Aloys Gautier (1879-1944) est issu d’une famille pastorale. Il passa son enfance en Suisse romande, ainsi qu’un an à Jérusalem. Il fit ensuit ses études en théologie à l’université de Genève et à l’étranger (Marbourg, Édimbourg, Londres, Paris). Consacré par son père à Genève en 1907, il est ensuite pasteur pendant vingt ans à Jemappes en Belgique avant de rentrer en Suisse, dans le quartier de Saint-Gervais à Genève ; au sein d’une Église nettement libérale, sa prédication fait office de bouffée d’air. Quelques fragments de ses sermons et discours ont été conservés dans un livre paru à sa mort (Le pasteur Aloys Gautier, Lausanne : éditions La Concorde, 1944, 112 pp.). Nous reproduisons ici un de ces discours, « D’une allocution à Saint-Gervais » (pp. 38-40), prononcé le 4 novembre 1935.
Conservez le dépôt qui vous a été confié (1 Timothée 6,29).
L’homme auquel Dieu a accordé le privilège de posséder une conscience a l’impérieux devoir de chercher et de trouver son chemin dans le chaos de la vie terrestre. L’éducation protestante a porté des fruits admirables dans ce domaine.
Mais il est un fait dont certains protestants n’ont pas saisi tout le sens et n’ont pas accepté toute la signification : Dieu a parlé aux hommes par les prophètes, par Jésus-Christ, par les apôtres.
L’État moderne ne s’interpose plus, comme au Moyen Âge, pour contraindre l’homme à écouter Dieu. On se garantit contre son intrusion en disant : « Religion est affaire privée ». Parole juste en droit constitutionnel. Singulière erreur en pédagogie et en morale !
L’Église a une sainte mission. Elle doit rappeler à tous ses membres que Dieu a parlé ; qu’il y a des attitudes, des actes, des pensées incompatibles avec l’extension du Royaume des cieux.
Il y a des idées qui contredisent les affirmations les plus essentielles du Nouveau Testament.
Il y a des exemples corrupteurs de la pensée et corrupteurs de la vie.
Il est faux de dire que toutes les religions sont bonnes, pourvu qu’elles soient pratiquées sincèrement. Non. Il y a des affirmations mensongères ; il y a des coutumes trompeuses ; il y a les caricatures de l’Évangile : tantôt elles sont grotesques, tantôt elles sont odieuses.
L’Église manquerait à son devoir en ne disant pas avec force ce qui est conforme et ce qui est contraire à la volonté de Dieu révélée en Jésus-Christ.
Il peut en résulter d’ardentes discussions, de vives polémiques. C’est vrai. L’Église chrétienne a dû, en mainte occasion, affronter les risques d’un grand débat de principes et supporter les injures de ses contradicteurs. C’est pour elle un devoir et, pour s’en acquitter, il faut qu’elle demande à Dieu beaucoup de lumière et beaucoup d’humilité.
Il n’est pas conforme à l’esprit de la Réformation de dire et de croire que le premier venu, sans autre discipline que son goût, son tempérament et son hérédité, puisse discerner la volonté de Dieu s’il néglige la grande source d’inspiration et de clarté qui est dans le Livre et dans la communion réelle avec ceux qui aiment Dieu d’un fervent amour.
Il y a des protestants dont tout le protestantisme consiste à se décharger de toutes les idées dont la vérité ne leur est point apparue en dix minutes, et de toutes les règles de vie dont la pratique gênait leurs désirs d’indépendance.
Ce n’est plus du protestantisme.
Là réside pour des légions d’hommes un danger plus grand que dans les institutions du catholicisme romain, que d’ailleurs ils rejettent avec vigueur.
Conservez le dépôt qui vous a été confié.
Le dépôt essentiel, ce n’est pas la liberté. C’est la certitude de l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ.
Si la liberté nous est donnée, tant mieux, mais l’histoire du protestantisme a montré que nos ancêtres ont pu conserver le dépôt qui leur avait été confié, même après la Révocation de l’Édit de Nantes, même sur les galères de Louis XIV et de Louis XV, même à Genève, sous l’occupation française de 1798 à 1813.
L’essentiel : c’est la certitude de l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ avec tout ce que cet amour impose : abnégation de soi, service persévérant de nos frères, haine du mal, pitié pour le pécheur, discipline quotidienne.
Conservez le dépôt qui vous a été confié.
Illustration de couverture : Frances Elizabeth Wynne, Vue de l’île Rousseau, aquarelle, 1858.
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