Certains apologètes catholiques prétendent que les pères croyaient unanimement à la transsubstantiation, cette doctrine catholique romaine qui établit que le pain et le vin de l’Eucharistie se transforment en corps et sang du Christ pour ce qui est de la substance tout en gardant la forme, le gout, la couleur et les caractéristiques de ces éléments. Toutefois, l’historien Philip Schaff nuance cette affirmation.
Philip Schaff est un historien et théologien réformé originaire de Suisse, ayant fait ses études en Allemagne et ayant vécu surtout aux États-Unis. Il est surtout connu pour sa compilation des écrits des pères de l’Église qui, bien que réalisée au XIXème siècle, reste une référence dans le monde anglophone.
Mais Philip Schaff a aussi écrit une Histoire de l’Eglise Chrétienne en 8 volumes. C’est dans cet écrit que celui-ci présente 4 positions de l’Église primitive sur le lien entre Christ et les éléments du Repas du Seigneur. (Philip Schaff, History of the Christian Church, Volume 2, [Hendrickson Publishers, 2010], pp. 241-245; Philip Schaff, History of the Christian Church, Volume 3, [Hendrickson Publishers, 2010], pp. 494-500)
Ainsi, dans l’Église primitive, on trouvait (1) des pères qui avaient une position mystique comme Ignace, Justin Martyr, Irénée et Cyrille de Jérusalem qui disaient que les corps et le sang du Christ étaient uni mystérieusement au pain et au vin dans une sorte de répétition de l’incarnation, mais sans changement de substance de ces éléments. Il y avait (2) la position symbolique de Tertullien, Cyprien, Eusèbe, Grégoire de Nizance, Macarius l’Ancien, Theodoret, Augustin et Gelasius qui disaient que les éléments du Repas symbolisaient le corps et le sang du Christ sans changement de substance et que le Repas était une commémoration. On trouvait aussi (3) la position allégorique ou spirituelle de Clément d’Alexandrie, Origène et Athanase qui disaient que le croyant reçoit, dans ce Repas, le corps -non pas physique mais spirituel- de Jésus-Christ. Et l’on retrouvait enfin (4) la position littérale de Hilaire de Poitiers, Ambroise et Gaudentius qui disaient que le pain et le vin se transformaient en corps et sang de Christ. Bien-sûr ces derniers ne formulaient pas cela en disant que la forme restait la même mais que la substance changeait, mais l’on peut considérer que leur point de vue est en phase avec l’enseignement actuel de l’Église catholique romaine.
On remarque donc que la position littérale ne fait pas l’unanimité. Bien plus, celle-ci semble minoritaire et plus tardive que les 2 positions les plus populaires (et primitives !) : les vues symbolique et mystique.
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Bonjour, serai t’il possible d’avoir un article qui montre où les pères de l’église se sont contredit?
En effet , beaucoup professe la tradition, mais au sein même de cette tradition il y a de nombreux désaccord.
Existe t’il un tableau récapitulatif à cela ?
Je pense que le mieux reste de les lire. En effet, les pères ont débattu entre eux de tant de sujet que ce serait un travail monstrueux de référencer les oppositions, nuances et distinctions entre eux… d’autant que chaque texte soulèvera un débat plus ou moins ardu sur la possibilité d’être harmonisé avec l’autre.