Cet article est issu d’une discussion sur notre groupe Telegram « PLF Lectures Bibliques » associé à notre plan de lecture. Ceci explique l’aspect spontané de certaines remarques, comparables aux Tischreden de Luther.
A propos d’Actes 15.15-18 :
Actes 15:15-18 (NEG1979) ¹⁵Et avec cela s’accordent les paroles des prophètes, selon qu’il est écrit:¹⁶Après cela, je reviendrai, et je relèverai de sa chute la tente de David,
J’en réparerai les ruines, et je la redresserai,
¹⁷Afin que le reste des hommes cherche le Seigneur,
Ainsi que toutes les nations sur lesquelles mon nom est invoqué,
Dit le Seigneur, qui fait ces choses,
¹⁸Et à qui elles sont connues de toute éternité.
Pendant très longtemps, j’ai employé ce texte en polémique contre la lecture dispensationaliste, selon laquelle la majorité des textes prophétiques de l’AT concerne l’Israël de la fin des temps.
L’argument était le suivant : la lecture dispensationaliste, qui insiste pour dire que quand c’est écrit « Israël », il doit s’agir de l’Israël selon la chair, est contredite par l’apôtre Jacques, qui estime que l’inclusion des païens dans l’Eglise était prophétisée par la prophétie d’Amos parlant du relèvement de la tente d’Israël. C’est donc qu’Israël ne désigne pas Israël, mais l’Eglise, dans ce genre de prophétie.
Mais aujourd’hui, avec mon « option préférentielle pour les interprétations de type prétériste », je procède un peu différemment, car je ne pense plus que l’inclusion des païens dans l’Eglise est le sens littéral du texte.
Amos, dans son contexte, annonce dans son livre la déportation assyrienne du royaume du Nord. Dans ce contexte, le relèvement de la hutte chancelante de David désigne certainement le retour de l’exil babylonien à l’époque perse, sous la conduite de Zorobabel, et sous le pontificat de Josué fils de Josédeq.
D’ailleurs, la suite de l’oracle indique clairement que c’est d’une restauration dans la terre d’Israël dont il est question :
Amos 9:11-15 (NEG1979) ¹¹En ce temps-là, je relèverai de sa chute la maison de David,
J’en réparerai les brèches, j’en redresserai les ruines,
Et je la rebâtirai comme elle était autrefois,
¹²Afin qu’ils possèdent le reste d’Edom et toutes les nations
Sur lesquelles mon nom a été invoqué,
Dit l’Eternel, qui accomplira ces choses.
¹³Voici, les jours viennent, dit l’Eternel,
Où le laboureur suivra de près le moissonneur,
Et celui qui foule le raisin, celui qui répand la semence,
Où le moût ruissellera des montagnes
Et coulera de toutes les collines.
¹⁴Je ramènerai les captifs de mon peuple d’Israël;
Ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront,
Ils planteront des vignes et en boiront le vin,
Ils établiront des jardins et en mangeront les fruits.
¹⁵Je les planterai dans leur pays,
Et ils ne seront plus arrachés du pays que je leur ai donné,
Dit l’Eternel, ton Dieu.
Dès lors, le sens littéral du texte est le retour de l’exil : non pas en 1948, mais en 536 av. J.-C.
Les dispensationalistes ont donc raison d’insister pour dire qu’Israël désigné (au moins généralement, mais peut-être tout le temps) l’Israël selon la chair. Ils ont néanmoins tort de penser que l’Israël selon la chair désigne l’état moderne d’Israël, ou le peuple juif du XXe et du XXIe siècle. L’Israël selon la chair concerné est en effet l’Israël du VIe s. avant J.-C.
Et les dispensationalistes ont raison de caractériser l’interprétation chrétienne classique (notamment soutenu par les réformés chez les protestants) de ces prophéties comme une « spiritualisation » de ces prophéties appliqués directement à l’Eglise. Toutefois, ils ont tort de penser que cette spiritualisation est abusive : l’Israël de l’époque de la restauration post-exilique est de manière très précise un type de l’Eglise. L’Israël post-exilique symbolise à l’avance et correspond dans une large mesure à ce que sera l’Eglise du NT, si bien que le retour dans le pays annoncé en Amos 9.11-12 correspond très exactement, dans l’histoire du salut, à l’incorporation des païens dans le peuple de Dieu tel que le documente le livre des Actes : il s’agit d’un nouveau retour de l’exil.
Autrement dit, si le sens littéral d’Amos 9.11-15 concerne l’Israël selon la chair au retour de l’exil babylonien, parce que l’Israël post-exilique est un type de l’Eglise, il s’ensuite que le sens spirituel d’Amos 9.11-15 est l’Eglise du NT, avec son incorporation des païens. La prise de possession du territoire d’Edom (selon le texte massorétique) correspond alors à une réalité nouvelle : l’incorporation du « reste des hommes », de « toutes les nations » à la hutte chancelante de David, restaurée dans la réalité nouvelle d’une Eglise dans laquelle les païens sont inclus en masse.
Pour ceux qui ne sont pas familier avec la distinction entre sens littéral et sens spirituel, cf l’article « les quatre sens de l’Écriture ».
Au demeurant, le fait de distinguer sens littéral et sens spirituel rend moins problématique le fait que le texte grec d’Amos 9 cité par Jacques soit différent sur certains aspects notables de la recension qu’en donne le texte massorétique. Si Jacques ne se livre pas à une exégèse du sens littéral du texte original, mais qu’il indique comment ce qui est arrivé une fois au retour de l’exil se reproduit, mais d’une autre manière, dans la situation de l’Eglise primitive (sens spirituel), alors le recours à un texte qui ne correspond pas en tout point au texte original en hébreu ne pose plus de problème (à condition que le texte grec qui diffère de lui sur certains détails ait bien une forme de correspondance avec le sens littéral : c’est le cas ici).





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