Le christianisme offre des réponses au coronavirus – Daniel Hyde
8 avril 2020

Cet article est la traduction d’une réponse du pasteur réformé américain Daniel Hyde à une publication du théologien N.T Wright apparu sur le site web de TIME en mars dernier. Vous trouverez une traduction de la publication originale ici.


Depuis qu’il est question du coronavirus, nous entendons les opinions de tous et chacun – d’où il vient, à quel point il est vraiment contagieux et quel devrait être le rôle du gouvernement pour le combattre. Heureusement, pour ma part, je ne suis qu’un pasteur chrétien qui parle depuis mon champ d’expertise.

Récemment, N.T. Wright a écrit dans le magazine Time que « La foi chrétienne n’offre pas de réponse au coronavirus. D’ailleurs, est-elle censée en donner une ? ». Il s’est d’abord engagé dans une argumentation ad hominem fallacieuse contre « les influenceurs habituels, un peu stupides ». Ces derniers auraient adopté le rationalisme pour chercher des réponses à la question de savoir quelles sont « les raisons pour lesquelles Dieu fait cela », que ce soit en tant que « punition », « avertissement » ou « signe ». Ceux-ci offriraient des « réactions spontanées de prétendus chrétiens » où « tout doit avoir une explication ». Pour les réfuter, Wright demande : « Mais supposons qu’il n’y en ait pas [de raisons] ? Supposons que la vraie sagesse humaine ne signifie pas être capable de relier des spéculations douteuses ». Il propose ensuite son remède, à savoir que nous nous devons de retrouver la tradition biblique de la lamentation. Il fait cela en évoquant les images émouvantes de réfugiés sur une île au large de la Grèce, de Gaza ou du Soudan du Sud au lieu de penser à New York ou à Londres. Qui serait contre cela ? C’est un faux dilemme. De plus, Wright pose un autre faux dilemme qu’il résout lui-même : « Le mystère du récit biblique est que Dieu aussi se lamente. Certains chrétiens voient Dieu au-dessus de tout cela, connaissant toute chose, en charge de toute chose, calme et insensible aux malheurs de son monde. Ce n’est pas l’image que nous repérons dans la Bible. » Si vous cherchez du réconfort face aux grands titres quotidiens sur le nombre croissant de personnes qui contractent ce virus et meurent de complications liées à celui-ci, voudriez-vous un Dieu insensible ou un Dieu qui est là, dans les larmes, avec vous ? Ce que Wright ne vous dit pas, c’est que la vision classique du Dieu impassible (sans passions comme nous, les humains) affirme également que dans l’Incarnation du Fils de Dieu en tant que Jésus le Messie, Dieu était et est pleinement capable de passions ! En fin de compte, Wright dit que ce n’est pas de notre devoir d’ »être capable d’expliquer ce qui arrive et pourquoi cela arrive » mais plutôt « de ne pas être capable d’expliquer, mais de se lamenter plutôt ».

Ironiquement, Wright – un ancien évêque de l’Église d’Angleterre – ne tient pas compte de sa propre tradition sur cette question. C’est sur ce point-là que je veux me concentrer dans cette présente réponse. Dans la perspective de l’édition de 1662 du Livre de la prière commune (LPC) de l’Église d’Angleterre (l' »étalon-or » des LPC parus par la suite), j’aimerais examiner l’implication de Dieu dans l’actuelle pandémie COVID-19 et quelle devrait être la réponse de son peuple dans la prière. Nous allons considérer cinq prières pertinentes puis en faire une application.

En passant, notez que mes amis de la Church Society au Royaume-Uni rendent disponibles ces ressources historiques au public contemporain.

Prière tirée de la «Litanie »

La première prière provient de la « Litanie ou supplication générale », un ancien modèle de prière que le LPC a voulu utiliser après la prière quotidienne du matin, les dimanches, mercredis et vendredis. Après les prières d’invocation pour la miséricorde du Dieu trinitaire, il y a une série de prières de confession et de supplications pour la délivrance, dont celle-ci :

Officiant :           
De la foudre et des tempêtes, de la peste et de la famine ; de la guerre et du meurtre, et de la mort subite,

Répons :
Seigneur, délivre-nous.

Selon l’enseignement des Écritures, ce que nous appelons aujourd’hui des catastrophes « naturelles », telles que les épidémies et la peste, sont considérées comme des maux dont Dieu est capable de nous délivrer et à propos desquels son peuple est censé prier pour une délivrance. Une chose que Wright a bien comprise dans son récent article, c’est que nous devons nous lamenter en de telles périodes et ce précisément parce que Dieu est intimement impliqué dans ces épidémies et ces pestes, nous dit le LPC.

Prière « En temps de peste et de mortalité »

Deuxièmement, le LPC propose une sélection de « prières et actions de grâce pour diverses occasions particulières », dont une prière pétitionnaire intitulée « En temps de peste et de mortalité» (ajoutée par l’édition américaine de 1789). Elle se prie ainsi :

Ô Dieu tout-puissant, Seigneur de la vie et de la mort, de la maladie et de la santé ; reçois nos supplications, nous t’en prions humblement ; et, comme dans tes décrets tu as jugé à propos, à cause de nos péchés, de nous visiter par la maladie et la mortalité, souviens-toi, ô Dieu, de ta miséricorde. Aie pitié de nous, misérables pécheurs, et arrête la cruelle maladie dont nous sommes affligés. Puisse cette correction paternelle avoir sur nous une telle influence, qu’elle nous rappelle constamment la fragilité et l’incertitude de notre vie, afin que nous consacrions nos cœurs à cette sagesse céleste qui, à la fin, nous procurera la vie éternelle, par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Amen.

Dieu est le Seigneur « de », ce qui signifie « au-dessus de » la vie et de la mort, de la maladie et de la santé. Comme Jésus l’a révélé à Jean, « Je détiens les clés de la mort et du séjour des morts » (Apocalypse 1:18). L’Église s’humilie donc sous la direction de son Seigneur dans des moments comme celui-ci parce qu’il « a cru bon de nous châtier en raison de nos péchés avec une grande maladie et une grande mortalité ». De nouveau, avec Wright, le LPC évite tout rationalisme, en ne cherchant pas à savoir précisément quel péché particulier aurait causé cette maladie ; mais il reconnaît que le Seigneur a une main active dans l’envoi de telles maladies sur le monde, à des moments et des lieux particuliers, à cause du péché de la race humaine. Ceci ne constitue pas seulement la religion de l’Ancien Testament ; c’est ce que nous dit le Nouveau Testament. Jésus frappe sa propre Église de la maladie et même de la mort à cause de son péché. Il suffit de lire 1 Corinthiens 11:27-32. Parce qu’il est Seigneur, l’Agneau ayant triomphé de la mort et de la tombe, Jean décrit sous forme visionnaire comment Jésus a ouvert les sceaux du rouleau de l’histoire humaine, y compris le déchaînement sur cette terre de la peste (par exemple, Apocalypse 6:8). En tant que son peuple, nous nous humilions sous sa sagesse royale en de telles périodes, expression de la discipline qu’il nous impose pour nous amener à contempler notre fragilité et notre mortalité.

Prière « En temps de peste ou d’autres maladies contagieuses »

La troisième prière est également tirée des « Prières et actions de grâce pour diverses occasions particulières ». Cette fois-ci, le titre se lit « En temps de peste ou d’autres maladies contagieuses » :

Dieu tout-puissant, qui dans ta colère frappas ton peuple d’une plaie terrible, à cause de sa rébellion obstinée dans le désert contre Moïse et Aaron ; et qui au temps du roi David fis mourir soixante et dix mille hommes par la peste, mais qui dans ta compassion épargnas ensuite ceux qui restaient ; aie pitié de nous, ô Dieu, aie pitié de nous misérables pécheurs, qui sommes maintenant visités de maladie et de mortalité. Et comme alors il te plut de te laisser fléchir et de dire à l’ange destructeur, c’est assez : de même, ô Dieu de miséricorde, détourne de nous cet épouvantable fléau, afin que nous te glorifions continuellement et ton Fils Jésus-Christ notre Sauveur.
Amen.

Cette prière nous donne des exemples précis de péchés du peuple de Dieu et des fléaux qu’il lui a infligés (notez encore cela !) dans l’Ancien Testament : la révolte de Coré (Nombres 16) et le recensement du roi David (2 Samuel 24). Contrairement à ce qu’on peut entendre, ce n’est pas simplement la façon dont les peuples antiques considéraient une divinité tribale. Cela s’applique à nous qui éprouvons un virus tel que ce coronavirus.

Action de grâces « Après avoir été délivrés de la peste, ou de toute autre maladie contagieuse » (1)

Quatrièmement, après cette section des prières de pétitionnaires, on trouve plusieurs prières d’action de grâce, y compris « Après avoir été délivrés de la peste, ou de toute autre maladie contagieuse ».  Nous y prions :

Seigneur Dieu tout-puissant, qui nous as frappés pour nos péchés et froissés pour nos iniquités par l’accablante et terrible maladie dont tu nous as visités ; et qui, te souvenant de ta miséricorde au milieu de tes jugements, viens de délivrer notre vie de la puissance de la mort ; nous offrons à ta bonté paternelle nos personnes qu’il t’a plu d’épargner, et nous te présentons nos corps et nos âmes en sacrifice vivant, te promettant de louer et de glorifier à jamais ta miséricorde au milieu de ton Église, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen.

Action de grâces « Après avoir été délivrés de la peste, ou de toute autre maladie contagieuse » (2)

La cinquième et dernière prière est une autre prière d’action de grâces dans laquelle l’Église exprime ces paroles :

Père miséricordieux, nous reconnaissons en toute humilité devant ta face que toutes les malédictions prononcées par ta loi, auraient pu justement tomber sur nous, à cause de l’endurcissement de nos cœurs, et des transgressions sans nombre, dont nous nous sommes rendus coupables. Mais puisqu’il t’a plu, dans ta grande compassion, d’avoir égard à notre humiliation, quelle qu’imparfaite qu’elle soit, d’apaiser la fureur de cette contagion mortelle qui ravageait ton héritage, de ramener la santé dans nos demeures, et d’y faire de nouveau retentir les accents de la joie ; nous présentons à ta divine majesté ce sacrifice de louanges et d’actions de grâces, et nous exaltons et célébrons ton nom glorieux de ce que ta miséricordieuse providence nous a garantis de ce fléau, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen.

En résumé : nous méritons le jugement, mais Dieu se plaît à faire preuve de miséricorde. Pour cela, que l’Église dise « Amen ! »

Leçons apprises

Étant donné que le Livre de la prière commune ne se contente non seulement de prier mais aussi d’enseigner, quelles leçons pouvons-nous en tirer à l’heure actuelle?

  1. Le LPC nous confronte en tant qu’occidentaux du 21e siècle, en particulier au fait que nous sommes des tenants trop « naturalisés » de ce que C.S. Lewis a appelé le « scientisme ». Nous ne parlons pas de la « Création » comme du théâtre de l’activité glorieuse de Dieu, mais de la « nature » comme le résultat de processus aléatoires, d’où notre fascination moderne à contrôler et manipuler nos vies au travers de notre allégeance envers les experts scientifiques.
  2. Le LPC suit les Écritures – aussi bien juives (Ancien Testament) que chrétiennes (Nouveau Testament) – en enseignant la réalité réconfortante de l’implication et de la présence de Dieu dans les épidémies. S’il en allait autrement, nous n’aurions aucun espoir et aucune raison de le prier pour la délivrance.
  3. Le LPC nous permet d’implorer, grâce à notre aide constante dans les difficultés, qu’il nous délivre, nous et notre monde, de telles épidémies.
  4. Le LPC nous rappelle que Dieu est non seulement capable de délivrer, mais qu’il est Seigneur de ces maladies. Il les envoie, il les enlève. Selon les mots de Job, « Béni soit le nom du Seigneur ! ».
  5. Le LPC exprime utilement la vérité selon laquelle vous et moi ne pouvons pas lier un péché spécifique, personnel ou même national, à une punition particulière. Seul Dieu peut faire cela. Ce que nous pouvons exprimer cependant, c’est le lien entre notre péché en tant qu’humanité en général et des cas spécifiques de punition dans le monde. Ces derniers sont pour nous, croyants, des corrections paternelles.
  6. En ces temps difficiles, le LPC nous appelle à accueillir notre besoin de toujours nous soumettre à la sagesse royale du Seigneur Jésus ressuscité et exalté.

Donc oui, Dr Wright, le christianisme orthodoxe offre des réponses à la crise actuelle du coronavirus. Elles se trouvent dans les prières et la liturgie historiques de l’Église réformée anglaise. Il offre un Dieu pleinement conscient de ce qui se passe « ici-bas », un Dieu parmi nous, pleinement capable de faire quelque chose pour y remédier – voilà pourquoi nous prions.


Traduction française du Livre de la prière commune tirée du Livre des Prières Publiques, Londres 1842 à l’exception de la traduction française de la prière « En temps de Peste et de Mortalité » tirée l’édition américaine du Livre des Prières Publique, New York, 1892

Matt Massicotte

Matt est marié, père de famille et diplômé en ingénierie. Élevé dans les milieux pentecôtistes, il a découvert la foi réformée en tant que jeune adulte. Depuis, il s'intéresse à la théologie systématique, biblique et historique. Il a aussi un intérêt particulier pour la liturgie.

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