Article publié en anglais sur Reformation21 sous le titre « Truly Reformed and Reformed Catholics« .
Une classe d’hommes d’Eglise émerge dans les cercles réformés qui suscite mon excitation. Ils sont appelés catholiques réformés (ou iréniques réformés), le terme préféré de beaucoup de grands scolastiques protestants qui ne se souciaient pas beaucoup du terme « calviniste ». Les catholiques réformés diffèrent des soi-disant progressistes dans la mesure où ils accordent de l’importance à leur identité confessionnelle plutôt que de s’y intéresser de pure forme. Ils diffèrent aussi un peu d’un autre groupe de confessionnalistes convaincus.
Depuis de nombreuses années, ceux qui ont pris la Confession de foi de Westminster au sérieux – peut-être un peu trop au sérieux pour certains – sont parfois désignés par le péjoratif, « TR » (Truly Reformed, c’est-à-dire vraiment réformés). J’ai souvent entendu la boutade : « C’est un TR ! ».
Or, si j’ai bien compris le terme, ceux qui sont vraiment réformés sont le « genre le plus chaud » de presbytériens. Il y a aussi des baptistes réformés qui sont comme ça. Je connais certains de ces gars, et je ne m’excuserai pas de dire que certains des hommes les plus pieux que je connaisse sont vraiment réformés (ou seraient désignés comme tels). Je compte beaucoup d’entre eux parmi mes amis, et je les admire.
Au sein de ce groupe, je crains parfois que leur zèle pour la fidélité confessionnelle – un zèle noble en soi – puisse parfois refléter une lecture trop restreinte de la diversité de la tradition réformée et de notre histoire confessionnelle réformée. Ils peuvent lire nos confessions d’une manière quelque peu a-historique. Ils ont donc tendance à tracer les lignes de l’orthodoxie de façon assez étroite, excluant certains points de vue de la tradition réformée qui ont un certain nombre de précédents historiques. Il faut bien l’admettre : notre tradition est très diversifiée. Enormément diversifiée. Et cette diversité est présente dans la manière dont nos Confessions ont été formées, si on les lit attentivement (par exemple, la nature de la récompense promise à Adam est ambiguë).
Prenons encore, pour exemple, la position de l’universalisme hypothétique sur l’expiation. Je ne suis pas moi-même un hypothétique universaliste. Mais je sais aussi que jusqu’à un quart de la tradition réformée, y compris les premiers réformateurs, étaient des universalistes hypothétiques (Note du traducteur : nous avons défendu l’universalisme hypothétique réformé ICI). En effet, si un hypothétique universaliste venait au Presbytère de l’Ouest du Canada pour être examiné – appelons-le Edmund – je ne considérerais pas sa position comme dérogeant aux fondements de la Confession. Les meilleures versions de l’universalisme hypothétique – qui diffèrent des vues d’Amyraut ou de Cameron – sont pratiquement impossibles à distinguer de certaines versions (oui, versions !) de la rédemption particulière. John Owen était en fait le théologien novateur quand il a écrit La vie par sa mort. En fait, Owen était un théologien novateur pour son époque, rarement effrayé de dire les choses différemment ou d’une nouvelle manière.
Cet exemple ci-dessus sur l’étendue de l’expiation fournit une passerelle vers le sujet décrit au début de ce post. Je sens qu’il y a peut-être de plus en plus de jeunes ecclésiastiques qui ont reçu une formation en histoire et en théologie particulièrement bonne à l’étranger et aussi ici en Amérique du Nord. Ils comprennent les sentiments qui se cachent derrière Regensberg. Ils ont dû composer avec la diversité de la tradition réformée au début de la période moderne. Ils ont lu beaucoup de sources primaires et n’ont donc pas été dupés par certaines des publications populaires réformées qui font beaucoup d’affirmations sans beaucoup de preuves. Ils ont vu qu’il existe un précédent pour une catholicité réformée saine. Et donc, ces gars sont prêts à laisser un peu plus de marge de manœuvre aux positions avec lesquelles ils ne sont pas d’accord. Oui, l’Evangile doit être défendu, mais l’Evangile n’est pas nécessairement attaqué quand quelqu’un nie qu’Adam pouvait mériter la vie céleste ou affirme qu’il y avait des éléments gracieux (soigneusement compris, bien sûr) dans « l’Administration adamique ».
Le problème avec beaucoup de théologie polémique faite par ceux que l’on pourrait qualifier de vraiment réformés, c’est leur penchant pour la condamnation facile et rapide. On peut prendre l’habitude de lire le pire dans les écrits de quelqu’un et de le traiter de moraliste. Cela a une double conséquence. D’abord, traiter quelqu’un de moraliste, c’est dire qu’il va aller en enfer. C’est la plus grave de toutes les hérésies, et non une accusation à prendre à la légère. Un moraliste croit que nous sommes justifiés par Christ et quelque chose d’autre (par exemple, la circoncision). Deuxièmement, que faisons-nous du reste de la chrétienté (p. ex., les Arminiens) qui ont une compréhension différente de la justification par la foi que les réformés. Sont-ils aussi des moralistes consignés dans les ténèbres extérieures ?
La plupart de ceux qui vivent dans la chrétienté n’ont jamais entendu parler de l’imputation de l’obéissance active du Christ, encore moins l’ont compris. Certains en Amérique du Nord agissent comme si votre âme était en danger si vous n’affirmez pas cette doctrine particulière. Néanmoins, je trouve un certain réconfort dans les paroles de John Owen : « Les hommes peuvent être vraiment sauvés par cette grâce qu’ils nient doctrinalement ; et ils peuvent être justifiés par l’imputation de la justice qu’ils nient leur être imputée. » Considérant qu’Owen a écrit l’une des meilleures défenses de la doctrine de la justification, ces mots doivent être pris au sérieux. Nous devons nous rappeler que la justification n’est pas « par la précision seule ».
Voici l’ironie du sort : être vraiment réformé, à mon avis, c’est être un catholique réformé. Etre vraiment réformé signifie que vous pouvez librement citer des hommes qui sont papistes ou arminiens. Nos ancêtres réformés n’avaient pas à s’inquiéter de la panique des gens lorsqu’ils ont cité Arminius en l’approuvant. Aujourd’hui, le catholique réformé peut citer N.T. Wright avec approbation, mais il doit être prêt à en payer le prix (personnellement, je ne suis pas un grand fan de Wright, mais l’exemple est toujours utile). C’est Thomas Goodwin, un théologien de Westminster, qui a qualifié Estius de « papiste ingénieux » et de « savant expositeur ». Tant de théologie en ligne aujourd’hui reflète un esprit de parti : si mon ami dit certaines choses, c’est bien, mais si quelqu’un que je n’aime pas dit les mêmes choses, il crée la confusion et nous devons envoyer des courriels pour avertir les gens de leur hétérodoxie.
Charles Hodge a passé beaucoup de temps avec Schleiermacher. Considérez cela comme une catholicité plutôt surprenante de la part de Hodge :
Lorsqu’il était à Berlin, l’écrivain fréquentait souvent l’église de Schleiermacher. Les hymnes à chanter étaient imprimés sur des bouts de papier et distribués à la porte. Ils ont toujours été évangéliques et spirituels à un degré éminent, remplis de louange et de gratitude envers le Rédempteur. Tholuck disait que Schleiermacher, assis le soir avec sa famille, disait souvent » Chut, les enfants, chantons un hymne de louange au Christ « . Peut-on douter qu’il chante ces louanges maintenant ? Pour celui qui croit que le Christ est Dieu, saint Jean nous assure que le Christ est aussi son Sauveur.
(II.440 note de bas de page).
Peut-être que passer du temps avec Schleiermacher était la différence. Nous avons tendance à être plus indulgents envers les gens avec qui nous avons passé du temps.
Les lecteurs qui ont prêté attention à Reformation21 remarqueront aussi que certains quartiers du blog ont essayé de cultiver un esprit catholique réformé, même si cela ne nous dérange pas de nous disputer sur le plan théologique. Il ne fait aucun doute que nous avons bouleversé certaines personnes qui s’inquiètent du contenu du site (p. ex., des articles sur Halloween), mais nous avons aussi obtenu un large lectorat de personnes qui aiment profondément Reformation21. (Je visiterais le site simplement pour lire les articles d’Aaron Denlinger).
Les catholiques réformés accueillent les baptistes dans l’église, les embrassent à la table ; les catholiques réformés ne deviennent pas fous quand quelqu’un choisit de rester agnostique sur la durée des trois premiers jours de la création.
Quand nous considérons le monde chrétien, et à quel point il est vaste, cela n’a pas beaucoup de sens pour nous, dans la tradition confessionnelle réformée, d’être trop étroit. Après tout, nous sommes une toute petite minorité. Nous devrions, dans la mesure du possible et sans compromettre notre héritage confessionnel, embrasser ou respecter les autres traditions, points de vue et valeurs chrétiens. C’est en fait une confiance ferme dans notre héritage confessionnel réformé qui nous permet de le faire.
Je ne peux parler que pour moi-même à ce sujet, mais visiter l’Afrique du Sud, la Chine, le Brésil et d’autres parties du monde moins connues (p. ex. la Hollande) a été bon pour moi. J’ai passé beaucoup de temps avec des chrétiens et chrétiennes pieux qui n’ont pas une théologie aussi précise que les confessionnalistes réformés ici en Amérique du Nord. Mais quand vous voyez leur amour pour le Seigneur, leur désir d’exalter le Christ, et leur joie que leurs péchés leur soient pardonnés et que Dieu leur ait donné son Esprit Saint, vous avez tendance à avoir une perspective différente de ceux qui passent peut-être un peu trop de temps dans un lieu avec ceux qui sont en accord avec eux sur presque tout. Les chambres d’écho peuvent être des endroits dangereux. J’aimerais que certains des séminaristes « plus chauds » visitent les chrétiens dans d’autres pays ; cela peut être plus précieux pour leur développement théologique et pastoral que la plupart des cours de théologie pastorale qu’ils suivent.
J’ai des étudiants en Afrique qui ont eu affaire à un pasteur en visite dans leur église qui prétend que Job était un adorateur de Satan. Une lutte a littéralement éclaté, et dans ce cas, je pense qu’ils ont eu raison de ne pas embrasser la diversité !
En fin de compte, je pense que nous devons prendre plus au sérieux ces paroles de John Owen : « Et c’est sans aucun doute une bonne œuvre que d’éliminer toutes les occasions inutiles de débats et de divergences religieuses, pourvu que nous ne nous éloignions pas de ses éléments centraux. » C’est quelque chose que je veux prendre plus au sérieux dans ma propre approche ; mais j’espère que d’autres réfléchiront aussi soigneusement à la façon dont ils semblent vouloir créer des problèmes là où il n’y en a pas besoin. À cette fin, je suis reconnaissant pour la catholicité réformée croissante au sein d’une nouvelle génération d’hommes d’Église qui prend la théologie confessionnelle au sérieux.
Cela signifie-t-il que nous faisons des compromis ? Absolument pas ; à moins, bien sûr, que nous soyons prêts à dire qu’Owen et Hodge étaient des compromettants….
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