Pédobaptême : Faut-il aussi donner la Cène aux enfants ?
9 janvier 2019

C’est une question pertinente et même actuelle puisque certains pasteurs ont commencé à pratiquer la « pédocommunion » et à le revendiquer.

Il y a plusieurs différences entre la Cène et le Baptême. Le Baptême est un rite d’initiation qui ne doit être administré qu’une seule fois. La Cène est un repas de communion qui doit être pris régulièrement. Le Baptême est explicitement mis en parallèle avec la circoncision (Col 2 :11-12), tandis que la Cène est mise en parallèle non pas avec la Pâque uniquement mais avec tous les sacrifices de l’Ancien Testament et même les moyens par lesquels Dieu nourrissait (spirituellement !) son peuple (1 Cor 10 :1-5// 11 :17-34). La Cène, de par la manière dont elle se pratique (manger quelque chose de solide et boire du vin) indique une certaine maturité qui n’est pas présente dans le rite baptismal. Là où le Baptême est principalement décrit en termes passifs (être baptisé), la Cène l’est en des termes qui désigne une implication active (manger, boire, se souvenir, discerner, s’examiner). Finalement, il semble que les enfants ne prenaient pas la Pâque avant leur Bar-Mitsvah[1] ; en effet, la Pâque était conçue pour que les enfants d’un âge suffisant puissent demander à leur parent le sens de ce qui était pratiqué (Exode 12 :26) : « l’agneau pascal […] était mangé par les enfants qui pouvaient demander quelle en était la signification[2] ».

Pour ces raisons, les réformés ne donnent la Cène qu’à des enfants qui peuvent aussi discerner le corps, faire ceci en mémoire de Christ, manger du solide, boire du vin, s’examiner. Donc pas à des tout-petits. Certaines églises réformées placent de façon illégitime des limites d’âge, souvent élevées (19 ans), à ce sujet[3]. Je pense toutefois que déjà assez jeune, un enfant peut être capable de comprendre les grandes lignes de ce que signifie la Cène. Calvin donne l’exemple d’un enfant de dix ans[4].

Ainsi, tous les baptisés ont le droit à la Cène, mais il faut d’abord les instruire sur son sens pour qu’ils la prennent dignement. Mieux, je suggère que la Cène devrait servir d’occasion pour instruire les enfants, comme l’était la Pâque.

[1]Not Reformed and Not Safe : A Summary Critique of Paedocommunion, William M. Schweitzer

[2]Jean Calvin, Institution, Livre VI, XVI, 30.

[3]Cf. A plea for experiential religion rather than formalism, dans Not Reformed and Not Safe : A Summary Critique of Paedocommunion, William M. Schweitzer

[4]Jean Calvin, Institution, IV, XIX, 13.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

4 Commentaires

  1. Nathan

    Il y a une église dont je tairai le nom qui admet les enfants à la Cène mais ne les baptise pas pour autant. J’ai beaucoup de mal à comprendre cette logique. Si l’enfant discerne le corps de Christ au point d’avoir part à la Cène, qu’est-ce qui empêche qu’il soit baptisé ?

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    • Maxime N. Georgel

      Oui, et je ne pense pas que sont admissibles à la Cène les non-baptisés.

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  2. Calvot Timothée

    Je me pose deux questions suite à cette lecture :
    (1) L’argument précisant que les enfants juifs ne participaient pas à la Pâque avant d’avoir fait leur Bar-Mitzvah me semble plus relever de la tradition que de la révélation. Effectivement on trouve dans Deutéronome que l’enfant questionne ses parents mais il ne me semble pas que cela sous-entende qu’il n’y participe pas. J’aurai, au contraire tendance à dire que, participant à la Pâque, il s’interroge sur le sens de ce qu’il vit avec ses parents. D’autant plus que l’institution de la Pâque elle même le présentait comme un repas de famille ou toutes les maisonnées mangeaient le même agneau.
    (2) En admettant que l’enfant doive signifier son désir ou sa curiosité vis-à-vis de la cène de lui-même, ne faudrait-il pas alors veiller à ce qu’il soit présent lorsque l’assemblée participe à la cène ? Ce qui pose une réflexion du culte où la cène est un moment vécu avec tous les appelés (baptisés) et habité par une pédagogie qui sous-entend que nous les “attendons” auprès de nous pour vivre se sacrement ?

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    • Maxime N. Georgel

      1) Ce point sur la Bar-Mitvah n’est pas un argument en soi mais une réponse à un argument. Certains disent que les enfants participaient à la Pâque, je réponds que c’est peu probable car ce n’est pas ainsi que la tradition juive l’a compris (ni la tradition chrétienne, d’où la citation de Calvin). Donc c’est un argument d’autorité tiré de l’histoire de l’interprétation.

      2) Oui, il faut que les enfants puissent voir la Cène. Mais il ne s’agit pas d’attendre à ce qu’il demande d’y assister. Le catéchisme a pour but de leur enseigner aussi ce qu’est la Cène pour la leur donner dès qu’ils ont saisi ce que cela signifie. Cela peut venir très tôt. Encore une fois, c’est aux anciens avec les parents d’être pro-actifs, on ne laisse pas cela à la discrétion de l’enfant dans l’espoir qu’il soit assez curieux pour demander. La Cène est un moment vécu avec tous les baptisé, privilégié pour enseigner ceux qui ne discernent pas encore le corps pour qu’ils puissent le faire le plus tôt possible et participer ainsi à la Cène.

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