Dans ce livre, Rey présente brièvement le transhumanisme (des exemples concrets par lesquels il se manifeste et ses racines philosophiques) et le critique (ses faiblesses théoriques ainsi que ses dangers pratiques et existentiels). C’est une bonne introduction au transhumanisme en français pas trop longue d’un point de vue de la philosophie classique (et thomiste ?). Seul défaut, quelques phrases pompeuses et à rallonge, à part si on aime ça.
Voici à la suite un bref résumé de chaque résumé pour vous donner un avant-goût.

Chapitre 1
Dans ce premier chapitre, l’auteur présente les enjeux et différents aspects du transhumanisme. L’enjeu économique car c’est une machine à sous pour les entreprises de la tech (comme Microsoft, Google, Apple, etc.) qui doivent créer un besoin qui n’est pourtant pas essentiel. Il y a un enjeu de domination “totalitaire” car on rend les gens dépendants de structures technologiques. Comme exemples de transhumanisme, il y a les substances chimiques qui donnent du plaisir sexuel et qui pourraient prétendument servir à faire baisser les taux de divorces. Il y a aussi bien sûr les implants, les cyborgs, etc.
Il traite aussi de la propagande transhumaniste qui consiste à banaliser le transhumanisme en le comparant à des choses que tout le monde accepte déjà (comme porter des lunettes) puis à le présenter comme une chose inéluctable à laquelle il est vain de d’opposer car quoi qu’on fasse, il va réussir.
Chapitre 2
Dans ce chapitre, Rey présente et défend la thèse suivante qui dit que le transhumanisme décompose l’homme, porte atteinte à son unité (le découpe en morceaux) pour ensuite lui vendre des morceaux séparés d’homme améliorés.
Il explique aussi que la technologie exerce une influence et rend l’homme dépendant d’une façon irrémédiable ou très difficile à annuler. Il compare cela à l’entrée de la Grèce dans l’Union Européenne, où malgré des importations peu chères, elle finit par perdre l’indépendance agricole qu’elle avait, étant maintenant écrasée par la compétition allemande avec leurs usines agricoles. En effet, si elle sort, elle en sort avec une monnaie fortement dévaluée, et ne peut plus vendre ses productions à des prix assez hauts.
Chapitre 3
Dans ce chapitre, Rey décrit les racines philosophiques du transhumanisme : ce n’est pas un mouvement qui a surgi de nulle part mais qui se base sur des idées philosophiques du passé. Il part de l’évolution de la conception de la science en partant d’une conception aristotélicienne basée sur les choses vivantes (distinction choses par nature et choses produites) vers une conception mathématique (les choses naturelles sont foncièrement mathématiques) popularisée par Galilée. Une conception mathématique qu’il décrit comme du scientisme et qu’il voit d’un mauvais œil.
Il présente ensuite le principal obstacle au mécanisme qu’est le vivant (la vie est très dure à définir mais on la reconnaît instantanément) et comment la biologie de l’aveu de grands biologistes comme Jacques Monod est un compromis entre téléologie (si on rejette on n’a plus vraiment de vivant, de matière de la biologie) et mécanisme (si on le rejette, la biologie n’est plus une science au sens mathématique). Il parle aussi de la réponse de Kant à ce problème.
Il fait remonter les racines philosophiques du transhumanisme au nominalisme de William d’Occam opposé au réalisme (acceptation des universaux) et du volontarisme de Duns Scot opposé à l’intellectualisme de Thomas d’Aquin. Occam donne toute la puissance à Dieu en dénudant les créatures de téléologie.
Il parle de la notion de loi, scientifique et juridique. Il évoque David Hume avec sa distinction is/ought (être et devoir-être). Les deux sont appelés lois car traditionnellement on considérait qu’elles venaient de Dieu comme législateur. Les lois naturelles s’appliquent aux êtres inanimés sans exceptions tandis que les lois juridiques aux êtres intelligents avec des exceptions que sont leurs désobéissances. Montesquieu dans son Esprit des lois, reprend la division traditionnelle d’Aristote entre l’âme végétative, l’âme sensitive et l’âme intellectuelle.
Il s’attaque ensuite à la nouvelle conception de la biologie qui rejette toute finalité (Le bien c’est accomplir sa fin nous dit Thomas d’Aquin dans la Somme contre les Gentils) mais qui en fait la remplace par la fin de la survie avec la théorie de l’évolution qui l’accompagne (néodarwinienne avec sélection naturelle et mutations génétiques). Le but de tout être est de survivre. Par exemple c’est ce que dit Richard Dawkins dans Le gène égoïste. Mais cela est incohérent car on voit mal l’intérêt qu’il y a d’être vivant, un pierre ou un caillou subsiste bien plus longtemps que tout être vivant.
Il évoque ensuite Ernest Renan avec ses Dialogues philosophiques qui y prophétise la façon dont les élites domineront sur les autres humains, allant jusqu’à les considérer comme inférieurs, comme ce que sont les chimpanzés à l’homme. Les élites se servent de la technologie pour asservir les hommes. Avoir des moyens efficaces de tuer ne suffit pas comme les gens sont parfois prêts à donner leur vie. Ce qu’ils redoutent par contre, c’est la douleur. Ainsi, les élites utiliseront des technologies pour rallonger la vie des exploités et pour pouvoir les torturer sans qu’ils meurent contrairement aux limites des supplices d’aujourd’hui qui abîment le corps. Pour Renan, la technologie est vouée à dominer sur l’homme, à devenir incontrôlable, ce qui n’est pas forcément un problème car c’est ce qu’au fond désire l’homme. De même, les transhumanistes peuvent voir la technologie comme un moyen oppressif, et secrètement ou ouvertement voué à dominer l’homme sans que ce soit un problème. Il y a bien sûr des exceptions, comme le transhumanisme “de gauche” de Nick Bostrom pour qui il faudrait rendre accessible au plus grand nombre les avancées technologiques pour diminuer les inégalités.
Il essaye ensuite de donner l’origine de “l’inversion de la téléologie” (expression qui nous vient de Spaemann), le fait de faire de l’autoconservation la fin ultime des êtres vivants au lieu de voir l’autoconservation comme un moyen à leur bien. Elle a commencé avec la naissance de la science moderne car celle-ci a “démoralisé” la nature. Le but des hommes armés de la science moderne n’était plus comme avant en suivant Aristote d’utiliser la technique comme un moyen de trouver plus facilement sa place dans la nature. Mais plutôt de se servir de la science pour remodeler à leurs pleins désirs la nature désormais vue comme une matière première inerte dépourvue de finalité intrinsèque. La “technolisation” de la nature et de la société va de pair avec le capitalisme sous l’impulsion de la bourgeoisie. La bourgeoisie n’y est pas à l’origine mais s’en sert comme une opportunité pour leurs intérêts, ils en sont donc les principaux instigateurs. Ce phénomène cause à la fois des dégâts à la nature (écologie) et à l’homme (anthropologie). Comme l’identité de l’homme est liée à celle de la nature, la sienne est très abîmée. On peut ainsi faire plusieurs parallèles entre d’une part des dégradations de la nature, et d’autre, des dégradations de l’homme.
Il fait le rapprochement entre transhumanistes et animaliste. Il en profite d’ailleurs pour critiquer l’animalisme qui dit qu’il faut considérer que les animaux ont des droits égaux à ceux des hommes et inversement.
Conclusion
Il met surtout en avant la contradiction profonde du transhumanisme : c’est une stratégie du déni pour éviter la catastrophe de la pénurie de tout (métaux, eau, nourriture, etc.) alors qu’elle a besoin d’accélérer cette pénurie et d’encore plus de ces ressources qui vont manquer pour aboutir. La vraie solution serait d’apprendre à être moins dépendant des technologies, revenir à la technique. Le transhumanisme nous détourne de cela, la solution se trouve dans les vertus humaines.
Illustration en couverture : Anton Joseph von Prenner, La tour de Babel, gravure, 1728-1731 (musée du Louvre, Paris).
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