Apprendre à raisonner (16) : Comment faire des distinctions ?
23 mars 2022

Cet article est le seizième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le quinzième, j’ai présenté l’arbre de Porphyre : un schéma très utile pour comprendre les liens entre les différents genres, espèces et catégories. Dans cet article, j’expliquerai comment faire des distinctions, c’est-à-dire différencier les choses les unes des autres de manière correcte, complète et rigoureuse. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic, des pages 62 à 66.


I. L’importance des distinctions et des plans

Comme je vous l’ai déjà dit, je suis en train d’écrire cette série d’articles entre autres pour vous (je m’inclus aussi !) expliquer comment rendre vos arguments plus clairs et rigoureux, communiquer de manière compréhensible et organisée ce qu’on cherche à dire aux autres, soit à l’écrit, soit lors d’un discours ou d’une discussion.

Pour cela une chose à faire absolument, c’est éviter de tout mélanger : éviter les confusions. Comment ? En faisant des distinctions, c’est-à-dire en séparant les choses les unes des autres et en les organisant de manière précise. En évitant la confusion grâce à des distinctions bien placées, vous aurez un exposé, une présentation claire et organisée.

Qu’est-ce ce qui différencie les élèves qui ont des bonnes notes en philosophie et ceux qui en ont des mauvaises ? Voici la réponse de Kreeft, lui-même professeur de philosophie : les premiers organisent bien leur devoir alors que les seconds ne le font pas ou le font mal.

II. Deux types de distinctions en fonction de leur complexité

Quelles sont justement ces distinctions ? Il y en a deux sortes :

  1. Les distinctions entre les termes.
  2. Les distinctions entre des choses plus complexes que les termes : des propositions, des thèses (ou affirmations), des sujets, etc. On les sépare grâce à un plan. Un peu comme dans un commentaire de texte, dans une dissertation de philosophie ou dans une composition d’histoire-géographie (que vous avez peut-être eu à faire au lycée). Nous verrons les premières distinctions dans cet article et les secondes dans le suivant.

III. Trois types de distinctions que tout le monde mélange

Comme à notre époque plus personne ne nous enseigne à faire des distinctions, la plupart d’entre nous les confond. Nous mélangeons ces trois types de distinctions :

  1. Les distinctions entre les pensées qui sont toujours utiles : La souris est petite et L’éléphant est grand.
  2. Les distinctions justes et raisonnables entre des choses et des gens : la différence entre les médicaments et les poisons, celle entre les étudiants qui valident leur année et ceux qui ne la valident pas.
  3. Les distinctions illégitimes et irraisonnables entre des gens : les discriminations dans le sens idéologique du terme, basées sur le genre (sexisme), l’origine (racisme) ou autre chose.

Dès qu’une distinction objective et naturelle ne plaît pas à la société moderne, celle-ci a tendance à la classer comme une “discrimination” alors qu’elle n’est rien d’autre qu’un fait objectif. Par exemple la distinction des genres (homme et femme), d’où la théorie queer. Comment donc éviter toutes ces erreurs ? En suivant trois règles précises.

IV. Trois règles pour diviser des termes :

A. La distinction doit être exclusive :

Les choses qu’on différencie doivent vraiment être distinctes les unes des autres, ne pas avoir de point commun. Elles ne doivent pas se “chevaucher”.

Par exemple, si l’on affirme que les régimes politiques peuvent être classés en démocraties ou en états totalitaires, on a tort. En effet, “régime démocratique” et “régime totalitaire” ne sont pas exclusivement opposés ni incompatibles. Ils répondent chacun à une question différente : “Qui détient le pouvoir politique ?” concerne le premier régime, “Jusqu’où s’étend ce pouvoir politique ?” concerne le second. C’est pourquoi une démocratie totalitaire est tout à fait possible, par exemple celle présentée dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, un auteur de science-fiction.

B. La distinction doit être exhaustive

Si l’on fusionne ou additionne toutes les parties qu’on a obtenues après la distinction, le résultat doit être égal au tout. En gros, notre distinction doit être complète : elle ne doit pas oublier certains cas.

Par exemple, si je veux énumérer les viandes qui existent, la liste {poulet, boeuf} ne sera pas complète comme j’ai oublié le porc ou l’agneau par exemple. Si je veux établir une liste des religions, ça ne suffira pas de répondre “l’islam, le judaïsme et le christianisme” : il manquera entre autres l’hindouïsme, le néopaganisme, l’animisme, et bien d’autres.

C. La distinction doit se faire uniquement selon un seul critère à la fois

Je pense que c’est assez clair. Dit autrement, on ne peut pas séparer ou classer des choses en prenant plusieurs critères en même temps. Par exemple, on ne peut pas classer les gens simultanément en fonction de leurs origines et de leur quotient intellectuel. C’est selon l’un ou l’autre, mais pas les deux en même temps.

 

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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1 Commentaire

  1. Lisiane Nka+Nka

    Bonjour chers amis, ferez-vous encore une étude comme celle sur l’apostolat que j’ai bien aimé et que je peux partager ?

    Réponse

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