Les origines du fondamentalisme — James I. Packer
29 décembre 2021

Dans cet article, je partage la traduction d’un extrait de Fundamentalism and the Word of God (chapitre 2) du théologien anglican réformé J. I. Packer qui explique en détails les origines du mot fondamentalisme.


Le mot fondamentalisme vient de l’habitude d’appeler « fondamentaux » (en anglais fundamentals) les doctrines centrales du salut que le libéralisme a rejetées. Son usage remonte au moins à 1909. C’est cette année-là que parurent les premiers des douze tracts dédiés à l’exposition et à la défense du christianisme évangélique appelés The Fundamentals.

Grâce à la générosité de deux mécènes californiens, ces écrits furent envoyés gratuitement à « chaque pasteur, évangéliste, missionnaire, étudiant en théologie, responsable d’école du dimanche1, secrétaires du YMCA2 et du YWCA3 dans le monde anglophone, pour autant que leurs adresses étaient connues4». C’est ainsi que plus de trois millions de ces copies furent diffusées.

Parmi les contributeurs à cette œuvre, on trouve des spécialistes de haut calibre comme James Orr, B. B. Warfield, Sir Robert Anderson, H. C. G. Moule, W. H. Griffith Thomas, R. A. Torrey, Dyson Hague, A. T. Pierson et G. Campbell Morgan. Comme l’a reconnu Hebert5 dans une recension, beaucoup de ces articles sont clairement de niveau académique.

Cette série de tracts contenait des présentations bibliques de ces « fondamentaux » remis en cause : l’inspiration et l’autorité des Écritures, la divinité, la naissance virginale, les miracles surnaturels, la mort expiatoire, la résurrection physique et le retour personnel de Jésus-Christ, la gravité du péché, le salut par la foi à travers la régénération par le Saint-Esprit, la puissance de la prière et le devoir pour les croyants d’évangéliser. Ces exposés doctrinaux étaient accompagnés de critiques polémiques des positions opposées aux « fondamentaux » — celles du catholicisme romain, du darwinisme, de la « haute critique » et de sectes comme la Science chrétienne, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (mormons), le spiritualisme et les témoins de Jéhovah — et d’incroyables témoignages de conversion reflétant la puissance du Christ.

Le procès du singe (1925).

On retrouve cet usage des « fondamentaux » comme un slogan conservateur dans le verdict de l’assemblée générale de l’Église presbytérienne du nord en 1910 alors que The Fundamentals étaient encore en cours de publication. C’est là que cinq doctrines furent définies comme « fondamentaux de la foi et du christianisme évangélique » :

  • l’inspiration et l’infaillibilité des Écritures ;
  • la divinité du Christ, sa naissance virginale et ses miracles ;
  • sa mort pour nos péchés (substitution pénale) ;
  • sa résurrection physique ;
  • son retour personnel.

Depuis, il est devenu courant pour les évangéliques états-uniens d’utiliser « fondamentaux » comme un synonyme de ces articles de foi.

La liste de l’assemblée générale (« les fondamentaux ») fut adoptée avec quelques changements et ajouts mineurs lorsque l’union des organisations “fondamentalistes” plus tardives se forma en 1919. La première d’entre elles fut la World Christian Fundamentals Association. En 1920, un groupe de délégués évangéliques à la convention baptiste du nord se réunirent entre eux pour “reformuler, réaffirmer et insister une fois de plus sur l’importance des fondamentaux de notre foi et du Nouveau Testament”.

Après quoi un éditorialiste du journal baptiste Watchman-Examiner inventa l’expression “fondamentaliste” pour désigner “ceux qui ont décidé de combattre pour les fondamentaux”. Partisans et adversaires du fondamentalisme reprirent très rapidement ce mot pour faire référence aux défenseurs de la foi en continuité avec le christianisme historique.

Le Concise Oxford Dictionary est donc dans le vrai quand il définit le “fondamentalisme” comme “le maintien, en opposition au modernisme, des croyances traditionnelles et orthodoxes, tels l’inerrance des Écritures et l’acceptation littérale des confessions de foi comme les fondamentaux du christianisme protestant.” C’est exactement ce que ce terme signifiait au départ. Aujourd’hui, un grand nombre d’évangéliques états-uniens continuent toujours de l’utiliser dans ce sens pour décrire leur position conservatrice.


Illustration de couverture : Dieu crée Adam et les animaux, fresque, XIIIe siècle (abbaye d’Innichen / San Candido). 

  1. Rien à voir avec nos écoles du dimanche qui sont des activités pour les enfants dans nos Églises évangéliques. À l’époque, et parfois encore aujourd’hui, les Églises anglo-saxonnes proposent souvent des cours sur la Bible et la théologie le dimanche pour les adultes en plus du culte.[]
  2. Young Men’s Christian Association.[]
  3. Young Women’s Christian Association.[]
  4. The Fundamentals, I.4.[]
  5. Fundamentalism and the Church of God, p. 17 sq.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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