Augustin sur l'Eucharistie – Philip Schaff
27 janvier 2018

Ce qui suit est l’analyse de la pensée d’Augustin par Philip Schaff, le célèbre spécialiste des pères et historien de l’Église.


« Il est remarquable qu’Augustin, à d’autres égards très catholique dans sa doctrine de l’église et du baptême et concernant les éléments cardinaux de l’orthodoxie latine, suive ici les théologiens africains, Tertullien et Cyprien, dans une théorie symbolique de la Cène qui inclut cependant une participation spirituelle et réelle au(x corps et sang) Seigneur par la foi. En ce sens, il se positionne au plus près de la doctrine calviniste ou orthodoxe réformée, tandis qu’en certains points mineurs il s’en écarte (…). Il a été le premier à faire une distinction claire entre le signe extérieur et la grâce intérieure, qui sont tous deux également essentiels à la conception du sacrement.

Il maintient le caractère figuratif des mots d’institution et du discours de Jésus sur le manger et le boire de sa chair et son sang au chapitre six de Jean ; avec Tertullien, il appelle le pain et le vin « figurae or signa corporis et sanguinis Christi » (mais certainement pas de simples figures), et insiste sur la distinction entre « celle qui est reçue de manière visible dans le sacrement, et celle qui est spirituellement mangée et bue », entre le charnel, avec la manducation du sacrement, et le spirituel de manger la chair du Christ de boire son sang. Il réserve ce dernier aux élus et aux croyants, cependant, contrairement au subjectivisme des Donatistes, il affirme que le sacrement (dans son importation objective) est le corps de Christ même pour les receveurs imméritants.

Il est dit de Judas qu’il n’a simplement mangé que le pain du Seigneur tandis que les autres apôtres « ont mangé le Seigneur qui était le pain ». D’autre part, le sacramentum « est donné à certains pour la vie, à d’autres pour leur destruction » ; mais le res sacramenti, c’est-à-dire « l’objet-même derrière la représentation du sacrement est donné à n’importe quelle personne ayant part à lui, pour la vie ». « Celui qui ne demeure pas en Christ, ne mange certainement pas sa chair ni ne boit son sang, mais il mange et boit le sacramentum (c’est-à-dire le signe extérieur) d’une chose si grande pour sa condamnation ».

Augustin met dans tous les cas une importante emphase sur la participation spirituelle. « Pourquoi prépare-tu tes dents et ton ventre ? Crois, et tu as mangé ». Il revendique le respect pour le sacrement religieux mais non pas que celui-ci doive produire une crainte superstitieuse comme s’il s’agissait d’un miracle avec des pouvoirs magiques.

Il rejette également de manière catégorique l’hypothèse de l’ubiquité du corps de Christ qui a déjà été utilisée pour soutenir l’opinion matérialiste et qui depuis s’est développée chez les luthériens qui soutiennent la théorie de la consubstantiation. « Le corps avec lequel Christ est ressuscité, a-t-il dit, il l’a pris au ciel qui doit être quelque part (en un lieu précis)… Nous devons prendre garde à une telle conception de sa divinité qui détruit la réalité de sa chaire. Car lorsque la chaire du Seigneur était sur Terre, elle n’était certainement pas au ciel ; et maintenant qu’elle est au ciel, elle n’est plus sur Terre ». « Je crois que le corps du Seigneur est au ciel, comme il l’était sur Terre quand il a entièrement effacé la culpabilité de l’homme et l’a réconcilié avec la justice de Dieu.  Sur la base de ce sacrifice du Prêtre Eternel, les croyants ont accès au trône de la grâce, et peuvent s’attendre à ce que leurs prières et intercessions soient entendues. Avec ce sacrifice parfait et éternellement accessible, l’Eucharistie se place en connexion indissoluble. C’est en effet originellement un sacrement, et l’élément essentiel à son sujet, c’est que nous le recevons de la part de Dieu, non que nous le donnons à Dieu. Cette-dernière affirmation n’est simplement qu’une conséquence de la première ; car nous ne pouvons rien donner à Dieu que nous n’ayons premièrement de sa part. Mais l’Eucharistie est le sacramentum d’un sacrificium, la célébration reconnaissante de la mort sacrificielle de Christ à la croix, et la participation avec foi ou l’appropriation renouvelée des fruits de ce sacrifice. En d’autres termes, il s’agit de célébrer un sacrifice. ‘’Aussi souvent que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne’’ » .

(Philip Schaff, The Patristic Doctrine of the Eucharist, Biblical Repertory and Princetone Review Vol. 38, Number 1, January 1866, 55-57)

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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