Contre les pélagiens (livre 3) – Saint Jérôme – Résumé
30 janvier 2025

Toute l’introduction a déjà été faite précédemment. Il n’y a plus qu’à savourer une expression de calvinisme avant l’heure, dans la bouche d’un homme que l’on attendrait pas à cette place.


Le baptême est-il signe de perfection morale ?

1 Le pélagien fait remarquer qu’il y a au moins un moment où les chrétiens sont purgés de tout péchés : au baptême. Tout ce que les chrétiens ont à faire, c’est maintenir cet état initial.

L’augustinien dit que le baptême ne fait pas que pardonner les péchés passés, mais nous garde pour le temps présent contre les tentations du péché. Cela ne dépend pas de nos efforts, mais de l’assistance continue de l’Esprit. Cet état de grâce n’est pas présenté comme quelque chose d’atteignable, mais quelque chose que nous sommes toujours en risque de perdre, et donc nécessitant l’assisstance de l’Esprit pour garder.

  • Psaume 127:1 « Si l’Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain ; si l’Éternel ne garde la ville, celui qui la garde veille en vain. »
    → Jérôme souligne que nos efforts humains sont inutiles sans la grâce et la protection de Dieu. Toute œuvre spirituelle nécessite l’intervention divine pour être accomplie avec succès.
  • 1 Corinthiens 9:24 « Courez de manière à remporter le prix. Tous courent, mais un seul reçoit la couronne. »
    → Jérôme insiste sur le fait que la vie chrétienne est une course où seuls ceux qui persévèrent avec diligence et foi recevront la couronne de gloire éternelle.
  • Jean 5:14 « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. »
    → Jérôme interprète cette phrase comme une mise en garde : le baptême purifie des péchés passés, mais il est nécessaire de mener une vie droite après, sous peine de châtiments encore plus graves.
  • 1 Corinthiens 3:16-17 « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. »
    → Selon Jérôme, les baptisés sont devenus le temple de Dieu, habités par son Esprit. Toute profanation de ce temple entraîne une condamnation divine, soulignant l’importance de la pureté.
  • 2 Chroniques 15:2 « L’Éternel est avec vous, si vous êtes avec lui ; si vous l’abandonnez, il vous abandonnera aussi. »
    → Jérôme met en avant la réciprocité entre l’homme et Dieu : la fidélité à Dieu assure sa présence et sa protection, tandis que l’abandon conduit à la séparation divine.
  • Psaume 5:12 « Éternel, tu nous as couronnés de ta faveur comme d’un bouclier. »
    → Jérôme interprète cela comme une reconnaissance que la victoire spirituelle, symbolisée par une couronne, n’est obtenue que grâce à la faveur et à la protection divine.

2 Jérôme continue de montrer que le baptême n’est pas pour ceux qui ne pécheront plus après :

  1. Évangile de Matthieu, d’après sa version en lettres hébraïques, utilisé par les nazaréens [Jérôme a pu la consulter à la bibliothèque de Césarée]
    • Texte : « Voici, la mère de notre Seigneur et ses frères lui dirent :Jean Baptiste baptise pour la rémission des péchés ; allons et faisons-nous baptiser par lui. » Jésus répond : « Quel péché ai-je commis pour être baptisé par lui ? À moins que les paroles que j’ai dites ne soient qu’ignorance. »[Il est étrange et assez unique que Jérôme cite cet apocryphe du NT. Quand on connaît par ailleurs l’hostilité de la mère et des frères de Jésus à son ministère, de son vivant, l’étonnement grandit encore].
    • Interprétation : Jésus souligne son absence de péché, mettant en évidence qu’il n’a pas besoin de baptême pour la rémission des péchés, contrairement aux hommes, sujets à l’erreur et à l’ignorance. C’est donc que le baptême est fait pour les pécheurs et non pour les parfaits.
  2. Évangile selon les Hébreux, autre citation
    • Texte : « Si ton frère pèche contre toi en parole et fait amende honorable, reçois-le sept fois par jour. » Simon demande : « Sept fois par jour ? » Jésus répond : « Je te dis jusqu’à soixante-dix fois sept. »
    • Interprétation : Il y a donc pardon des péchés aussi après le baptême, pour les chrétiens (ton frère)
  3. Psaume 16:4 ; LXX et Vulgate
    • Texte : « Leurs infirmités se sont multipliées, ensuite ils se sont hâtés. »
    • Interprétation : Même les prophètes et les apôtres, bien que oints par le Saint-Esprit, ont été coupables de péchés, mais leur conversion rapide est louée comme un exemple de rédemption.
  4. Citations de Barnabas que Jérôme confond avec Ignace d’Antioche.
    • Texte : « Le Seigneur a choisi des apôtres qui étaient des pécheurs plus que tous les hommes. »
    • Interprétation : La grâce divine transforme les pécheurs en instruments de Dieu, soulignant que nul n’est exempt de péché sans l’intervention de la miséricorde divine, pas même les apôtres.

Et enfin, une belle citation calviniste de la part de Saint Jérôme :

Nous disons également ceci : Dieu peut faire ce qu’Il veut ; mais l’homme, par lui-même et par sa propre volonté, ne peut pas, comme vous le prétendez, être sans péché. S’il le pouvait, il serait inutile pour vous d’ajouter le mot « grâce », car avec un tel pouvoir, il n’en aurait pas besoin. Cependant, s’il ne peut pas éviter le péché sans la grâce de Dieu, il est absurde de lui attribuer une capacité qu’il ne possède pas. En effet, tout ce qui dépend de la volonté d’un autre ne relève pas du pouvoir de celui à qui vous attribuez cette capacité, mais de celui dont l’aide est manifestement indispensable.

3 Le pélagien crie à l’hérésie : le baptême ne lave-t-il donc pas les péchés en nous rendant purs de tout péchés ? L’augustinien répond que c’est bien le cas, mais par grâce seulement, sans capacité ou force humaine. Le pélagien relance encore un tour de l’argument « si Dieu nous donne des commandements, alors c’est qu’on peut les tenir » et l’augustinien répond encore une fois que dans les faits personne ne le peut et ne l’a jamais pu.

Oui mais mon libre-arbitre ?

4Le pélagien, acculé, dit que personne ne pourra jamais lui prendre son libre-arbitre.

L’augustinien prend l’exemple de David pour montrer qu’être « selon le cœur de Dieu » ne veut pas dire que David a été parfait, mais qu’il a toujours voulu être attaché à Dieu et sa justice. L’apôtre Paul a répliqué et insulté le grand Prêtre en Actes 23.2 alors que Jésus ne l’a pas fait et pourtant il avait toujours foi en Dieu après (2 Tim 4.14)

5 Le pélagien crie au blasphème : les augustiniens croient que Dieu a crée l’homme faible et incapable d’obéir aux commandements, c’est la faute de Dieu si nous péchons.

L’augustinien accuse le pélagien de blasphème en disant que Dieu s’est trompé en créant l’homme faible et qu’il aurait dû faire mieux et plus sagement.

Le pélagien se défend en disant qu’il veut juste sauvegarder la liberté humaine, et préserver l’Église du manichéisme. L’augustinien répond en disant que son objectif est de préserver l’omnipotence de Dieu en même temps que le libre-arbitre. Pouvons nous donc être sauvé sans grâce de Dieu ?

Le pélagien dit que nous sommes bien sauvés par grâce, mais cette grâce consiste en ce que Dieu nous donne la capacité de faire le bien, et c’est notre responsabilité ensuite de bien utiliser cette capacité.

6-10 L’augustinien répond qu’on en a déjà parlé, et que la grâce est aussi l’assistance efficace de Dieu pour nous maintenir uni à lui. Nous sommes récompensés pour nos efforts à avoir maintenu ce lien, et non pour avoir gagné la perfection morale.

Le pélagien accuse l’augustinisme de créer un dilemme. Quand nous chutons, soit Dieu voulait et pouvait nous aider, et nous sommes plus forts que lui ; soit Dieu ne voulait pas nous aider, et on ne peut pas reprocher d’avoir chuté.

L’augustinisme crie au blasphème en retour parce que le pélagianisme crée un Dieu qui soit ne connaît pas le futur (puisqu’il donne un commandement dont il ne sait pas au départ qui sera capable d’y obéir), soit il est mauvais (puisqu’il donne un commandement qui va provoquer la chute d’autres hommes). Quant à lui, l’augustinien, il affirme que Dieu est omniscient, mais Il juge les hommes en fonction de leurs actes présents, non de Son savoir futur. Sa miséricorde leur donne toujours l’occasion de se repentir. Les prophéties divines ne sont pas des fatalités, mais des appels à la repentance, montrant que Dieu préfère la conversion à la condamnation.

  • Jean 6:70
    • Texte : « Ne vous ai-je pas choisis, vous les douze ? Et l’un de vous est un diable. »
    • Interprétation : Dieu choisit les hommes pour leur potentiel actuel et leur laisse la possibilité de se repentir, même s’Il sait qu’ils peuvent dévier. C’est une preuve de Sa bonté et de Sa miséricorde infinie.
  • Romains 2:4-6
    • Texte : « La bonté de Dieu te pousse à la repentance, mais par ton endurcissement et ton cœur impénitent, tu amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres. »
    • Interprétation : La miséricorde divine laisse le temps aux hommes de changer, mais leur persistance dans le mal aboutira à leur jugement.
  • Jonas 3:4
    • Texte : « Encore trois jours, et Ninive sera détruite. »
    • Interprétation : Les prophéties divines, bien que conditionnelles, visent à susciter la repentance. Le pardon accordé à Ninive montre que Dieu préfère le salut à la destruction.
  • Jérémie 18:7-10
    • Texte : « Si une nation, contre laquelle j’ai parlé, se détourne de son mal, je me repentirai du mal que j’avais pensé lui faire. Mais si cette nation fait le mal, je me repentirai du bien que je lui avais accordé. »
    • Interprétation : Dieu adapte Ses jugements à la réponse des hommes, démontrant Sa justice et Sa patience envers leurs choix.
  • Jonas 4:10-11
    • Texte : « Tu as pitié du ricin… ne devrais-je pas avoir pitié de Ninive, cette grande ville, où se trouvent plus de 120 000 personnes qui ne discernent pas leur droite de leur gauche ? »
    • Interprétation : Dieu montre que Son amour pour les hommes l’emporte sur le désir de destruction, même face à leurs fautes.

Le pélagien sort enfin l’objection selon laquelle l’augustinisme fait de Dieu Jérôme du mal. L’augustinien répond qu’il en est de même pour le pélagien : même si c’est de sa propre initiative qu’un pélagien chute, si Dieu ne le sauve pas ce serait non-assistance à personne en danger. Le pélagien retire son objection.

Le pélagien demande où, dans les Écriture, il est écrit que l’homme a perdu son libre arbitre. Jérôme ressort la mitrailleuse.

  • Genèse 28:20-22
    « Si l’Éternel est avec moi, me garde dans cette voie où je marche, me donne du pain à manger et des vêtements pour me vêtir… alors l’Éternel sera mon Dieu. »
    Interprétation : Jacob attribue tout ce qu’il demande à la volonté de Dieu, soulignant qu’il dépend totalement de Sa miséricorde pour être exaucé.
  • Genèse 32:2
    « Des anges de Dieu rencontrèrent Jacob, et il appela ce lieu Mahanaïm (camp de Dieu). »
    Interprétation : Jacob reçoit le soutien divin, symbolisé par une armée d’anges, pour affronter son frère Ésaü, montrant qu’il est renforcé par l’aide de Dieu.
  • Genèse 32:31
    « Le soleil se leva sur lui, comme il passait Penuel. »
    Interprétation : Le lever du soleil sur Jacob représente la grâce de Dieu qui éclaire et renforce, un parallèle avec le « Soleil de justice ».
  • Genèse 39:23
    « Parce que l’Éternel était avec Joseph, tout ce qu’il entreprenait réussissait. »
    Interprétation : La prospérité de Joseph en prison et par la suite est attribuée à l’accompagnement constant de Dieu.
  • Genèse 46:3-4
    « Je suis le Dieu de ton père… N’aie pas peur de descendre en Égypte, car je t’y ferai devenir une grande nation. »
    Interprétation : Dieu rassure Israël que Sa promesse et Son soutien persistent, même dans un pays étranger.
  • Exode 11-12
    Dieu a frappé les premiers-nés d’Égypte et a libéré Israël avec des signes et des merveilles.
    Interprétation : Ce n’est pas par la force humaine que le peuple a été libéré, mais par l’intervention puissante et directe de Dieu.
  • Proverbes 3:5-6
    « Confie-toi en l’Éternel de tout ton cœur et ne t’appuie pas sur ton intelligence. »
    Interprétation : La sagesse humaine est insuffisante; il faut dépendre de Dieu pour que nos chemins soient dirigés.
  • Psaume 5:8
    « Conduis-moi, Éternel, dans ta justice à cause de mes ennemis; aplanis ta voie devant moi. »
    Interprétation : Nous avons besoin de l’assistance divine pour suivre un chemin juste et droit.
  • Proverbes 16:3
    « Recommande à l’Éternel tes œuvres, et tes projets réussiront. »
    Interprétation : C’est en confiant nos actions à Dieu que nos pensées et projets sont solidifiés.
  • 2 Corinthiens 2:16
    « Et qui est suffisant pour ces choses ? »
    Interprétation : Paul reconnaît que toute capacité vient de Dieu et non de lui-même.
  • 2 Corinthiens 3:4-6
    « Notre suffisance vient de Dieu… qui nous a rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance. »
    Interprétation : Paul attribue toute sa capacité à servir au pouvoir transformateur et suffisant de Dieu.
  • 2 Corinthiens 4:7
    « Nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu et non à nous. »
    Interprétation : La fragilité humaine souligne que toute puissance et succès viennent de Dieu.
  • 2 Corinthiens 10:17-18
    « Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. »
    Interprétation : Toute gloire revient à Dieu, car Lui seul approuve et accomplit.
  • 2 Corinthiens 12:11
    « Bien que je ne sois rien, je n’ai été inférieur en rien aux plus éminents apôtres. »
    Interprétation : Paul souligne sa faiblesse pour magnifier la puissance de Dieu dans son ministère.
  • Luc 5:8
    « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »
    Interprétation : Pierre reconnaît sa faiblesse devant la sainteté et la puissance divine.
  • Jean 15:5
    « Je suis la vigne, vous êtes les sarments… sans moi, vous ne pouvez rien faire. »
    Interprétation : L’union avec Christ est essentielle pour produire des fruits; sans Lui, nous sommes inefficaces.
  • Jean 6:44
    « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. »
    Interprétation : L’effort humain est vain sans l’intervention de Dieu, qui attire l’homme à Lui par Sa grâce.

Quand on est mûr, on peut ne pas pécher, non ?

11 Le pélagien chipote en disant que tout ce qu’il dit, c’est qu’il est possible que l’âme soit en bonne santé. L’augustinien répond que même quand le corps est en bonne santé, nous sommes toujours en danger de tomber malade, même quand cette maladie ne mène pas à la mort. Nous dépendons donc toujours de Dieu pour rester en bonne santé (corporelle) même quand tout va bien.

12-16 Le pélagien concède qu’il est difficile d’échapper au péché dans les passions de sa jeunesse, mais des hommes d’âge murs en sont capables.
L’augustinien rappelle que l’essentiel n’est pas d’être sans péchés temporairement, mais de pouvoir le maintenir tout le temps, ce qui est impossible avec notre faiblesse humaine, quel que soit notre maturité. Seul Dieu est sans péché.

Le pélagien objecte que dans l’Écriture, nous sommes pourtant encouragés à être parfaits dans des passages tels que : Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu (Matthieu 5:8) “Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent selon la loi de l’Éternel” (Psaume 119:1) “Je suis ton Dieu, sois agréable à mes yeux, et sois sans tache ni reproche, et je ferai mon alliance entre moi et toi, et je te multiplierai à l’excès” (Genèse 17:1-2)

Jérôme critique une approche superficielle et changeante des Écritures, qu’il compare aux tours d’un illusionniste changeant constamment de rôle. Il réfute l’idée que la pureté du cœur et l’absence de faute sont atteignables dans ce monde en s’appuyant sur plusieurs passages bibliques. Il commence par rappeler les exigences élevées de la pureté divine, telles que « Heureux ceux qui ont le cœur pur » (Matthieu 5:8), « Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie » (Psaume 119:1), et « Sois sans tache ni reproche » (Genèse 17:1). Toutefois, ces idéaux ne peuvent être pleinement réalisés ici-bas. Comme le souligne l’Apôtre Paul, « Nous connaissons en partie et nous prophétisons en partie ; maintenant, nous voyons au travers d’un miroir, de manière obscure ; mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra » (1 Corinthiens 13:9-12). Cela montre que la perfection et la pureté absolues ne sont accessibles qu’après cette vie.

Même les justes les plus exemplaires, comme Abraham, manifestent leur faiblesse humaine face aux promesses divines. Bien que Dieu lui dise « Sois sans tache ni reproche », Abraham doute lorsqu’il entend que Sarah, âgée de quatre-vingt-dix ans, donnera naissance à un fils. Il rit en secret et propose à Dieu de bénir plutôt son fils Ishmaël déjà né (Genèse 17:15-19). Pourtant, Dieu réaffirme Sa promesse en insistant sur son accomplissement inévitable et en nommant à l’avance l’enfant à naître Isaac, en souvenir de ce rire incrédule. Ce récit illustre que, même après avoir entendu la parole divine, les croyants peuvent vaciller dans leur foi en raison de leur nature limitée.

Bien que Moïse affirme avoir vu Dieu « face à face » (Exode 33:11), il demande plus tard à voir la gloire divine, et Dieu lui répond : « Tu ne peux pas voir ma face, car aucun homme ne peut me voir et vivre » (Exode 33:20). Paul, quant à lui, décrit Dieu comme « invisible », vivant dans une lumière inaccessible (1 Timothée 6:16), et Jean renchérit en déclarant que « personne n’a jamais vu Dieu » (Jean 1:18). Ces passages montrent que la vision de Dieu dans ce monde est partielle et indirecte, limitée par la condition humaine.

L’ensemble de l’argument démontre que les commandements de pureté parfaite et la promesse de voir Dieu pointent vers un accomplissement futur, au-delà des limitations de cette vie. Ce n’est qu’en Dieu, dans l’éternité, que les croyants seront rendus parfaits et verront leur désir de pureté et de communion pleinement réalisé.

Jérôme réfute avec force l’interprétation excessive et orgueilleuse de la piété humaine et de la pureté, soulignant que la véritable perfection est une promesse future réservée à ceux qui atteindront la plénitude de leur vie spirituelle dans l’éternité. Il critique l’idée que l’on puisse être « sans tache » ou « parfait » tout en étant encore en chemin, en s’appuyant sur les Écritures. Il rappelle que, selon l’Apôtre Paul, la loi seule ne peut justifier personne, ce qui explique pourquoi la grâce de Christ et de l’Évangile a été nécessaire. Paul, qui considérait autrefois ses propres mérites sous la loi comme un gain, les a ensuite qualifiés de perte face à la grâce de Christ. Cela montre que personne ne peut être parfaitement « sans tache » tant qu’il n’a pas atteint la fin du chemin, où la pleine rédemption sera réalisée.

Jérôme met également en lumière les paroles de Paul concernant l’Église : à la fin des temps, le Christ présentera une Église « sans tache ni ride » (Éphésiens 5:27), mais dans ce monde, l’Église, encore dans la chair et soumise à la mort, ne peut prétendre à une telle perfection. Il ironise sur l’orgueil de ceux qui prétendent déjà avoir atteint cet état, rappelant les paroles adressées aux Corinthiens : « Vous êtes déjà rassasiés, vous êtes déjà riches, vous avez commencé à régner sans nous » (1 Corinthiens 4:8). Cette déclaration met en évidence la présomption de ceux qui revendiquent une sainteté et une pureté totales dès ici-bas, alors que la véritable perfection appartient aux habitants du ciel, quand le Christ dira : « Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a point de défaut en toi » (Cantique des cantiques 4:7).

De plus, l’auteur critique une forme de prière arrogante qui revendique une sainteté parfaite, la comparant au pharisaïsme dénoncé par Jésus dans l’Évangile. Le pharisien, dans sa prière, remercie Dieu de ne pas être comme les autres hommes, mais au moins il attribue cette différence à la miséricorde divine, sans prétendre à une perfection personnelle. À l’inverse, la prière arrogante critiquée ici proclame : « Tu sais, Seigneur, combien mes mains sont saintes et pures, et combien mes lèvres sont irréprochables ». Cette attitude, selon l’auteur, dépasse même l’orgueil du pharisien et s’apparente à celui du diable qui déclare : « Je monterai au ciel, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles » (Ésaïe 14:13).

Jérôme rappelle l’humilité des grandes figures bibliques face à leur propre péché. David s’exclame : « N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car aucun homme vivant ne sera justifié devant toi » (Psaume 143:2). Isaïe, se voyant impur, s’écrie : « Malheur à moi ! car je suis perdu, étant un homme aux lèvres impures » (Ésaïe 6:5), et c’est seulement par un charbon ardent qu’un séraphin purifie ses lèvres. Ces exemples contrastent avec ceux qui, dans leur prière, se vantent de leur pureté. En réalité, tous les hommes sont pécheurs, comme le déclare l’Écriture : « Tout homme est menteur » (Psaume 116:11, repris en Romains 3:4).

Jérôme démontre également que la prière enseignée par le Christ dans le Notre Père repose sur la reconnaissance de la faiblesse humaine et le besoin constant de la grâce divine. Ceux qui prient demandent : « Pardonne-nous nos offenses » et « Ne nous laisse pas entrer en tentation », ce qui reflète leur crainte de tomber dans le péché. Ces paroles sont une marque d’humilité, contrairement à l’orgueil de ceux qui pensent pouvoir être parfaitement justes par leur seule volonté. Il rappelle que même ceux qui viennent d’être purifiés par le baptême et ont reçu le pardon des péchés prient encore pour la miséricorde divine, conscients de leur fragilité.

Enfin, Jérôme condamne l’excès d’orgueil spirituel, qui entraîne une chute spirituelle. En contrastant la prière arrogante du pharisien avec l’humilité du publicain, qui se frappe la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur » (Luc 18:13), il montre que l’humilité conduit à la justification devant Dieu, tandis que l’orgueil conduit à l’abaissement. Il conclut en avertissant que cette arrogance spirituelle, loin d’élever les croyants, les précipite dans la chute, en opposition à l’enseignement des Écritures et à l’exemple du Christ et de ses Apôtres.

Oui mais les enfants sont sans péchés, non ?

17 Le pélagien s’énerve : et les petits enfants? Eux, au moins, sont sans péchés puisqu’ils n’ont pas conscience du bien et du mal!
L’augustinien concède que les petits enfants chrétiens sont sans péchés : la justice ne vient pas de l’homme qui veut ou qui peut, mais de la seule grâce de Dieu.
Le pélagien demande alors quel péché ont commis les autres enfants. Il y a alors une petite digression sur le comportement à tenir face à l’hérétique qui nous donne la citation suivante :

Parce que l’Apôtre m’enseigne à éviter un hérétique après un premier et un second avertissement, et non à l’accuser. L’Apôtre savait qu’un tel homme est perverti et se condamne lui-même. En outre, il serait d’une extrême folie de faire dépendre ma foi du jugement d’un autre homme. Si quelqu’un venait à vous appeler catholique, devrais-je immédiatement donner mon assentiment ? Quiconque vous défend et affirme que vous soutenez légitimement vos opinions perverties ne réussit pas à vous sauver de l’infamie, mais se charge lui-même de perfidie. Vos nombreux partisans ne prouveront jamais que vous êtes catholique, mais démontreront plutôt que vous êtes hérétique.

Je souhaiterais que de telles opinions soient supprimées par l’autorité ecclésiastique ; sinon, nous serons comme ceux qui montrent une image effrayante à un enfant qui pleure. Que la crainte de Dieu nous accorde ceci : mépriser toutes les autres peurs. Par conséquent, défendez vos opinions ou abandonnez ce que vous êtes incapable de défendre. Quiconque serait appelé à vous défendre devra être considéré comme un partisan, et non comme un protecteur.

18 Le pélagien revient sur le péché des enfants : ils sont baptisés pour qu’ils soient pardonnés de leurs péchés, mais quels péchés?

L’augustinien répond en citant d’abord Paul en Romains 5.14 Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir.

Saint Cyprien, dans une lettre à l’évêque Fidus, affirme que même les nourrissons, bien qu’innocents de péchés personnels, portent la marque du péché originel et nécessitent le baptême pour être purifiés[De plus, si même les pires pécheurs, et ceux qui, avant leur baptême, ont gravement péché contre Dieu, reçoivent, une fois qu’ils croient, le don de la rémission des péchés, et si personne n’est exclu du baptême et de la grâce, à combien plus forte raison un enfant ne devrait-il pas être privé du baptême, sachant que, tout juste né, il n’a commis aucun péché ? Il a seulement, étant né selon la chair parmi les fils d’Adam, hérité de la souillure de la mort ancienne par sa première naissance. Et il est d’autant plus facilement admis à la rémission des péchés du fait que ce ne sont pas ses propres péchés, mais ceux d’un autre, qui lui sont remis. Ainsi, très cher frère, il a été décidé en concile que nul ne devait être privé par nous du baptême et de la grâce de Dieu, qui est miséricordieux envers tous, plein de bonté et de bienveillance. Et tandis que cette règle doit être observée et respectée pour tous, gardez à l’esprit qu’elle doit d’autant plus être observée en ce qui concerne les nourrissons eux-mêmes et ceux qui viennent de naître, car ils ont un droit encore plus grand à notre aide pour obtenir la miséricorde divine, leurs pleurs et leurs larmes dès leur naissance étant une prière perpétuelle. – Cyprien de Carthage, Lettre 64]. Saint Augustin, dans plusieurs traités[De la désertion et la rémission des péchés, et le baptême des enfants], s’oppose à l’idée hérétique selon laquelle les enfants seraient baptisés uniquement pour entrer au royaume des cieux, et non pour la rémission des péchés.

Enfin, il tourne en dérision l’idée qu’il serait injuste de remettre les péchés d’un autre, et mentionne qu’Origène, souvent cité par les pélagiens, soutient que le baptême efface des fautes anciennes commises avant même la vie terrestre, dans une vie précédente, pour montrer l’absurdité de ces doctrines. L’auteur conclut en affirmant qu’un seul baptême, valable pour tous, inclut nécessairement la rémission des péchés, même pour les nourrissons.

Fin des livres contre les pélagiens.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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