Apprendre à raisonner (12) : Les catégories d’Aristote
16 février 2022

Cet article est le douzième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Le onzième présentait plusieurs manières de classer les termes. Cet article définit les catégories d’Aristote : les groupes les plus généraux qui regroupent le plus de choses possibles. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic, des pages 54 à 56.


Les universaux

Nous avons vu dans un article précédent que l’on pouvait regrouper plusieurs choses qui se ressemblent (des choses particulières) dans un groupe (les universaux). Par exemple, on peut regrouper les chiwawa, les bouledogues, les pitbulls, les caniches, les saints-bernards dans le groupe des chiens. Nous nous sommes ensuite demandé si ces groupes que nous formons dans nos têtes correspondaient vraiment à la réalité ou s’ils étaient juste arbitraires ou conventionnels1. C’est le problème des universaux. Nous avons conclu que les universaux correspondaient à quelque chose de réel.

Certains groupes sont plus généraux que d’autres

Mais nous pouvons remarquer qu’il existe des universaux plus généraux que d’autres. Par exemple, l’universal berger allemand (le groupe qui ressemble tous les bergers allemands) est moins général que l’universal chien. En effet, le premier ne regroupe que les chiens d’une seule race alors que le deuxième regroupe ceux de toutes les races.

On dit plus précisément que l’extension de « chien » est plus grande que celle de « berger allemand » comme la population du groupe « chien » est plus importante que la population du groupe « berger allemand ». Plus la définition d’un universal (ce qu’on appelle la compréhension) est précise, moins sa population est nombreuse.

Les catégories d’Aristote

On peut alors se demander quels sont les universaux les plus généraux, qui regroupent un maximum de choses : les hommes, les animaux, les plantes, les cailloux, les endroits, les moments, les actions, etc. De manière plus rigoureuse, quelles sont les classes qui ont la plus grande extension (la population le plus nombreuse) ?

C’est exactement ce que s’est demandé Aristote. D’après lui, il y a dix groupes qui sont les plus généraux. Il les a appelés les catégories, et c’est pour cela qu’on les appelle encore aujourd’hui les catégories d’Aristote. Le mot « catégorie » vient du fait que classer les choses dans notre esprit, c’est la même chose que de les mettre dans des catégories (des classes générales). Voici les dix catégories2:

1. La substance (un individu existant ou une entité, et non pas une molécule comme le sel)
2. La quantité
3. La qualité
4. La relation
5. Le lieu
(“là où est le sujet”)
6. Le temps
(le “quand”)
7. La position
(celle des parties dans le lieu)
8. L’avoir
(habitus ou possession)
9. L’action
10. La passion
(le fait de subir une action)

On peut s’intéresser par exemple à la catégorie “substance” :

La catégorie “substance”3

On peut les séparer en deux groupes : la substance et toutes les autres catégories. Si l’on enlève la substance toutes les autres sont des accidents (traités dans le prochain article). La substance, c’est la qualité nécessaire pour qu’une chose soit ce qu’elle est (sa caractéristique la plus importante). Les accidents, les qualités non essentielles à cette chose (ses caractéristiques secondaires, moins importantes).

Par exemple, la substance de l’homme, c’est ce qui fait qu’il est un homme. Les accidents de l’homme sont par exemple “noir”, jaune” ou “blanc” étant donné qu’un homme reste un homme peu importe sa couleur de peau. Ça marche aussi avec “chauve” et “avec des cheveux”, “savoir jouer du piano” ou “savoir jouer de la guitare” (chaque homme peut n’avoir aucun et pourtant rester un homme).

Vous ne trouverez pas de groupes plus généraux que ces dix groupes-là. Tout ce qui existe (à part Dieu) rentre dans une de ces catégories. Chaque catégorie englobe différents types de mots. Pour aller plus loin sur les catégories, lire cet article. Voici un résumé des catégories dans un tableau :

Les dix catégories d’Aristote4

Illustration : Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure de Charles Laplante, publiée dans le livre de Louis Figuier, Vie des savants illustres – Savants de l’antiquité (tome 1), Paris, 1866, pp. 134-135.

  1. C’est-à-dire quelque chose sur laquelle la majorité des hommes se sont mis d’accord pour des raisons pratiques.[]
  2. D’après Bruno Couillaud, Raisonner en vérité, Paris, Perpignan : Desclée de Brouwer, 2014, [1re éd. 2003] pp. 135-144.[]
  3. Nous définirons les notions “espèce” et “genre” dans le prochain article, elles n’ont pas le même sens qu’en biologie.[]
  4. La notion de “nature” en philosophie et en christianisme au cours des siècles ; retour à l’Évangile (ποῦ et πότε, et non πού et ποτέ, pour la quatrième et cinquième catégories).[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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