Saint Cyrille de Jérusalem – une introduction
4 février 2025

En préparation des articles qui présenteront les conférences catéchétiques de Cyrille de Jérusalem, je publie ici un résumé de l’introduction qu’en fait Edwin Hamilton Gifford, dans le Nicene and Post-Nicene Fathers, serie 2, vol 7 consacré à Cyrille de Jérusalem et Grégoire de Naziance. Cyrille d’Alexandrie est connu pour ses conférences catéchétiques, le seul exemplaire complet de catéchisme antique que nous ayons à ce jour.


Vie de Saint Cyrille.

318-380, il a vécu son enfance sous la crise arienne et il est mort sous Théodose. Il semble être né de parents chrétiens nicéens. Il a un neveu qui est devenu évêque de Césarée après Acace. Il est né autour de Jérusalem puisqu’il se souvient de la visite d’Héléna à Jérusalem pendant son enfance. Ordonné diacre par Macaire en 334, à temps pour voir Athanase déposé pour son second exil. Il a commencé à faire ses leçons de catéchisme comme diacre puis prêtre.

Ordonné évêque en 350, contre le parti arien. Après quelques années, il se trouve en conflit avec Acace, évêque (arien) de Césarée. Ce dernier l’accuse d’avoir vendu du mobilier liturgique [pour nourrir les pauvres] mais c’est en réalité un prétexte pour déposer un évêque nicéen. Cyrille conteste en faisant valoir que Jérusalem ne devrait pas être soumise au métropolite de Césarée. Il est déposé néanmoins en 357 par les évêques ariens de Palestine. Cyrille se réfugie à côté d’Antioche et fait appel auprès de l’empereur. Il participe au synode de Séleucie, où il aide à défaire les ariens, malheureusement sans lendemain.

Acace et ses partisans rattrapent le coup, et en 360, Cyrille est déposé par l’empereur. Mais en 362, Julien l’Apostat rappelle tous les évêques exilés. Cyrille est en place lorsque le temple de Jérusalem est mis en chantier, pour être abandonné ensuite. Il tente de proposer un successeur nicéen à l’épiscopat de Césarée à la mort d’Acace.

Redéposé et exilé en 367. Gratien et Théodose ordonnent à tous les évêques exilés de rentrer en 379. Il retrouve l’Eglise de Jérusalem rempli d’ariens, d’appolinariens et de tous les égyptiens déviants chassés d’Egypte, une église en souffrance.

En 381, Cyril participe au concile de Constantinople, il est reconnu comme un des chefs du parti orthodoxe. Il achève son épiscopat dans la gloire en 386. Voici le résume de sa chronologie.

  • 318 : Naissance ? Probablement de parents chrétiens, à ou autour de Jérusalem.
  • 334 Ordonné diacre ; commence ses lectures catéchétiques.
  • 350 : Ordonné évêque (nicéen) de Jérusalem.
  • 357 Déposé par Acace de Césarée et les évêques ariens de Palestine.
  • 360 Exilé par l’empereur.
  • 362 Rappelé par Justin l’Apostat.
  • 367 Deuxième exil
  • 379 Rappelé par Théodose et Gratien.
  • 381 Participe au concile de Constantinople (celui du crédo de Nicée-Constantinople)
  • 386 Meurt dans la gloire.

Instruction catéchétique

A l’époque, le catéchisme est un cycle d’enseignement de niveau variable (du plus élémentaire au plus avancé). La didaché est un catéchisme par exemple, et Cyrille en récupère le plan entre 19 lectures destinés aux proposants et 5 lectures mystagogiques, destinées aux initiés. Le travail de Jérusalem est le seul exemple de catéchisme complet proposé à l’époque.

Tous les membres du clergé catéchisaient, et les pères catéchisaient les enfants. Néanmoins, il se pouvait qu’un enseignant particulier prenne en charge un cursus plus formalisé, à l’image d’Origène pour l’école catéchétique d’Alexandrie, ou Déogratias, un diacre de Carthage. Les dernières leçons (exposant le crédo, (soit la dogmatique) étaient prises en charge par l’évêque ou un prêtre adjoint.

Les catéchumènes étaient des convertis du judaïsme ou du paganisme, ou bien des enfants de chrétiens dont les parents avaient différés le baptême. L’on était admis aux cours de catéchisme qu’après un examen de motivations, pour jauger la motivation à recevoir le baptême. Ils étaient ensuite reçus au statut de catéchumène par un rituel propre. Les catéchumènes n’avaient pas le droit de rester au culte au moment de la Cène.

La durée du catéchuménat varie : 2 ans d’après le synode d’Elvira. A l’approche du Carême, ils devaient s’inscrire pour le baptême, ce qui commençait une sorte de parcours liturgique spécifique (par ex, ils portaient une torche, le premier dimanche après l’inscription).

Ces inscrits sont les éclairés φωτιζόμενοι. dont parle Cyrille, qui sont bénéficiaires du dernier cycle d’enseignement.

Lieu des lectures de Saint Cyrille

Saint Cyrille de Jérusalem a donné ses conférences catéchétiques principalement dans la grande basilique de la Résurrection, érigée par Constantin en 335 sur le site du Saint-Sépulcre. Ces conférences avaient lieu après une partie de l’office quotidien, en présence de toute la congrégation. Les conférences mystagogiques, cependant, se déroulaient dans la chapelle contenant le Saint-Sépulcre, appelée Anastasis.

Cyrille, témoin oculaire des transformations initiées par Constantin, décrit souvent les lieux saints pour renforcer la foi de ses auditeurs. Il mentionne Golgotha, parfois visible depuis l’église, et le jardin autour du site, encore perceptible de son temps. Son témoignage concorde avec celui d’autres contemporains, comme Eusèbe et le pèlerin de Bordeaux, qui attestent de la localisation et des caractéristiques des bâtiments constantiniens.

Les recherches archéologiques et les descriptions historiques permettent d’identifier trois principaux sites :

  1. L’Anastasis, érigée sur la tombe supposée du Christ.
  2. La basilique de la Croix, située à l’est de l’Anastasis et séparée par une grande esplanade.
  3. Le Golgotha, une colline au nord, près des deux édifices, mais distincte.

Ces éléments confirment la forte adhésion de Cyrille à la tradition locale concernant les lieux de la crucifixion et de la résurrection.

Quand et comment Saint Cyrille donnait ses conférences.

§1. L’année des conférences

Les Catéchèses de S. Cyrille furent probablement prononcées en 348. Plusieurs indices temporels soutiennent cette conclusion :

  • En Catéchèse XIV.14, Cyrille mentionne les empereurs en exercice, Constans et Constance, qui achevèrent la construction de la grande église de la Résurrection, avant la mort de Constans en 350.
  • En Catéchèse XV.6, il se réfère à une guerre entre Perses et Romains, probablement celle ayant conduit à la défaite de Constance à Singara en 348.
  • En Catéchèse VI.20, il situe le début de l’hérésie manichéenne environ 70 ans avant, soit autour de 277, corroborant l’année 348 comme celle des conférences.

§2. Les jours des conférences

  • Les conférences furent données pendant la période de carême (Quadragesima), qui durait six semaines en Palestine. Elles commencèrent probablement le lundi de la première semaine et se terminèrent la veille de Pâques.
  • La Procatechesis fut prononcée le dimanche, devant toute la congrégation. Les autres conférences suivirent un rythme quotidien ou presque.
  • Certaines Catéchèses sont datées par des allusions liturgiques ou calendaires : par exemple, la Catéchèse XIV fut donnée le lundi après le dimanche de la Passion, et la dernière, la Catéchèse XVIII, pendant la nuit du Vendredi saint ou tôt le samedi saint.

§3. Organisation des conférences

Les conférences de S. Cyrille se distinguent par leur caractère unique et structuré :

  • Introduction : La Procatechesis exhorte les candidats nouvellement admis.
  • Première section (Catéchèses I-IV) : Introduction aux principes essentiels de la foi, dont un résumé des dix articles principaux du Credo de Jérusalem.
  • Deuxième section (Catéchèses V-XVIII) : Développement systématique des doctrines théologiques basées sur le Credo.
  • Mystagogies : Après le baptême administré à Pâques, cinq conférences sur les mystères expliquent les sacrements de baptême, chrismation, et eucharistie.

Ces Catéchèses constituent le seul exemple complet de l’instruction donnée aux candidats dans les premiers siècles, offrant un témoignage précieux des pratiques liturgiques et doctrinales de l’Église orientale au IVᵉ siècle.

Oeuvres de Saint Cyrille

§ 1. Liste des œuvres

Les œuvres connues de Cyrille de Jérusalem incluent :

  1. Une lettre à l’empereur Constance sur l’apparition d’une croix lumineuse dans le ciel à Jérusalem.
  2. Une homélie sur le paralytique à la piscine de Bethesda.
  3. Des fragments de sermons sur des miracles évangéliques, comme l’eau changée en vin et un commentaire sur Jean 16:28.

Certaines œuvres attribuées à Cyrille, comme une homélie sur la Présentation au Temple, sont disputées et pourraient être de Cyrille d’Alexandrie.

§ 2. Authenticité des Catéchèses

L’authenticité des Catéchèses et des Conférences mystagogiques ne fait aucun doute, confirmée par des preuves internes (lieu, date) et des témoignages historiques, notamment ceux de S. Jérôme et de Théodoret. Les doutes soulevés par des théologiens calvinistes du XVIIe siècle reposaient principalement sur des questions dogmatiques, mais des preuves textuelles et chronologiques solides réfutent ces objections.

§ 3. Témoignages anciens

Des auteurs anciens, comme S. Jérôme et Théodoret, attestent l’existence et la paternité des Catéchèses. S. Jérôme, contemporain de Cyrille, les décrit comme rédigées dans sa jeunesse. D’autres mentions par des auteurs postérieurs (ex. : Théophane, Léonce de Byzance) confirment leur usage et leur respectabilité dans l’Église.

Doctrine Eucharistique

  1. Consécration et Invocation du Saint-Esprit : Cyrille enseigne que la transformation des éléments sacramentels (eau, huile, pain, vin) repose sur l’invocation du Saint-Esprit, ce qui les sanctifie et change leur nature symbolique et spirituelle, bien qu’ils conservent leur substance matérielle.
  2. Argument contre la transsubstantiation : Des théologiens comme l’évêque Cosin ont soutenu que l’usage similaire du langage de Cyrille pour l’eau, l’huile, le pain et le vin indique qu’il ne croyait pas à une transformation substantielle (comme celle soutenue par l’Église catholique romaine). Cependant, cette interprétation est critiquée pour négliger les différences dans la manière dont Cyrille décrit les changements spirituels de chaque élément.
  3. Transformation spirituelle et corporelle : Pour Cyrille, après la consécration, le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ d’une manière sacramentelle, procurant grâce et union spirituelle avec le Christ. Il ne fait pas de distinction entre « espèces » et « substance » comme dans la doctrine catholique, mais affirme que le corps et le sang nourrissent réellement le corps et l’âme des fidèles.
  4. Type et antitype : Cyrille utilise les notions de « type » et « antitype » pour décrire les éléments sacramentels. Ces termes signifient que les éléments représentent symboliquement le corps et le sang du Christ crucifié, tout en transmettant réellement sa vie divine aux fidèles.
  5. Union avec le Christ : En recevant l’Eucharistie, les croyants participent au corps et au sang du Christ, devenant « de même corps et de même sang » que lui. Cela soutient l’idée de la résurrection des corps et une communion spirituelle profonde avec le Christ.
  6. Comparaison avec d’autres Pères de l’Église : Cyrille partage des idées similaires à celles d’Ignace, Justin Martyr et Irénée, qui insistent sur la nature spirituelle et transformatrice de l’Eucharistie, tout en rejetant une approche strictement figurative ou symbolique.

En conclusion, Cyrille enseigne une vision équilibrée de l’Eucharistie comme un sacrement à la fois symbolique et réel, transmettant la grâce divine sans impliquer un changement de substance matérielle.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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