Les orthodoxes le sont-ils vraiment ? — Timothée Colani
21 mai 2022

Timothée Colani (1824-1888), issu d’un milieu piétiste suisse, abandonne la foi orthodoxe pour embrasser le libéralisme lors de ses études de théologie à la faculté de Strasbourg. Il est ordonné pasteur en 1856 et nommé professeur à Strasbourg en 1861, malgré la forte opposition des confessants. La guerre franco-prussienne le fait abandonner prématurément le pastorat et l’enseignement.

À mesure que l’échéance du vote sur la déclaration de foi se rapproche, le texte proposé par Charles Bois est scruté plus précisément. C’est tout l’intérêt du discours de Colani, qui pointe avec intérêt les problèmes posés, selon lui, par le texte du point de vue de l’orthodoxie. Pour lui, les “orthodoxes” n’en sont déjà plus vraiment, et ne peuvent pas prétendre s’accaparer l’héritage de leurs pères du seizième siècle. La discussion qui s’ensuit est très animée et la séance doit être suspendue en raison des accusations personnelles qui fusent de part et d’autre.


M. Colani — Messieurs, un membre de la droite rappelant, il y a peu de jours, que le principe de la séparation des Églises et de l’État a eu pour premier défenseur, en France, Alexandre Vinet, rendait à ce noble penseur un hommage auquel je me suis associé du fond du cœur. J’ai beaucoup appris d’Alexandre Vinet ; il a, pour ainsi dire, présidé à la première émancipation de ma pensée, et si, depuis bien longtemps, je ne suis plus de son école, son nom vénéré me paraît toujours former un trait d’union entre la gauche et une partie de la droite de cette assemblée. Laissez-moi donc vous citer un des derniers mots qu’il ait écrits. De son lit de douleur, qui devait être son lit de mort, il suivait avec anxiété les travaux d’un autre synode, celui de l’Église libre du canton de Vaud, qui essayait d’organiser cette société naissante sur la base d’une confession de foi. Vinet était partisan des confessions de foi, mais il les voulait religieuses, pleines de saveur, et voyant qu’on se jetait dans la théologie, il avertissait ses frères qu’il n’y a de bonne confession de foi que celle qui « découle spontanément des lèvres de l’enfant, du vieillard, du mourant ». Cette parole, je me l’approprie, et je vous dis : jamais la confession de foi qu’on vous propose ne découlera des lèvres de l’enfant, du vieillard, du mourant. Elle n’est faite ni par le peuple ni pour le peuple ; elle est faite par des théologiens et dirigée contre des théologiens. De là ce caractère de sécheresse que l’un de ses auteurs a été forcé de lui reconnaître : on n’y sent pas circuler la sève religieuse.

Si votre profession de foi ne se présentait que comme exprimant vos croyances individuelles, je n’ajouterais pas un mot, je descendrais de la tribune après y avoir donné en ces termes mon impression générale et je regarderais comme une profanation de disséquer ce document phrase après phrase, pour en faire ressortir les défauts. Mais ce document, vous prétendez le faire décréter par le Synode comme foi de l’Église ; de ce qui est votre foi parfaitement libre, vous prétendez faire une loi pour vos frères ; vous voulez nous l’imposer. Je ne sais pas au juste, il est vrai, quel degré d’obligation vous lui reconnaîtrez, car vous avez refusé de vous expliquer à cet égard, peut-être parce que vous n’êtes pas d’accord entre vous. Mais ce que je sais, c’est que vous dites, dans cette déclaration même, que vous la mettez à la base de l’enseignement et de la discipline de l’Église, ce qui paraît fort peu rassurant, si ce n’est pour maintenant, du moins pour plus tard. Ce que je sais, c’est que vous espérez que notre conscience, à défaut d’autre tribunal, nous fera l’application de cette nouvelle loi et nous ordonnera de sortir de l’Église réformée de France. Vous voulez nous imposer cette confession de foi ; dès lors, elle m’appartient. J’ai le droit et le devoir de l’analyser, d’en peser chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe, de la critiquer sans pitié, d’en faire voir à cette tribune les défauts, les lacunes, les obscurités et les contradictions.

Je le ferai avec gravité, — le sujet l’exige. Je le ferai avec une franchise absolue, — je me le dois à moi-même. Il est surtout un défaut que je chercherai à éviter, le péché particulier aux théologiens, aux pasteurs, la subtilité. Dieu merci, je ne suis plus pasteur. (Murmures.)

Timothée Colani en habit civil.

Votre confession de foi se compose de quatre paragraphes :

Le premier article

Dans le premier1, vous rendez grâces à Dieu et vous témoignez de votre amour pour Jésus-Christ ; ce sont là des sentiments que nous éprouvons au même degré, vous et nous. Sans doute nous avons à faire des réserves sur l’élément dogmatique que vous avez ajouté à l’expression de ces sentiments, et j’y reviendrai tout à l’heure.

Le second article

Dans le deuxième paragraphe2, vous affirmez “les principes de foi et de liberté” sur lesquels notre Église a été fondée. Très bien. La liberté ! vous nous en avez tant parlé, Messieurs, vous nous avez tant dit que vous êtes les plus libéraux des hommes, que nous ne saurions en douter. Peut-être, toutefois, ne définissons-nous pas la liberté tout à fait de la même manière, car il m’a semblé que tous vos orateurs la font consister dans le droit à l’émigration : on est tellement libre dans votre Église, qu’on peut à tout moment en sortir et vous céder la place. C’est quelque chose, mais, pour nous, ce n’est pas assez. Laissez-moi vous le dire, ce principe de liberté, si vague, que vous mettez en tête de votre confession de foi, me rappelle un peu trop les grands et immortels principes de 89 inscrits au frontispice des constitutions impériales et qui, dit-on, n’ont jamais gêné l’empereur, ni ses ministres, ni ses agents. (Rires à gauche.)

Le troisième article

Vos troisième et quatrième paragraphes3 contiennent ce qu’il y a d’essentiel dans votre confession de foi. Par le troisième vous vous posez en héritiers de la foi du seizième siècle, et dans le quatrième vous affirmez les grands faits chrétiens qui, d’après vous, constituent l’Évangile. Laissez-moi examiner ces deux points.

Avec nos pères, [dites-vous], et nos martyrs, dans la confession de la Rochelle, avec toutes les Églises de la Réformation dans leurs divers symboles, nous proclamons l’autorité souveraine des saintes Écritures en matière de foi; et le salut par la foi en Jésus-Christ, fils unique de Dieu, mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification.

Vous vous dites donc les descendants directs et légitimes de nos pères. Si cette prétention est fondée, la maison est à vous, à vous exclusivement, pensez-vous, et nous, que vous traitez d’enfants illégitimes, nous n’avons qu’à nous en aller. Mais cette prétention est-elle fondée ? Avez-vous bien la même croyance que les Pères et martyrs de la Réforme ? Vous rattachez-vous véritablement à la confession de La Rochelle ?

La Trinité

Toute la doctrine des réformateurs a pour base la grande métaphysique qui se trouve déjà en germe chez saint Paul et chez saint Jean et qui a été formulée en termes très précis par les conciles œcuméniques, à partir du quatrième siècle. Elle se résume dans le dogme de la trinité et dans celui de la divinité ou, pour mieux dire, de l’incarnation de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme en une seule personne. Si les réformateurs attachaient une importance suprême à ces dogmes, c’est d’abord qu’ils y croyaient ; leur pensée tout entière était jetée comme dans un moule, et ils ne pouvaient pas plus se représenter le christianisme sans ces deux dogmes que nous ne pouvons le séparer de la foi en un Père céleste. Ajoutez que leur adversaire, le catholicisme, pour les décrier et les flétrir, les accusait de n’y pas croire sincèrement. Plus ils étaient ainsi calomniés, plus ils mettaient d’énergie à affirmer leur foi à ces dogmes métaphysiques. Eh ! Messieurs, c’est là ce qui fit condamner Servet au bûcher : il fallait démontrer à l’Europe, par un acte, qu’on était aussi bon chrétien à Genève qu’à Rome. Pour nos Pères et nos martyrs, comme dû reste pour toute la grande tradition chrétienne, le dogme des dogmes c’est la divinité de Jésus-Christ ; entendons-nous : sa divinité absolue, car il n’y a pas de divinité relative, l’incarnation de la deuxième personne de la trinité.

Qu’avez-vous fait de ce dogme des dogmes dans votre nouvelle confession de foi ? La trinité ?— mais vous ue parlez pas une seule fois du Saint-Esprit, non, pas une seule fois ! La divinité de Jésus-Christ ? — Vous lui donnez le titre excessivement vague de « Fils unique de Dieu », titre sous lequel chacun peut entendre ce que bon lui semble et qui n’a jamais embarrassé un hérétique. Je ne sais vraiment si vous ne niez pas implicitement sa divinité dans la première phrase de votre déclaration. « L’Église réformée de France, dites-vous, éprouve le besoin de rendre grâce à Dieu — et de témoigner son amour à Jésus-Christ. » Donc, vous séparez, comme étant deux êtres différents, Dieu et Jésus-Christ ; d’où il résulte qu’à vos yeux Jésus-Christ n’est pas Dieu. Messieurs, ne voulant pas mériter le reproche de subtilité, je ne sais trop si je dois insister sur une phrase qui peut fort bien avoir trahi votre pensée. Remarquez pourtant ce qui suit : «… Jésus-Christ, divin chef de l’Église, qui l’a soutenue et consolée durant le cours de ses épreuves. » Si ces mots ont un sens, ils signifient que vous distinguez l’action du Christ glorifié de l’action de Dieu. Or, cela n’est certes ni religieux ni orthodoxe ; pour l’orthodoxe, les deux actions se confondent dans celle du Saint-Esprit, qui émane du Père et du Fils. En définitive, dans toute cette phrase, vous déniez à Jésus-Christ la nature divine, mais vous lui attribuez des fonctions divines ; ou je ne m’y connais pas, ou c’est ce qu’on appelle du socinianisme. Encore une fois, je ne voudrais pas faire dire aux mots plus que vous n’y avez mis. Je constate seulement que cette phrase est fort malheureuse, pour des théologiens qui se disent orthodoxes ; si elle a été écrite sans réflexion, elle prouve chez son auteur des habitudes de pensée qui ne font pas de lui précisément un disciple de Calvin.

Du reste, il n’importe. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que nulle part vous n’affirmez la divinité du Christ. Quelques-uns d’entre vous y croient pourtant, je le sais, et un membre de la droite, un seul, exprimait hier sa foi en termes parfaitement clairs. Je me demande comment ceux qui y croient et pour qui, par conséquent, ce dogme est la base même du christianisme, peuvent adhérer à ce pâle manifeste. Il y a là quelque chose qui m’inquiète. Pourquoi ne vous levez-vous pas en rendant hautement témoignage à la vérité ? Nos pères ne comprendraient rien à votre abstention sur un point d’une importance aussi capitale. Pourquoi ce silence ? On nous a dit que cette confession de foi est le minimum de la foi qu’on exige de nous ; ce minimum serait-il en même temps un maximum, le maximum des points sur lesquels la droite et le centre droit ont pu tomber d’accord ? Votre largeur dont vous nous avez tant parlé ne serait-elle que l’impuissance d’une coalition ? (Murmures.) Expliquez-le comme vous voudrez, vous ne proclamez ni la divinité du Christ ni la trinité ; donc vous n’êtes pas les héritiers de nos pères.

La justification

Sur ce fondement, que vous avez supprimé, nos pères avaient construit le dogme du salut par la foi. Vous déclarez le conserver. Mais l’entendez-vous comme l’Église du seizième siècle ? Il ne suffit pas d’employer les mêmes mots, il faut encore que ces mots recouvrent les mêmes idées.

Et d’abord qu’entendez-vous par le salut? Êtes-vous pour la définition catholique ou pour la définition protestante ? Elles diffèrent énormément. Le catholicisme fait consister le salut en ceci qu’on mérite le ciel et qu’on obtient une place dans le paradis. Pour le protestantisme, le salut est un fait moral, intérieur, la paix de l’âme. Laissez-moi vous citer les premières lignes du catéchisme de Calvin, le plus grand théologien qui ait jamais existé. (À droite : Ah ! ah !) Oui, Messieurs, le plus grand de tous, auprès duquel nous, théologiens du dix-neuvième siècle, nous nous sentons bien petits. Calvin débute par affirmer que le souverain bien, donc le salut, consiste dans la connaissance et le culte de Dieu, ou, comme nous dirions, dans la religion, et cette religion il la définit ainsi : « Que nous ayons toute notre fiance en Dieu et que, quoique nous n’en soyons pas dignes, nous soyons certains qu’il nous aime et nous veut être père et sauveur. » Cette « fiance, » cette certitude, voilà le salut. L’autre jour, Messieurs, répondant à une interpellation de M. Guizot, je vous donnai ma définition, à moi, de la religion et du salut tel que je le conçois : « la joyeuse assurance avec laquelle l’homme, quoique pécheur, se sait l’enfant de Dieu. » Cette parole vous a fort étonnés, si ce n’est pas scandalisés. Comme elle ne fait que reproduire la définition de Calvin, je dois conclure de votre étonnement que vous n’êtes pas habitués à envisager le salut au même point de vue que nos pères.

Cette joyeuse assurance n’est possible, disaient nos pères, que parce que Jésus-Christ a expié nos péchés sur la croix. Il n’est pas besoin de vous rappeler que telle n’est pas notre manière de voir, à nous, membres de la gauche, qui ne prétendons pas du tout avoir hérité de la dogmatique du seizième siècle. Mais est-ce votre manière de voir, à vous, les auteurs de la déclaration, qui avez précisément cette prétention ? Vous dites que Jésus-Christ est mort pour nos offenses. Expression bien vague ! Dans un certain sens je pourrais l’admettre, moi aussi, car il me paraît certain que la contemplation du Crucifié a donné la paix à beaucoup de consciences oppressées, et je crois que Jésus avait compris que tel devait bien être l’effet produit par sa mort, sa mort volontaire. Mais entendez-vous, sous les mots dont vous vous servez, toute autre chose, je veux dire la mort expiatoire du Christ, sans laquelle Dieu n’aurait pu pardonner ? On me fait signe que c’est bien cela. En ce cas il faut le dire expressément et couper court à toute équivoque.

Vous continuez : … « mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification. » Cette fois-ci, je vais peut-être vous étonner par un aveu qui coûte à mon amour-propre : je ne comprends pas, absolument pas ; et je puis bien ajouter, n’est-ce pas ? sans trop d’orgueil, que, si moi je ne comprends pas, il est probable qu’une grande partie de nos électeurs ne comprendront pas davantage. Ce que signifie dans votre langage le mot « justifié », je crois le savoir, quoique bien des pasteurs, même dans vos rangs, pussent être embarrassés de définir ce mot, qui n’est pas du tout français au sens où vous le prenez. Je comprends aussi ce que veut dire cette locution : « être justifié par la foi. » J’entends encore celle-ci : « justifié par la mort du Christ ». Mais « justifié par sa résurrection », ou une résurrection qui a lieu « pour notre justification », encore une fois, je ne comprends pas. On veut bien me faire remarquer que ces mots sont empruntés à saint Paul. Je ne l’ignore pas. Les épîtres de l’Apôtre me sont assez familières pour que j’ose affirmer qu’elles ne sont pas toujours fort claires. Il existe quelque part, dans l’épître aux Galates, un passage qui n’a rien de dogmatique, que personne, par conséquent, n’a grand intérêt à solliciter, à tirer à soi, et sur lequel un savant allemand comptait, il y a trente ans environ, trois cent vingt-et-une interprétations, je crois. Même en écrivant aux paysans de la Galatie, l’Apôtre n’était pas, vous le voyez, d’une limpidité parfaite. Il ne suffit donc pas de me renvoyer à son épître aux Romains, vrai traité de théologie, pour qu’aussitôt la lumière jaillisse sur les quatre mots que vous y avez copiés. Il se peut même que je comprenne le sens de ces mots, quand c’est Paul qui les prononce ; mais comme l’ensemble de sa pensée diffère absolument de la vôtre, comme je ne retrouve chez vous aucune des prémices de ce qu’on peut appeler son système, comme il entend par la justification tout autre chose que vous, c’est de vous que je réclame une explication. C’est vous qui la devez, et à moi et au peuple protestant, pour lequel vous parlez et dont vous n’avez certes pas le droit d’exprimer la foi en termes qu’il ne peut que répéter des lèvres sans y mettre aucun sens.

Mais je reviens à mon sujet, et pour en finir, je vous demande si vous vous représentez bien de la même manière que nos pères et martyrs, la part qui revient à l’homme dans l’œuvre du salut. La confession de La Rochelle, que je citerai toujours avec respect parce que plus que toute autre confession de foi elle est pénétrée d’un puissant souffle religieux, et qu’elle est marquée au coin d’un vigoureux esprit, la confession de La Rochelle est ici singulièrement nette. Elle ne nous parle pas seulement de la misère de l’homme, ainsi qu’on le faisait hier. Elle affirme que l’homme « a perdu toute intégrité sans avoir rien de reste […] ; que sa volonté est entièrement captive du péché, en sorte qu’il n’a nulle liberté à bien ; que de nature nous ne pouvons avoir un seul bon mouvement, ni affection, ni pensée4. » Il en résulte que la part d’action de l’homme dans le salut est tout simplement nulle. Il ne peut même se repentir, et c’est Dieu qui fait tout ; c’est Dieu qui choisit arbitrairement ceux à qui il lui plaît de donner la foi et avec la foi le salut, tandis que les autres il les laisse en leur corruption et condamnation, démontrant par les uns sa justice, et par les autres sa miséricorde. — Voilà la doctrine qui traverse et anime toute la confession de la Rochelle ; voilà la doctrine qui est indissolublement liée à la théologie de nos pères, si bien qu’on ne peut se séparer d’eux sur ce point sans abandonner toute leur dogmatique. Cette doctrine est-elle la vôtre ? Non.

Le libre arbitre

M. le professeur Bois me permettra de rappeler ici un article qu’il inséra dans la Revue de Strasbourg, dont j’étais le directeur. Messieurs, ce souvenir ne peut rien avoir de désobligeant pour M. Bois, car il n’eut à faire aucune espèce de concession pour écrire dans mon journal, qui était ouvert aux orthodoxes aussi bien qu’aux libéraux. Il y eut donc dans la Revue de Strasbourg une discussion sur les phénomènes de la volonté, que j’appellerais remarquable si je n’y avais pris part moi-même, et dans laquelle M. Bois défendit, avec talent et vivacité, la thèse du libre arbitre. A-t-il changé d’opinion ? Je ne le crois pas. En tout cas, ses amis partagent encore cette manière de voir, car dans les petits livres, fort peu bienveillants, qu’on distribue au peuple pour lui faire peur des théologiens libéraux, on prétend que nous nions la liberté morale. Donc vous y croyez, donc vous professez une opinion diamétralement opposée à la doctrine maîtresse de nos pères, et, néanmoins, précisément pour ce dogme du salut, vous vous réclamez d’eux et de la confession de La Rochelle, qui vous condamne expressément !

Cela est étrange. Tenez, Messieurs, sur ce point je me sens beaucoup plus que vous en communauté de pensée avec cette confession de foi ; car le libre arbitre, je ne puis y croire comme vous, et tout ce je me sens beaucoup plus que vous en communauté de pensée avec cette confession de foi ; car le libre arbitre, je ne puis y croire comme vous, et tout ce que je vois dans ce monde m’impose l’idée d’une prédestination ; seulement ces deux dogmes (je me hâte de l’ajouter), nous les modifions en faisant intervenir un troisième dogme, bien chrétien celui-ci : « Dieu est amour », Dieu aime toutes ses créatures sans exception, et les prédestine toutes au bien, quelle que soit l’apparence du contraire. Là où nous modifions, vous niez, et vous n’en dites pas moins : nous sommes les héritiers de nos pères !

L’autorité des Écritures

Après le salut par la foi, le protestantisme professe, comme doctrine fondamentale, qui le distingue du catholicisme, l’autorité de la Bible, en opposition à l’autorité de l’Église et de la tradition.

Ah ! cette fois-ci, oui, vous marchez sur les traces de nos pères d’un pas ferme, semble-t-il : « Nous proclamons l’autorité souveraine des saintes Écritures. » L’autorité souveraine ! impossible de trouver une expression plus nette, plus catégorique, ne permettant aucune échappatoire. Voilà, pour le coup, une foi vigoureuse, bien rare en ce siècle de compromis et de juste milieu…. Seulement, comment ajoutez-vous cette restriction : « souveraine en matière de foi ? » Quoi, vous reconnaissez à la Bible une autorité illimitée — dans certaines limites ! Hé, Messieurs, un pouvoir n’est souverain qu’à la condition de n’ètre borné par aucun autre et de décider lui-même où s’arrête son action. Cela est élémentaire. Je n’ai jamais pu comprendre, pour ma part, que des catholiques exigent de leur Église, représentée par le pape, qu’elle se renferme dans le domaine spirituel du dogme et de la discipline ; l’Église catholique, se croyant infaillible, souveraine, ne peut tolérer, sans suicide, qu’on vienne lui dire : ton domaine s’arrête ici. Elle seule peut déterminer ce domaine, et les jansénistes, les gallicans, tous ceux qui proclament son autorité en la limitant, sont tout simplement des insurgés, qui, au fond, ne veulent pas que l’Église soit souveraine. Ainsi faites-vous, Messieurs, à l’égard des saintes Écritures. Vous êtes les gallicans de la Bible. (À gauche : très bien !)

« En matière de foi ? » C’est vous, bien évidemment, et non la Bible, qui allez nous dire ce qui est de foi et ce qui n’en est pas. Où placerez-vous la limite ?

Pour le vieux croyant, et peut-être y en a-t-il encore un, la Bible tout entière est matière de foi, chaque mot étant inspiré de Dieu, de sorte qu’on ne peut sans impiété en retrancher, que dis-je ? en négliger la moindre syllabe. Vous n’en êtes plus là, cela est certain. Vous placez une limite quelque part ; mais où donc ? Entrons un peu dans le vif de la question.

Les indications que la Bible nous donne, dans la Genèse, sur la formation du globe terrestre, sont-elles matière de foi ? Non, dites-vous.

La Bible ne fait pas non plus autorité dans les questions d’astronomie ? Je vois vos gestes de dénégation. Fort bien, mais prenez-y garde, vous allez perdre l’idée d’un ciel localisé, séjour spécial de Dieu, qui occupe tant de place dans l’Ancien et le Nouveau Testament et qui se mêle à tant de doctrines fort importantes. Je ne vois pas trop, par exemple, ce qui vous restera de l’ascension de Jésus-Christ, une fois que vous aurez abandonné cette idée.

Et l’histoire ? Les renseignements que nous fournit la Bible sur les Babyloniens ou les Assyriens, ne sont pas assurément matière de foi. Vous y appliquerez sans scrupule les procédés de la critique historique. Vous allez plus loin, et l’on ne vous étonne ni ne vous scandalise, lorsqu’on signale des contradictions dans les récits bibliques ; il ne vous déplaît même pas qu’on en vienne à nier tel ou tel miracle, soit celui de Jonas, soit celui du statère5. Très fermes sur le miracle en général, sur le grand surnaturel, ainsi que vous l’appelez, vous vous montrez fort large relativement à la multitude des petits miracles, que chacun peut à son gré admettre ou rejeter. Mais ici encore, je vous dirai : Prenez-y garde ! cette limite est du dernier arbitraire. S’il m’est permis, malgré le témoignage de la Bible, de nier le miracle du statère, de quel droit m’interdirez-vous de nier celui de la naissance surnaturelle ou de la résurrection de Jésus ?

Jacob Jordaens, Le miracle du statère dans la bouche du poisson, huile sur toile, XVIIe siècle (Rijksmuseum, Amsterdam).

Au fond, vous voulez faire une part à la Bible, et une part à la critique, une part à l’esprit de vos pères et une part à l’esprit moderne, et ce partage vous le cachez sous cette formule aussi sonore que vague : l’autorité souveraine de l’Écriture en matière de foi ! Sachez-le, cette formule est tellement élastique qu’elle nous abriterait, nous, aussi bien que vous, si nous voulions l’accepter. Celles de nos hardiesses qui vous irritent le plus, seraient toutes justifiées par cette réserve, « en matière de foi » : car jamais aucun de nous n’a porté atteinte à ce qu’il considère comme l’objet de la foi. Si donc nous n’acceptons pas votre formule, c’est que nous avons horreur de l’équivoque.

« Mais, direz-vous, la foi c’est le dogme : en matière de dogme l’Écriture est souveraine, et nous courbons nos intelligences devant ses décisions. »

Permettez, cette réponse n’est pas aussi simple qu’il vous le semble. Je ne vous ferai pas remarquer qu’à votre point de vue il est impossible de séparer le dogme des faits, des « grands faits chrétiens », pour parler avec vous. Je n’insisterai pas sur la nécessité, reconnue par vous, de distinguer dans ce dogme entre les articles essentiels et les points secondaires, ce qui vous amènera à établir des degrés dans l’autorité des enseignements dogmatiques de la Bible. Mais je vous pose cette question, qui est un dilemme : pour établir une doctrine, suffira-t il d’alléguer un seul passage de la Bible, ou bien, faudra-t-il arriver à concilier tous les enseignements des écrivains sacrés sur le dogme en question ? S’il faut concilier tous les passages, je vous déclare que c’est une œuvre au-dessus des forces des exégètes passés, présents et à venir, et je vous affirme que jamais vous n’arriverez à la moindre certitude en matière de dogme, ou, comme vous dites, en matière de foi. Si, au contraire, il suffit d’un seul passage, moi, avec mes hérésies et mes négations qui vous indignent, je me trouve à l’aise dans votre Église, je puis y enseigner librement, car ce ne sont pas les passages de la Bible qui viendront à me manquer pour couvrir chacune de mes paroles !

Le magistère

Et je vous pose un second dilemme, d’un sérieux redoutable : qui interprétera la Bible, cette autorité souveraine ? Sera-ce l’Église ou sera-ce l’individu ?

Si c’est l’Église, il ne vous reste plus l’apparence même du protestantisme.

Si c’est l’individu, son interprétation participe de l’autorité souveraine de la Bible. Nul ne peut la condamner. Oh ! vous pouvez opposer votre interprétation à la sienne, assurément ; mais entre vous et lui il n’y a pas de juge, entendez bien ; pas de juge dans votre Église. Vous ne sentez donc pas que, dès que vous insérez dans votre confession de foi un article sur l’autorité de la Bible, tous les autres articles sont nuls et non avenus ? Par l’étude de l’Écriture, je suis amené à rejeter chacune des affirmations dont se compose votre credo, et vous me dites : Sors de notre Église ; on n’y peut rester qu’à condition d’arriver, par le libre examen appliqué à la Bible, aux mêmes résultats que nous. C’est ce que l’un de vous nous disait hier. — Eh bien, je vous réponds : Non, mille fois non ! Je reste dans votre Église, oui, dans l’Église réformée de France, constituée comme vous allez la constituer : j’y reste au même titre que vous, tout en niant chacun des articles de votre confession de foi, et j’y reste au nom même de cette confession de foi, puisqu’elle déclare se soumettre à l’autorité de l’Écriture, librement interprétée. C’est l’anarchie ! vous récriez-vous. — C’est le protestantisme, vous répondrai-je, et vous n’y échapperez qu’en instituant un tribunal d’exégèse, promulguant l’interprétation officielle de la Bible. Essayez ! (Très bien ! à gauche.)

C’est l’anarchie ! vous récriez-vous. — C’est le protestantisme, vous répondrai-je.

T. Colani

La dogmatique réformée n’a pas d’héritier

Je pense avoir examiné suffisamment votre prétention d’être les fidèles continuateurs de nos pères et martyrs du seizième et du dix-septième siècle. Vous croyez vaguement à une certaine divinité du Christ, et ils croyaient fermement à sa pleine déité. Vous enseignez la faiblesse de l’homme, et ils enseignaient son absolue impuissance. Le salut, vous le concevez comme le concevaient leurs adversaires, et, quant à la Bible, je serais tenté de supposer qu’ils vous auraient accusé, à leur point de vue, d’y croire infiniment peu. Comment, dès lors, pouvez-vous invoquer leur nom ? Comment venez-vous nous dire qu’entre vous et eux il n’y a « qu’une, différence de langage ? »

Ils parlaient, dites-vous, la langue du seizième siècle et nous parlons la langue du dix-neuvième siècle. Pure différence de style que cette continuelle contradiction entre vous et eux !

L’ouvrage de théologie le plus important qui soit sorti de vos rangs, en ces dernières années, c’est assurément le livre de M. Guizot. Si M. Guizot eût publié ses Méditations au dix-septième siècle, il n’aurait pas siégé comme il le fait sur les bancs du Synode, mais on l’y eût fait comparaître en accusé et on l’eût sévèrement condamné. Et s’il eut publié ses Méditations à Genève, du temps de Calvin…, je n’achève pas. (Rires à gauche.)

La vérité, Messieurs, c’est que ni vous ni nous, nous ne sommes les héritiers de la dogmatique de nos pères, vous, de la droite, pas plus que nous, de la gauche. Qu’est-ce à dire ? Nos pères ne sont-ils donc pas nos pères ? Ne sommes-nous donc pas leurs descendants selon l’esprit, comme nous sommes leurs descendants selon la chair ?

Messieurs, nos pères avaient élevé deux grands édifices. L’un était une école de théologie. Il s’est écroulé, si bien qu’il n’en reste plus pierre sur pierre et que c’est en vain que vous y cherchez un abri pour votre pensée ; ni vous ni nous ne pouvons y vivre. L’autre édifice élevé par nos pères, c’était une école de sanctification. Malgré bien des brèches et bien des ruines, celle-ci est debout ; vous et nous nous y avons été élevés, nous y demeurons encore les uns et les autres, car ici nous sommes bien tous les héritiers de nos pères, et si le Synode comprenait sa vraie mission, au lieu de débattre à cette tribune des questions de théologie, nous nous mettrions tous, d’un commun accord et en rivalisant de zèle, à réparer les brèches de cette noble maison, à relever ses ruines, à rendre à notre peuple protestant ces mœurs austères, ce caractère de loyauté et d’indépendance, cette vigoureuse vie religieuse qui ont fait jadis sa grandeur et qui devraient faire aujourd’hui sa puissance et sa force. (Applaudissements à gauche.)

Le quatrième article

J’arrive à la seconde partie de la confession de foi qui nous est proposée :

L’Église réformée de France conserve et maintient les grands faits chrétiens représentés dans ses sacrements, célébrés dans ses solennités religieuses et exprimés dans ses liturgies, notamment dans la Confession des péchés, dans le Symbole des apôtres, et dans la liturgie de la sainte Cène.

Il est impossible, je crois, de ne pas être frappé tout d’abord du vague de cette déclaration. Qu’est-ce que les grands faits chrétiens ? Si je ne me trompe, vous entendez, sous ces termes ambigus, les miracles dont la personne de Jésus a été l’objet, d’après les récits du Nouveau Testament, et vous n’y comprenez pas les actes surnaturels dont il serait l’auteur ; les événements de sa vie où il est passif vous intéressent plus que ceux où il est actif. Les premiers constituent les grands faits chrétiens, les autres sont, je pense, les petits faits. Distinction bien subtile, bien étrange, bien peu respectueuse pour notre Maître.

Puis, où trouvons-nous la liste de ces grands miracles ? Vous parlez des sacrements, mais la Sainte-Cène représente sa mort, qui n’est pas surnaturelle (puisqu’il était homme comme nous, sauf le péché), et le baptême ne représente même aucun fait évangélique. Vous nous renvoyez ensuite aux solennités religieuses : faut-il penser qu’en les énumérant on trouve précisément le compte des grands faits chrétiens que vous placez à la base de l’enseignement et de la discipline de notre Église ? Ce serait la première fois dans une Église, et surtout dans une Église protestante, réformée, calviniste, qu’on eût accordé aux fêtes une pareille autorité normative. Enfin, vous nous adressez aux liturgies ! — Ah ! ici l’embarras redouble ; chaque fait de l’histoire évangélique cité par hasard dans ce volume deviendra donc un article de foi, qu’il faudra croire si l’on ne veut être exclu de l’Église ? Décidément je ne comprends pas. Non, je ne comprends pas pourquoi vous prenez cet immense détour des sacrements, des solennités religieuses, des liturgies, au lieu de nous dire nettement quels sont au juste les grands faits chrétiens.

Ce que je blâme bien plus encore que cette absence de netteté ou de franchise, c’est que vous paraissiez exclure, des grands faits chrétiens, les faits intérieurs, moraux, à la fois humains et divins qui se passent en nous et qui nous transforment en créatures nouvelles. Ne sont-ce pas là les vrais faits chrétiens ? L’apôtre Paul et nos réformateurs nous ont pourtant enseigné (et c’est là leur gloire) que la mort du Christ, ni sa résurrection n’ont aucune valeur si, en les méditant, nous ne mourons au monde pour ressusciter à Dieu. Les auteurs de la Confession de foi que je discute s’en tiennent, au contraire, aux faits extérieurs, visibles, matériels, comme s’ils n’étaient pas des enfants du protestantisme.

Mais entrons dans les détails et voyons ce qui nous sépare de vous.

Les sacrements

Les sacrements ? Messieurs, nous les aimons comme vous et autant que vous. Dans le baptême, nous voyons représentée cette grande idée : qu’il ne suffit pas à nos enfants de faire partie de l’humanité physique, animale, en quelque sorte, et que nous devons les faire entrer dans l’humanité spirituelle dont Jésus est l’initiateur, dans le royaume invisible qu’il est venu fouder sur la terre. Nous aussi, nous célébrons la Sainte-Cène. Peut-être, en méditant la mort de Jésus, plusieurs d’entre vous s’attachent-ils de préférence aux souffrances physiques et à ce sang versé, qui, pensent-ils, les lave de toutes souillures ; nous, nous allons méditer à Gethsémané plutôt qu’à Golgotha, et nous nous efforçons d’y apprendre de Jésus ce que c’est que le sacrifice entier de nos volontés et de nos désirs lorsque la voix de Dieu nous trace notre devoir. Voilà la communion que nous recherchons, la communion avec l’esprit qui lui fait accepter la mort sur la croix.

Les solennités

Les solennités religieuses sont nos fêtes autant quelles sont vos fêtes à vous. Comment ne nous réjouirions-nous pas à Noël, en pensant que l’humanité a eu cet honneur de compter parmi ses enfants un être aussi pur que Jésus de Nazareth ? C’est le jour où l’homme nous apparaît dans toute sa grandeur divine, c’est le jour où nous apprenons à respecter jusqu’à l’enfant au berceau, parce que, lui aussi, est de la noble race d’où est sorti le Christ, et il nous importe infiniment peu, je vous le déclare, que la naissance de ce Christ ait offert ou non je ne sais quel caractère surnaturel. Il est notre frère ; cela nous suffit. Le vendredi saint, nous le célébrons comme nous célébrons la Cène. À Pâque (que son corps soit sorti ou non du tombeau) nous affirmons que Jésus est vivant, qu’il a triomphé de la mort, et dans ce triomphe nous voyons, comme vous, le gage de notre propre immortalité. (Murmures et vives protestations à droite.) Vous parlerai-je de la Pentecôte ? Mais c’est tout spécialement notre fête à nous, la fête de l’esprit, et vous savez bien que vous nous accusez sans cesse de trop spiritualiser le christianisme. Ou bien prétendez-vous que nous n’avons pas le droit de célébrer la fête de l’Esprit saint si nous ne croyons pas que, un certain jour, les membres de l’Église de Jérusalem se sont mis à parler je ne sais combien de langues et de dialectes étrangers ? En présentant son projet de confession de foi, M. Bois a cité toutes les fêtes, sauf celle de l’Ascension. J’ignore pourquoi il l’a passée sous silence ; quant à moi, je vous défie d’exprimer, ce jour-là, en chaire, une autre pensée que celle-ci : rechercher les choses qui sont en haut ! Eh bien, c’est précisément ce que prêchent nos pasteurs libéraux le jour de l’Ascension. — En résumé, ce qui constitue les solennités chrétiennes, ce n’est pas le fait matériel d’il y a dix-huit siècles, c’est l’idée qui se rattache à ce fait ou à ce récit. Cette idée seule importe, parce que seule elle édifie.

En religion […], la croyance au surnaturel et sa négation sont indifférentes.

T. Colani

Je ne puis dire avec quel serrement de cœur et avec quelle indignation j’entends parfois un prédicateur orthodoxe passer tout son temps, lors de ces solennités et en présence d’une multitude qui a soif de vie religieuse, à démontrer par un grand échafaudage d’arguments et d’érudition que le corps de Jésus est vraiment sorti du sépulcre ou que Jésus est véritablement né d’une vierge. Mais, je l’ajoute, je blâmerai bien plus sévèrement encore le prédicateur qui se permettrait ce jour-là d’attaquer la vérité historique de la naissance miraculeuse ou de la résurrection matérielle. On disait hier que le surnaturel constitue la religion ; je ne connais guère qu’une seule idée qui pût être aussi radicalement fausse, ce serait de dire que la religion consiste dans la négation du surnaturel. Ni l’un ni l’autre. La croyance au surnaturel est, selon nous, une erreur scientifique, très grave chez un penseur, car elle établit un abîme entre sa science et sa religion et les fausse probablement toutes deux. Mais ce n’est pas directement une erreur religieuse, une erreur qui (sauf pour l’homme de science) porte atteinte à la vie morale. En religion, en matière d’édification, la croyance au surnaturel et sa négation sont indifférentes. Le récit surnaturel qu’on rattache à nos solennités est donc lui aussi indifférent, il n’ajoute rien à leur signification religieuse et il n’en retranche rien.

Les liturgies

Après les sacrements, après les fêtes de l’Église, votre confession de foi passe aux liturgies.

Que prétendez-vous dire ? Que les liturgies énumèrent ce que vous appelez les grands faits chrétiens ? Oui, çà et là en passant, mais, non pas d’une manière explicite, catégorique, car, vous ne l’ignorez pas, les quelques lignes très vagues que la liturgie de Genève intercale pour chacune des fêtes, sont d’origine récente, et nos pères ne connaissaient ni les liturgies de Noël, ou du Vendredi saint, ou de l’Ascension, ni les fêtes en général. Pour les calvinistes, il n’y avait qu’une seule et unique fête, le dimanche, le jour de repos consacré par un ordre exprès de l’Écriture. Le reste était du « papisme. » Vous ne pouvez donc nous renvoyer aux liturgies uniquement pour y constater les grands faits chrétiens. De fait, si ce n’est d’intention (j’ignore quelle est votre intention, vu que vous ne l’exprimez nulle part), de fait et vu l’ambiguïté extrême de ce texte, les liturgies seront désormais une confession de foi. On sera tenu de croire tout ce qui s’y trouve. Eh bien, Messieurs, il est difficile de proposer une mesure plus malheureuse. Qu’est-ce qu’une liturgie ? Je lis en tête de mon exemplaire : « Liturgie, ou Manière de célébrer le service divin. » C’est donc proprement un cadre, c’est l’indication de l’ordre qui doit être suivi dans le culte. Pour remplir ce cadre on y a ajouté des prières ; et c’est dans ces prières, dans ces élans de l’âme, dans ces actes d’adoration que vous allez chercher vos formules dogmatiques ! En priant on fera de l’exégèse, de la critique, — en un mot, — de la théologie ! Messieurs, cela est mauvais, très mauvais. Vous portez atteinte à la pudeur de l’âme religieuse.

Quelle est d’ailleurs cette liturgie que vous, les orthodoxes, vous, les « évangéliques », ainsi que vous aimez à vous appeler, vous nous présentez comme l’expression de votre foi et de la foi de l’Église ? C’est la liturgie généralement en usage, c’est celle de Genève, si décolorée, si pâle, si dépourvue de saveur chrétienne que les hommes du Réveil, vos pères, ne cessaient de protester contre elle. Elle a pour auteurs les pasteurs genevois du dix-huitième siècle. (Réclamations.) Oh ! je le sais bien, ils avaient devant eux la liturgie du seizième siècle, et l’on reconnaît parfois dans celle-ci les phrases qui ont servi de thème à leurs variations ; ils n’en sont pas moins les vrais auteurs de la liturgie que vous allez nous imposer comme profession de foi, oui, eux, les sociniens, les philosophes, pour mieux dire, les amis de Jean-Jacques Rousseau. Leur esprit y domine, une froide et pompeuse religion naturelle, s’accommodant de la croyance aux miracles, je vous l’accorde, et aboutissant quelquefois, mais assez rarement, à de courtes formules qui, vues de loin, ont un faux air d’orthodoxie. Voilà la liturgie que vous élevez à la dignité de confession de foi, vous, Messieurs ! Est-ce bien possible ? Pourquoi ne pas avouer que cette liturgie ne répond pas plus à vos besoins religieux qu’aux nôtres, que vous ne l’aimez pas plus que nous ne l’aimons, et que souvent elle froisse vos convictions ? Quoi ! vous allez proclamer qu’elle exprime la foi de l’Église, — uniquement parce qu’elle contient des passages qui gênent les pasteurs libéraux !

Moi, je leur conseille de supprimer ou de modifier ces passages. C’est ce que vous-mêmes vous faites presque tous quand il vous plaît. C’est ce qu’Adolphe Monod faisait dans une très large mesure, et il ne s’en cachait pas, et il avait raison. Jamais, d’ailleurs, ni cette liturgie de Genève, ni aucune autre, n’a été introduite officiellement dans l’Église ; elle y existe à l’état de coutume, sans titre légal. Nous avons la liberté en matière de liturgie; nous l’avons toujours eue. Ainsi, en tête de la liturgie de 1692, que j’ai sous les yeux, je lis ces lignes :

Les jours ouvriers le ministre fait telle prière que bon lui semble… Pour les dimanches au matin, on use communément de la forme qui s’ensuit.

Dans cette liturgie, vous citez spécialement la Confession des péchés, le Symbole des apôtres et la liturgie de la Sainte-Cène.

Pourquoi cette dernière ? Je l’ignore. Vraiment elle n’est pas orthodoxe. Il y est question des « avantages précieux » que nous procure « l’auguste sacrement » de la Sainte-Cène, et l’on nous conseille de chercher dans la méditation de la mort du Sauveur des secours très efficaces pour combattre le péché… Il est vrai qu’on y parle aussi de l’Agneau pascal, ce qui peut paraître ressembler à l’expiation, et que la prière finale se termine par une sorte de formule trinitaire. Est-ce pour cela que vous nous imposez tout particulièrement cette liturgie ? Ce serait bien mesquin.

Quant à la Confession des péchés, elle est, à nos yeux, la plus belle prière qui, depuis l’Oraison dominicale6, soit sortie des lèvres d’un homme. Je saisis cette occasion de remercier, eu mon nom et au nom de la gauche entière, notre doyen d’âge, M. le pasteur Frossard, d’avoir ouvert ce premier Synode en récitant l’admirable Confession des péchés, à laquelle nous nous sommes associés du fond de nos cœurs. Nous aussi nous éprouvons le besoin de nous humilier profondément devant le Père céleste, de reconnaître notre imperfection et nos misères, et de le conjurer sans cesse de nous délivrer du mal qui est en nous. Que de fois nous en sommes accablés ! Et combien il est vrai que « nous en éprouvons une vive douleur » ! La Confession des péchés fait si bien partie de notre héritage, que jamais on ne pourra nous la ravir. Sans doute, cette misère, elle l’exprime dans un langage qui n’est pas le nôtre, dans un langage qui, d’ailleurs, a été maintes fois remanié. Elle nie le libre arbitre… Hé ! vous qui affirmez le libre arbitre, vous la dites, comme nous, sans scrupule ; pourquoi ? parce que ce n’est pas dans une prière, et surtout dans une prière au souffle si puissant, qu’on va chercher sa dogmatique ou sa psychologie, n’est-il pas vrai ? On prie, sans trop s’inquiéter des mots.

Arrivée à une certaine profondeur de sentiment, la prière se passe de paroles articulées ; pour me servir de l’expression de Paul, elle ne sait plus que s’écrier : Abba ! Père ! Père ! délivre !

Le Symbole des apôtres

Il reste le Symbole des apôtres, qui, je le crains bien, est, pour vous, Messieurs, la clef de voûte de votre Confession de foi. C’en est en même temps le point le plus faible. Je ne dis pas : légalement le plus faible ; je dis : moralement, religieusement.

Ne vous attendez pas, du reste, à des chicanes de ma part. Je n’irai pas vous accuser d’attribuer l’origine de ce symbole aux douze apôtres. Je ne toucherai même pas à la « descente aux enfers », ni à la « résurrection de la chair », deux articles que vous-mêmes n’y voyez figurer qu’avec peine. M. Bois a promis que ces deux termes seraient interprétés officiellement par le Synode. J’ignore jus[qu’à] quel point M. Bois a pu s’engager ainsi au nom de la majorité ; mais si c’est là votre intention, souffrez que je vous donne un conseil parfaitement désintéressé : laissez le Symbole tel qu’il est ; quand on adopte par un vote solennel un document vieux de quinze siècles, on a mauvaise grâce de déclarer ensuite qu’on lui donne un sens nouveau.

« Je crois, dites-vous, en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. » — Nous aussi, nous y croyons.

« Et en Jésus-Christ, son fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la Vierge Marie. » — Nous ne le croyons pas. (Je parle en mon nom personnel, je parle aussi au nom de bien des membres de la gauche avec lesquels je me sais en communion d’idées ; mais nul n’a le droit d’attribuer mes négations au parti tout entier.) Nous ne le croyons pas. Il me serait facile de vous en donner plusieurs raisons ; je préfère m’en tenir à une seule, la plus facile à comprendre, la plus accessible à toute intelligence. Nous avons pour nous le silence de l’apôtre Paul, qui aurait eu cent occasions d’en parler s’il avait connu et admis le fait de la naissance surnaturelle de Jésus, et qui nulle part n’y fait l’allusion la plus lointaine. Nous avons, en outre, pour nous le silence complet de deux évangiles. Vous avez pour vous le récit des deux autres évangiles, Matthieu et Luc ; or, comme dans leur récit ils se contredisent de la manière la plus directe sur tous les points, sans exception, nous ne pouvons admettre leur témoignage. Messieurs, c’est au nom de la Bible librement étudiée, que nous rejetons cet article de votre credo.

« Il a souffert sous Ponce-Pilate; il a été crucifié; il est mort; il a été enseveli… » L’un de vous disait hier que c’est là la biographie du Seigneur Jésus ; étrange biographie où il n’y a pas une syllabe sur son enseignement incomparable, pas une syllabe sur son ineffable charité, mais où l’on trouve nécessaire de rappeler qu’il a été enseveli, c’est-à-dire, comme vous nous l’expliquiez, enveloppé dans un linceul… « il a été enseveli; il est descendu aux enfers… »

« Le troisième jour, il est ressuscité des morts. » Lui ? Non. Son âme, son esprit, sa personnalité, lui, en un mot, n’avait pas à ressusciter des morts. Il n’a cessé d’être vivant. C’est de son corps que vous voulez parler. Vous dites qu’il a repris vie, que le sang a recommencé à circuler ; que ce corps, ranimé, s’est levé, a marché, parlé, mangé. Nous disons, nous, que ce corps est resté dans le tombeau. Vous vous appuyez sur les récits des quatre évangiles, tous d’une date fort éloignée de l’événement ; nous avons pour nous le témoignage bien plus ancien de saint Paul, qui, sans doute, croyait fermement aux apparitions du Christ glorifié, mais qui attribue à ce premier des ressuscités, comme à ceux qui ressusciteront après lui, un corps d’une nature toute spirituelle, toute « pneumatique », ainsi qu’il s’exprime (cela ne vous paraît peut-être pas fort clair ? Je ne fais que résumer les idées très originales de l’Apôtre), un corps qui n’a absolument rien de commun avec le cadavre qui a été mis en terre. Celui-ci reste en terre et s’y décompose, dit-il : Paul ne croyait pas plus que nous à une résurrection charnelle, corporelle du Christ.

Une voix. — Est-il permis de parler ainsi dans une Église chrétienne ?

M. Colani. — Il est toujours permis, au sein de l’Église réformée de France, d’examiner ce qu’a écrit et pensé un apôtre. Donc, la souveraineté de l’Écriture abrite et justifie la liberté dont j’use ici. Vous qui m’interrompez, vous avez, je n’en doute pas, étudié consciencieusement les Épîtres de saint Paul ; moi aussi, qui prépare depuis des années un livre sur le grand apôtre des Gentils, je l’ai étudié. Assurément, je ne suis pas infaillible, et il est certain que mon ouvrage contiendra maintes erreurs, mais entre votre interprétation et la mienne, — ne l’oubliez pas, il n’existe point de juge dans l’Église protestante. M’appuyant donc sur un texte que je regarde comme parfaitement clair (1 Corinthiens 15,35 et suiv.), fort de mon droit d’interprète protestant, je nie ce que vous affirmez avec le Symbole ; je nie que ce cadavre ait repris vie, qu’il se soit levé, qu’il ait marché, parlé, mangé.

Je continue : « Il est monté au ciel, » c’est-à-dire : son corps est monté au ciel. Au ciel ? Que signifie ce mot ? Vous ne l’entendez pas plus que moi. Sur quatre évangiles, du reste, trois ne savent absolument rien de cet événement, et l’apôtre Paul n’y fait pas davantage la plus légère allusion. Sans doute, Luc le raconte, il le raconte même deux fois ; d’abord, à la fin de l’évangile qui porte son nom, puis en tête du livre des Actes. Chose curieuse, et qui montre combien peu les auteurs sacrés s’attachent à la lettre, se piquent d’exactitude, les deux récits de ce même historien se contredisent directement. L’Évangile place l’ascension au soir du dimanche de la résurrection, tandis que le livre des Actes la renvoie à quarante jours plus tard. Et ce témoin si peu sûr vous suffit pour affirmer un fait que vous ne pouvez même vous représenter !
Reprenons : « Il est ressuscité des morts, — corporellement. Il est monté au ciel, — corporellement. Il s’est assis à la droite de Dieu le Père, — corporellement. (Ne vous récriez pas ! où laisseriez-vous donc son corps ?) De là il reviendra, — corporellement ; oui, corporellement, — pour juger les vivants et les morts. » Je le constate en passant, on n’aura le droit de se dire membre de votre Église que si l’on croit au retour du Christ sur les nuées du ciel ; cela est écrit.

« Je crois au Saint-Esprit. Je crois la sainte Église universelle, la communion des saints, la rémission des péchés (la rémission des péchés ! enfin, dans un des derniers coins de votre Symbole, le fait capital du christianisme ; enfin !), la résurrection de la chair (vous l’interpréterez, c’est entendu), et la vie éternelle. Amen. » Savez-vous ce que vous avez fait en donnant au Symbole des apôtres, dans votre lutte contre nous, cette importance capitale ? — Vous avez tout ramené, que vous le vouliez ou non, à ces deux questions : 1° D’où est sorti le corps de Jésus-Christ ? 2° Qu’est devenu ce corps après sa mort sur la croix ? Par votre faute, le monde qui nous écoute va croire que ce sont ces problèmes byzantins qui se traitent entre vous et nous.

Vous avez trouvé commode d’amener le débat sur ce terrain, où nos négations pouvaient paraître aux yeux des faibles une profanation des choses sacrées. Mais, laissez-moi vous le dire, Messieurs, nous méritions, nous, les libéraux que la question fût posée autrement : nous méritions d’être exclus de l’Église pour une autre raison que la négation des faits miraculeux concernant le corps de Jésus. Nous le méritions, car nous sommes des hommes religieux.

Et vous aussi, Messieurs, vous méritiez autre chose que ce projet ; vous vous calomniez quand vous allez proclamer devant la chrétienté que c’est là votre foi, ce qu’il y a de meilleur dans votre foi ; non, cela n’est pas, je le dis hautement, vous valez infiniment mieux.

Conclusion sur la confession de foi

Du reste, vous ferez ce qu’il vous plaira ; vous voterez cette confession à je ne sais quelle majorité, mais de votre décision nous en appelons à Jésus, — non pas au Christ glorifié, dont nous ne savons rien et à qui chacun fait dire ce qu’il veut ; nous en appelons à ce Jésus qui a vécu sur la terre et que nous connaissons tous, car ses paroles et ses actes sont là devant nous. Il nous a dit : « Venez à moi vous qui êtes travaillés et chargés », et nous sommes venus à lui, nos âmes étant travaillées et chargées, et nous avons trouvé son joug très doux, car il ne nous a pas ordonné à nous, hommes de pensée, de poser des limites à notre raison, de reculer devant la recherche du vrai, d’accepter, fût-ce un minimum de mystères. Il nous laisse entièrement libres.

Nous avons trouvé son joug très doux, car il ne nous a pas ordonné à nous, hommes de pensée, de poser des limites à notre raison.

T. Colani

Vous prétendez que nous ne l’aimons pas, que nous ne pouvons pas l’aimer, parce que nous ne lui décernons pas les mêmes titres que vous. Eh ! il est un titre que nos cœurs lui décernent avec joie et d’un commun accord, et ce titre, le plus simple, le plus vrai de tous, il le refuse. « Non, dit-il, nul n’est bon, si ce n’est Dieu ! » Je vous l’avoue, il y a des heures où nous nous révoltons contre cette parole, mais il l’a dite… Vous prétendez que nous ne pouvons croire au pardon, puisque nous ne croyons pas à l’expiation des péchés par la mort du Christ, et nous entendons le Maître dire, avant que son sang eût coulé : « Va en paix, tes péchés te sont pardonnés. » C’est là la théologie de Jésus ; ce n’est pas la vôtre, vos murmures me le montrent assez, mais c’est celle que nous professons. Vous nous accusez enfin de n’être pas chrétiens, parce que nous n’admettons pas ses miracles ; or, Jésus n’accordait aucune valeur religieuse à ce que vous appelez le surnaturel ; vous le savez, il a toujours refusé obstinément de faire un seul prodige qui sanctionnât sa parole et entraînât les convictions. « Cette génération perverse, disait-il, demande un miracle : il ne lui en sera point accordé. »

Est-ce un texte protestant ?

Nous en appelons aussi à nos pères du seizième et du dix-septième siècle. Certes, nous ne sommes pas les héritiers de leur dogmatique, mais c’étaient des hommes religieux et c’étaient des protestants. Or, dans votre déclaration de foi, il n’y a pas la moindre note religieuse et pas la moindre note protestante. Un catholique peut la signer.

Une voix. — Tant mieux !

M. Colani. — Ce n’est pas ainsi que l’entendaient nos pères, et ce n’est pas ainsi que l’entend le peuple protestant de nos jours. Quel esprit a donc soufflé sur vous que vous n’ayez pas trouvé une parole pour vous distinguer nettement de l’éternel ennemi qui nous enveloppe et nous enlace? Quel est donc le mauvais génie qui a guidé ici la majorité ? Vous êtes l’Église, c’est entendu ; vous avez le pouvoir constituant, cela ne fait pas le moindre doute : ne l’avez-vous pas décidé à une majorité d’un septième ? Je ne le conteste donc pas, mais je dis que ce peuple protestant que vous représentez sans qu’il ait même été instruit de votre existence, ce peuple protestant, il faudra pourtant qu’un jour ou l’autre, sous une forme ou sous une autre, vous lui donniez la parole.

Eh bien ! nos vieilles populations huguenotes qui frémissent encore de l’appel adressé naguère, par le chef vénéré de la droite7, à l’Église protestante pour qu’elle s’associât à la croisade ultramontaine en faveur du pouvoir temporel du pape, que ressentiront-elles lorsqu’il faudra leur avouer que la nouvelle confession de l’Église n’a rien de protestant, qu’elle ne parle que de « liturgies », de « symboles », de « sacrements », de « solennités religieuses » ; lorsqu’il faudra leur raconter que le président du premier synode de l’Église réformée de France8, au dix-neuvième siècle, a déclaré hautement à cette tribune « qu’il réclamera pour le culte de nombreux emprunts au catholicisme, par ce motif que le peuple protestant est incapable de comprendre la haute spiritualité du culte protestant ? » Prenez-y garde ! Notre peuple ne veut le schisme à aucun prix — je le répète, en constatant que personne parmi vous ne proteste : notre peuple ne veut le schisme à aucun prix. Lui, qui a l’intelligence trop grossière pour saisir les nuances, il va vous accuser de le vouloir, et irrité de vous trouver si peu protestants, il va se tourner contre vous. Prenez-y garde ! Jusqu’ici il croit encore au surnaturel, faiblement, comme quelqu’un qui n’y a pas réfléchi ; vous allez mettre cette faible croyance aux prises avec sa double haine, si vigoureuse, du schisme et des tendances catholiques. En d’autres termes, vous, majorité orthodoxe, vous allez ruiner et détruire le surnaturel. Prenez-y garde ! Je vous entends : ce sont là des conseils empreints d’esprit politique et mondain, et vous n’obéissez, vous, qu’à votre conscience. Vous êtes des consciences, oui, Messieurs, mais vous êtes aussi un parti fortement organisé et très habile. D’ailleurs, vous connaissez la parole de Jésus : « Soyez prudents comme des serpents. » Écoutez donc ce conseil.

Il faudra chasser les libéraux

Un mot maintenant sur notre position, à nous membres de la gauche.

Quand on aime son Église ainsi qu’une famille, on ne la quitte pas, on ne l’abandonne pas, on ne la déserte pas, alors même qu’elle se trompe. On travaille à la réformer ; on annonce la vérité dont on se croit le dépositaire, et on l’annonce d’une voix si importune qu’on force l’Église soit à écouter le novateur soit à le chasser. C’est ainsi qu’a agi Luther lorsqu’il se fit excommunier, c’est ainsi qu’ont agi les apôtres lorsqu’ils se sont fait renvoyer de la synagogue, et c’est ainsi que nous agirons. Nous ne nous en irons pas, nous ne nous tairons pas, il faudra nous chasser. Vous ne le pouvez, car, vous avez beau dire, vous n’êtes pas l’Église, vous n’avez ni assez d’autorité légale, ni assez d’autorité morale. Mais si un jour la véritable Église, le peuple protestant, nous disait : taisez-vous ou sortez ; nous sortirions avec une grande tristesse, car de pareils déchirements sont toujours douloureux, mais aussi, écoutez-moi, avec un profond sentiment de délivrance, et je vous en dirai la raison : c’est que, l’orthodoxie, depuis plusieurs années, devient parmi nous de moins en moins religieuse. (Protestations à droite ; applaudissements à gauche.)



Droits de réponse

M. Bastie. — Je réclame contre une des assertions de M. Colani. Il a prétendu que j’avais dit que nous devions beaucoup emprunter au catholicisme. Je n’ai parlé que des améliorations à introduire dans le culte, et nullement de la doctrine.

M. Guizot. — Au point où cette discussion est arrivée, il nous importe à tous de la dégager de tout ce qui n’y tient pas intimement, et de considérer la question en elle-même et en elle seule, dans sa simplicité comme dans sa grandeur. J’écarterai donc toute digression, toute allusion étrangère. Je m’abstiendrai même de toute polémique directe et personnelle. L’expérience m’a appris qu’il était plus court et plus efficace de s’appliquer à mettre en lumière les bonnes raisons en faveur de ce qu’on croit la bonne cause, qu’à combattre les raisons alléguées en faveur de la cause contraire. J’ai plus de goût à soutenir la vérité qu’à lutter contre l’erreur.

J’écarterai également un souvenir qui m’est personnel. On a essayé d’exciter, à mon égard, la méfiance des populations protestantes en prétendant que j’avais proposé une alliance du protestantisme et du catholicisme. Je n’ai jamais dit ni pensé rien de semblable. Je vois entre l’Église catholique et l’Église protestante des croyances fondamentales communes. Je regarde les catholiques sérieux et sincères comme de vrais chrétiens, car ils admettent les grands faits, les grands principes chrétiens. Je respecte leur foi et j’ai défendu leurs libertés. Je n’en suis pas moins un vrai et sérieux protestant. (Très bien !) La Réforme du seizième siècle a ranimé la foi chrétienne et changé le gouvernement intérieur de l’Église chrétienne. Elle a semé le germe de la liberté religieuse, sans la pratiquer toujours elle-même. Je suis fidèle à la foi et à l’Église de mes pères, et j’honore toutes les croyances chrétiennes, en usant envers elles de la liberté de ma pensée et de mon Église comme en respectant la leur.

Tout cela écarté, c’est sur le fond même et sur le fond seul de la question vraiment religieuse que je vous demande de concentrer toute votre attention.

Quand ce Synode s’est ouvert, quand je suis entré dans cette enceinte, quand j’ai vu la Bible ouverte en face de nous tous, au-dessus du siège de notre président, quand j’ai entendu donner à notre président le nom de modérateur, quand j’ai vu nos séances commencer par la prière et la lecture de l’Écriture sainte, je me suis senti en présence de tout notre passé, de la foi et des traditions de notre vieille Église. (Très bien !) Sommes-nous venus ici pour former une société nouvelle, pour proclamer une foi nouvelle ? Je ne l’ai pas pensé un moment. J’ai senti que je rentrais, que nous rentrions tous dans l’héritage de nos pères, tout en faisant nous-mêmes des progrès dans les voies de la justice, de la liberté et de la charité chrétienne.

J’ai senti que je rentrais, que nous rentrions tous dans l’héritage de nos pères.

F. Guizot

Quand nos débats ont commencé, quand j’ai entendu attaquer l’autorité des livres saints en matière religieuse, contester les grands faits chrétiens et nier toute autorité religieuse autre que celle de la pensée individuelle, c’est alors que ma surprise a commencé. On parle beaucoup de l’esprit d’association. Mais, Messieurs, toute association a ses causes et ses conditions : il n’y en a point sans une foi commune et un but commun. Regardez à l’ordre politique ; voici deux écoles en présence qui veulent toutes deux la prospérité matérielle de notre patrie ; l’une croit et veut l’atteindre par la liberté commerciale ; l’autre, par la protection de l’industrie nationale. L’idée vous viendrait-elle jamais de leur demander de s’associer, de poursuivre ensemble leur but, en vertu de principes contraires ? Ce qui est vrai quand il s’agit d’intérêts matériels l’est encore bien plus dans la sphère des croyances religieuses. L’histoire du christianisme en est la démonstration évidente. À son origine, il y avait à Jérusalem diverses sociétés religieuses, les pharisiens, les sadducéens ; les apôtres tentèrent-ils de se rattacher à telle ou telle ? Ils s’associèrent entre eux, à leur divin fondateur et à leurs prosélytes. Celui d’entre eux qui avait l’esprit et le cœur le plus larges, saint Paul va [à] Athènes ; une inscription au Dieu inconnu lui paraît une occasion de propager la foi chrétienne parmi les philosophes athéniens ; il entre en conversation avec eux, mais il leur parle de Jésus ressuscité des morts ; à ces mots, ils se moquent de lui, et l’association entre eux et lui devient, pour lui et pour eux, impossible. Pourquoi, au seizième siècle, les réformés ont-ils été naturellement conduits à se séparer des catholiques ? Parce que à côté de grandes croyances communes, il y en avait de très différentes que les uns et les autres jugeaient essentielles et qui leur rendaient l’association religieuse impraticable. Une foi commune est le principe et la base de toute société religieuse, et ce principe a prévalu, s’est maintenu aux époques et dans les conditions sociales les plus diverses. Permettez-moi de vous rappeler un souvenir de ma jeunesse ; il y a soixante-cinq ans, j’allai visiter dans les Cévennes, au Pont-de-Montvert, un oncle de ma mère ; il était pasteur ; il n’y avait encore là point de temple ; ou se réunissait au haut de la montagne, sur un plateau qu’on pouvait appeler aussi le désert ; mon grand-oncle me demanda d’y faire, avant son sermon, la lecture de la Bible ; deux ou trois mille paysans étaient là réunis. Qu’est-ce qui les réunissait ? La foi à l’autorité des saintes Écritures, foi point savante, mais vivante et lien de leur union. Ces jours derniers, quand notre honorable ami M. Babut prêchait à l’Oratoire, qui de vous n’a été frappé de la foule qui était accourue autour de sa chaire ? Ce n’était pas la science de quelques-uns, mais la foi commune à presque tous qui avait formé cette immense réunion. C’est le lien naturel et nécessaire de la société religieuse.

Pâturages au Pont-de-Montvert dans les Cévennes.

Quelque temps après que le Consulat nous eut donné des temples et la liberté de notre culte, quelques-uns de nos frères, n’y trouvant pas assez d’ardeur et d’édification chrétienne, formèrent des associations particulières et ouvrirent des chapelles. Parmi les chefs de ce pieux réveil chrétien, on a nommé un homme éminent par l’esprit comme par la piété, M. Vinet ; j’en pourrais nommer plusieurs autres, tous sincères et honorables, et je les honore. Mais beaucoup d’autres chrétiens, aussi sincères, sont restés dans l’Église nationale, et je crois qu’ils ont bien fait ; eux aussi, ils ont efficacement contribué à ranimer la foi et la piété chrétiennes. J’estime qu’à moins d’ètre persécuté, privé de sa liberté religieuse personnelle, on peut très utilement rester dans le sein de l’Église nationale ; il faut savoir être en minorité et travailler à devenir majorité par le progrès de la foi et du zèle (Très bien !) ; le contact et la discussion des idées sont un grand moyen de progrès dans la société religieuse comme dans la société civile. Mais la minorité est-elle en droit d’interdire à la majorité d’élever son drapeau, de proclamer sa foi et de dire quelle est la foi de l’Église ? Une Église n’a-t-elle plus dans son sein aucune autorité, est-elle condamnée à une anarchie déclarée et acceptée parce qu’il y a une majorité et une minorité ? Un honorable membre du Synode, M. Viguié, nous a dit : « Pourquoi se presser de rétablir ainsi la foi et la règle ? Pourquoi ne pas laisser agir le temps ? L’Église est un organisme vivant qui finit par repousser les corps qui lui sont étrangers. » Je ne crois pas que l’homme puisse ni doive ainsi s’en remettre à la simple action de la nature. Au plus fort du régime de la Terreur, M. de Lacretelle aîné avait un frère que les Jacobins avaient mis en prison ; on l’engageait à agir en sa faveur ! il répondit : « J’attends la mise en liberté de mon frère du progrès des lumières. » (On rit.) Ni la charité chrétienne, ni l’expérience humaine ne commandent une telle inaction en présence du mal ; l’action de l’homme lui-même y est nécessaire. Nous assistons, depuis assez longtemps déjà, à une nouvelle explosion d’ardeur antichrétienne. Le panthéisme, qui n’est qu’un matérialisme savamment déguisé, la critique historique dont je n’entends nullement restreindre la liberté scientifique n’ont pas droit d’entrer et de régner dans nos temples, et d’y mettre leurs négations à la place des grands faits qui sont l’objet de la foi et de la tradition chrétiennes.

M. Athanase Coquerel. — Je demande la parole. (Sensation.)

M. Guizot. — La population chrétienne ne s’y trompe pas ; elle ne considère pas comme chrétiens ceux qui nient l’origine, l’action, la vie et la mort surnaturelles de Jésus-Christ. La guerre au surnaturel est la maladie morale de notre temps, guerre qui va plus loin et porte plus haut que ne le croient plusieurs de ceux-là même qui la font. J’ai entendu un savant illustre, un homme de génie dans les sciences mathématiques9 dire : « Dieu est une hypothèse dont je n’ai pas besoin. » C’est là qu’on arrive par la route dans laquelle trop d’esprits marchent aujourd’hui. Si je me permettais de dire ici tout ce que je pense, au fond, sur toutes ces questions, je trouverais le panthéisme et la critique historique de notre temps bien moins philosophiques et bien moins profonds que ne le croient leurs adeptes. Moi aussi, j’ai bu, comme d’autres, à la coupe de la science humaine, et plus que d’autres à la coupe de la puissance humaine ; je connais et je respecte leurs droits ; mais j’ai appris aussi à connaître leurs limites et leur insuffisance pour donner satisfaction aux besoins religieux de l’âme et de la société humaine. (Très bien !) Ni les grands philosophes, ni les grands politiques n’ont manqué au monde ; nul d’entre eux n’a fondé ni maintenu une religion ; pas plus Socrate et Platon que César ou Marc-Aurèle.

Dieu seul, par l’action naturelle et surnaturelle qu’il exerce selon ses desseins sur les hommes, accomplit une telle œuvre. Nous vivons sous le regard de Dieu ; Messieurs, il n’y a pas de science ni d’habileté qui puissent le tromper ; il lit dans nos cœurs et sait quels sont ceux qui servent sa cause. La déclaration de foi proposée par M. Bois affirme les grands faits qui constituent le christianisme. En la votant, nous défendons le christianisme, dans l’Eglise, contre ceux qui l’y attaquent. Je suis convaincu que c’est là notre droit et notre devoir. Si la proposition est votée, nous ne l’imposerons pas aux laïques, mais elle deviendra la base de l’enseignement officiel de l’Église. (Ah ! ah ! et protestations à gauche.) Quoi ! Messieurs, n’en feriez-vous pas autant si vous étiez à notre place ? (Dénégations.) Est-ce que la minorité n’est pas toujours tenue de respecter la majorité ? Quant aux difficultés de détail que l’on a soulevées, elles ne doivent pas nous arrêter ; rien n’est plus regrettable en toutes choses que de se laisser arrêter par des considérations secondaires, et parce qu’on veut pourvoir à des intérêts inférieurs, de perdre de vue les grands intérêts. (Applaudissements à droite.)

M. Athanase Coquerel. — Je demande la parole pour un fait personnel. (Humeurs : Il n’y a point de fait personnel. On ne vous a pas nommé.) Pardon, je n’ai pas été nommé, mais désigné. (Nouvelles rumeurs : Est-ce que nous ne sommes pas tous désignés tous les jours ?) Je demande à poser à M. Guizot une simple question : N’est-ce pas moi qu’il voulait désigner quand il a parlé de ceux qui tendaient la main aux erreurs autichrétiennes ?

M. Guizot. — Je ne vous ai pas désigné individuellement.

M. Coquerel. — Suis-je un de ceux-là?

M. Guizot. — Vous en êtes un selon moi.

M. Coquerel, s’élançant à la tribune. — Je demande de nouveau la parole pour un fait personnel. (Rumeur prolongée à droite et au centre.)

M. Pernessin. — Quand M. Colani a dit que les orthodoxes devenaient de moins en moins religieux, est-ce que cela ne nous blessait pas ? Est-ce que nous ne pourrions pas demander la parole pour un fait personnel ?

M. Coquerel. — Messieurs… (Violentes rumeurs.)

Plusieurs membres au président. — Faites voter le Synode sur la demande de M. Coquerel.

Le modérateur demande au Synode s’il veut accorder la parole à M. Coquerel.

Plusieurs voix. — L’appel nominal !

Après une première épreuve douteuse, le Synode décide que M. Coquerel n’aura pas la parole. (Vive agitation.)

M. Sayoüs. — C’est une indignité !

M. Clamageran. — L’histoire jugera !

La séance est suspendue pendant un quart d’heure.


Illustration en couverture : Paul devant l’Aréopage, tempéra sur plâtre, 1729 (monastère de Weißenau, Ravensbourg).

  1. « Au moment où elle reprend la suite de ses Synodes interrompus depuis tant d’années, l’Église réformée de France éprouve, avant toutes choses, le besoin de rendre grâces à Dieu et de témoigner son amour à Jésus-Christ, son divin Chef, qui l’a soutenue et consolée durant le cours de ses épreuves. »[]
  2. « Elle déclare, par l’organe de ses représentants, qu’elle reste fidèle aux principes de foi et de liberté sur lesquels elle a été fondée. »[]
  3. « Avec ses pères et ses martyrs dans la Confession de la Rochelle, avec toutes les Églises de la Réformation dans leurs divers symboles, elle proclame l’autorité souveraine des Saintes Écritures en matière de foi, et le salut par la foi en Jésus-Christ, fils unique de Dieu, mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification.

    Elle conserve donc et elle maintient, à la base de son enseignement, de son culte et de sa discipline, les grands faits chrétiens représentés dans ses sacrements, célébrés dans ses solennités religieuses et exprimés dans ses liturgies, notamment dans la Confession des péchés, dans le Symbole des apôtres et dans la liturgie de la Sainte Cène. »[]

  4. Article 9.[]
  5. Matthieu 17,24-27.[]
  6. Le Notre Père.[]
  7. François Guizot.[]
  8. Charles Bastie.[]
  9. Pierre-Simon de Laplace.[]

Arthur Laisis

Linguiste, professeur de lettres, étudiant en théologie à la faculté Jean Calvin et lecteur dans les Églises réformées évangéliques de Lituanie. Principaux centres d'intérêts : ecclésiologie, christologie, histoire de la Réforme en Europe continentale. Responsable de la relecture des articles du site.

1 Commentaire

  1. Victor

    Libéral, Timothée Colani l’était sans aucun doute, mais s’était-il dégagé de l’orthodoxie réformée autant qu’il le disait ? Avait-il besoin, par exemple, de rappeler qu’il ne croyait pas à la naissance surnaturelle du Christ, ou encore qu’il ne s’estimait pas héritier de la dogmatique du XVIe siècle comme si les prétendus orthodoxes auxquels il s’adressait ne le connaissaient pas ? N’était-elle pas un peu forcée cette insistance à donner des gages de loyauté de libéralisme ?
    Il ne serait donc pas totalement irréaliste, me semble-t-il, d’émettre l’hypothèse qu’après son ralliement au parti des libéraux, une possible crypto-orthodoxie ait continué à l’habiter à l’état latent, lui qui vénérait toujours le nom d’Alexandre Vinet. Cette situation qui pourrait être assimilée à une espèce de conflit intérieur l’aurait placé alors dans la nécessité de rendre justice à sa façon, par ce vibrant discours, à l’orthodoxie réformée qu’il estimait trahie par ceux qui prétendaient en être les représentants.
    Réalité ou folle hypothèse ? « Dieu merci, je ne suis plus pasteur », ce cri du coeur lancé constituerait-il un embryon de réponse ?.. Quoi qu’il en soit, l’intervention de Timothée Colani aura eu le mérite de mettre en évidence l’âpreté des débats qui ont mené à l’adoption de la déclaration de foi, prémices de ceux d’aujourd’hui.

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