L’historicité de l’Exode – Hoffmeier
14 décembre 2024

James K. Hoffmeier, un égyptologue et théologien renommé, a publié en 1997 Israel in Egypt: The Evidence for the Authenticity of the Exodus Tradition. Cet ouvrage explore la plausibilité historique du récit biblique de l’Exode à travers une approche multidisciplinaire combinant l’égyptologie, l’archéologie, l’exégèse biblique et l’histoire ancienne. L’article du jour est la présentation de la matière apportée par ce livre.

Objectif principal

Hoffmeier cherche à déterminer si les événements décrits dans le livre biblique de l’Exode ont des fondements historiques crédibles, en s’appuyant sur des preuves archéologiques, des textes anciens et des parallèles culturels. Contrairement à certains érudits qui considèrent le récit comme purement mythologique, Hoffmeier défend l’idée que l’Exode pourrait refléter des événements historiques réels, bien que stylisés par la théologie biblique.

Thèmes clés et structure

Le livre est organisé en trois parties principales :

  1. Contexte historique et géographique
    Hoffmeier analyse la présence des Sémites en Égypte durant le Nouvel Empire (XVe-XIIIe siècles av. J.-C.) et les liens possibles avec les Hébreux. Il examine des textes égyptiens mentionnant des Asiatiques (appelés « Hapirou » ou « Apiru ») qui pourraient être liés aux Hébreux. Il explore également le rôle de la région du delta du Nil, où les Hébreux auraient résidé.
  2. Les preuves archéologiques
    Hoffmeier explore les données archéologiques et leur concordance avec le récit biblique. Il discute des vestiges dans le delta oriental, tels que les structures associées à Pi-Ramsès, qui pourraient correspondre à la ville mentionnée dans l’Exode. Il s’intéresse aussi aux migrations et aux dynamiques sociales entre l’Égypte et le Levant.
  3. Analyse des récits bibliques
    L’auteur étudie le texte biblique dans sa dimension historique et théologique, évaluant les détails du récit (les plaies, la traversée de la mer, etc.) pour discerner ce qui pourrait être considéré comme historiquement plausible.

Chapitre 1: L’état du débat académique autour de la présence d’Israël en Égypte.

Notez bien que ces éléments datent de 1997. Dans l’histoire récente de la discipline, le modèle de base était le modèle Albright-Wright. Le modèle Albright-Wright repose sur une lecture littérale des récits bibliques, notamment ceux du livre de Josué, pour expliquer l’entrée des Israélites en Canaan. Selon cette théorie, les Israélites auraient envahi la région à la fin de l’âge du Bronze, détruisant des villes cananéennes clés comme Jéricho, Aï et Hazor, conformément au récit biblique. William F. Albright et George E. Wright ont soutenu cette hypothèse en tentant de corréler des destructions archéologiques datées entre le XIIIᵉ et le XVᵉ siècle av. J.-C. avec les événements décrits dans la Bible. Ce modèle cherchait à établir une continuité entre les données textuelles et archéologiques, affirmant ainsi la fiabilité historique du texte biblique.

Mais les débats sur les origines d’Israël ont profondément évolué au cours des dernières décennies, notamment en raison de découvertes archéologiques et de nouvelles méthodologies critiques. Deux ouvrages emblématiques de cette dynamique opposée sont ceux de John Bright (A History of Israel, 1981), qui défend une origine égyptienne pour Israël, et de Gösta Ahlström (Who Were the Israelites?, 1986), qui rejette cette hypothèse ainsi que presque toutes les tentatives de reconstruction historique. Ce contraste marque un tournant dans les études sur l’histoire biblique.

Pourquoi ce revirement ? Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : l’effondrement de la synthèse Albright-Wright, la remise en question de la théorie critique classique, la redéfinition de ce que signifie « histoire » dans un contexte biblique, et l’adoption d’une herméneutique de suspicion.

1. Effondrement de la synthèse Albright-Wright

Les archéologues William F. Albright et George E. Wright ont cherché à concilier les récits bibliques avec les données archéologiques, en soutenant une hypothèse de « conquête », où les Israélites auraient envahi Canaan selon le modèle décrit dans Josué. Ce modèle s’appuyait sur les destructions de sites clés attribuées aux Hébreux. Deux alternatives à cette hypothèse ont émergé dans les années 1960 :

  1. L’hypothèse « migration » d’Albrecht Alt et Martin Noth : Israël aurait émergé à partir de migrations pastorales. Cependant, cette théorie ne parvient pas à expliquer les destructions de villes cananéennes.
  2. Le modèle de « révolte paysanne » de George Mendenhall et Norman Gottwald (1962) : Israël serait issu de populations cananéennes opprimées qui se seraient révoltées contre leurs élites urbaines.

L’effondrement de la synthèse Albright-Wright est en grande partie lié aux fouilles des sites de Jéricho et d’Aï (et-Tell), dont les conclusions sapent le modèle de conquête directe.

  • Jéricho : John Garstang (1930-1936) date la destruction de la cité IV à environ 1400 av. J.-C., en cohérence avec le récit de Josué. Kathleen Kenyon (1952-1958) la redéfinit à environ 1200 av. J.-C., une période où Jéricho était sous influence égyptienne, excluant une conquête israélite contemporaine de Josué. En 1997, Bryant G. Wood propose de réviser la datation de Kenyon, mais le débat reste ouvert.
  • Aï (et-Tell) : Les fouilles successives (Garstang, puis Callaway entre 1964 et 1976) révèlent une absence d’occupation entre le Bronze ancien III (-2400) et le Fer I (-1200), ce qui rend improbable une conquête en -1400. Albright défend l’idée que le site biblique d’Aï pourrait être Beitin, mais cette identification reste controversée.

2. Fin de la théorie critique classique

La théorie documentaire élaborée par Julius Wellhausen à la fin du XIXᵉ siècle a longtemps dominé l’exégèse biblique. Cette théorie suggérait que les premiers livres de la Bible (le Pentateuque) étaient le résultat de compilations tardives de sources distinctes (appelées J, E, D, P), rédigées bien après les événements qu’elles décrivent. Wellhausen considérait ces textes comme des constructions littéraires théologiques dépourvues de valeur historique directe. Cette lecture a marqué l’ensemble du XXᵉ siècle et a encouragé une méfiance généralisée envers la Bible en tant que source historique.

Dans les années 1980, cependant, cette théorie subit de fortes remises en question :

  • Kikawada et Quinn (Before Abraham Was, 1985) proposent une alternative en se concentrant sur des « fragments » narratifs qui, selon eux, reflètent des traditions historiques indépendantes plutôt qu’un cadre documentaire unifié.
  • R.N. Whybray (The Making of the Pentateuch, 1987) critique la théorie documentaire en affirmant qu’elle manque de preuves solides et propose une approche qui analyse le texte dans son ensemble comme une œuvre littéraire cohérente.

Ces critiques mettent en lumière les limites de l’approche classique et ouvrent la voie à des interprétations qui considèrent les récits bibliques comme des sources complexes, combinant éléments historiques et théologiques. Cette rupture de consensus invite à un réexamen sérieux du texte biblique dans une perspective plus équilibrée.

3. Redéfinition de « l’histoire biblique »

Les perceptions de l’historicité des récits bibliques ont évolué au fil du temps. Entre 1950 et 1975, une approche « maximaliste » prédomine : les textes bibliques sont largement considérés comme des récits fiables, sauf preuve du contraire. Cette période accorde beaucoup de poids à la Bible comme source historique directe.

À partir de 1975, une approche « minimaliste » gagne en popularité. Cette perspective, portée par des chercheurs comme Thomas L. Thompson et Niels Peter Lemche, adopte une posture inverse : elle considère que les récits bibliques sont fictifs, sauf si une preuve archéologique ou externe indépendante les confirme. Cette école de pensée repose sur un scepticisme méthodologique, mettant en doute l’authenticité des textes anciens.

Van Seters (1976) introduit des critères d’historicité particulièrement rigoureux. Il affirme que pour qu’un récit soit considéré comme historique, il doit répondre à des exigences strictes de corroboration externe, ce qui exclut une grande partie des récits anciens, bibliques ou non.

Cette approche minimaliste a cependant ses limites. Des découvertes archéologiques, comme la stèle de Tell Dan (1993), qui mentionne la « Maison de David », contredisent l’idée d’une absence totale de base historique dans les récits bibliques. Cette inscription confirme l’existence d’une dynastie davidique, apportant une preuve tangible à un récit longtemps considéré comme légendaire. Ces trouvailles montrent que, même si la Bible contient des éléments théologiques ou littéraires, elle n’est pas dénuée de tout fondement historique.

4. Herméneutique de suspicion

L’herméneutique de suspicion désigne une attitude de méfiance systématique envers les textes bibliques, les considérant comme des récits fictifs ou propagandistes, à moins qu’une preuve externe directe ne confirme leur véracité. Cette approche est influencée par les théories critiques modernes et une historiographie sceptique qui tend à rejeter a priori la Bible comme source historique fiable.

James K. Hoffmeier, s’appuyant sur les travaux de William Hallo (1990) et Jon Levenson (1993), identifie plusieurs problèmes majeurs dans cette posture sceptique :

  1. Biais idéologiques : Les chercheurs sceptiques ne sont pas aussi neutres qu’ils le prétendent. Ils analysent les textes bibliques en partant de l’idée préconçue que ceux-ci ne peuvent pas être fiables. Cette subjectivité influence leurs conclusions tout en masquant leur propre parti pris sous le couvert d’une méthodologie prétendument objective.
  2. Critères inadaptés aux contextes anciens : Les sceptiques appliquent des standards modernes d’historiographie à des textes antiques. Or, dans les sociétés anciennes, l’histoire et le mythe étaient souvent entremêlés, ce qui était tout à fait normal et accepté. Exiger des récits bibliques qu’ils respectent des critères modernes revient à méconnaître les conventions littéraires de leur époque.
  3. Dévalorisation injustifiée des textes anciens : Certains sceptiques rejettent des documents anciens sans fondement valable ou en minimisant leur importance. Ils ignorent que ces textes, même avec leurs aspects théologiques ou idéologiques, peuvent fournir des informations historiques précieuses.

En somme, Hoffmeier souligne que cette herméneutique de suspicion manque d’équilibre : elle inverse les excès du maximalisme en tombant dans une vision trop rigide et réductionniste, négligeant la complexité des sources anciennes.

Conclusion du chapitre 1

Les débats sur l’historicité de l’Exode et des origines d’Israël reflètent des tensions méthodologiques et idéologiques profondes. Si l’approche maximaliste est aujourd’hui rejetée, le minimalisme radical suscite également des critiques. Les découvertes archéologiques, bien que fragmentaires, montrent que les récits bibliques contiennent des éléments historiquement

Chapitre 2 : Le débat sur les origines d’Israël.

La conquête de Canaan s’est elle-passée comme le raconte Josué ? Hoffmeier décrit le débat archéologique autour de cette difficile question.

1. Les théories en lice.

La question de l’historicité de Josué et de la conquête de Canaan reste un sujet central dans les études bibliques et archéologiques. En 1993, quatre principales théories tentaient d’expliquer l’émergence d’Israël en Canaan :

  1. La conquête : Israël serait un peuple sorti d’Égypte ayant envahi Canaan de manière militaire. (Celle dont nous évangéliques avons l’habitude).
  2. L’immigration : Israël serait un peuple sémite venu progressivement s’installer en Canaan et supplanter les Cananéens.
  3. La révolte paysanne : Israël serait constitué de paysans cananéens s’étant révoltés contre leurs maîtres pour prendre le contrôle de la région.
  4. Les Cananéens pastoraux : Israël émergerait d’un groupe de Cananéens nomades qui se seraient sédentarisés.

La dernière hypothèse, celle des Cananéens pastoraux, est déclinée en quatre variantes:

  • Niels Peter Lemche : Selon lui, le récit de Josué est une fiction, et Israël proviendrait d’une évolution interne des populations cananéennes (habirus). L’émergence d’Israël serait une conséquence de la retraite égyptienne de Canaan. Hoffmeier critique cette approche comme étant aussi spéculative que des fictions.
  • Volkmann Fritz : Il soutient une variante similaire où les habirus seraient d’origine strictement cananéenne.
  • Gösta Ahlström : Il considère que les habirus sont des Cananéens marginaux ayant formé une communauté autour de Sichem. Cette hypothèse est remise en question par l’analyse de la stèle de Mérenptah.
  • Israel Finkelstein (1988) : Il propose que des Cananéens se soient nomadisés au milieu de l’âge du bronze, puis resédentarisés à la fin du bronze tardif. Cette théorie, centrée sur l’archéologie, est aujourd’hui la plus influente, bien que Hoffmeier la critique pour son utilisation partielle des données.

2. La théorie de la conquête

Le modèle classique de la conquête, proposé par Albright et Wright, interprétait le livre de Josué comme une description d’une invasion rapide et destructrice, où Israël aurait rasé de nombreuses villes en Canaan. Cette vision est aujourd’hui rejetée, notamment grâce aux travaux de William Dever, qui montrent que seules trois villes — Jéricho, Aï, et Hatsor — semblent avoir été détruites autour de 1200 av. J.-C., loin des seize villes mentionnées initialement.

Cependant, ces critiques du modèle de la conquête posent problème :

  • La datation unique à 1200 av. J.-C. repose sur un présupposé discuté (lié à Ramsès II) et néglige d’autres périodes potentielles, comme 1400 av. J.-C.
  • L’argument du silence archéologique est mal utilisé.
  • Le rejet de l’Ancien Testament est souvent arbitraire.
  • Les descriptions bibliques utilisent des termes associés à la capture et à la guerre, mais ne parlent pas systématiquement de destructions totales.

En 1996, Amnon Ben-Tor a découvert à Hatsor un palais datant de l’âge du bronze tardif, détruit méthodiquement, avec des statues de divinités païennes décapitées, ce qui est cohérent avec les instructions de destruction cultuelle du Deutéronome (Dt 7.5).

Ainsi, la contradiction n’est pas entre le livre de Josué et l’archéologie, mais entre les interprétations modernes du modèle Albright-Wright et les données disponibles.

3. Considérations littéraires

Le rejet du livre de Josué repose souvent sur la théorie documentaire, qui en fait une compilation tardive du VIIᵉ siècle av. J.-C. Cependant, des travaux comme ceux de H.J. Koorevaar montrent que le livre présente une unité littéraire, structurée autour d’un chiasme complexe, attestant d’une composition soignée et ancienne.

4. Récits militaires de Josué et parallèles moyen-orientaux

Les sceptiques des années 1970 rejetaient Josué pour ses descriptions hyperboliques et son langage religieux. Pourtant, des textes égyptiens et mésopotamiens contenant des exagérations similaires sont considérés comme historiques. Par exemple :

  • Les pactes d’alliance du Deutéronome ressemblent à ceux d’Ougarit et du Moyen-Assyrien.
  • Le style de Josué se rapproche des récits militaires de Tukulti-Ninurta I (1244–1208 av. J.-C.).
  • Les traversées miraculeuses, comme celle du Jourdain, rappellent des récits similaires, comme la traversée de l’Euphrate par Sargon II.
  • Les descriptions exagérées, comme dans Josué 10.20, trouvent des parallèles dans la stèle de Mérenptah et les inscriptions de Thoutmôsis III.

Ces hyperboles sont des conventions littéraires du IIᵉ millénaire av. J.-C., et leur présence renforce l’idée que le livre de Josué reflète une tradition ancienne.

Conclusion du chapitre 2

En prenant au sérieux l’historicité du livre de Josué, sans nécessairement s’engager sur son inspiration religieuse, on peut envisager une théorie de la conquête révisée : un groupe extérieur à Canaan s’installe dans le pays, provoquant certaines destructions ciblées mais pas un génocide total. Cela correspond au tableau biblique de l’installation d’Israël dans un pays où ils héritent de villes, de vergers et de vignobles déjà établis (cf. Josué 24.13). Cette hypothèse mérite un examen attentif, à la lumière des données archéologiques et littéraires.

Chapitre 3 : Y a-t-il eu des israélites en Égypte ?

Introduction

Dans ce chapitre, Hoffmeier explore la présence historique des Sémites en Égypte, notamment celle des patriarches bibliques tels qu’Abraham, Isaac et leurs descendants, les Israélites. Il démontre que cette présence est bien attestée dans les sources égyptiennes, et ce, dès la chute de l’Ancien Empire (-2196) et à son apogée durant la période des Hyksos, soit pendant la deuxième période intermédiaire (-1770 à -1550 av. J.-C.), et jusqu’au Nouvel Empire (-1550 à -1069 av. J.-C.).

1. La présence sémitique dès la première dynastie

Dès les premières dynasties égyptiennes, les textes font état de contacts avec des peuples sémites. Ainsi, dès la Première Dynastie, il est question de conflits avec des bédouins venus du Sinaï. Ces incursions sont à l’origine de plusieurs campagnes militaires. Par exemple, dans la biographie de Weni, un haut fonctionnaire de la 6e dynastie, il est mentionné des raids contre les « habitants des sables » — terme désignant les populations sémites. Weni décrit l’organisation d’un réseau de défense contre les Asiatiques (terme qui englobe les sémites), installés principalement dans le delta du Nil.

De plus, les titres officiels de la 5e dynastie font référence à des fonctions de surveillance de zones spécifiques, telles que « Surveillant des barrières, déserts et forteresses royales dans le nome de Hiéropolis », suggérant une vigilance accrue face à la présence étrangère en Égypte.

2. La première période intermédiaire : un terreau pour l’installation sémitique

Au cours de la Première Période Intermédiaire (environ -2181 à -2040), l’Égypte est divisée en deux régions rivales : le Nord, avec pour capitale Hnes/Herakleopolis, et le Sud, où la capitale est Thèbes. Cette division politique permet aux peuples sémites de s’installer plus facilement, notamment dans le delta du Nil. La faiblesse de l’autorité centrale permet une certaine mobilité des populations et une installation de groupes asiatiques, principalement dans le delta fertile, favorisée par le manque d’une surveillance forte sur ces zones périphériques.

3. Preuves écrites de la présence sémitique

Plusieurs documents égyptiens de cette époque témoignent de l’activité et de la présence des Sémites en Égypte :

  • L’Instruction de Merikare (10e dynastie) : Ce texte contient des instructions données par le roi du Nord à son fils concernant les nomades asiatiques. Le terme « asiatique » désigne en réalité les peuples sémites. Il est mentionné qu’un canal de défense contre ces populations a été construit, soulignant la menace perçue par les autorités égyptiennes.
  • La Prophétie de Neferti (12e dynastie) : Ce texte décrit les troubles durant la Première Période Intermédiaire et évoque des incursions agressives de peuples sémites. Il est en parfaite adéquation avec les préoccupations exprimées dans l’Instruction de Merikare.
  • Autres sources : On trouve également des mentions de la présence de Sémites dans des textes comme l’Avertissement de Ipuwer, ainsi que dans les constructions défensives comme les forteresses nubiennes de la 12e dynastie. De plus, la mention du « mur du seigneur » par Sinuhe et la stèle de Kerma témoignent d’une forte activité de défense contre les incursions étrangères.

Malgré ces nombreuses preuves écrites, il n’existe pas de découvertes archéologiques directes confirmant cette présence sémitique avant la période des Hyksos. Cependant, des fouilles récentes, comme celles du Tell Hebud, commencent à apporter des éléments intéressants. Ce site, fouillé par el-Maksoud, remonte au Nouvel Empire, mais ses fondations sont datées de la Première Période Intermédiaire. Bien que le delta du Nil soit encore sous-exploré par les archéologues, Hoffmeier reste optimiste quant à la découverte de nouvelles preuves archéologiques qui viendraient corroborer ces documents écrits.

2. La présence sémitique sous le Moyen Empire

Au Moyen Empire (environ -2040 à -1782), les traces de Sémites en Égypte sont plus abondantes et mieux documentées :

  • Papyrus Brooklyn 35.1446 : Ce document contient des références à des serviteurs sémites travaillant dans des maisons égyptiennes. Une liste provenant de Thèbes (datée de la 12e dynastie) mentionne jusqu’à 40 noms de serviteurs d’origine sémitique, probablement de type syro-palestinien. Cela suggère qu’une partie de ces Sémites est arrivée en Égypte, notamment par le biais de commerce d’esclaves (cf. Genèse 37.36).
  • Prisonniers de guerre : L’inscription d’Aménemhat II (1901-1866 av. J.-C.) mentionne la capture de prisonniers sémites, ce qui témoigne des échanges entre les peuples sémites et les Égyptiens, et de la présence de ces derniers en tant que prisonniers de guerre.
  • Relations commerciales avec les Sémites : Dès l’Ancien Empire, des relations commerciales sont établies avec les pays sémites. Par exemple, le bois de cèdre, en provenance de Phénicie, est très recherché par l’Égypte. Les papyri londoniens (UCXL) et les documents de Berd 10 002, 10k4, 10k21, 10k34, 10k50, 10k55, 10k66, 10k111, 10k228, 10k323 témoignent de la présence de nombreux travailleurs sémites en Égypte, et ce, depuis des périodes antérieures au Moyen Empire.

3. Preuves archéologiques : Les Hyksos et Avaris

La période des Hyksos, entre -1770 et -1550 av. J.-C., marque un point culminant dans l’histoire de la présence sémitique en Égypte. Les Hyksos, un peuple sémitique originaire de l’Asie occidentale, s’emparent de la région du delta du Nil et fondent leur propre dynastie, les dynasties 15 à 17.

Les fouilles récentes à Tell el-Dab’a (ancienne capitale Avaris) par l’archéologue Manfred Bietak depuis 1966 ont révélé des vestiges importants de cette période. Ces fortifications, datées de la Première Période Intermédiaire, sont en parfaite adéquation avec les descriptions trouvées dans les textes, comme l’Instruction de Merikare, concernant les mesures de défense contre les invasions asiatiques. Ce site, qui témoigne de la présence et de l’influence des Hyksos, constitue une preuve archéologique significative des interactions entre les Sémites et les Égyptiens.

Conclusion

En somme, la présence des Sémites en Égypte, et plus particulièrement des groupes comme les Israélites, est largement attestée par les sources écrites et archéologiques. Dès la Première Période Intermédiaire, les Sémites étaient présents dans le delta du Nil et jouaient un rôle important dans les échanges commerciaux et militaires avec les Égyptiens. Cette présence devient plus marquée sous les Hyksos, mais elle perdure aussi après leur chute, avec des traces de populations sémites dans le pays, à la fois comme esclaves, prisonniers de guerre, et travailleurs dans les grandes maisons égyptiennes. Ces éléments nous permettent de reconsidérer le rôle des Sémites dans l’histoire ancienne de l’Égypte et d’approfondir la compréhension de l’origine des Israélites dans ce contexte complexe.

Chapitre 4 : Les preuves archéologiques de l’existence de Joseph

Dans ce chapitre, l’auteur examine les éléments historiques et égyptologiques qui montrent que l’histoire de Joseph, telle qu’elle est racontée dans la Genèse, s’inscrit de manière cohérente dans le contexte de l’Égypte ancienne. Selon Alan R. Schulman, l’auteur du récit biblique de Joseph possédait une connaissance approfondie de la culture égyptienne, en particulier de la cour égyptienne, et pourrait même avoir vécu en Égypte pendant un certain temps. Voici les principaux éléments qui soutiennent cette hypothèse.

1. L’esclavage de Joseph

L’histoire de Joseph vendu comme esclave est cohérente avec la réalité égyptienne de la 12e et 13e dynastie. Le prix de 20 shekels payé par les Madianites pour Joseph correspond exactement au prix d’un esclave durant la première moitié du 2e millénaire avant Jésus-Christ. Le rôle d’esclave de Joseph, tel que décrit dans la Genèse, correspond également aux descriptions d’esclaves retrouvées dans des documents comme le Papyrus Brooklyn 35.1446.

2. Les prénoms et noms égyptiens

Certains des prénoms présents dans le récit de Joseph, comme ceux de Potiphar et Potiphérah, sont en parfaite adéquation avec les pratiques de l’Égypte ancienne. Potiphérah, par exemple, est un nom courant pour un grand prêtre d’On (Héliopolis) et remonte à des périodes aussi anciennes que l’Ancien Empire. De même, Asenath, la femme de Joseph, est un prénom authentiquement égyptien, bien qu’il soit difficile de retracer son étymologie exacte. Plusieurs hypothèses ont été proposées, mais son origine égyptienne ne fait aucun doute.

3. Le nom Zaphnat-Panéah

Le nom donné à Joseph par Pharaon, Zaphnat-Panéah, est reconnu par les égyptologues comme une translittération d’un terme égyptien. Bien que l’on n’ait pas de consensus sur sa signification exacte, il est clair que ce nom a des racines égyptiennes.

4. Le titre de « Pharaon »

Dans le récit biblique, le terme Pharaon est utilisé sans prénom, ce qui est conforme à la pratique de l’Ancien Empire. Ce n’est qu’à partir de la 18e dynastie que le terme commence à désigner le souverain égyptien seul, suivi de son nom personnel, comme cela est fait dans les livres des Rois et des Chroniques dans la Bible (où il est parlé du « pharaon Néko » plutôt que « Pharaon » seulement).

5. Les magiciens et l’interprétation des rêves

Les magiciens mentionnés dans le récit biblique ont une fonction qui est bien documentée dans les sources égyptiennes. Les « prêtres lecteurs » égyptiens, chargés d’interpréter les rêves, considéraient les cauchemars comme prophétiques et conseillaient de les traiter comme des avertissements. Ce rôle est en parfaite adéquation avec celui de Joseph, qui interprète les rêves de Pharaon.

6. L’anniversaire de Pharaon

La coutume de libérer des prisonniers ou des serviteurs à l’occasion de l’anniversaire de Pharaon, comme mentionné dans le récit biblique, est également bien attestée dans les festivités des pharaons, en particulier lors de l’anniversaire de leur couronnement.

7. Les détails de l’investiture de Joseph

Lorsque Joseph est investi de son autorité par Pharaon, il reçoit une bague de sceau, une tenue de lin royal et est présenté sur un char. Ces détails trouvent un écho dans les bas-reliefs égyptiens représentant des dignitaires lors de leur investiture, des scènes fréquemment retrouvées dans les tombes des hauts fonctionnaires égyptiens.

8. Les titres de Joseph

Les titres portés par Joseph, tels que celui de « Vizir », étaient attribués à d’autres dignitaires dans l’Égypte ancienne, y compris à des sémites. Par exemple, le vizir Bay, qui vivait en -1944 av. J.-C., portait un titre similaire. Ces titres étaient en usage depuis le Moyen Empire et la Deuxième Période Intermédiaire.

9. La momification de Joseph

Il est également plausible que Joseph ait été momifié, un mélange de pratiques funéraires égyptiennes et sémites ayant été observé chez d’autres dignitaires sémites. Cette pratique est cohérente avec le traitement réservé aux hauts fonctionnaires dans l’Égypte ancienne.

10. L’âge de Joseph au moment de sa mort

L’âge de 110 ans, mentionné dans le récit biblique comme l’âge de Joseph lors de sa mort, est un idéal dans la culture égyptienne, bien plus que dans la tradition sémitique. Ce détail est courant dans les inscriptions de la 19e et 20e dynastie.

11. La question de l’archéologie

Bien qu’aucune tombe ou preuve archéologique directe de Joseph n’ait été trouvée, cela ne constitue pas un argument contre son historicité. Par exemple, le nom du vizir Aper-el, qui n’a été retrouvé qu’à la fin des années 1980 après des décennies de fouilles à Sakkara (LE site le plus fouillé de toute l’égyptologie), montre que même des dignitaires de haut rang peuvent être ignorés pendant longtemps par les archéologues. De plus, le Delta du Nil, région d’origine de Joseph, est encore peu fouillé, ce qui rend plus difficile la découverte d’éléments archéologiques directs concernant sa personne.

Conclusion

L’historicité de Joseph et la datation de son histoire sont des sujets débattus parmi les spécialistes, avec des propositions variant de la fin du Moyen Empire (13e siècle avant J.-C.) à la période perse (7e siècle avant J.-C.). Hoffmeier, s’appuyant sur les éléments égyptologiques, pense que Joseph a vécu au cours du 2e millénaire avant J.-C., probablement au 13e siècle, à la fin du Moyen Empire et durant la Seconde Période Intermédiaire.

Chapitre 5 : Les traces de la présence d’Israël en Égypte

1. Considération littéraire

Le récit de l’Exode, particulièrement dans ses premiers chapitres (Exode 1-14), est remarquablement cohérent sur le plan littéraire et rhétorique, bien plus que ce que la théorie documentaire voudrait suggérer. Bien que des éléments surnaturels soient présents, le texte ne tombe pas dans le registre mythologique de manière similaire à la Bataille de Qadesh racontée par Ramsès II. Pourtant, malgré les aspects mythiques de ce dernier récit, les historiens ne doutent pas de son historicité. Si la Bataille de Qadesh peut être considérée comme historique malgré ses éléments mythologiques, il en va de même pour l’Exode, dont les éléments surnaturels ne devraient pas disqualifier son authenticité historique.

2. Changements de fortune

Exode 1.8 mentionne : « Il s’éleva sur l’Égypte un nouveau roi, qui n’avait point connu Joseph. » Certains ont suggéré que l’absence d’un nom explicite pour Pharaon dans ce passage remettait en question l’historicité du récit. Selon cet argument, si l’auteur de l’Exode avait voulu fournir un récit historique précis, il aurait dû identifier clairement Pharaon. Toutefois, cette critique est rejetée par des chercheurs comme Hoffmeier, qui soulignent que l’absence de nom peut avoir une raison théologique : le but du texte n’est pas de satisfaire la curiosité des historiens modernes, mais de clarifier, pour le peuple d’Israël, la nature de Dieu dans l’Exode.

De plus, il est courant dans la tradition égyptienne de ne pas mentionner les noms des rois vaincus. Par exemple, dans les annales de Thoutmose III et sur la stèle de Gelad Barka, les ennemis de Pharaon sont désignés de manière dépréciative (« ce méchant de Kadesh », « le prince de Meggido », etc.), dans ce que l’on appelle la damnatio memoriae — une tentative de détruire symboliquement la mémoire des ennemis. Alan Schulman note que cette pratique se perpétue jusqu’à la période de Ramsès. En revanche, les Hittites et les Assyriens enregistraient soigneusement les noms des rois qu’ils combattaient, une pratique qui se retrouve dans les livres des Rois et des Chroniques de la Bible, mais qui n’est pas représentative de la tradition égyptienne.

Ainsi, il semble que le livre de l’Exode suive délibérément cette pratique égyptienne de damnatio memoriae, mais l’applique contre les Égyptiens.

3. L’oppression des Hébreux

Exode 1.11-14 décrit la dureté de l’esclavage imposé aux Hébreux en Égypte. Cette description est-elle compatible avec ce que nous savons de l’esclavage en Égypte ancienne ? Même des historiens sceptiques comme Gardiner et Noth reconnaissent que le passage en question est vraisemblable. En effet, des scènes d’esclavage similaires sont retrouvées dans des tombes égyptiennes, notamment celle de Rhekmire, vizir de Thoutmose III, où des esclaves sémites sont représentés en train de fabriquer des briques pour des projets de construction. Ce type de travail est cohérent avec les récits bibliques et les pratiques de l’époque.

  • Des surveillants égyptiens sont représentés frappant les esclaves, ce qui est aussi attesté dans les textes.
  • De plus, des prisonniers de guerre, souvent sémites, sont régulièrement mentionnés dans les annales militaires de l’Égypte, notamment dans celles de Thoutmose III, où des milliers de Cananéens et de Syriens sont déportés en Égypte.

Le récit d’Exode 12.38, qui mentionne que « une multitude de gens de toute espèce montèrent avec eux », suggère que des esclaves d’autres nations ont rejoint les Hébreux lors de l’Exode, renforçant l’idée qu’ils avaient été réduits en esclavage, tout comme leurs voisins.

L’organisation du travail des Hébreux, telle que décrite dans Exode 5, est également compatible avec des pratiques de la période ramesside. Le rouleau du Louvre et le papyrus Anastasi 4 font état de quotas punitifs non respectés, similaires à ceux décrits dans Exode 5.7-8. De plus, le papyrus mentionne un surveillant se plaignant du manque de paille, ce qui correspond à la situation décrite dans le texte biblique où Moïse et Aaron demandent à Pharaon de fournir de la paille pour les briques.

Enfin, l’utilisation d’esclaves pour des travaux agricoles, comme mentionné dans Exode 1.14, est également attestée dans les fresques des tombes de l’époque.

En Exode 1.11, les villes de Pithom et Ramsès sont mentionnées comme des centres de travail pour les Hébreux. Le terme hébreu « Ramsès » apparaît également dans des récits datant du règne de Salomon, où il désigne des centres administratifs, ce qui correspond bien au Ramesseum de Ramsès II, un complexe monumental comprenant entrepôts et ateliers. Ramsès II a fondé une grande ville, identifiée à Qantir, qui a été abandonnée vers -1100, et qui ressemble aux villes bâties par les israélites. Par ailleurs, Jérémie, qui a vécu en Égypte au 7e siècle avant Jésus-Christ, ne mentionne pas Goshen pour désigner la région proche du Delta. Cela rend peu probable l’hypothèse selon laquelle l’Exode aurait été rédigé pendant l’Exil babylonien, car si tel avait été le cas, on s’attendrait à ce que les noms des régions correspondent à ceux utilisés par Jérémie à cette époque.

4. Problèmes de datation

Exode 1.8 mentionne un changement de règne, ce qui suggère deux scénarios possibles pour la datation de l’Exode :

  1. La 18e dynastie, sous le règne d’Ahmosis Ier, qui expulsa les Hyksos d’Égypte. Ahmosis Ier, ignorant les actions de Joseph qui avait servi sous les rois du Nord, pourrait avoir craint les Hébreux comme des cousins ethniques des Hyksos. Des découvertes archéologiques à Avaris, ancienne capitale des Hyksos, ont révélé des fortifications datant de la 18e dynastie.
  2. La période ramesside, sous les règnes de Horemheb (-1323 à -1295), Séti Ier (-1294 à -1279) et Ramsès II (-1279 à -1231), qui ont asservi des sémites pour leurs projets de construction.

Le problème de datation réside dans le fait qu’il est difficile de lier de manière précise l’Exode à un événement historique daté. Si l’on suit les 480 ans mentionnés en 1 Rois 6.1, cela nous conduit à une date d’environ -1445 avant Jésus-Christ. Cependant, en suivant la Septante, cette date pourrait être plus proche de -1400.

D’autres interprétations, en réduisant cette période à 12 générations de 40 ans (soit 480 ans), aboutissent à une date vers -1267, durant le règne de Ramsès II, ce qui correspond à une hypothèse couramment acceptée. Cependant, il y a des problèmes avec cette interprétation : il n’y a pas douze générations claires listées entre l’Exode et le règne de Salomon, et aucun autre exemple de grands nombres décomposés en générations dans les textes anciens.

Rendsburg propose une autre datation à la fin de la 19e dynastie, sous Ramsès III, au 12e siècle avant Jésus-Christ, mais la stèle de Merneptah (vers -1209) mentionne déjà un Israël installé en Canaan, ce qui complique encore la question.

Conclusion

En définitive, bien que le consensus penche légèrement pour une datation sous Ramsès II (-1279 à -1213), cette datation reste fragile. Ce qui est certain, c’est que l’Exode ne peut pas être daté plus tard que la stèle de Merneptah, qui mentionne Israël en -1209. La question de la datation exacte reste donc ouverte.

Chapitre 6 : Moïse est-il compatible avec l’archéologie ?

1. Naissance de Moïse

Le récit de la naissance de Moïse a souvent été interprété comme un mythe, en raison de la présence du motif de l’ »enfant exposé », qui est commun dans les récits mythologiques anciens. Toutefois, une analyse plus approfondie montre que les éléments présents dans cette histoire ont davantage de liens avec des pratiques historiques égyptiennes qu’avec des motifs mythologiques typiques du Proche-Orient ancien.

2. Éléments égyptiens dans Exode 2:3

Dans le récit de l’Exode (2:3), plusieurs termes et objets révèlent une forte influence égyptienne :

  • Panier : Le mot hébreu tebah (panier) provient de l’égyptien db3t. Cette correspondance a été confirmée par les égyptologues et les hébraïstes.
  • Joncs : Le terme hébreu gomé (joncs) est dérivé de l’égyptien km3, un terme désignant un type de plante spécifique.
  • Roseaux : Le mot suf en hébreu provient de l’égyptien twfy, désignant un autre type de végétation aquatique.
  • Rivière : Contrairement au terme générique nahar (rivière), le texte utilise yeor, un terme égyptien désignant spécifiquement le Nil, lui-même dérivé de l’égyptien itrw.
  • Rive : Bien que l’hébreu dispose de plusieurs termes pour « rive », c’est celui qui se rapproche le plus de l’égyptien spt qui est utilisé dans ce passage.

Ces termes sont autant d’indications d’une influence égyptienne sur le récit, renforçant ainsi l’idée que ce dernier s’enracine dans un contexte historique égyptien.

3. Le nom de Moïse

Le nom Mosi (ou Moshe en hébreu) est un nom égyptien courant, souvent utilisé dans des formes théophores, comme Thoutmose ou Ramsès, signifiant respectivement « né de Thoth » et « né de Rê ». Cela renforce l’idée que Moïse pourrait être un personnage égyptien dont le nom porte une référence divine, un fait qui fait écho aux pratiques culturelles de l’Égypte ancienne. Si, comme certains le suggèrent, Ramsès II est le pharaon de l’Exode, un jeu de contraste s’établit entre Moïse, dont le nom signifie « sauvé par Dieu », et Ramsès, qui signifie « sauvé par Rê » — un affront entre deux figures puissantes, l’une agissant par la volonté divine et l’autre par la divinité solaire égyptienne. La question se pose alors : qui remportera ce combat divin?

4. L’éducation de Moïse à la cour de Pharaon

Sous le règne de Thoutmose III, il est documenté que les enfants des peuples vassaux étaient parfois élevés à la cour égyptienne pour y recevoir une éducation en vue de les intégrer à la fonction publique. Ce type d’éducation est illustré par l’exemple d’Aber-El, un enfant sémitique qui a été formé à la cour pour devenir fonctionnaire. Cette pratique renforce l’idée que Moïse aurait pu recevoir une formation égyptienne avant de s’opposer au pouvoir pharaonique.

5. Les plaies d’Égypte

D’un point de vue phénoménologique, la spécialiste Greta Hort propose que les six premières plaies puissent être liées à des phénomènes naturels qui, par leur intensité et leur coïncidence, ont pu être perçus comme des événements extraordinaires. Bien que l’on ne doive pas exclure une intervention divine, ces événements peuvent être expliqués par des facteurs environnementaux :

  1. Les protozoaires : Des millions de protozoaires comme Euglena sanguinea et Haematococcus pluvialis ont pu se multiplier dans le Nil, colorant l’eau en rouge et dégagent une forte odeur. Leur prolifération, due à la chaleur de la crue, a tué les poissons du Nil, phénomène qui se produit lors de la crue annuelle.
  2. Les grenouilles : Après la crue, une prolifération de grenouilles est fréquente. Leur mort soudaine, en raison des poissons morts dans le Nil, aurait pu entraîner la propagation de maladies, comme l’anthrax.
  3. Les moustiques : Les moustiques sont une conséquence directe du retrait des eaux du Nil, survenant à la même époque.
  4. Les mouches charbonneuses : Ces mouches, bien connues pour leurs morsures douloureuses, sont également capables de transmettre des maladies telles que des ulcères de la peau, ce qui pourrait expliquer la sixième plaie.
  5. L’épidémie de bétail : Elle pourrait être liée à la prolifération de grenouilles et de poissons morts, entraînant la transmission de maladies infectieuses.
  6. Les ulcères : Ces plaies pourraient être dues aux maladies transmises par les moustiques et les mouches.
  7. La grêle : Bien que rare en Égypte, une tempête de grêle aurait eu un impact dramatique, en particulier pour les Égyptiens.
  8. Les criquets : Ils sont des fléaux connus, capables de ravager les cultures.
  9. Les ténèbres palpables : Un phénomène de khamsin, vent de sable typique de l’Égypte, pourrait expliquer cette plaie.

Cependant, la dixième plaie — la mort des premiers-nés égyptiens — n’a aucune explication naturelle évidente, ce qui amène à la conclusion qu’il s’agit d’un phénomène surnaturel. D’ailleurs, les Égyptiens eux-mêmes reconnaissent la singularité de cet événement.

Enfin, Exode 10:31 témoigne d’une connaissance intime des cycles agricoles et des pratiques égyptiennes, ce qui suggère que l’auteur du texte était familier avec le calendrier agricole et les rituels associés.

6. Le point de vue égyptien

Dans Exode 12:12, il est dit que la confrontation à venir entre YHWH et les dieux d’Égypte est une lutte cosmique. Ce passage a été interprété comme signifiant que chaque plaie était une attaque contre un dieu égyptien particulier, tel que Hapy, le dieu du Nil, ou Ptah, le dieu créateur. Toutefois, certaines critiques nuancent cette interprétation :

  • Hapy est un dieu de l’inondation, et non du Nil en soi. Le Nil, transformé en sang, pourrait être vu comme un symbole de la mort d’Osiris, le dieu de la résurrection.
  • Les Égyptiens ne considéraient pas les vaches comme sacrées dans leur ensemble, mais seulement une vache en particulier, celle vénérée comme l’incarnation d’Hathor. Ainsi, l’épidémie de bétail ne serait pas perçue comme une attaque contre Hathor.

L’attaque de Dieu, plutôt que de viser des dieux spécifiques, est donc une attaque contre la protection divine de Pharaon. Le vocabulaire employé, « d’une main forte et d’un bras étendu », est typiquement militaire et fait référence à l’incapacité de Pharaon à maintenir l’ordre et l’équilibre, ce qui rappelle des récits militaires égyptiens. Les Égyptiens croyaient que Pharaon défendait non seulement l’Égypte contre les envahisseurs étrangers, mais aussi contre les fléaux d’origine spirituelle, un thème que l’on retrouve dans des textes comme L’Ipuwer ou la Prophétie de Neferti. Dans ce contexte, les plaies d’Égypte montrent l’incapacité de Pharaon à maintenir l’m3et (l’ordre cosmique et terrestre), et le triomphe de YHWH, symbolisé par Moïse et Aaron, dans cette lutte divine.

7. Le bâton de Moïse contre la houlette de Pharaon

Dans l’iconographie égyptienne, la houlette est un symbole très ancien de la royauté, représentant Pharaon comme le « bon berger » d’Égypte. Selon John Wilson dans The Culture of Egypt, le mot égyptien pour « houlette » (hk3) est très proche du mot désignant « règle » ou « seigneur ». Cela suggère que le bâton de Moïse, lorsqu’il défie Pharaon, symbolise une forme de souveraineté concurrente à celle de Pharaon. Ce conflit devient un affrontement entre deux figures royales : Moïse, représentant de la puissance divine, contre Pharaon, représentant du pouvoir terrestre.

Les magiciens égyptiens, qui s’opposent initialement à Moïse, finissent par reconnaître la supériorité de Dieu en déclarant que le bâton de Moïse est « le doigt de Dieu ». Par cette déclaration, ils confessent la souveraineté de YHWH, affirmant en fait que Moïse est une figure aussi puissante que Pharaon. Cette reconnaissance marquerait la fin de l’opposition des magiciens, qui disparaissent progressivement de la scène, tandis que la lutte divine se concentre exclusivement sur l’affrontement entre Pharaon et Moïse, symbolisant un duel entre deux formes de pouvoir, l’une divine et l’autre terrestre.

Chapitre 7 : Le canal-frontière oriental et son implication pour l’Exode

Au début des années 1970, une découverte archéologique majeure a révélé l’existence d’un imposant canal qui marquait la frontière orientale de l’Égypte antique. Ce canal était bien plus large que le canal de Suez actuel, mesurant environ 70 mètres de large, contre 54 mètres pour le canal moderne. Ce fossé d’eau, souvent appelé le « canal-frontière oriental », avait trois objectifs principaux : la défense, l’irrigation et la navigation. Ces fonctions stratégiques sont soutenues par de nombreuses preuves archéologiques et documentaires, notamment les instructions données par le roi Merikare dans un texte qui évoque la construction de canaux de défense.

Les origines du canal remontent à l’époque de Merikare, un souverain de la fin de la 1ère Période intermédiaire (vers -2000), et sa construction a été achevée sous la 12e dynastie, vers -1900. Cela signifie que ce canal était en place bien avant le Nouvel Empire, l’époque traditionnelle de l’Exode, et aurait donc pu être une infrastructure clé durant cette période. Le canal servait à renforcer la défense des frontières orientales de l’Égypte, en créant une barrière physique et stratégique contre les invasions. Il jouait également un rôle crucial dans l’irrigation et le transport, en facilitant la navigation à travers le désert du Sinaï.

Pi-Hahiroth : une possible référence au canal-frontière oriental

Un passage fondamental du livre de l’Exode mentionne un lieu appelé Pi-Hahiroth, dans le contexte de la fuite des Israélites hors d’Égypte :

« Parle aux enfants d’Israël ; qu’ils se détournent, et qu’ils campent devant Pi-Hahiroth, entre Migdol et la mer, vis-à-vis de Baal-Tsephon ; c’est en face de ce lieu que vous camperez, près de la mer. » (Exode 14:2)

Le mot Pi-Hahiroth a intrigué les chercheurs, certains suggérant qu’il pourrait dériver du terme hébreu signifiant « bouche du canal » ou « entrée du canal ». Si cette hypothèse est correcte, cela impliquerait que Pi-Hahiroth se situait à proximité du fameux canal-frontière oriental. En d’autres termes, lors de leur fuite hors d’Égypte, les Israélites auraient été contraints de choisir entre deux routes possibles pour contourner ce canal massif : une route qui passait par le nord et l’autre par le sud.

Implications pour l’Exode

Si Pi-Hahiroth correspond réellement à un endroit situé près de ce canal défensif, cela ajoute une dimension stratégique à l’histoire de l’Exode. Le canal-frontière oriental, en tant qu’énorme barrière naturelle, aurait obligé les Israélites à choisir une direction précise pour échapper à l’armée égyptienne. Cette réalité géographique et militaire met en lumière la complexité de l’itinéraire des Israélites, soulignant que leur fuite n’était pas seulement une question de marche dans le désert, mais aussi de manœuvres autour de telles infrastructures.

En outre, le fait que ce canal existait déjà à l’époque du Nouvel Empire renforce l’hypothèse selon laquelle l’Exode pourrait avoir eu lieu sous un pharaon du Nouvel Empire, comme le suggèrent certains chercheurs. Cette découverte offre ainsi un éclairage nouveau sur l’histoire biblique, la rendant plus cohérente avec le contexte géographique et militaire de l’Égypte antique.

Ainsi, l’étude du canal-frontière oriental ne se limite pas seulement à une curiosité archéologique, mais ouvre des perspectives importantes pour comprendre les défis rencontrés par les Israélites dans leur fuite d’Égypte, tout en soulignant l’ingéniosité des anciens Égyptiens dans la conception de systèmes de défense.

Chapitre 8 : La géographie et la toponymie de l’Exode

1. Quelle route pour l’Exode ? Par le nord ou par le sud ?

L’itinéraire de l’Exode soulève des questions importantes : Par où les Israélites ont-ils voyagé en quittant l’Égypte ? Ont-ils pris la route du nord ou du sud ? Et où se trouvent des lieux comme Pi-ha-hiroth, Migdol et Baal-Tsephon ? Ce chapitre s’efforcera de répondre à ces interrogations en explorant les éléments géographiques et toponymiques qui figurent dans les récits bibliques.

2. L’itinéraire antique

Il est important de noter que les indications géographiques présentes dans des passages tels que Exode 12.37, Exode 13.17-20 et Nombres 33 sont typiques des récits d’itinéraires anciens. En l’absence de GPS et de cartes, les récits de voyages comportaient souvent une liste d’étapes qui formaient un itinéraire approximatif, suffisant pour les voyageurs de l’époque. Ce genre d’itinéraire visait à fournir une orientation générale plutôt qu’une description précise de chaque lieu.

Krahmalkov, un chercheur reconnu dans le domaine, a observé des parallèles frappants entre certains toponymes transjordaniens dans des itinéraires égyptiens anciens et ceux mentionnés dans Nombres. Selon lui, cela suggère que les itinéraires des Hébreux sont bien situés dans le cadre de l’âge du bronze tardif. Il défend ainsi l’idée que ces itinéraires sont fiables et historiques. Il écrit :

« Les récits ont l’air suffisamment crédibles, et même normatifs, comme s’ils étaient basés sur des sources réelles et fiables. Cela crée assurément dans l’esprit du lecteur l’impression d’un fait historique. Après tout, l’historien est absolu et spécifique : il décrit la route transjordanienne prise par les envahisseurs avec un détail remarquable… Pour le dire plus simplement, ce passage [Nombres 33.45b-50] est un exemple impressionnant et crédible d’histoire ancienne. » (p. 178)

3. Le parcours des Israélites

Les Israélites sont partis de Ramsès pour atteindre Souccoth, un endroit que Hoffmeier identifie comme une zone militaire située à l’est, que les Israélites évitent par la suite. De Souccoth à la mer des roseaux, ils arrivent au bord du désert, à un lieu appelé Etham. Hoffmeier décrit la situation géographique d’Etham ainsi :

« Il apparaît qu’Etham, quel que soit son caractère, était situé à l’extrémité orientale du Wadi Tumilat, à l’est de Tell El-Mashkuta, peut-être dans la région du lac Timsah. Malheureusement, dans l’état actuel de nos connaissances, le lieu et la nature de ce campement, ainsi que le sens de ‘Etham’, doivent rester incertains. » (p. 182)

4. Pi-ha-hiroth, Migdol et Baal-Tsephon

L’un des principaux débats concerne la localisation de Pi-ha-hiroth, Migdol et Baal-Tsephon. Ces trois sites figurent dans Exode 14.2, où il est dit que les Israélites doivent camper « devant Pi-Hahiroth, entre Migdol et la mer, vis-à-vis de Baal-Tsephon ». Il existe deux principales hypothèses sur l’itinéraire suivi par les Israélites : ont-ils contourné le canal de Suez par le nord ou par le sud ? Otto Einsfeld soutient l’idée de la route du nord, mais plusieurs arguments viennent contredire cette hypothèse.

  1. Exode 13.17 réfute cette idée : « Lorsque Pharaon laissa aller le peuple, Dieu ne le conduisit point par le chemin du pays des Philistins, quoique le plus proche ; car Dieu dit : ‘Le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Égypte.' » Cette indication montre que la route du nord, qui passait par le territoire des Philistins, a été écartée pour des raisons stratégiques.
  2. La route du nord était fortement militarisée, ce qui rend peu probable l’itinéraire choisi par les Israélites.

Le géologue D. Niv. Graham Davies ajoute trois arguments supplémentaires contre la route du nord :

  1. Il n’existe aucune preuve archéologique que Baal-Tsephon soit localisé à Ras el Kasrum au second millénaire.
  2. Il n’y a pas de preuves que la bande côtière, qui mène à la formation du lac Bardawils/Sirbonis (associé à la « mer Rouge » de la route du nord), existait à cette époque.
  3. La forte présence militaire le long de cette grande route.

De plus, la destination des Israélites n’était pas Canaan, mais le Sinaï. C’est pourquoi Hoffmeier pense que les Israélites ont emprunté la route du Wadi Tumilat, qui est une vallée orientée sud-est vers le Sinaï.

Les sites de Pi-ha-hiroth, Migdol et Baal-Tsephon

Si l’on accepte l’hypothèse du passage par le Wadi Tumilat, voici où pourraient se situer ces lieux :

  • Pi-ha-hiroth : Ce lieu pourrait correspondre au débouché du canal-frontière oriental, qui se jette dans un des lacs de l’isthme de Suez.
  • Migdol : Le terme Migdol signifie « fort », mais il n’est pas possible de déterminer quel fort spécifique est désigné ici, car il existait un réseau de forts le long du canal-frontière.
  • Baal-Tsephon : Ce nom pourrait désigner un sanctuaire situé près de ce lac, tel que Jebel Abu Hasra, un site qui semble correspondre à la description.

En résumé, la Bible raconte que les Israélites ont quitté Ramsès (la zone d’Avaris/Pi-Ramesses), se sont dirigés vers le sud-est, en direction de la région de Tjeku à l’extrémité orientale du Wadi Tumilat. À la fin de ce Wadi se trouve le lac Timsah, et à environ 20 kilomètres plus au sud, la pointe nord des lacs amers. Hoffmeier propose que c’est entre le lac Timsah et les lacs amers que l’on doit trouver les lieux d’Etham, Pi-ha-hiroth, Migdol et Baal-Tsephon, le long de la « mer des roseaux », un thème que nous explorerons dans le chapitre suivant.

« Pour résumer, la Bible raconte que les Israélites ont quitté Raamsès, la zone de Avaris/Pi-Ramesses, sont allés vers le sud-est dans la direction de la région de Tjeku à l’extremité orientale du Wadi Tumilat. À la fin de ce Wadi est le lac Timsah, et à vingt kilomètres plus au sud est la pointe nord des lacs amers. Je défends l’hypothèse que c’est quelque part entre le lac Timsah et la région des lacs amers que l’on doit trouver les lieux d’Etham, Pi-Hahiroth, Migdol et Baal-Zephon, le long de la ‘mer des roseaux’. » (p. 191)

Chapitre 9 : Le problème de la traversée de la Mer Rouge

Le chapitre 9 se concentre sur la traversée de la mer par les Israélites, un événement fondamental dans le récit de l’Exode. Hoffmeier explore la question de l’identification de cette mer et les diverses difficultés liées à l’interprétation du terme hébreu yam suph. Cette section soulève des interrogations géographiques et linguistiques qui touchent à l’historicité de l’événement et à sa signification théologique.

1. Confusion autour de Yam Suph

Le terme yam suph, souvent traduit par « Mer Rouge », est source de confusion depuis longtemps. La Septante, traduction grecque de l’Ancien Testament, rend ce terme par « Mer Rouge », une interprétation qui a dominé la tradition occidentale. Cependant, yam suph est utilisé dans l’Ancien Testament pour désigner diverses étendues d’eau, notamment le Golfe de Suez et le Golfe d’Aqaba, mais aussi la mer traversée par les Israélites. Cette ambiguïté crée une difficulté majeure pour les chercheurs cherchant à identifier précisément l’emplacement de la traversée.

2. Critique de l’hypothèse de la Mer Rouge

L’une des principales hypothèses soutenues par certains chercheurs, comme Bernard Batto, est que yam suph désigne sans équivoque la Mer Rouge (c’est-à-dire le Golfe de Suez). Batto considère que les incohérences géographiques du récit biblique sont dues à des erreurs dans la transmission du texte. Il s’appuie notamment sur l’itinéraire de Nombres 33, où après la traversée de la mer, plusieurs étapes sont décrites avant que les Israélites ne parviennent à une autre portion de yam suph.

Cependant, Hoffmeier critique cette interprétation en soulignant que le terme yam suph apparaît dans des textes plus anciens que ceux du document sacerdotal (P) que Batto considère comme l’auteur de cette mention dans les sources plus récentes. De plus, l’argument de Gösta Ahlström, selon lequel suph serait un terme araméen tardif intégré à l’hébreu, est également remis en cause. De Vaux, cité par Ahlström, adopte une position plus prudente et moins catégorique sur l’étymologie du terme.

3. La traduction de la Septante remise en question

L’auteur met en lumière les limites de la Septante, cette traduction grecque de l’Ancien Testament. La Septante ne fournit pas une traduction littérale du terme yam suph ; elle propose plutôt une interprétation influencée par les contextes historiques et géographiques des traducteurs. Ainsi, bien que la Septante traduise yam suph par « Mer Rouge », cette interprétation ne doit pas être prise pour une traduction exacte du terme hébreu. Il est donc nécessaire de questionner la fiabilité de cette traduction dans la recherche géographique et historique.

4. Vers une solution : les Lacs Amers et le Golfe de Suez ?

L’auteur explore l’hypothèse proposée par saint Jérôme, qui suggère que suph pourrait signifier à la fois « rouge » et « roseau ». Cette double signification permettrait de réconcilier les deux interprétations : celle d’une mer « rouge » et celle d’une mer faite de roseaux, comme le terme le laisse entendre dans certaines traditions anciennes.

L’auteur va plus loin en suggérant que la mer traversée par les Israélites pourrait être l’un des lacs de l’isthme de Suez, une région qui a subi d’importantes transformations géologiques au cours des siècles. Il évoque plus spécifiquement les Lacs Ballah, le Lac Timsah et la région des Lacs Amers, qui étaient autrefois connectés au Golfe de Suez et plus vastes qu’ils ne le sont aujourd’hui. Des changements géologiques et climatiques ont pu modifier la configuration de la région, créant un environnement propice à la traversée décrite dans l’Exode.

L’auteur examine également les parallèles avec la mythologie égyptienne, notamment le concept de purification dans les textes funéraires, et comment ces éléments symboliques se retrouvent dans le récit de la traversée. Par exemple, la noyade des sauterelles pourrait être vue comme une préfiguration de la destruction de l’armée égyptienne.

5 Conclusion

En conclusion, l’auteur reconnaît que l’identification exacte de la mer traversée par les Israélites reste incertaine. Toutefois, il propose que cette mer soit très probablement l’un des lacs de l’isthme de Suez, en particulier les Lacs Ballah, le Lac Timsah ou la région des Lacs Amers, comme le montre la carte associée. Il insiste sur le fait que les difficultés de compréhension proviennent davantage de notre manque de connaissances géographiques et toponymiques que d’une confusion inhérente aux traditions littéraires de l’Exode.

L’auteur souligne également que l’incapacité à localiser précisément cette mer n’enlève rien à l’historicité de l’événement, ni à son importance pour l’histoire religieuse et nationale d’Israël. L’essentiel, selon lui, est que la traversée de la mer demeure un symbole fort de la libération d’Israël, quel que soit l’endroit précis où elle se soit produite. Ce sera une bonne conclusion pour cet article.

« Dans cette section, j’ai cherché à montrer que les traditions de l’Exode montrent une image cohérente de la route prise par Israël vers la liberté du Sinaï. Les problèmes de compréhension viennent souvent de notre connaissance inadéquate de la géographie et de la toponymie, plutôt que d’une confusion dans les différentes traditions littéraires. La mer que les Israélites ont traversée est très probablement un des lacs de l’isthme de Suez ; plus particulièrement les lacs Ballah, le lac Timsah ou la région des lacs amers (Cf carte). Ultimement, notre incapacité à localiser avec certitude cette mer ne diminue en aucune façon l’historicité de l’événement ou son importance dans l’histoire religieuse et nationale d’Israël. Le but de ce livre n’est pas de se plonger dans le phénomène du miracle de la mer Rouge, mais je suis d’accord avec Bright qui a dit : ‘Si Israël y a vu la main de Dieu, l’historien n’a assurément aucune preuve pour le contredire!' »

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *