Les langues sont-elles compréhensibles ? : Le don des langues dans 1 Corinthiens 13.8-14.40 (9/16)
5 mai 2018

Article d’un auteur invité, Calvinyps.


Partie 9 : le don des langues est secondaire parce que les langues ne sont pas compréhensibles – 1 Corinthiens 14.1-12

Nous avons dans le dernier article que la façon dont le don des langues était utilisé dans l’assemblée corinthienne ne faisait que manifester le caractère charnel des Corinthiens. Reprenons maintenant rapidement ce que nous avions dit il y a deux semaines sur les v.1-5 avant de passer à l’explication des v.6-12.

I. L’importance secondaire du parler en langue (v.1-19).

1. La prophétie édifie toute l’assemblée (v.1-5)

a. La recherche de la prophétie (v.1).

“Recherchez l’amour. Aspirez aussi aux dons spirituels, mais surtout à celui de prophétie”.

Pourquoi fallait-il aspirer à la prophétie ? Parce que la prophétie édifie toute l’assemblée. Lorsque nous recherchons la manifestation des dons de l’Esprit dans notre assemblée, nous devons rechercher celui qui édifie l’assemblée entière. Je tiens à souligner quelque chose que je n’avais pas souligné l’autre fois : ici, au v.1, Paul ne parle pas d’un individu qui recherche un don individuel mais il parle de l’assemblée. Il est en train de dire : “Lorsque l’église s’assemble, vous devriez rechercher la manifestation du don de prophétie parmi vous”. Cette idée prend du relief si on considère le contexte du texte. En 1 Corinthiens 11-14, Paul aborde des sujets concernant la réunion des croyants de Corinthe et non à la relation personnelle et privée des croyants individuels à Dieu. Dans cette section il ne parle que de la façon dont il faut se comporter dans l’assemblée. Par exemple, le chapitre 11 traite de la façon dont les femmes doivent se comporter dans l’assemblée et de la façon dont les Corinthiens “célébraient” le repas du Seigneur lorsqu’ils se réunissaient. Le chapitre 12 parle de la façon dont ils devaient se servir mutuellement, dans l’assemblée, par leurs dons. Le chapitre 13 explique comment ils devaient se manifester de l’amour les uns envers les autres lorsqu’ils s’assemblaient. Et le chapitre 14 nous dit comment ils devaient utiliser le don des langues lorsqu’ils se réunissaient. Tout dans les chapitre 11 à 14 se rapporte au comportement qu’il fallait avoir dans l’assemblée. Donc, lorsque des charismatiques ou des pentecôtistes utilisent ce chapitre 14 pour soutenir un usage privé et dévotionnel des langues, ils tirent ces versets hors du contexte dans lequel ils ont été écrit. Ce que Paul dit ici c’est que lorsqu’ils se rassemblent, au lieu de vouloir ces manifestations extatiques qu’ils pratiquaient, ils devaient faire en sorte que quelqu’un prophétise afin que Dieu leur donne sa Parole.

b. Le premier détournement des langues : s’adresser à Dieu en langues (v.2).

“En effet, celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu [ou ‘à un dieu’] , car personne ne le comprend, et c’est en esprit qu’il dit des mystères”.

Nous avions parlé il y a deux semaines de la remarque que l’on peut faire au chapitre 14. Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut y voir à coup sûr, mais plus j’étudie le passage et plus je suis convaincu de la pertinence de cette hypothèse, qui est la suivante : lorsque Paul emploie le mot “langue” au singulier, il se pourrait qu’il fasse référence au parler en langue extatique alors que lorsqu’il emploie le mot “langues” au pluriel, il ferait référence au véritable don des langues. La logique qu’il y a derrière, c’est que seuls de véritables langages peuvent être pluriel, alors que le charabia ne peut être que singulier. Il n’y a pas plusieurs sortes de charabia, il n’y en a qu’un seul : c’est du charabia ! On ne peut pas dire : “Quelle sorte de charabia parlez-vous ?” parce qu’il n’y en a pas plusieurs sortes alors qu’on peut très bien dire : “Quelles langues parlez-vous ?”.

Donc peut-être Paul est-il en train de dire au v.2 que “celui qui parle en langage extatique ne parle pas aux hommes mais à un Dieu, car personne ne le comprend, y compris le vrai Dieu qui ne parle pas ce genre de langage. Mais dans son esprit, cette personne dit des mystères” (N.B. : Faut-il rappeler que le mot mystère était une chose importante dans les religions païennes dites “des mystères” ?). Autrement dit : “Lorsque vous parlez dans vos extases, vous ne parlez en fait à personne”. Nous trouvons ici un premier détournement des langues pour la raison que tous les dons devaient servir à l’édification de quelqu’un d’autre que soit, mais dans ce cas, on ne l’utilisait pas pour édifier les hommes – et par conséquent la finalité des langues était détournée.


c. Les fruits de la prophétie (v.3).

“Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console.”

Ici, Paul oppose leur langage païen extatique avec la prophétie qui proclame réellement la vérité de Dieu au coeur des hommes. Il s’agit là d’une opposition forte. Paul continue sur sa lancée en introduisant la question de leur égoïsme au v.4.

d. Le second détournement des langues : s’édifier soi-même par le parler en langues (v.4).

“Celui qui parle en langue [i.e. en charabia] s’édifie lui-même ; celui qui prophétise édifie l’église.”

J’ai expliqué il y a deux semaine que l’édification personnelle dont parle ce passage n’est pas une bonne chose. Nous avions d’abord trouvé en 1 Corinthiens 8.10, un exemple où les Corinthiens s’édifiaient les uns les autres à leur propre mal : il est possible d’édifier quelqu’un d’autre en le plaçant dans une position de laquelle il va choir. Nous avions aussi vu en 1 Corinthiens 10.23-24 que Paul disait : “Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche [sa] propre [édification], mais que chacun cherche [celle] d’autrui”. Puisque Paul a déjà parlé dans l’épître d’édification au mal et d’une mauvaise édification personnelle, je pense qu’il est facile de saisir ce que je veux dire ici. Dans ce verset, nous trouvons une certaine ironie de l’apôtre qui pointe du doigt de façon sarcastique l’égocentrisme des Corinthiens. Il leur explique donc que celui qui parle en charabia s’édifie lui-même alors que la prophétie édifie vraiment l’église, et que pour cette raison il n’y a pas de place dans l’assemblée pour ce genre de langage extatique.

e. L’importance secondaire des langues nuancée (v. 5).

“Je désire que vous parliez tous en langues [le pluriel indique qu’il s’agit du vrai don des langues], mais encore plus que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n’interprète, pour que l’Église en reçoive de l’édification”.

Bien sûr, l’apôtre ne veut pas dire qu’il ne faut pas utiliser le vrai don des langues si on l’utilise au bon moment – c’est-à-dire si quelqu’un qui parle cette langue est présent et si quelqu’un l’interprète pour que l’église puisse comprendre ce qui est dit. A part dans cette situation précise, le don des langues n’a aucune utilité.

Ainsi, puisque la prophétie édifie toute l’église, le véritable don des langues est secondaire parce que celui-ci n’édifie pas toute l’église. Bien plus, le don falsifié des langues n’a pas sa place dans l’église. La seconde raison pour laquelle le don des langues étaient un don secondaire, c’est que :

2. Les langues ne sont pas compréhensibles (v.6-12).

a. L’identification du problème (v.6).

“Et maintenant, frères, de quelle utilité vous serais-je, si je venais à vous parlant en langues, et si je ne vous parlais pas par révélation, ou par connaissance, ou par prophétie, ou par doctrine ?”.

Autrement dit, Paul déclare ici que même si lui, l’apôtre, venait parmi eux avec toute son influence et sa piété et qu’il leur parlait en usant du véritable don des langues, cela ne leur servirait à rien parce qu’ils parlaient grec et que par conséquent ils n’avaient pas besoin qu’il leur parle dans une autre langue. S’il leur avait parlé dans une langue inconnue, ils n’auraient pu en tirer aucun bénéfice.

Je trouve ça incroyable que qui que ce soit dans l’église puisse attribuer un poid si important à une communication inintelligible – une communication que personne ne comprend , y compris celui qui la délivre. Lorsqu’on observe ce qu’on appelle de nos jours “interprétation”, je m’étonne d’ailleurs toujours qu’on y accorde une quelconque importance. On peut en fait prouver qu’il ne s’agit pas du tout d’une véritable interprétation, car on peut produire vraiment beaucoup de témoignages de personnes qui parlaient en Hébreux ou en d’autres langues étrangères et dont l’interprétation donné n’avait rien à voir avec ce qui était réellement dit dans la langue étrangère.

Pour une raison inconnue, le mouvement charismatique moderne a crée une hiérarchie spirituelle où ceux qui sont capables de ne communiquer à personne en un langage extatique sont considérés avec révérence. Pourtant, l’apôtre Paul dit dans ce passage que s’il était venu dans leur église en utilisant le véritable don des langues, cela ne leur aurait servit à rien parce qu’il parlaient tous le grec !

b. L’illustration du principe (v.7-11).

Pour illustrer ce principe, Paul utilise d’abord au v.7-8 l’image du son.

Premièrement, il parle au v.7 du son qui sert à faire de la musique : “Si les objets inanimés qui rendent un son, comme une flûte ou une harpe, ne rendent pas des sons distincts, comment reconnaîtra-t-on ce qui est joué sur la flûte ou sur la harpe ?”.

La flûte et la harpe étaient les instruments les plus répandus au temps de l’apôtre. On utilisait ces instruments lors des festins, des enterrements et des cérémonies religieuses. Aussi les Corinthiens pouvaient-ils parfaitement comprendre ce à quoi Paul faisait référence. L’expression “les objets inanimés” est une façon de parler de ces instruments dont on connaissait la capacité à créer de la belle musique et à susciter par elle la joie ou la douleur. L’expression “ne rendent pas des sons distincts” renvoie à ce que, à moins de jouer de ces instruments avec un rythme et des notes précises, les sons ne signifient rien en eux-mêmes. Le grec veut en fait dire littéralement dire : “à moins qu’il n’y ait une différence”. Autrement dit, il faut qu’il y ait une variation de son pour que la musique prenne forme. Et il faut que cette variation soit étudiée et maîtrisée. Une flûte ou une harpe ne font de la musique que lorsqu’on en tire des variation de son qui ont un sens. Paul est donc en train de dire que même avec des beaux instruments le son tout seul ne veut rien dire à moins qu’il y ait assez de variation dans les notes pour que quelqu’un puisse en comprendre la mélodie.

Que signifie donc cette analogie ? L’idée est la suivante : on ne peut pas bénéficier de ou être édifié par quelqu’un qui parle dans une langue qui n’a aucun sens pour nous. Paul explique ici que même le véritable don des langues est inutile lorsqu’il est utilisé devant des gens qui ne comprennent pas la langue qui est parlé surnaturellement. Il va sans dire que l’inutilité du parler en langue s’accentue lorsqu’il ne s’agit pas du véritable don mais d’un charabia.

Deuxièmement, Paul parle au v.8 d’un son qui sert d’appel au combat : “Et si la trompette rend un son confus, qui se préparera au combat ?”.

Imaginons ce qui se passerait si un joueur de clairon était censé rendre un certain son pour préparer les troupes au combat et qu’au lieu de cela il vienne et joue une autre mélodie qu’il préfére. Les soldats ne sauraient alors plus trop comment réagir, si cela signifie qu’ils doivent se lever, se recoucher, mettre leur armure ou je ne sais quoi d’autre. Il est clair que le joueur de clairon devait jouer les mélodies qu’il était convenu de jouer selon les situations pour que cela ait un sens. Les trompettes militaires étaient les instruments qui avaient le son le plus clair et le plus fort, mais les soldats n’auraient pourtant pas su quoi faire si quelqu’un l’utilisait avec un air qui ne voulait rien dire. De même, quelque chose dit dans une langues qui n’est pas comprise n’édifie personne !

Après cela, Paul utilise ensuite au v.9-11 l’image du langage.

Premièrement, Paul argumente au v.9 que le langage doit être compréhensible : “De même vous, si par la langue vous ne donnez pas une parole distincte, comment saura-t-on ce que vous dites? Car vous parlerez en l’air”.

Paul veut dire ici que le charabia n’a absolument aucune signification. Pourquoi ? Parce que personne ne peut le comprendre. Le seul moment légitime où l’on pouvait utiliser le don véritable des langues durant l’ère apostolique c’est lorsque quelqu’un de présent comprenait cette langue. Et si un tel phénomène miraculeux avait lieu pendent que les croyants étaient assemblés, alors il fallait le traduire pour que les croyants puissent aussi être édifiés. Mais s’il n’était pas interprété, il ne s’agissait que de son dans l’air.

Paul manie ici certaines illustrations qui ne sont pas à l’avantage des Corinthiens : des instruments qui sont tellement désaccordés qu’on ne reconnaît pas ce qu’ils jouent, et un joueur de clairon tellement incompétent que l’armée ne sait pas ce que cela peut bien signifier. Par ces images péjoratives, Paul critiquaient ce qui se passait dans l’église de Corinthe : une confusion et un chaos absolu. Paul essayait ici de faire comprendre à ces croyants que la finalité des don de l’Esprit était de proclamer l’Evangile aux perdus et d’enseigner la vérité au peuple de Dieu – et dans certains cas de confirmer l’action de ceux qui faisaient ces deux choses-ci. Mais toutes ces choses se faisaient dans un langage intelligible. C’est donc avec un ton ironique et un peu sarcastique, et avec beaucoup de patience et d’illustrations que Paul tente de surmonter leur ignorance et l’émotionalité et la superstition qui existait dans l’église de Corinthe.

Deuxièmement, Paul argumente aux v.10-11 que le langage doit avoir une signification : “Quelque nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues [litt. ’sons’], il n’en est aucune qui ne soit une langue intelligible ; si donc je ne connais pas le sens de la langue, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi”.

Paul dit en quelque sorte ici que si on essaie de parler dans une langue que ne comprend pas l’autre, alors on est comme deux barbares qui essaie de se parler l’un à l’autre. Pour les Corinthiens, les barbares étaient les étrangers qui ne parlaient pas grec. Donc Paul est en train de dire que si l’on parle ainsi, on est comme sans contact avec l’extérieur, comme deux barbares qui ne se comprennent pas parce qu’ils ne parlent pas la même langue.

Le mot “barbare” (Grec barbaros) provient d’une onomatopée. Le barbare c’est celui qui s’exprime en répétant “bar, bar, bar”. Autrement dit, Paul explique que si l’on parle dans des langues inintelligibles, les autres ne nous comprendront pas plus que si on leur disait “bar, bar, bar, bar”.

L’idée, donc, c’est que leur parler païen en charabia extatique est totalement inutile puisqu’il ne veut rien dire. D’après le v.10, un tel langage est en fait contraire aux lois des sons et de la signification. Paul dit ici aux Corinthiens que tout son a du sens à l’exception notable du langage extatique qu’ils pratiquent, car tout langage communique quelque chose à l’exception de ce langage-ci. Et il faut se rappeler que cela était même valable pour ceux qui possédaient le véritable don des langues mais qui l’utilisaient pour démontrer leur spiritualité alors que personne autour d’eux ne pouvaient comprendre ce qu’ils disaient.

Aucun ministère spirituel ne peut avoir lieu dans ce genre de confusion. Si des incroyants étaient venu dans leur assemblée, ils auraient dit : “vous êtes fous !” (1 Cor 14.23). Autrement dit, ces visiteurs auraient vu que la frénésie des chrétiens corinthiens n’étaient pas différentes de la frénésie des adorateurs d’Artémis. Ils se seraient rendus compte que les chrétiens corinthiens recherchaient le même genre d’extase que les païens. En conséquence, ils n’auraient pu voir aucune différence entre l’église chrétienne et le temple d’Artémis.

c. La réitération de la priorité (v. 12).

“De même vous, puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l’édification de l’Église que vous cherchiez à en posséder abondamment”.

Paul dit donc que puisque les Corinthiens étaient si friands de dons spirituels et qu’ils recherchaient la manifestation de l’Esprit, il leur fallait rechercher les vrais manifestations qui édifiaient vraiment l’église. Soit dit en passant, c’est exactement ainsi que Paul avait déjà terminé la première partie de ce chapitre à la fin du v.5 en disant “que l’Église en reçoive de l’édification”. En fait, c’est ainsi que Paul clôt chacune des différentes sections de ce chapitre parce qu’il parle ici de leur égoïsme. Lorsque les Corinthiens se rassemblaient, ils recherchaient chacun pour eux cette expérience extatique et sensuelle. Et c’est encore ce que nous voyons aujourd’hui. Les charismatiques et les pentecôtistes recherchent pour la plupart l’expérience personnelle et extatique du parler en langues. Mais il ne s’agit là que de la recherche de quelque chose qui est à l’opposé de tout don spirituel – des dons qui ont pour but d’édifier le corps et non l’individu.

Adapté de John MacArthur dans son guide d’étude The Truth about Tongues.

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Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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