C’est une question qui nous est souvent posée, qui ressemble à cela : « Vous défendez le baptême des enfants. Or, j’ai été baptisé bébé chez les catholiques romains, sauf que je n’ai pas du tout été éduqué dans la foi. Ce n’est qu’une fois adulte que j’ai découvert Jésus et l’Évangile, comme un étranger. Dans ces conditions, dois-je être baptisé encore une fois ou non ? »
En gros, nous faisons la distinction entre baptême invalide et baptême irrégulier.
- Un baptême invalide est un baptême qui porte une erreur telle que l’acte même est nul et non avenu. Un baptême qui n’est pas fait au nom de la Trinité par exemple (avec une tolérance pour le « au nom de Jésus », tant que l’on comprend bien la Trinité par cette formule).
- Un baptême irrégulier est un baptême qui porte une corruption, mais qui n’est pas de nature à remettre en cause la validité du baptême. Par exemple : être baptisé par un pasteur corrompu (voire Satan lui-même disait Calvin) ne remet pas en cause la validité de votre baptême.
Être baptisé chez les romains est irrégulier, tout comme un baptême d’enfant qui n’est pas suivi d’une éducation chrétienne sérieuse. En revanche, il n’est pas invalide, parce que même s’il a été fait sous l’égide de l’Antichrist qui siège à Rome, il est tout de même fait au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et c’est Dieu seul qui est le garant de sa propre promesse, pas l’Eglise. Vous n’avez donc pas de bonnes raisons de vous rebaptiser. Voici pour la version courte.
Cela dit, la question n’est vraiment pas nouvelle du tout : Guillaume Farel et John Knox l’ont posée avant nous. Je viens de la découvrir dans le livre de Richard Hooker, qui date de 1600 ! Il y a donc plus de quatre cents ans que nous avons des angoisses sur la validité du baptême romain. Voici donc ce que dit Richard Hooker, évêque de l’église d’Angleterre, dans son livre Laws of Ecclesiastical Polity, livre III, chapitre 1, §12 :
A ce sujet, la réponse de Calvin à Farel au sujet des enfants de parents papistes ne paraît pas folle : « Alors, dit-il, je demande votre avis sur ce sujet sur lequel vous avez un doute entre vous : est-ce qu’un ministre de notre ordre, professant la pure doctrine de l’évangile peut admettre légitimement un enfant dont le père est un étranger à nos Églises, et dont la mère a déchu de notre Église vers la Papauté, si bien que les deux parents sont papistes. Nous avons bien réfléchi avant de vous donner cette réponse : il serait absurde de baptiser ceux qui sont estimés faire partie du corps de Christ. Et vu que les enfants de papistes sont tels, nous ne voyons pas pourquoi il serait légitime de les baptiser. »
La réponse du collège ecclésial de Genève à John Knox est aussi bien plus solide, lorsque Knox leur avait fait savoir qu’il ne trouvait pas légitime de baptiser les bâtards ou les enfants d’idolâtres (c’est-à-dire les papistes), ou les personnes excommuniées, jusqu’à ce que soit les parents se soumettent à l’Église par la repentance, soit que l’enfant soit assez avancé en âge pour demander son propre baptême : « Certains trouvent, disait Knox, que je suis trop sévère, non seulement parmi les papistes, mais aussi parmi ceux qui se considèrent gardiens de la vérité ». Le conseil de Genève a examiné la conduite de Knox et a déclaré : « Là où la profession du christianisme n’a pas totalement disparue, les enfants sont privés de leurs droits, si le sceau commun leur est refusé. » Cette conclusion est solide par elle-même, même s’il semble que la fondation qu’ils ont choisie est faible. Car la raison par laquelle ils arrivaient à cette conclusion est la suivante : « La promesse que Dieu a faite aux fidèles au sujet de leur descendance est qu’il sera fidèle jusqu’à la millième génération. Elle n’est pas seulement pour la première génération. Ainsi donc les enfants qui ont eu des ancêtres saints et selon Dieu, appartiennent au corps de l’Église, bien que leurs pères et grands-pères aient été apostats : parce que la force de la grâce de Dieu qui a adopté leurs ancêtres il y a trois cent ans ou plus ne peut pas être subjuguée par l’impiété des parents qui est survenue depuis. » Si on suit leur logique le monde entier devrait être baptisé, vu que nul homme n’est éloigné d’Adam depuis plus de mille générations. Nous n’embrassons que leur conclusion : « Aussi longtemps que les hommes demeurent dans l’Église visible, jusqu’à ce qu’ils renoncent entièrement à la profession du christianisme, nous ne pouvons pas enlever à leurs enfants le droit en leur retirant le signe public du saint baptême, s’ils sont nés là où la reconnaissance extérieure du christianisme n’est pas proprement partie et éteinte. »
Richard Hooker, Laws of Ecclesiastical Polity, 3.1.12
Illustration: Jacques Callot, Baptême du fils de Marguerite d’Autriche, 1612.
0 commentaires