Les premières églises étaient dirigées par des anciens.
9 avril 2018

Traduction d’un article du Calvinist International de Steven Wedgeworth.


Au sujet de la politique ecclésiastique, les protestants ont toujours soutenu que le presbytérat (église dirigée par des anciens réunis en synodes) était la forme primitive du gouvernement de l’église et que la mono-épiscopat était un développement pratique ultérieur dans l’église primitive. Les réformateurs du XVIe siècle soutenaient que l’Église chrétienne était à l’origine gouvernée par une pluralité d’anciens organisés en synodes, et cet argument fut maintenu avec beaucoup de soin par les historiens et les théologiens du XIXe siècle, y compris des noms comme Rudolph Sohm et B. B. Warfield. On peut trouver une démonstration plus contemporaine de ce même argument dans Roger Beckwith, Elders in Every City.

Michael Kruger a présenté une argumentation dans ce sens l’an dernier (que nous avions aussi traduit), et elle contient de véritables joyaux. Notez surtout l’extrait de Jérôme:

Le presbytre est le même que l’évêque, et avant que les partis aient été élevés dans la religion par les provocations de Satan, les églises étaient gouvernées par le Sénat des presbytres. Mais comme chacun cherchait à s’approprier à lui-même ceux qu’il avait baptisés, au lieu de les conduire au Christ, il a été nommé que l’un des presbytres, élu par ses collègues, soit placé au-dessus de tous les autres, et qu’il ait le contrôle suprême du bien-être général de la communauté. . . Sans aucun doute, il est du devoir des presbytres de garder à l’esprit que, par la discipline de l’Église, ils sont subordonnés à celui qui leur a été donné comme chef, mais il convient que les évêques, de leur côté, n’oublient pas que s’ils sont placés au-dessus des presbytres, c’est le résultat de la tradition, et non par le fait d’une institution particulière du Seigneur. (Commentaire sur Tite 1.7)

Il serait très utile de voir quelle forme ces “provocations de Satan” ont prise pour provoquer cette transition. Peter Heather, dans La chute de l’empire romain, soutient qu’une grande transition s’est opérée dans la politique de l’église au fur et à mesure que l’empire s’est christianisé:

Dès les années 310, dans l’année qui suivit la déclaration de sa nouvelle allégeance chrétienne, les évêques d’Afrique du Nord firent appel à Constantin pour régler un différend qui faisait rage entre eux. Ceci a établi un modèle pour le reste du siècle : les empereurs étaient maintenant intimement impliqués à la fois dans le règlement des différends de l’Église et dans les affaires beaucoup plus banales de l’administration de la nouvelle religion. Pour régler les différends, les empereurs ont convoqué des conciles, donnant aux évêques le droit d’utiliser un système de voyage privilégié, le cursus publicus, afin d’ y assister. Plus impressionnant encore, les empereurs ont aidé à établir les ordres du jour à discuter, leurs fonctionnaires ont orchestré les débats et l’appareil étatique a été utilisé pour faire appliquer les décisions prises. Plus généralement, ils ont établit une loi religieuse pour l’Église – le livre 16 du Code Théodosien s’occupe entièrement de ces questions – et ont influencé les nominations à des postes ecclésiastiques de haut niveau.

La hiérarchie de l’Église chrétienne en est également venue à refléter les structures administratives et sociales de l’Empire. Les diocèses épiscopaux reflétaient les limites des territoires urbains (certains les conservent même jusqu’ à nos jours, longtemps après qu’ils aient perdu tout sens politique). Plus tard, les évêques des capitales provinciales furent transformés en archevêques métropolitains, jouissant de pouvoirs d’intervention dans les nouveaux points de vue subordonnés. Sous les successeurs chrétiens de Constantinople, l’évêque auparavant obscur de Constantinople fut élevé au rang de patriarche au même titre que l’évêque de Rome- parce que Constantinople était la “nouvelle Rome”. Très vite aussi, les communautés chrétiennes locales ont perdu le pouvoir d’élire leurs propres évêques. A partir des années 370, les évêques sont de plus en plus souvent issus des classes de propriétaires terriens et contrôlent les successions épiscopales par des discussions entre eux. Avec l’Église, une partie des évêques de l’État s’était même vu confier des rôles administratifs au sein de l’Église, comme par exemple diriger des cours de petites créances – pour devenir évêque chrétien, il ne fallait pas abandonner la vie publique mais simplement suivre une nouvelle voie. Si la christianisation de la société romaine est un sujet très important, une question tout aussi importante et un peu moins étudiée est la romanisation du christianisme. L’adoption de la nouvelle religion n’était pas une voie à sens unique, mais un processus d’adaptation mutuelle qui renforçait les revendications idéologiques de l’empereur et de l’État. (125-126)

Dans le cadre de cette transition, les limites du diocèse ecclésiastique ont été remodelées pour correspondre aux différents quartiers de la ville. Les évêques ont vu leur juridiction évoluer de plus en plus d’églises locales vers des zones métropolitaines et, plus tard, vers des régions géographiques entières. Ce développement est exploré dans la traduction de Walter Lowrie de Rudolph Sohm, dont j’ai posté une partie ailleurs (note : sur le site privé de Steven Wedgewort).

Cette évolution n’a nécessité aucune controverse ni prise de contrôle hostile. Il semble qu’il s’agisse d’une transition plutôt naturelle, et bien qu’il y ait certainement eu des partis dissidents, la majorité de l’Église a considéré cette transition comme très bonne. Pourtant, le point à retenir et qu’il s’agit d’une transition historique et humaine.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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