Apprendre à raisonner (61) : Les syllogismes démonstratifs
23 septembre 2023

Cet article est le soixante-et-unième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le soixantième, j’ai présenté l’objection empiriste au syllogisme et proposé une réponse. Dans cet article, j’expliquerai ce que sont les syllogismes démonstratifs et par opposition les non démonstratifs. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic, pp. 230-232.


Il existe différents types de syllogismes en fonction de leur degré de certitude et de la « qualité » de l’information que donne leur conclusion. Nous verrons trois différents cas. 

Syllogismes à conclusion probable (et donc non démonstratif) 

Voici un exemple de syllogisme non démonstratif :  

  1. Voyager plus vite que la lumière est impossible. 
  2. Pour aller d’une galaxie à une autre en une seule vie équivaut à voyager plus vite que la lumière. 
  3. Donc aller d’une galaxie à une autre en une seule vie est impossible. 

Ici, on n’est pas certain de la conclusion, car on n’est pas certain de la première prémisse : elle repose sur le consensus scientifique actuel (l’autorité humaine), mais rien ne nous dit que des nouvelles découvertes démentiront ce résultat actuel. De plus, la deuxième prémisse non plus n’est pas certaine. 

On le verra après, comme un syllogisme démonstratif a une conclusion certaine, ce type de syllogisme (à conclusion probable) ne donc pas en être un. 

Syllogismes à conclusion certaine et non démonstratif  

Ce type de syllogismes regroupe tous ceux qui ont une conclusion certaine mais dont le moyen terme ne nous en donne pas la raison profonde de la vérité de la conclusion. Par exemple : 

  1. Tout ce qui est matériel est capable de refléter des ondes lumineuses. 
  2. La conscience ne peut pas refléter des ondes lumineuses. 
  3. Donc la conscience n’est pas matérielle. 

Ici, bien que ce syllogisme nous prouve que la conscience n’est pas matérielle, nous ne savons toujours pas pourquoi, au fond, elle ne l’est pas. L’incapacité de la conscience de refléter des ondes lumineuses n’est pas la cause réelle de son immatérialité : c’en est plutôt un effet. C’est pourquoi, bien qu’il soit un argument correct (prémisses vraies et argument valide), ce syllogisme n’est pas si convaincant que ça subjectivement.  

De même pour le suivant : 

  1. Hitler était haï par quasiment le monde entier. 
  2. Tous ceux haïs par quasiment le monde entier ne sont pas de grands hommes. 
  3. Donc Hitler n’est pas un grand homme. 

Il est aussi valide et prouve pourquoi Hitler n’était pas un grand homme, mais ne donne pas la raison réelle pour laquelle il ne l’est pas. 

Syllogismes démonstratifs 

Un syllogisme démonstratif (aussi appelée « démonstration parfaite ») l’est lorsqu’il a une conclusion certaine et lorsque son moyen terme donne une cause ou une raison qui explique réellement pourquoi la conclusion est vraie (l’attribution du prédicat au sujet) : il est connu avec certitude. Par exemple : 

  1. Tout ce qui est composé de parties est destructible. 
  2. Tout ce qui est matériel est composé de parties. 
  3. Donc tout ce qui est matériel est destructible. 

Contrairement à l’exemple précédent, ce syllogisme donne la véritable cause de ce qu’il veut démontrer et l’utilise pour prouver sa conclusion : le moyen terme est la cause ou la raison réelle de la vérité de la conclusion. C’est vraiment la composition en parties qui est la cause que les choses matérielles soient destructibles. C’est ce qui rend les syllogismes démonstratifs beaucoup plus convaincants (rhétoriquement parlant) que les syllogismes non démonstratifs. 

Pour reprendre l’exemple d’Hitler, celui-ci est aussi démonstratif : 

  1. Hitler était un tyran. 
  2. Un tyran n’est pas un grand homme. 
  3. Donc Hitler n’était pas un grand homme. 

On apprend contrairement à avant pourquoi Hitler ne peut pas par essence être un grand homme : c’est parce que c’était un tyran et que les deux sont incompatibles. 


Illustration : Charles Laplante, Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure, 1866.

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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