La raison est pour Dieu – résumé (5/12) : Si Dieu est amour, comment peut-il envoyer des gens en enfer ?
30 mars 2021

Cette série d’articles propose un résumé des arguments donnés par Timothy Keller en faveur du christianisme et contre les objections courantes contre la foi chrétienne dans son livre La raison est pour Dieu. C’est un très bon livre, assez généraliste dans ses réponses, dans le sens où il n’entre pas dans les détails philosophiquement et ne se base pas sur une tradition philosophique particulière (thomiste par exemple). Mais il reste très bon comme première lecture d’apologétique et ouvrage de référence accessible à tous (croyants et non-croyants). Keller sait attirer l’attention du lecteur, présenter des arguments, tout en restant toujours humble et sympathique. Il est agréable à lire et très bien traduit.

Le but de cet article est de résumer et regrouper les arguments de Keller, mais aussi de les rendre plus compréhensibles. C’est pour ça que je les complèterai ou les expliquerai parfois un peu plus en détails. De plus, il s’agit de rendre accessible gratuitement ce que présente Keller, mais aussi de vous donner envie de le lire quand vous en aurez les moyens.


I. Un Dieu de jugement ne peut tout simplement pas exister

Il faut d’abord être conscient que cette objection est le résultat d’un présupposé faux ancré très profondément dans notre société. Keller l’explique très bien :

L’esprit de la modernité nous a ensuite donné la responsabilité de déterminer ce qui était bien et ce qui était mal. Notre confiance nouvelle dans notre capacité à maîtriser l’environnement physique a débordé de sorte que nous pensons maintenant pouvoir remodeler également le monde métaphysique. C’est pourquoi il nous semble injuste d’avoir décidé que les relations sexuelles hors mariage sont tout à fait acceptables pour découvrir ensuite qu’il y a un Dieu qui va nous punir pour cette conduite. Nous croyons si fermement que nous avons des droits personnels dans ce domaine que l’idée même d’un jour où Dieu jugera nous paraît impossible. Cependant, comme le montre Lewis, cette croyance est liée à une quête du contrôle et du pouvoir qui a eu de terribles conséquences dans l’histoire récente du monde. A l’heure actuelle, cette vision moderne des choses n’est pas acceptée par l’ensemble de la race humaine. Alors, pourquoi devrions-nous agir comme si elle était inéluctable ?

La raison est pour Dieu, p. 97

D’autre part, si l’enfer et la justice de Dieu nous choquent, nous les Occidentaux, ces notions ne choquent pas du tout les Orientaux (bouddhistes, hindouistes) ou les Africains (animistes) chez qui la notion de rétribution (« recevoir ce qu’on mérite ») est omniprésente. Au contraire, ce qui les choque, c’est un Dieu qui pardonne, c’est devoir « tendre l’autre joue » quand on nous maltraite, comme nous le demande Jésus (Matthieu 5,38-42). Pour eux, il est impensable « de se laisser faire ».

Par conséquent, notre présupposé occidental que Dieu ne peut pas exercer sa justice est douteux. Cela nous fait réfléchir sur ce qui devrait réellement être choquant. Est-ce nous, les Occidentaux, qui nous trompons ? Ou est-ce les Orientaux ? Ou les deux (voir le paragraphe suivant) ?

Même si l’on imagine que le christianisme choque toutes les cultures sans exception, une explication possible est de dire qu’elles se trompent toutes, qu’elles reposent toutes sur des présupposés erronés. Pourquoi ? Parce que toutes les cultures sont affectées par le péché (le mal) et la rébellion contre Dieu. Il est alors normal que tous soient réfractaires à ce que Dieu veut leur dire.

II. Un Dieu de jugement ne peut pas être un Dieu d’amour

Très souvent, l’idée d’un Dieu d’amour est beaucoup mieux acceptée qu’un Dieu qui punit. Mais si Dieu est amour, il aime quelque chose. Qu’aime t-il ? Il aime sa création, le bien et la justice. Ce qui implique forcément qu’il déteste le mal, l’injustice et tout ce qui « abîme » sa création. C’est en fait l’amour de Dieu pour sa création et son dégoût pour le mal qui le pousse à punir le mal.

« L’Éternel est juste dans tous ses desseins, il est plein d’amour dans tout ce qu’il fait. … L’Éternel garde tous ceux qui l’aiment, mais il détruira tous les méchants. » (Psaume 145.17-20)

Par la suite, il est utile de se rendre compte que la justice de Dieu est le meilleur moyen de réduire la violence des hommes. Les hommes ont naturellement envie de se venger lorsqu’ils subissent des injustices. La justice de Dieu leur promet que même si la justice humaine (les tribunaux) est incapable de condamner les coupables, ces derniers n’échapperont pas au jugement de Dieu. C’est une grande consolation pour les malheureux et les innocents, et une solution pour mettre fin au cycle de la haine. Par conséquent, croire en un Dieu de jugement ne rend pas les gens violents mais plutôt non-violents.

III. L’enfer et la liberté

Cette objection part d’une mauvaise compréhension de ce qu’est l’enfer. Souvent, on a tendance à voir l’enfer comme un lieu où Dieu envoie des gens de manière impitoyable même s’ils lui demandent pardon et implorent sa miséricorde. En réalité, l’enfer, c’est là où choisit d’aller naturellement et volontairement tout homme dans un état de rébellion contre Dieu (c’est-à-dire tous les hommes sans exception). Keller résume très bien l’enfer tel que le décrit la Bible :

Selon la description de la Bible, le péché nous sépare de la présence de Dieu qui est la source de toute joie et en fait de tout amour, de toute sagesse et de tout ce qui est bon. Puisque nous avons été créés à l’origine pour être dans la présence immédiate de Dieu, nous ne nous épanouissons, nous ne prospérons, nous n’atteignons notre plein potentiel que devant sa face. Si nous devions être totalement coupés de sa présence, ce serait l’enfer — la perte de notre capacité à donner et à recevoir de l’amour et de la joie. La Bible utilise souvent l’image d’un feu pour évoquer l’enfer. Le feu désintègre. Nous pouvons voir, même dans cette vie, le genre de désintégration de l’âme que crée l’égocentrisme. Nous savons combien l’égoïsme et le nombrilisme mènent à une intense amertume, une jalousie écœurante, une angoisse paralysante, des pensées paranoïaques ainsi qu’aux dénis et aux distorsions qui les accompagnent.

La raison est pour Dieu, p. 102

Du coup, il est faux de se représenter l’enfer comme un endroit où Dieu force des gens à y aller à l’encontre de leur volonté. Quand Dieu envoie quelqu’un en enfer, il ne fait que lui donner ce qu’il veut : rejeter la présence de Dieu et s’éloigner de lui. Autrement dit, l’enfer n’est rien d’autre que le résultat de l’action libre et volontaire des hommes. Là encore, Keller reprend C. S. Lewis :

En somme, il n’y a que deux types de personnes : ceux qui disent à Dieu « Que ta volonté soit faite », et ceux auxquels finalement Dieu dit « Que ta volonté soit faite ». Tous ceux qui sont en enfer y sont parce qu’ils l’ont choisi. Sans ce choix personnel, il ne pourrait pas y avoir d’enfer. La joie n’échappera à aucune âme qui la désire avec honnêteté et constance.

C. S. Lewis, Le problème de la souffrance, p. 80

IV. Est-ce que les chrétiens sont étroits d’esprit en croyant à l’enfer ?

Keller est très clair, je n’ai qu’à le citer :

Imaginez deux personnes qui se disputent à propos de la nature d’un biscuit. Jack, contrairement à Jill, pense que le gâteau est empoisonné. Il pense que l’idée erronée que Jill se fait de cet aliment va l’envoyer à l’hôpital, voire pire. Jill pense que l’idée erronée que Jack se fait du biscuit va le priver d’un bon dessert. Jack est-il plus borné que Jill pour la simple raison qu’il croit que les conséquences de son erreur seront plus désastreuses ? À mon avis, personne ne soutiendrait une telle opinion. De même, ce n’est pas parce qu’ils affirment que de mauvaises pensées et de mauvais comportements produisent des effets éternels que les chrétiens sont plus bornés que les autres.

La raison est pour Dieu, pp. 106-107

En gros, il n’y a rien d’arrogant à reconnaître que quelque chose est dangereux et à avoir raison. Dire que 1+1=2 ou que les chiens sont des animaux qui aboient, c’est juste décrire la réalité telle qu’elle est vraiment. Si je dis à quelqu’un que sa main va brûler s’il la met dans le feu, je ne suis pas orgueilleux, je le préviens juste d’un danger certain. Et je le fais même par amour, je serais triste de voir sa main brûler alors que cela aurait pu être évité. Les chrétiens font pareil quand ils préviennent leurs proches de l’enfer.

V. Seul le christianisme nous offre un Dieu d’amour

Un Dieu d’amour est une idée complètement étrangère à toute autre religion. Le bouddhisme met l’accent sur l’altruisme mais ne croit pas du tout en l’existence d’un Dieu personnel, or sans une personne il ne peut pas y avoir d’amour. L’islam présente un Dieu aimant, généreux et bon envers nous mais jamais un Dieu qu’on peut considérer comme notre époux, comme quelqu’un qu’on peut connaître personnellement. Et ça c’est, une relation intime d’amour avec notre Créateur, c’est exactement ce qu’offre le christianisme.


Illustration de couverture : Claude Monet, Nymphéas, huile sur toile, 1897-1898 (musée d’art du comté de Los Angeles).

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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4 Commentaires

  1. Aurore

    Très mauvaise argumentation. Keller parle de la justice divine comme si l’enfer était la seule manifestation possible de la justice de Dieu. Quelle vision réductrice. Quant à l’argument comme quoi les personnes vont volontairement (et pourquoi pas joyeusement en chantant pendant qu’on y est?) dans un enfer éternel ne tient pas face à un examen intellectuel de plus de cinq minutes. Mais c’est un argument très pratique, et nécessaire d’ailleurs, pour les chrétiens infernalistes , cela leur permet de ne pas trouver leur dieu horrible. J’ai lu le livre de Keller il y a presque 10 ans et à l’époque je l’avais trouvé convaincant mais si ce sont ses arguments, c’est franchement décevant et je suis ravie d’avoir depuis évolué dans ma réflexion.

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    • gutknecht

      Bonjour,
      que proposez vous comme argumentaire en faveur de votre position?

      merci

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  2. Laurent Dang-Vu

    Salut, du coup pour toi quelles autres manifestations de la justice de Dieu sont possible ? Pour l’argument sur “aller en enfer volontairement”, tu peux des donner des arguments pourquoi tu le rejettes ?

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    • Aurore

      Si dieu est le bien suprême alors ne pas le vouloir est un non sens ou alors la decision d’un être dérangé ou empêché.

      Et pour répondre à ta premiere question, au choix soit une justice divine qui a pour conséquence de susciter la contrition, de purifier et pour finalité la réconciliation, ou alors une peine finit dans le temps. Il y a sûrement bien d’autres manifestation possible de la justice divine mais vouloir faire croire que pour que Dieu soit juste il faut qu’un enfer éternel (j’insiste sur eternel) existe est fallacieux.

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