Une réponse à l’argument de l’autonomie en faveur de l’euthanasie – John Keown
28 mai 2025

Dans l’urgence de la situation actuelle, alors que l’euthanasie (qui n’est rien de moins que le fait de tuer intentionnellement un être humain) a été votée hier par l’Assemblée nationale et que peu de ressources sur le sujet sont disponibles en français pour les chrétiens protestants et évangéliques, je vous propose un bref résumé du quatrième chapitre « The value of autonomy » du très bon de livre contre l’euthanasie Euthanasia, Ethics and Public Policy. An Argument Against Legalisation de John Keown, un philosophe chrétien où il répond à l’argument de l’autonomie en faveur de l’euthanasie.



Keown présente un autre argument en faveur de la moralité et de la légalisation de l’euthanasie : il faut respecter l’autonomie de chaque individu. Le principe du caractère sacré ou de l’inviolabilité de la vie a perdu de sa force car beaucoup aujourd’hui le voient comme un absolutisme, c’est-à-dire une manière d’imposer une norme à tout le monde. Les partisans de la légalisation de l’euthanasie affirment que l’Etat devrait autoriser les citoyens à agir comme ils le veulent du moment que leurs choix autonomes ne font de mal à leurs prochains. En particulier, l’euthanasie volontaire active ne fait pas de mal à ses opposants ; ils ont seulement à ne pas l’utiliser sans l’interdire pour les autres.

L’autonomie : un facteur important parmi d’autres mais pas décisif

A cela il répond que l’autonomie n’est qu’un facteur, certes important, parmi d’autres comme le principe d’inviolabilité de la vie. Si un choix autonome va à l’encontre de ce dernier, celui-ci est alors immoral. On trouve de nombreux exemples d’actes basés sur un choix autonome qui sont pourtant immoraux. Par exemple, tuer ou agresser l’autre est immoral, et ce même si ce méfait résulte d’un choix autonome. On pourrait dire qu’à l’inverse du meurtre d’un autre homme que soi, se donner la mort (dans notre cas par suicide assisté ou euthanasie) ne fait de mal à personne.

Mais c’est faux car dans la grande majorité des cas1 notre mort volontaire risque fortement d’attrister nos proches comme nos parents, notre famille, nos amis, nos camarades ou collègues. De plus, elle nous empêche de leur faire du bien et également à la société en général. Enfin, c’est un péché envers Dieu qui seul a le droit de vie et de mort sur les personnes innocentes. C’est notamment ce qu’a défendu Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique.

L’autonomie totale : un nouvel absolutisme

Notons que les défenseurs de l’autonomie comme facteur déterminant l’érigent ainsi en une valeur absolue, ce qu’ils reprochaient précisément aux défenseurs du principe du caractère sacré de la vie. On peut noter aussi que cette situation favorise le pluralisme moral puis le relativisme moral, ce qui est dangereux comme dans les faits nous vivons en société et non pas chacun dans notre coin.

Et même s’il fallait retenir l’autonomie comme l’unique facteur décisif dans la prise et le respect des décisions des individus, pourquoi accepter la mort volontaire d’un individu alors que cela va à l’encontre de son autonomie (cela l’empêche complètement de l’exercer à l’avenir) ?

Le refus de l’autonomie absolue implique-t-elle de ne jamais écouter le patient souffrant ?

Cette position implique-t-elle de ne pas du tout prendre en compte l’avis du patient souffrant, par exemple s’il émet le souhait de ne pas prendre un traitement qu’il juge trop lourd pour lui ? Pas du tout. Même si on ne lui accorde pas le droit de juger que sa vie n’a plus de valeur et de provoquer sa mort, on peut très bien arrêter un tel traitement trop lourd pour lui. Etant donné que les personnes diffèrent dans leur capacité à supporter la douleur et qu’elles sont bien placées pour savoir quel traitement et douleur elles sont prêtes à supporter, on peut dans ce cas respecter leur souhait si elles n’en veulent pas.


Illustration de couverture : Nicolaes Berchem, Hippocrate rendant visite à Démocrite, huile sur toile, 1650.

  1. Je garde néanmoins en tête le cas malheureux de personnes qui vivent dans une solitude totale sans proches, situation de plus en plus courante à notre époque où règne l’individualisme.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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