogies », ce qui est une référence à la Genèse. Cela manifeste que Jésus est l’alpha, il est là dans les premières pages de l’histoire sacrée. Et Matthieu ne fait pas simplement référence à la Genèse au début de son Évangile mais aussi au dernier verset du dernier livre de l’Ancien Testament dans son ordre hébreu (2 Chroniques 36,23) à la fin de son Évangile : Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : L’Éternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda. Qui d’entre vous est de son peuple ? Que l’Éternel, son Dieu, soit avec lui, et qu’il monte ! Ce verset étant comme le grand mandat de l’Ancien Testament. Ainsi, par toutes ces choses, Matthieu ancre son récit dans l’histoire de l’Ancien Testament et nous affirme ici que Jésus est la finalité de l’histoire allant de la création au décret de Cyrus. Il est le nouvel Israël, il résume en lui toute l’histoire sacrée. Il est l’alpha et l’oméga.

Le livre des Chroniques ressemble à Matthieu en ce sens : il commence par Adam puis Abraham et David et couvre ensuite toute l’histoire sainte. Matthieu semble se fonder sur les Chroniques pour une partie de sa généalogie et entreprendre un travail similaire à celui des Chroniques. Il veut nous donner par ces éléments de sentir toute l’importance des choses qu’il va décrire dans la suite : une nouvelle page de l’histoire sainte s’écrit.

Contrairement à Luc (et aux généalogies gréco-romaines), Matthieu commence par le personnage le plus ancien et va vers le plus contemporain. Mais il conclut toutefois par le nom le plus important.

La place des païens et les types de Marie

Matthieu ne se contente toutefois pas de faire une généalogie, car des noms y figurent qui ne sont pas dans la lignée directe, comme Zara (verset 3) et Urie (verset 6) ou les frères de Juda (verset 2) et Jéchonias (verset 11). Des femmes sont aussi mentionnées, ce qui n’était pas nécessaire pour cette généalogie. Étonnament, il ne s’agit pas des femmes des patriarches (Tamar qui était probablement cananéenne, Rahab de Jéricho, Beth-Sheba femme d’Urie le Hittite, Ruth la Moabite). Le message semble être que le peuple de Dieu et l’histoire sainte ont toujours inclus des gentils jusqu’à un certain point. Cela introduit et prépare une partie importante du message de Matthieu au sujet de Jésus. Mais cela prépare aussi l’irruption de Marie dans le récit : une femme qui donne naissance au Messie de manière surprenante, inhabituelle. Toutes ces femmes qui apparaissent dans les pages de l’histoire sainte de manière surprenante nous préparent en quelque sorte au personnage de Marie.

La semence bénie de la lignée maudite

Dans le livre de Jérémie (22,30), on lit cette malédiction : Ainsi parle l’Éternel : Inscrivez cet homme comme privé d’enfants, Comme un homme dont les jours ne seront pas prospères ; Car nul de ses descendants ne réussira à s’asseoir sur le trône de David et à régner sur Juda. Il semble donc étonnant que cet homme dont il est question apparaisse ici dans la liste. Un commentateur suggère que Shealtiel est adopté par Jéchonias (le maudit), apportant une nouvelle vie, de l’extérieur, dans cette lignée maudite.

“Quatorze générations…”

Il y a trois groupes de 14 dans cette généalogie. Mattieu lui-même le relève. Or, 14 est la guématrie1 du nom David. David encadre cette généalogie. Ce nombre est aussi 7×2. Il y a 14 ans de service pour Rachel et Léa, 14 ans entre Ismaël et Isaac, il y a 14 années grasses suivies de famine (7+7) en Egypte. Mais 14 est aussi lié au rythme lunaire, de croissance et décroissance en 28 jours. Il y a 14 générations de croissance depuis Abraham jusque David puis 14 générations de déclin de David à la Déportation et à cette malédiction de Jéchonias. Puis, alors que la lignée maudite de Jéchonias reçoit une nouvelle vie par l’adoption de Shealtiel, 14 nouvelles générations de croissance suivent qui conduisent finalement à Christ, le nouveau David. Jésus arrive au sommet de cette deuxième grande phase de croissance lunaire de l’histoire d’Israël. Quarante-deux générations, c’est aussi 6×7. Jésus-Christ débute le septième groupe de 7. Le septième 7 dans l’Ancien Testament était l’année du Jubilé et le début de cette septième semaine signait l’arrivée de ce temps de libération. Quarante-deux, c’est aussi un temps, deux temps et la moitié d’un temps (une durée qui revient souvent pour les épreuves dans les livres prophétiques ; 12 mois, 24 mois et 6 mois : 42 mois) : peut-être sommes nous supposés discerner dans l’histoire d’Israël une grande épreuve conduisant à l’arrivée de Jésus. Il arrive à la plénitude des temps. En toutes ces choses, Jésus est celui qui amène cette généalogie à sa destinée.

Joseph, père du Christ

Remarquons que Jésus n’est pas simplement confié au soin d’une mère, mais d’un couple, et qu’il reçoit un père humain adoptif en la personne de Joseph. Et il reçoit en Joseph tout ce que la généalogie de ce dernier comporte, cela fonde en partie son droit de prétendre au titre de Messie : par Joseph il descend de David et Abraham. Certes, il ne descend pas biologiquement de Joseph, mais tout comme pour Jéchonias et Shealtiel, il est donné comme fils à Joseph pour qu’il l’élève comme sien. Matthieu porte une attention très spéciale à Joseph dans son récit de la Nativité, et nous devons veiller à ne pas diminuer l’importance de ce personnage dans la vie du Christ.

Matthieu porte une attention particulière, soutenue et construite à Joseph. Il développe un réseau de typologie que l’on peut résumer comme suit :

  1. Joseph est fils d’un Jacob ;
  2. Joseph fait des rêves ;
  3. Joseph conduit sa famille en Égypte pour fuir un danger ;
  4. Sa famille est soumise au risque d’un massacre de ses petits enfants mâles par un tyran ;
  5. Cette famille remonte d’Égypte en terre sainte.

Vous ne savez pas bien si je parle du père du Christ ou du Joseph de l’Ancien Testament ? C’est volontaire. Matthieu relève ces similitudes et les tisse dans son récit pour que notre intelligence soit en alerte : se pourrait-il qu’un nouvel Exode soit en germe ?

Ce bref commentaire sur Joseph ainsi que la mention des types de Marie permettent au passage de souligner l’importance de ne pas restreindre la typologie à la seule personne de Jésus-Christ. Oui, les types du Christ dominent l’Écriture. Mais d’autres types s’y trouvent, non pas pour détourner notre attention du Christ, mais pour que, par rebond, nous le comprenions mieux. Joseph le fils du patriarche est type de Joseph le père adoptif du Christ afin de nous en apprendre plus sur le Christ venant offrir un nouvel Exode.


Illustration en couverture : Rembrandt, Le rêve de Joseph, huile sur toile, 1645 (Berlin, Galerie de peintures).

  1. Somme des valeurs numériques associées à chaque lettre hébraïque. En hébreu comme en grec, les lettres ont une valeur numérique et font office de chiffres.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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