Hier j’ai été crucifié avec lui, aujourd’hui je suis glorifié avec lui – Grégoire de Nazianze
20 avril 2025

Ce qui suit est le tout premier sermon prononcé par Grégoire de Nazianze, un des « pères cappadociens » fondateur des formules trinitaires classiques, au IVe siècle. A l’époque de ce sermon, il n’a pas beaucoup plus de 30 ans, et il vient d’être ordonné de force ancien/prêtre de la ville de Nazianze, sous la direction de son père et évêque Grégoire l’ancien. Après une fugue de quelques mois, il assume enfin ses responsabilités au jour de Pâques. Le texte est issu de la traduction de Jean Bernardi pour les éditions Sources Chrétiennes.


C’est un début prometteur. Que cette fête solennelle nous revête de son éclat ! Embrassons-nous; appelons frères ceux-là même qui nous haïssent et, à plus forte raison, ceux qui nous ont fait subir ou qui ont subi de nous par amours quelque tort. Accordons à la Résurrection toutes les concessions. Pardonnons-nous réciproquement, moi qui ai été victime de cette belle tyrannie – c’est le qualificatif que je lui donne maintenant -, et vous qui avez eu ce beau geste envers moi, au cas où vous auriez quelque reproche à me faire à cause de ma lenteur, car il se pourrait que cette lenteur fût meilleure et qu’elle eût plus de prix aux yeux de Dieu que la rapidité montrée par d’autres Il est, en effet, également bon de reculer quelque peu devant Dieu, comme le grand Moïse autrefois et comme Jérémie plus
tard, et d’accourir promptement à son appel, comme Aaron et Isaïe, pourvu que l’on agisse par piété dans les deux circonstances, parce qu’on tient compte dans le
premier cas de sa propre faiblesse, et, dans le second, de la puissance de celui qui appelle.

J’ai reçu l’onction du mystère, j’ai manifesté un certain recul devant le mystère, le temps de m’examiner, et je reviens avec le mystère , faisant appel à ce beau
jour pour soutenir ma timidité et ma faiblesse, afin que celui qui est aujourd’hui ressuscité d’entre les morts me renouvelle aussi par son esprit, et qu’après m’avoir revêtu de l’homme nouveau; il donne à la nouvelle création, à ceux qui sont engendrés selon Dieu, un bon modeleur et un bon docteur, aussi ardent à mourir avec le Christ qu’à ressusciter avec lui.

Hier on égorgeait l’agneau et on enduisait les montants des portes; l’Égypte a pleuré ses premiers-nés et l’exterminateur est passé à côté de nous : le sceau lui a inspiré crainte et respect, et le précieux sang a été notre rempart. Aujourd’hui nous avons échappé totalement à l’Égypte, au dur despotisme de Pharaon, au lourd poids des chefs, et nous sommes délivrés de l’argile et de la fabrication des briques. Il n’y aura personne pour nous empêcher de célébrer en l’honneur du Seigneur notre Dieu la fête de l’Exode et de la célébrer « non avec du vieux levain de malice et de perversité, mais avec des azymes de pureté et de vérité » sans rien emporter de la pâte athée de l’Égypte.

Hier j’étais crucifié avec le Christ, aujourd’hui je suis glorifié avec lui; hier je mourais avec lui, avec lui aujourd’hui je viens à la vie; hier j’étais enseveli avec lui, aujourd’hui je me lève avec lui. Eh bien, apportons nos offrandes à celui qui est mort et ressuscité pour nous. Peut-être croyez-vous que je parie d’or, d’argent, de
tissus, de pierres transparentes et précieuses, de cette matière terrestre qui s’écoule et qui demeure ici-bas, dont la majeure partie est toujours aux mains des méchants, des esclaves des choses d’ici-bas et du prince de ce monde. Apportons en offrande nos propres personnes, c’est-à-dire le bien le plus précieux aux yeux de Dieu et le plus proche de lui. Restituons à l’image ce qui est à l’image, reconnaissons notre dignité, honorons notre modèle, connaissons la puissance du mystère et pour qui le Christ est mort.

Devenons comme le Christ, puisque le Christ est comme nous; devenons dieux à cause de lui, puisqu’il est homme à cause de nous. Il a assumé ce qui est inférieur
pour donner ce qui est supérieur. Il s’est fait mendiant pour que sa mendicité nous enrichisse. Il a pris forme d’esclave pour que nous recouvrions la liberté; il
s’est abaissé pour nous élever; il a subi la tentation pour faire de nous des vainqueurs; il a été déshonoré pour nous glorifier; il est mort pour nous sauver; il s’est élevé pour nous entraîner à sa suite, nous qui étions terrassés après la chute du péché. Que l’on donne tout, que l’on offre tout à celui qui s’est donné lui-même pour nous en rançon et en échange d’aucun don ne ressemblera à celui que fait de lui-même un être intelligent du mystère et qui devient à cause de Lui tout ce qu’Il est devenu à cause de nous.

Il vous offre, comme vous le voyez, un pasteur : voilà ce qu’il espère, ce bon pasteur qui expose sa vie pour ses brebis a, voilà ce qu’il souhaite, voilà ce qu’il vous
demande, à vous qui êtes dans sa dépendance. Il se donne à vous deux fois au lieu d’une seule, il fait du bâton de vieillesse la baguette de l’Esprit et il joint au temple inanimé un temple vivant. A ce temple de toute beauté, à cet édifice céleste, il en joint un autre qui, quelles que soient sa nature et son importance, est à ses yeux très précieux, un temple qu’il a parachevé au prix de tant de peines et de sueurs. Ah, s’il était permis d’ajouter que ce temple-ci méritait cette peine. Tout ce qui lui appartient, il vous l’offre. Quelle magnificence ou, pour parler avec plus de vérité, quel amour paternel. II vous offre les cheveux blancs, la jeunesse, le temple, le grand-prêtre, le testateur, l’héritier et la parole que vos désirs appelaient. Non pas une parole qui va à l’aventure, qui frappe l’air et s’arrête à l’oreille, mais une parole que l’Esprit écrit et qu’il grave sur des tables de pierre, je veux dire de chair ; une parole qui n’est pas tracée superficiellement et qu’il n’est pas facile d’effacer, mais une parole inscrite profondément, non par l’encre, mais par la grâce.

Voilà donc la conduite du vénérable Abraham qui est ici, ce patriarche, cette tête précieuse et respectable, cet asile de toutes les qualités, cette règle de vertu, cette
parfaite réalisation du sacerdoce, cet homme qui aujourd’hui offre à Dieu volontairement en sacrifice son fils unique, son fils né de la promesse. Pour vous, offrez!
à Dieu et à nous un troupeau qui se laisse bien conduire au pâturage, parqués sur des lieux d’herbe fraîche et nourris près des eaux du repos, connaissant bien votre pasteur et connus de lui, suivant celui qui vous appelle à la porte en pasteur et en homme libre, mais refusant de suivre l’étranger qui franchit la barrière comme les bandits et les hommes mal intentionnés, sans prêter l’oreille à la voix étrangère du voleur qui éloigne le troupeau de la vérité et le disperse dans les montagnes, les déserts, les précipices et les lieux que le Seigneur ne visite pas. Cette voix qui éloigne de la vraie foi, c’est-à-dire la foi au Père, au Fils et au Saint-Esprit, unique divinité et unique puissance à cet enseignement mes brebis ont toujours prêté l’oreille et puissent-elles continuer à le faire -, cette voix dont les paroles falsifiées et perverties sèment la dévastation et séparent du premier et véritable pasteur. De ces paroles, puissions-nous tous, pasteur et troupeau, nous tenir éloignés comme d’une herbe qui apporte la maladie et la mort, quand nous conduisons le troupeau au pâturage ou que nous nous y laissons conduire, pour être tous un dans le Christ Jésus, maintenant et au sein du repos qui nous attend là-bas. A lui la gloire, et la puissance dans les siècles. Amen.


Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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