Confession de foi de Grégoire de Tours
4 novembre 2024

En ouverture du livre I de l’Histoire Écclésiastique des Francs, Grégoire de Tours, évêque de la ville du même nom au VIe siècle commence par une confession de foi assez détaillée. Je la poste ici pour que le lecteur puisse constater l’état doctrinal de l’Église du haut Moyen-âge, bien plus en continuité avec l’antiquité que je ne l’imaginais, et en continuité aussi avec l’Évangile. Puisse cette citation dissiper certains préjugés.

Je me suis seulement appliqué à bien retenir, avec simplicité et sans doute de cœur, ce dont l’Église prêche la croyance, car je sais que l’homme, sujet aux péchés, peut obtenir grâce par une foi pure auprès de notre clément Seigneur.

Je crois donc en Dieu père tout-puissant ; je crois en Jésus-Christ son fils unique, notre Seigneur Dieu, né du Père et non créé ; je crois qu’il a toujours été avec le Père, non depuis un temps, mais avant tous les temps ; car on ne pourrait appeler celui-ci Père s’il n’avait pas de Fils, ni celui-ci Fils s’il n’avait pas de Père. Je rejette avec exécration ceux qui disent : Il était quand il n’était pas, etc. et j’affirme qu’ils sont rejetés de l’Église. Je crois que le Christ est le Verbe du Père, par qui toutes choses ont été faites. Je crois que ce Verbe a été fait chair et que, par sa Passion, il a racheté le monde. Je crois que son humanité et non sa divinité a été soumise à la Passion. Je crois qu’il ressuscita le troisième jour, qu’il délivra l’homme perdu, qu’il monta dans les cieux où il est assis à la droite du Père, et qu’il viendra pour juger les vivants et les morts. Je crois que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, qu’il ne leur est pas inférieur, qu’il existait en même temps. Je crois qu’il est Dieu égal au Père et au Fils, étant d’une même nature, d’une omnipotence égale, d’une essence coéternelle, de telle sorte qu’il n’a jamais été sans le Père et le Fils, et qu’il n’est inférieur ni à l’un ni à l’autre. Je crois que cette sainte Trinité subsiste dans la distinction des personnes, et qu’autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. Dans cette Trinité, je confesse un seul Dieu, une seule puissance et une seule essence.

Je crois à la bienheureuse Marie, vierge avant l’enfantement et vierge après. Je crois à l’immortalité de l’âme ; mais je ne crois pas qu’elle ait une part de divinité. Je crois fidèlement à tout ce qui a été établi par les trois cent dix-huit évêques du concile, de Nicée.

Je pense, sur la fin du monde, ce que j’ai appris de mes anciens. L’antéchrist d’abord introduira la circoncision, affirmant qu’il est le Christ ; ensuite il placera sa statue pour qu’on l’adore dans le temple de Jérusalem, comme nous lisons que l’a dit le Seigneur : Vous verrez que l’abomination de la désolation sera dans le lieu saint. Mais le Seigneur lui-même montre par ces paroles que tous les hommes ignorent cette heure : Quant à ce jour-là ou à cette heure, nul ne la sait, ni les anges qui sont dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul. Nous répondrons ici aux hérétiques qui affirment que le Fils est inférieur au Père puisqu’il ignore ce jour ; qu’ils sachent donc que le Fils ici nommé est le peuple chrétien, duquel Dieu a dit : Je serai votre père, et vous serez mes fils et mes filles. S’il avait voulu parler de son Fis unique, il n’eût jamais mis les anges auparavant, car il dit : Ni les anges qui sont dans le ciel ni le Fils ; ce qui fait voir que ces paroles se rapportent, non à son Fils unique, mais à son peuple adoptif. Notre fin à nous, c’est le Christ lui-même qui, par son immense bonté, nous accordera la vie éternelle, si nous avons recours à lui.

Grégoire de Tours, Histoire Ecclésiastique des Francs, Livre I (ouverture).

Je me contenterai de quelques points de commentaire :

  • Le premier paragraphe est le crédo de Nicée, étendu. J’ai été personnellement étonné par la précision du dogme théologique en plein dans une époque la plus barbare. On notera aussi certaines formules propres au symbole d’Athanase (coéternelle), une formulation chalcédonienne ( ce Verbe a été fait chair et que, par sa Passion, il a racheté le monde. Je crois que son humanité et non sa divinité a été soumise à la Passion -> Unité de la personne, distinction des natures) et la clause du filioque.
  • On notera aussi la dogmatisation de la virginité perpétuelle, que l’on retrouve aussi dans la Confession de foi Helvétique postérieure, XI,3.
  • En revanche, le paragraphe sur l’antichrist ne sera pas conservé plus tard. Il correspond à des besoins apologétiques réels du temps de Grégoire, où la polémique contre les ariens et les juifs était vivante. De même, l’interprétation apologétique de Marc 13,32 lui est particulière, et n’a dû exister qu’à cette époque. Il faudrait vérifier chez Hilaire de Poitiers.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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