Pleurons aujourd’hui, car demain nous ne pourrons plus pleurer – Apocalypse 21,4
28 juillet 2024

Ce qui suit est un exercice de prédication pour la faculté Jean Calvin, que je recommande.

Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour marquer le départ de N., notre frère en Christ, membre fidèle de notre Église. Il a vécu le Christ aux lèvres, et il est parti le Christ au coeur. Nous avons entendu juste avant les hommages de sa famille, et leurs paroles d’adieu. Je suis ici à présent pour apporter moi aussi, non pas mes propres paroles d’adieu, mais les paroles d’adieu de Jésus Christ, par le Saint-Esprit auteur de la Bible. Nous lisons en Apocalypse, chapitre 21, verset 4 :

 Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.

Apocalypse 21,4

En vérité je vous le dis : Pleurons aujourd’hui, car demain nous ne pourrons plus le faire. Détaillons cela ensemble.

1. Pleurons aujourd’hui…

Je me souviens d’une phase de mon adolescence où je lisais beaucoup d’auteurs nihilistes. Ils disaient tous que la mort était naturelle, et même plus forte que la vie. Ils disaient qu’il n’y avait pas lieu de souffrir, puisqu’après tout la mort est plus fondamentale et plus forte que la vie.

Ces imbéciles pourtant ont pleuré comme les autres au jour de la mort de leur mère, et ils ont souffert le jour de l’enterrement de leur père. Aucune philosophie, aussi morbide soit-elle, n’a pu encore supprimer cette expérience basique de notre vie : quand nous perdons un être cher, notre cœur est déchiré. Quand ce qui est dans l’ordre soi-disant naturel des choses a lieu, nous révoltons. Quand la mort prend son dû, nous la voyons comme un monstre étranger.

Ce sentiment est si insupportable que nous faisons tout pour domestiquer la mort. J’ai mentionné déjà quelque sortilèges de philosophes pour la conjurer. Mais la plupart d’entre nous avons un comportement différent : nous remplissons nos journées, nous nous saturons d’activités, de plaisirs, de distractions. Nous vivons le plus possible dans le présent pour ne pas nous rendre compte qu’un jour nous mourrons, et qu’un jour ceux que nous aimons vont mourir. Mais la mort ne se laisse pas domestiquer. Lorsqu’elle frappe, elle fait toujours mal, elle brise toute illusion, tout espoir, toute distraction levée contre elle. Elle est la limite ultime de la puissance de l’homme, la réfutation permanente de la religion de l’homme. Ainsi que l’a dit l’Ecclésiaste, un auteur biblique :

Car le sort des humains et le sort de la bête ne sont pas différents ; l’un meurt comme l’autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l’humain sur la bête est nulle : tout n’est que futilité. Tout va dans un même lieu ; tout vient de la poussière, et tout retourne à la poussière.

Ecclésiaste 3,19-20.

Alors, puisque nous n’avons pas pu éviter la mort, puisque le deuil s’impose à nous, nous luttons soudainement. Certains sont enragés, d’autres sont comme vaincus et à terre. Certains attaquent la mort avec des flèches de larmes et des cris de deuil. D’autres s’abritent derrière un bouclier de mépris et une cuirasse de mutisme. Le roi David lui-même aura toutes sortes de réactions. Tantôt à la mort de son fils Absalom il criera :

Le roi s’était couvert le visage. Le roi criait à pleine voix : Mon fils Absalom ! Absalom, mon fils, mon fils !

2 Samuel 19,5.

Tantôt à la mort du premier fils qu’il a eu de Batshéba, il dira très stoïquement :

Maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? Puis-je le faire revenir ? C’est moi qui irai le rejoindre ; lui, il ne me reviendra pas.

2 Samuel 12,23.

Ce que je voudrais nous rappeler à tous est la chose suivante :

  1. Il est normal d’être sous le choc de la mort, et qu’elle nous fasse autant de mal. Elle ne fait pas partie de la Création, elle est venue dans le monde le jour où nous avons désobéi à Dieu la première fois. C’est une réalité profondément surnaturelle, étrangère, hostile, mauvaise. La mort ne doit pas être domestiquée ou oubliée. Elle doit être vue pour ce qu’elle est.
  2. Le deuil doit être exprimé, et non réprimé. Je ne vous encourage pas à vous lamenter très publiquement si ce n’est pas votre mode d’expression. Je vous recommande simplement de ne pas avoir honte de votre deuil, et de laisser les larmes couler si elles doivent couler. Le deuil est légitime, c’est la mort qui est illégitime dans ce monde.

2. Car demain…

Je dis que la mort est illégitime, car l’espérance du chrétien, c’est le jour où la mort sera vaincue pour tous. Avant de nous tourner vers le témoignage des Écritures, je vous prie de considérer l’argument suivant. J’ai déjà souligné à quel point nous ne ressentons pas la mort comme naturelle. Un autre exemple, c’est que malgré toutes les injustices présentes en ce monde, je ne connais pas une seule personne qui ait réellement accepté la légitimité de l’injustice, qui dise sincèrement que l’injustice est normale, malgré l’expérience universelle de notre corruption. C’est donc qu’il existe un monde sans mort et sans injustice, sans larmes et sans peine.

L’argument est très sérieux, c’est ce que l’on appelle l’argument du désir de C.S Lewis. Il le formule de la façon suivante :

Si nous trouvons en nous-même un désir que rien dans ce monde ne peut satisfaire, l’explication la plus probable est que je suis fait pour un autre monde.

Bien sûr, je ne parle pas ici de n’importe quel désir superficiel. Si j’ai envie de caresser des licornes, cela ne veut pas dire qu’un monde existe avec des licornes dedans. Nous parlons ici des désirs existentiels, ceux qui sont tissés dans les fibres même de notre être. La justice est un de ces désirs naturels, nous la désirons malgré nous, malgré le monde. L’immortalité aussi est un désir naturel, nous la désirons malgré notre mort, malgré ce monde de mort. C’est donc qu’il existe un monde sans mort ni injustice, et donc sans larme ni douleurs. Un monde encore à venir certes, mais un monde où nos larmes seront essuyées, et où la mort ne sera plus.

C’est précisément une des promesses les plus anciennes, les plus explicites, les plus solides de la parole de Dieu, dont on ne peut pas douter. Depuis la plus profonde antiquité, avant même l’âge du bronze, Job disait :

Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera, le dernier, sur la poussière. après que ma peau aura été détruite ; de ma chair je verrai Dieu.

Job 19,25-26.

Daniel en dit :

Une multitude, qui dort au pays de la poussière, se réveillera — les uns pour la vie éternelle et les autres pour le déshonneur, pour une horreur éternelle. Ceux qui auront eu du discernement brilleront comme brille la voûte céleste — ceux qui auront amené la multitude à la justice, comme des étoiles, pour toujours, à jamais.

Daniel 12,2-3.

Ézéchiel aussi décrit cette résurrection dans une vision :

Je parlai en prophète, selon ce qui m’avait été ordonné. Et comme je parlais en prophète, il y eut un bruit, il y eut un frémissement — et les ossements se rapprochèrent les uns des autres. Je constatai qu’il y avait sur eux des tendons. La chair se mit à pousser, et la peau les recouvrit par-dessus, mais il n’y avait pas de souffle en eux. Il me dit : Parle en prophète sur le souffle, parle en prophète, humain ! Tu diras au souffle : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Viens des quatre vents, ô souffle ! Souffle sur ces tués, et qu’ils revivent ! Je parlai en prophète, comme il me l’avait ordonné. Alors le souffle vint en eux, ils reprirent vie et se tinrent debout sur leurs jambes. C’était une très grande armée, une armée immense.

Ézéchiel 37,7-10

C’est la promesse que nous a faite Jésus-Christ, il a dit près de quatre fois qu’il nous relèverait au dernier jour :

La volonté de mon Père, en effet, c’est que quiconque voit le Fils et met sa foi en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le relèverai au dernier jour.

Jean 6,40.

Et puis, bien sûr ces deux versets jumeaux du prophète Ésaïe, sept cents ans avant Jésus, et Apocalypse, plusieurs décennies après Jésus :

il anéantira la mort pour toujours ; le Seigneur DIEU essuiera les larmes de tous les visages ; il fera disparaître de toute la terre le déshonneur de son peuple — c’est le SEIGNEUR qui parle.

Ésaïe 25,8.

Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.

Apocalypse 21,4

À vous tous, croyants ou non croyants, je vous le dis avec assurance : un temps vient où la mort disparaîtra. C’est plus certain encore que l’existence de ce monde, plus certain et réel que l’existence de la mort.

3. … Nous ne pourrons plus pleurer

En ce jour où Christ reviendra, il sera impossible de ne pas se réjouir. Le parfait juge, qui ne se laisse pas corrompre ; le parfait conquérant, qui tire une parfaite vengeance contre les méchants ; le parfait homme, le plus excellent de tous les fils de la femme, écrasera enfin complètement la tête du serpent et le jettera dans un étang de feu. Qui ne se réjouirait pas de la victoire de la vie, de la justice, de tout ce qui est droit et pur ? Celui qui est doux et humble de cœur essuiera les larmes de nos yeux. Il n’y aura plus de haine, de guerre, de handicaps, plus de maladies, plus de violences, plus de mensonges, plus de mort. Il n’y aura plus jamais d’au revoir.

Ne vous pressez pas de dire « ce n’est pas pour moi » ou bien « c’est une vision religieuse, sans réalité ». La mort est-elle donc naturelle ? N’est-elle pas supérieure et au-delà de la nature ? C’est donc que ce qui la tuera est supérieure à tout et au-delà de notre nature. Et la bonne nouvelle, c’est que cela a déjà été accompli par la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. Cette résurrection n’est pas un mythe, c’est un événement historique aussi certain que la conquête des Gaules. Aussi vrai que Jésus a vaincu la mort pour lui-même, il la vaincra pour les autres.

C’était cela l’espérance de N., ce qu’il a confessé toute sa vie. Et c’est pour cela qu’il a pu mourir sans vraiment mourir. Cette espérance est pour vous, pour vous tous qui croyez en Jésus Christ le champion de l’humanité. Même si jamais vous n’avez confessé le Christ, si aujourd’hui vous changez de conduite et vous mettez sous la protection et l’obéissance à Jésus-Christ, vous serez sauvés de la mort.

Mais je ne serais pas honnête avec vous si je ne mentionnai pas aussi le destin de ceux qui ne s’appuieraient pas sur Jésus-Christ. Je l’ai dit à plusieurs reprises, mais la mort est plus forte que l’homme, elle est au-delà de sa nature. Si vous ne rejoignez pas le vainqueur de la mort, alors vous serez vaincus par elle. Car nous tous qui naissons, nous naissons avec cette malédiction de la mortalité, tout en étant appelé à l’immortalité. Un jour viendra où l’immortalité nous sera rendue, mais uniquement si nous sommes guéris de la malédiction du péché, de la désobéissance à Dieu qui a fait advenir la mort.

Mes paroles de conclusion seront les suivantes : portons aujourd’hui, librement et en toute sincérité le deuil de N. Et préparons-nous au jour où toute larme sera essuyée de nos yeux, et nous le reverrons.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *