Contre Jovinien – Saint Jérôme – Résumé du livre II
19 décembre 2024

Comme pour Saint Athanase, nous vous proposons aujourd’hui un résumé d’un livre patristique qui a eu énormément d’influence sur l’Église médiévale, le Contre Jovinien, par Saint Jérôme. Jovinien était un moine romain du IVe siècle qui s’inquiéta des excès de l’éthique monastique naissants. Il rédigea un livre à la toute fin du IVe siècle pour dénoncer le célibat monastique, et deux autres dogmes vitaux au mouvement religieux naissant.

Enseignements et propositions controversées de Jovinien
– Une vierge n’est pas supérieure à une épouse aux yeux de Dieu.
L’abstinence n’est pas meilleure que de manger avec gratitude.
– Une personne baptisée à la fois par l’eau et l’Esprit ne peut pas pécher.
Tous les péchés sont égaux en gravité.
– Il n’existe qu’un seul degré de punition et un seul degré de récompense dans l’au-delà.

Réaction et condamnation :
– Les vues de Jovinien furent condamnées comme hérétiques lors de synodes à Rome et à Milan vers 390 apr. J.-C.
– Ses travaux furent transmis à Jérôme par Pammachius et officiellement rejetés.
– Jérôme y répond en 394.

Importance du traité :

  • Méthode théologique : Ce texte montre les méthodes interprétatives de Jérôme et son utilisation de la théologie ascétique, un courant qui promouvait le célibat et le mépris du mariage. A ce titre, il est vraiment très intéressant, surtout que Jérôme est un des interprètes les plus féconds de sa période.
  • Évolution culturelle : L’œuvre reflète l’évolution des points de vue de l’Église sur le mariage et la virginité, s’orientant vers un idéal ascétique qui a influencé l’éthique chrétienne pendant des siècles jusqu’à la Réforme. C’est contre cette glorification de l’ascétisme que les Réformateurs ont remis en valeur la sainteté du mariage et d’une consommation raisonnable des ressources.

Ce passage offre un aperçu d’un débat crucial dans le christianisme primitif, illustrant la tension entre les idéaux ascétiques émergents et des vues chrétiennes plus traditionnelles sur le mariage et le péché. Je ne publierai pas le résumé du livre I, étant donné le mépris du mariage et la mysoginie regrettable qu’ils contiennent. En revanche le livre II est plus édifiant, sans que j’adhère forcément à toutes les nuances.

Mon objectif dans cet article est que vous découvriez Saint Jérôme comme auteur, et vous donner envie de le découvrir plus avant.

Ce résumé a été rédigé avec l’assistance d’une intelligence artificielle, suite à une lecture personnelle et complète de toute l’œuvre.


§§1-4 : Contre la 2eme proposition de Jovinien : « Les régénérés ne peuvent pas être vaincus par le diable »

1 Jovinien défend qu’un baptisé ne peut même pas être tenté par le diable. Il s’appuie sur :

Quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; il ne peut pas pécher, puisqu’il est né de Dieu. C’est en cela que les enfants de Dieu et les enfants du diable sont manifestes : quiconque ne fait pas la justice n’est pas de Dieu, tout comme celui qui n’aime pas son frère. – 1 Jean 3.9-10

et 1 Jn 5.10.

2 Dans cette section, Jérôme réfute la thèse de Jovinien selon laquelle les baptisés ne peuvent plus pécher, en s’appuyant largement sur les Écritures pour démontrer que le péché reste une réalité même après le baptême. Voici les points principaux, étayés par des citations bibliques :

  1. L’appel à éviter le péché :
    Jérôme commence par citer 1 Jean 5:21 : « Mes petits enfants, gardez-vous des idoles ». Ce conseil n’aurait aucun sens si les baptisés étaient incapables de pécher. Cela prouve que la tentation et le péché restent des dangers réels, même pour ceux qui sont régénérés.
  2. La confession des péchés :
    Toujours dans la première épître de Jean, il rappelle : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous » (1 Jean 1:8). Ce passage affirme que même ceux qui ont été baptisés peuvent pécher. Toutefois, Jean ajoute : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9). Ainsi, le pardon après le péché reste accessible par la confession.
  3. Le rôle de Christ comme avocat et propitiation :
    Jérôme met en lumière 1 Jean 2:1-2 : « Mes petits enfants, je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. Il est lui-même une victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. » Ce passage s’adresse aux baptisés et montre que, malgré la possibilité de pécher, ils peuvent compter sur l’intercession de Jésus.
  4. La nécessité de marcher comme Christ :
    Jean précise : « Celui qui dit demeurer en lui doit marcher aussi comme lui a marché » (1 Jean 2:6). Jérôme souligne que cette exigence met en évidence l’écart entre l’idéal chrétien et la réalité humaine. La perfection de Christ, qui « n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude » (1 Pierre 2:22), est difficile à imiter pleinement, révélant la propension humaine au péché.
  5. La condition humaine et la nature pécheresse :
    Jérôme rappelle les paroles de Jacques : « Nous bronchons tous de plusieurs manières » (Jacques 3:2). Il s’appuie également sur Job 14:4 : « Qui peut tirer le pur de l’impur ? Personne. » Enfin, il cite David : « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché » (Psaume 51:7). Ces passages soulignent la fragilité et l’imperfection inhérentes à la condition humaine.
  6. L’espoir malgré le péché :
    Jérôme conclut en rappelant l’assurance donnée par 1 Jean 2:1 : « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père. » Ce verset est un message d’espoir : bien que le péché reste possible, la grâce de Jésus-Christ garantit le pardon et la réconciliation pour ceux qui reviennent à Dieu.

3 Jérôme continue en mentionnant les exemples suivants :

  1. L’exemple de Pierre : Bien qu’il ait été choisi comme fondement de l’Église (« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »), Pierre a renié Jésus sous la pression, montrant la faiblesse humaine. Jésus lui-même avait averti : « Simon, Simon, Satan a demandé à vous passer au crible comme le blé » (Luc 22:31).
  2. La persistance de la prière contre le péché : Après la Résurrection, les baptisés continuent de prier dans le « Notre Père » pour être délivrés du mal et pardonnés de leurs péchés. Cela prouve que le péché reste une menace même pour les croyants régénérés.
  3. L’exemple de Paul : Paul lui-même, bien qu’un « instrument choisi », confesse qu’il a reçu un « aiguillon dans la chair », une épreuve envoyée par Satan pour le maintenir humble (2 Corinthiens 12:7). Il avertit aussi les croyants de la ruse de Satan et des luttes spirituelles contre les puissances des ténèbres (Éphésiens 6:12).
  4. Le risque de rechute : L’épître aux Hébreux montre que ceux qui ont été illuminés, ont goûté aux dons célestes, et sont tombés ne peuvent être renouvelés à la repentance. Cela réfute l’idée que les baptisés sont à jamais protégés du péché.
  5. La nécessité de vigilance : Paul et Jacques insistent sur le fait que les chrétiens doivent persévérer dans les bonnes œuvres et résister aux tentations. Jacques dit : « Heureux l’homme qui endure la tentation » (Jacques 1:12) et « La foi sans les œuvres est morte » (Jacques 2:26).
  6. Les appels à la repentance : Dans l’Apocalypse, Jésus exhorte les Églises à se repentir de leurs péchés et à revenir à leur premier amour. Ces appels s’adressent à des croyants baptisés qui, après avoir bien commencé, sont tombés dans le péché.

Il y a encore beaucoup plus de citations bibliques utilisées.

4 Jérôme expose que, même sous l’ancienne alliance, les justes et les élus étaient soumis à la tentation et au péché, illustrant que cette réalité est universelle et intemporelle. Il s’appuie sur des récits bibliques pour établir son raisonnement :

  1. David et son repentir : Bien que qualifié d’homme selon le cœur de Dieu, David a péché et a supplié : « Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde » (Psaume 51). Cela montre que même les plus pieux peuvent chuter.
  2. Solomon et son apostasie : Bien qu’aimé de Dieu et gratifié de révélations divines, il s’est détourné de Dieu à cause de son amour pour les femmes étrangères.
  3. Le pardon de Manassé : Manassé, un roi réputé pour sa méchanceté, a retrouvé sa dignité après la captivité, illustrant la possibilité de la rédemption malgré de graves péchés.
  4. Les limites de Moïse et Aaron : Même ces figures majeures ont offensé Dieu (au rocher de Mériba) et n’ont pas atteint la Terre promise, un rappel que personne n’est exempt de faute.
  5. L’impureté de Josué le prêtre : Bien qu’il soit une figure christique, Josué est décrit vêtu de vêtements souillés avec Satan à sa droite. Il ne reçoit des vêtements blancs qu’après une intervention divine (Zacharie 3).
  6. Le péché des anges : Job rappelle que même les anges sont accusés de folie par Dieu (Job 4:18), démontrant que la chute est possible même pour des êtres célestes.
  7. La chute de Lucifer : Lucifer, autrefois glorieux, est tombé de son statut exalté, comme le rappelle Jésus : « J’ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair » (Luc 10:18). Si des êtres si sublimes chutent, combien plus les humains sur terre.
  8. Le pouvoir persistant du diable : Décrit dans Job comme « roi sur tous les fils de l’orgueil », Satan exerce une influence redoutable sur le monde et les hommes, surtout à travers le plaisir et les excès.
  9. La tentation du Christ : Même Jésus, le Fils de Dieu, a été tenté par Satan, qui n’a reculé que temporairement après plusieurs défaites (Matthieu 4).

§§5-17 : Contre Jovinien qui dit : « il n’y a pas de différence morale entre celui qui jeûne et celui qui ne jeûne pas »

5 Jovinien affirme que tous les aliments ont été créés par Dieu pour l’usage des hommes, et donc leur consommation est légitime. Il développe son argumentation biblique et logique :

  1. Rôle de la création : Selon Jovinien, toutes les créatures vivantes ont une utilité pour l’homme, qu’il s’agisse de nourriture, de vêtements ou d’autres services (labourage, transport, etc.). Cela s’appuie sur le psaume 8 où David déclare que Dieu a placé toutes les créatures sous la domination humaine.
  2. Utilité alimentaire des animaux : Jovinien interroge l’utilité de créatures comme les porcs, les cerfs, les oies ou les poules si elles ne doivent pas être consommées. Leur existence serait vaine sans cet usage.
  3. Justification scripturaire : Il invoque les Écritures pour confirmer que Dieu a donné aux hommes tout ce qui vit comme nourriture, au même titre que les herbes et les légumes (Genèse 9:3). Il cite également l’apôtre Paul : « Rien n’est à rejeter si c’est reçu avec reconnaissance » (1 Timothée 4:4), et critique ceux qui interdisent la consommation de viande comme prophétisé dans 1 Timothée 4:3.
  4. Exemple de Jésus et des apôtres :
    • Jésus a participé à des repas, bu du vin, et a été accusé d’être un glouton et un ivrogne par les Pharisiens. Il a transformé l’eau en vin et après sa résurrection, il a mangé du poisson et du miel.
    • Pierre a dîné à la sixième heure sans suivre les règles juives d’attente des étoiles.
    • Paul, sur un navire, a rompu le pain comme nourriture normale.
    • Il rappelle aussi que Paul recommande le vin pour des raisons de santé à Timothée.
  5. Critique des pratiques superstitieuses : Jovinien associe l’abstinence alimentaire rigide aux pratiques païennes (rites de Cybèle et Isis) et non à la vraie foi chrétienne.

6 Jérôme répond à Jovinien en abordant la question philosophique de l’utilité des animaux et en réfutant toute accusation de superstition ou de rejet des dons divins. Il commence par rejeter les doctrines de philosophes comme Empédocle et Pythagore, qui prônent l’interdiction de tuer ou de consommer des êtres vivants en raison de croyances liées à la transmigration des âmes. Selon Jérôme, les chrétiens n’adorent pas la nature, mais leur Créateur, qui a façonné toutes choses pour l’homme, leur donnant des usages variés, y compris médicinaux.

Jérôme illustre que toutes les créatures n’ont pas été conçues pour être mangées : lions, vipères, aigles, ou scorpions ont des utilités distinctes, comme la production d’antidotes ou de remèdes. Il cite des exemples médicinaux, comme la peau de serpent contre les douleurs auriculaires ou la graisse animale pour soigner des blessures, s’appuyant sur les écrits de savants et médecins tels qu’Aristote, Pline l’Ancien et Dioscoride.

En réponse à l’utilité alimentaire des animaux, Jérôme reconnaît que certaines créatures comme les porcs ou les cerfs peuvent nourrir ceux qui exercent des métiers exigeants physiquement (soldats, marins, mineurs). Cependant, il oppose cette vision utilitariste à l’idéal chrétien : la foi appelle à une vie ascétique orientée vers Dieu, non à une quête de plaisir corporel. Citant Paul, Jérôme souligne que la force véritable vient de la faiblesse et que les chrétiens doivent renouveler leur être intérieur, dédaignant les plaisirs matériels.

Pour finir, il distingue les commandements universels des conseils adressés à ceux qui veulent atteindre la perfection spirituelle. S’abstenir de vin ou de viande, vendre ses possessions, ou vivre modestement ne sont pas des obligations pour tous, mais des idéaux pour ceux qui aspirent à une vie parfaite, proche de Dieu. Jérôme conclut en ironisant sur ceux qui privilégient la chair : qu’ils mangent, boivent et se réjouissent comme des hédonistes, car cette attitude reflète une vision éphémère et sans espérance de l’existence.

7 Jérôme met en évidence la diversité des coutumes alimentaires et des pratiques culturelles à travers le monde, soulignant qu’elles ne suivent pas de lois universelles mais dépendent des ressources locales et des traditions. Il illustre cela avec des exemples variés : les Arabes consomment du chameau, les Phrygiens mangent des vers du bois, les Libyens se nourrissent de criquets, et certaines tribus d’Égypte et de Palestine évitent le bœuf. Il évoque aussi des pratiques choquantes comme le cannibalisme chez les Atticotes ou la consommation rituelle de proches âgés chez les Massagètes. Jérôme conclut que chaque peuple considère ses propres coutumes comme naturelles, mais insiste que les chrétiens, guidés par leur nouvelle naissance spirituelle, doivent transcender ces habitudes et pratiquer la modération, car l’excès alimentaire favorise les désirs charnels.

8 Jérôme décrit comment les cinq sens, comparés à des fenêtres ouvertes, permettent aux vices de pénétrer l’âme et de la perturber. La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher servent d’accès aux plaisirs matériels qui enchaînent l’esprit. Il critique la fascination pour les spectacles, les richesses, la musique, les parfums, la gourmandise et les désirs charnels, qui affaiblissent l’âme et la détournent de Dieu. Ces plaisirs éphémères engendrent des passions destructrices comme l’envie, la rivalité et le regret, tout en maintenant l’âme captive. Même le souvenir des plaisirs passés, stimulé par le toucher, peut inciter à replonger dans le vice.

9 Jérôme explique que de nombreux philosophes, conscients des dangers que représentent le luxe et les plaisirs, ont choisi de vivre en retrait des villes, dans des lieux solitaires ou austères, afin de préserver la pureté de leur esprit. Ils évitaient les tentations visuelles et matérielles susceptibles de les corrompre, adoptant une vie simple pour se concentrer sur la vertu et la philosophie. Il évoque des figures célèbres comme Platon, les Pythagoriciens, et Cratès, qui renoncèrent volontairement aux richesses et aux plaisirs pour atteindre une plus grande liberté d’esprit. Jérôme critique l’idée qu’il soit possible de mener une vie de luxe tout en restant moralement et intellectuellement intègre, insistant sur le fait que les plaisirs matériels entravent inévitablement la quête de sagesse. Selon lui, l’excès et la recherche du plaisir mènent à la mort spirituelle, comme l’indique l’enseignement de l’Apôtre.

10 Jérôme compare le corps à des chevaux fougueux et l’âme à un cocher qui doit les maîtriser. Si l’âme, guidée par la raison, ne contrôle pas le corps, ce dernier se précipite vers sa propre ruine. Il illustre la relation entre corps et âme en disant que le corps est comme un enfant indiscipliné qui nécessite la sagesse d’un tuteur. Bien que l’on puisse vivre sans certains sens comme la vue ou l’ouïe, l’alimentation est essentielle, mais elle doit être raisonnée. Il recommande une alimentation simple, composée de fruits, légumes, et légumineuses, qui nourrit le corps sans excès ni complication, contrairement aux repas riches et variés qui stimulent des désirs immodérés, provoquent des maladies et entraînent des comportements honteux comme l’usage de vomitifs.

11 Jérôme met en garde contre les excès alimentaires, s’appuyant sur des enseignements médicaux comme ceux d’Hippocrate et Galien, qui soulignent les dangers d’une surabondance de nourriture pour la santé physique et mentale. Il critique les athlètes, dont la vie de gloutonnerie engourdit l’esprit, et les festins somptueux, qui nourrissent l’avarice et distraient de la quête de sagesse. Jérôme prône une alimentation simple, basée sur des aliments de base comme le pain, l’eau, et les légumes, suffisante pour satisfaire les besoins naturels sans engendrer de désirs superflus. Il valorise la tempérance et la simplicité, associant force excessive et luxure. Enfin, il souligne que peu de gens suivent cette voie, la vertu et la tempérance étant rares, mais essentielles pour un mode de vie chrétien.

12. Des malades souffrant de goutte ou de problèmes articulaires ont retrouvé la santé en adoptant une alimentation simple et frugale, évitant ainsi les soucis liés aux festins et à la gestion d’une maison. Horace ridiculise l’appétit pour des mets délicats qui ne laissent que des regrets après consommation. Même avec une nourriture ordinaire, il est essentiel d’éviter l’excès, car un estomac trop rempli perturbe l’esprit et rend tout jeûne inefficace. Jérôme critique ceux qui prétendent jeûner tout en consommant des repas démesurés.

13. Dans l’Âge d’or, selon Dicæarchus, les hommes vivaient de fruits et de produits de la terre sans consommer de viande. Des récits historiques décrivent les régimes frugaux des Perses, des prêtres égyptiens, et des Spartes, qui privilégiaient une alimentation sobre pour éviter les effets stimulants et déséquilibrants de la chair et du vin. Ces pratiques, adoptées par divers philosophes et sociétés antiques, visaient la pureté spirituelle et l’évitement des passions. Jérôme loue ces exemples pour leur tempérance et leur rejet du luxe alimentaire.

14. Josèphe et d’autres auteurs louent les Esséniens pour leur abstinence constante de viande, de vin, et de relations conjugales, tout comme les Gymnosophistes d’Inde, adeptes de régimes strictement végétaux. Divers penseurs et traditions, de Triptolemus à Orphée, prônaient l’abstinence de viande. Jérôme évoque aussi la pauvreté exemplaire d’Antisthène et la vie austère de son disciple Diogène, dont les privations illustrent une vertu qui triomphe des nécessités matérielles. Diogène, en particulier, incarne une indépendance totale vis-à-vis des biens terrestres, jusqu’à sa mort stoïque, offrant un modèle à imiter pour ceux qui recherchent la tempérance et la simplicité.

15 Jérôme, après avoir examiné les arguments des philosophes, se concentre sur les exemples bibliques pour démontrer l’importance du jeûne et de l’abstinence.

  1. Adam et la chute : Adam était tenu de jeûner en s’abstenant de manger le fruit d’un seul arbre dans le paradis. Le jeûne est lié à sa pureté et à sa virginité initiales. En désobéissant et en mangeant, il fut chassé du paradis, se maria, et perdit son état originel de sainteté.
  2. Le déluge et la consommation de viande : Avant le déluge, l’humanité ne consommait que des fruits et légumes. Après le déluge, Dieu permit la consommation de viande pour contrôler les désirs excessifs, mais les animaux impurs furent exclus, symbolisant une restriction partielle et une consécration du jeûne.
  3. Esaü et sa naissance : Esaü perdit son droit d’aînesse à cause de son appétit impulsif. Jérôme interprète cela comme une preuve que l’impatience alimentaire peut entraîner des pertes irréparables.
  4. Israël dans le désert : Les Israélites regrettèrent la « viande d’Égypte » et méprisèrent la manne céleste, symbolisant leur ingratitude et leur rejet des bénédictions divines en faveur de plaisirs terrestres.
  5. Moïse sur le Mont Sinaï : Moïse jeûna quarante jours et nuits pour recevoir la Loi de Dieu. Le contraste est frappant entre son jeûne pieux et l’idolâtrie du peuple, qui festoyait et fabriqua un veau d’or.
  6. Exemples divers de jeûne et victoire :
    • Josué et la bataille contre les amalécites : La victoire de Josué fut accompagnée par un jeûne prolongé.
    • Samuel et Mitspah : Le jeûne du peuple permit de triompher des ennemis.
    • Élie : Un jeûne de quarante jours le prépara à rencontrer Dieu sur le Mont Horeb.
  7. Roi David : Après son péché, David jeûna et s’humilia avec des cendres, ce qui est présenté comme une forme de repentir sincère.
  8. Exemples dans le Nouveau Testament :
    • Jean-Baptiste : Leur mode de vie ascétique, avec jeûne et abstinence, préparait la venue du Christ.
    • Jésus : Il consacra Son ministère par un jeûne de quarante jours, affirmant que certains démons ne peuvent être vaincus que par le jeûne et la prière.
    • Cornelius : Ses jeûnes et ses aumônes lui valurent de recevoir l’Esprit Saint avant même le baptême.
  9. Paul : L’apôtre endura des jeûnes fréquents comme une discipline spirituelle essentielle. Même lorsqu’il permit à Timothée de boire du vin pour sa santé, cela montre qu’il valorisait une vie de sobriété stricte à la base.

16 Jovinien soutient que l’Apôtre Paul blâme ceux qui interdisent le mariage et imposent l’abstinence alimentaire, en se référant aux paroles de Paul dans ses épîtres (notamment 1 Timothée 4:3). Selon Jovinien, ces commandements indiquent que le mariage et la consommation de nourriture sont également acceptables devant Dieu, et que les pratiques ascétiques comme le jeûne ne doivent pas être surévaluées par rapport à la plénitude et à la liberté chrétienne.

Jérôme réfute cette interprétation en argumentant que Paul ne critique pas l’abstinence ou le jeûne en soi, mais plutôt les enseignements extrêmes des hérétiques comme Marcion et Tatien, qui prônent une abstinence totale pour mépriser la création de Dieu. Jérôme précise que l’ascèse chrétienne valorise la création tout en privilégiant une modération volontaire, comme le jeûne, pour atteindre une vie spirituelle plus élevée.

Jérôme souligne que les déclarations de Paul visent des situations spécifiques, notamment les pratiques des idolâtres qui mangeaient des viandes offertes aux idoles, les croyants judaïsants encore attachés aux lois alimentaires de l’Ancien Testament, et ceux qui faisaient des distinctions inutiles entre jours saints et ordinaires (comme le Sabbat ou les Fêtes). Paul recommande la charité et la compréhension mutuelle entre ceux qui jeûnent et ceux qui ne le font pas, sans pour autant déclarer les deux pratiques de même valeur spirituelle.

Jérôme met en garde contre une vie de « plénitude » et de mariages excessifs, en se basant sur les exemples du Déluge et de la destruction de Sodome et Gomorrhe, où les gens étaient consumés par leur surabondance et leur négligence spirituelle. Il cite l’Évangile pour montrer que le Royaume des cieux demande un effort violent (Matthieu 11:12), illustré par Jean-Baptiste, qui pratiquait le jeûne et la virginité. Il souligne également que, bien que toute nourriture soit pure, une vie de sobriété et de jeûne est spirituellement supérieure à une vie d’excès.

17 Jovinien soutient que le comportement du Christ, accusé d’être un glouton et un buveur, allant à des mariages et des banquets de pécheurs, doit guider les chrétiens dans leur rapport à la nourriture et au jeûne. Jérôme réfute cette interprétation en mettant en avant les actions et les enseignements du Christ. Il rappelle que Jésus a jeûné quarante jours pour sanctifier le jeûne chrétien, a proclamé bienheureux ceux qui ont faim et soif, et a enseigné que sa nourriture était spirituelle et impérissable. Bien qu’il ait parfois mangé pour prouver la réalité de son corps ressuscité, jamais il n’a agi par simple appétit.

Jérôme invoque des exemples bibliques pour valoriser l’abstinence et condamner l’excès : le riche festoyant condamné en enfer, alors que le pauvre Lazare, sobre, est accueilli dans le sein d’Abraham. Il cite également Isaïe et d’autres passages des Écritures pour montrer que Dieu approuve le jeûne, à condition qu’il soit accompagné d’œuvres de justice, de charité et de piété. Jérôme critique le jeûne hypocrite des adorateurs païens et affirme que l’existence d’impostures n’invalide pas les vertus authentiques. Enfin, il dénonce l’indifférence des chrétiens à pratiquer ce que même des païens reconnaissent comme un bien.

§§18-34 Contre Jovinien qui dit qu’il n’y a qu’une même récompense pour tout le monde.

18 Jovinien soutient qu’il n’existe pas de degrés dans les récompenses ou punitions futures, affirmant que l’humanité se divise strictement en deux catégories : les justes et les injustes, symbolisées par les brebis et les boucs. Les justes, placés à la droite de Dieu, héritent du royaume céleste, tandis que les pécheurs, placés à gauche, sont condamnés au feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Il s’appuie sur des exemples scripturaires pour illustrer cette dichotomie, notamment l’arbre bon qui ne peut porter de mauvais fruits, et les dix vierges où seules les cinq sages sont admises aux noces.

Jovinien évoque aussi le déluge, où seuls Noé et les justes sont sauvés tandis que les pécheurs périssent, et les villes de Sodome et Gomorrhe, où il n’existe aucune nuance entre les justes sauvés et les pécheurs détruits par le feu. Il avance que les efforts des justes ne visent pas à obtenir une récompense supplémentaire, mais à éviter de perdre la grâce déjà reçue. D’autres exemples, comme les plaies d’Égypte, la traversée de la mer Rouge ou les quarante années dans le désert, montrent selon lui que tous, justes ou pécheurs, ont reçu des traitements égaux : même nourriture, mêmes vêtements durables, et même destination finale. Enfin, il cite les pratiques hébraïques, telles que l’année sabbatique ou l’année de jubilé, où tous bénéficient indistinctement des mêmes libérations et restaurations, consolidant son argument que Dieu agit de manière égale envers tous dans ces deux grandes catégories.

19 Jovinien poursuit son argumentation contre la gradation des récompenses en interprétant divers passages des Écritures comme exprimant une égalité spirituelle entre les croyants. Il mentionne la parabole du semeur, mais insiste sur le fait que la terre fertile est une seule catégorie, sans accorder de signification aux rendements variés (cent, soixante, trente). Il cite ensuite les promesses faites par Jésus à ceux qui abandonnent tout pour le suivre : cent fois plus dans un passage, sept fois plus dans un autre, affirmant que ces chiffres symbolisent une même réalité, sans gradation réelle.

Pour renforcer son point, Jovinien rappelle Jean 6:56, où Jésus affirme que celui qui mange sa chair et boit son sang demeure en Lui et vice-versa. Il en déduit que cette union est identique pour tous les croyants, sans distinction. Il s’appuie également sur Jean 14:23, où Jésus promet au croyant fidèle que le Père et le Fils viendront demeurer en lui, soulignant ainsi l’unité et l’égalité de cette présence divine.

Concernant les « nombreuses demeures » mentionnées en Jean 14:2, Jovinien soutient qu’elles n’indiquent pas une diversité de récompenses célestes, mais seulement la pluralité des Églises dans le monde, toutes égales dans leur foi. Il s’appuie aussi sur Jean 17:20-23, où Jésus prie pour que tous les croyants soient un, comme le Père et le Fils sont un. Cette prière, selon Jovinien, démontre que tous les croyants partagent une même unité et une même gloire divine.

Enfin, Jovinien insiste sur l’unité fondamentale de l’Église, décrite comme épouse, sœur, et mère. Pour lui, cette unité exclut toute différence dans les récompenses spirituelles, car tous les croyants partagent également dans la plénitude de la foi et de la grâce divine.

20 Jovinien développe son argumentation contre la gradation des récompenses spirituelles en invoquant des exemples scripturaires et des images illustrant l’unité et l’égalité des croyants. Il évoque d’abord 1 Corinthiens 15:41, où il est dit que les étoiles diffèrent en gloire. Selon lui, cela illustre non pas une gradation parmi les justes, mais une distinction entre les spirituels et les charnels. Il compare cette égalité au corps humain, où tous les membres ont la même importance, bien que leur fonction diffère, et où la perte d’un seul est ressentie par l’ensemble.

Il poursuit en rappelant que tous les humains partagent une même origine en Adam, l’« Adam terrestre » voué à la perdition, et qu’ils sont sauvés par le « second Adam », Jésus, qui les place sur un pied d’égalité. Il souligne que les fautes graves comme le meurtre ou l’adultère, ou des péchés apparemment moindres comme dire « insensé » à son frère, entraînent tous également la condamnation en enfer, sans distinction de gravité.

Jovinien appuie son propos sur les divers types de martyres subis par les chrétiens durant les persécutions : brûlés, étranglés, décapités, emprisonnés ou fuyant. Malgré la variété des épreuves, dit-il, tous reçoivent la même couronne de victoire. De même, il mentionne la parabole du fils prodigue, où le fils resté fidèle reçoit la même considération que celui qui revient repenti, ainsi que celle des ouvriers de la vigne, où tous, quelle que soit leur durée de travail, reçoivent le même salaire. Selon lui, ces exemples témoignent que Dieu offre à tous une récompense égale, indépendamment de leurs mérites ou efforts respectifs.

21 Jérôme commence sa réponse en attaquant la cohérence de la théologie de Jovinien. Il s’indigne de la manière dont ce dernier interprète les Écritures de manière tordue pour soutenir ses thèses. Jérôme souligne que, selon l’apôtre Jean, mettre à égalité des saints et des pécheurs tout justes pénitents relève d’une hérésie, assimilant ce genre d’enseignement à celui de l’Antéchrist.

Il critique ensuite le caractère contradictoire de la position de Jovinien, qui semble adopter des attitudes radicalement opposées. D’une part, Jovinien défend un mode de vie épicurien en matière de nourriture et de sexualité, mais d’autre part, il adopte une philosophie stoïcienne lorsqu’il s’agit des récompenses et des punitions, en traitant tous les péchés de manière égale. Jérôme souligne l’absurdité de cette position : si tous les péchés sont identiques, alors la moindre erreur devient aussi grave que le meurtre, ce qui n’est pas tenable.

Jérôme s’étonne également du changement de comportement de Jovinien, qui semble avoir abandonné sa vie austère pour adopter un style de vie plus luxueux et mondain. Il critique cette incohérence, suggérant que ces changements drastiques dans ses habitudes de vie témoignent d’un éloignement de la vertu, et par conséquent, d’une dérive vers le vice et le péché. Il conclut en affirmant que, selon la théologie de Jovinien, ce dernier, en reniant ses anciennes habitudes et en adoptant un comportement plus mondain, pourrait bien se retrouver dans la catégorie des boucs (les pécheurs), et non parmi les brebis (les justes).

22 Dans ce paragraphe, Jérôme commence par concéder certains points à Jovinien, notamment la division entre les justes et les pécheurs, comme illustrée par les brebis et les boucs, les vierges sages et folles, ou encore les événements du déluge et de la destruction de Sodome. Cependant, il conteste l’idée de Jovinien selon laquelle il n’existe aucune distinction entre les justes eux-mêmes, et qu’il n’y a pas de gradation des récompenses parmi ceux qui sont sauvés.

Jérôme rétorque que, même à l’intérieur de l’Église, il existe des différences notables, et il cite plusieurs passages bibliques pour soutenir cette thèse. Il mentionne tout d’abord Ézéchiel 34:17, où Dieu distingue les différentes sortes de troupeaux, les béliers des chèvres, et les bêtes grasses des maigres, indiquant qu’il y a une distinction même parmi les justes.

Il cite ensuite 1 Corinthiens 3:8 pour montrer que chacun recevra une récompense selon ses propres efforts : « chacun recevra sa récompense selon son propre travail ». Jérôme insiste sur le fait que les actions et le dévouement de chaque individu auront des conséquences sur leur récompense, qui peut varier. De plus, dans 1 Corinthiens 3:13-15, il est expliqué que les œuvres de chacun seront révélées par le feu et que ceux dont les œuvres sont brûlées subiront une perte, bien qu’ils soient sauvés. Jérôme en conclut que cette purification par le feu établit une différence de degrés dans le salut.

Il renchérit en citant Romains 12:6-8, où Paul mentionne que les membres du corps de Christ ont des dons différents, et que chacun doit accomplir sa tâche avec diligence. De même, dans 1 Corinthiens 9:17, Paul explique que s’il prêche de son propre gré, il recevra une récompense pour son engagement, mais s’il agit par obligation, il ne recevra qu’une « gérance » et non une récompense pleine.

Ainsi, Jérôme affirme qu’il existe bien une distinction dans les récompenses, même parmi les justes, basée sur leurs œuvres et leur fidélité.

23 Pour continuer à illustrer cette diversité de dons et de récompenses, Jérôme fait une avalanche de versets bibliques.

  • 1 Corinthiens 12:4 : « Il y a diversité de dons, mais le même Esprit. »
  • 1 Corinthiens 12:12 : « Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ. »
  • 1 Corinthiens 12:28 et suivants : « Et Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues. »
  • 1 Corinthiens 13:8-10 : « La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie; mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. »
  • 1 Corinthiens 13:18 et 14:1 : « Poursuivez l’amour. Aspirez aussi aux dons spirituels, mais surtout à celui de prophétie. »
  • 1 Corinthiens 14:5 : « Je voudrais que vous parliez tous en langues, mais encore plus que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins qu’il n’interprète, pour que l’Église en reçoive de l’édification. »
  • 1 Corinthiens 14:18 : « Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langues plus que vous tous. »
  • 1 Corinthiens 15:9-10 : « Car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »
  • 1 Corinthiens 15:22 : « Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ. »
  • 1 Corinthiens 15:39 : « Toute chair n’est pas la même chair; mais autre est celle des hommes, autre la chair des animaux, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. »
  • Éphésiens 4:7 : « Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ. »
  • Job 9:9 et Job 38:32 : « Il a fait la Grande Ourse, l’Orion et les Pléiades, et les chambres du midi. » / « Fais-tu sortir en leur temps les constellations, et conduis-tu la Grande Ourse avec ses petits? »
  • 2 Corinthiens 5:10 : « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. »
  • 2 Corinthiens 9:6 : « Sachez-le, celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment. »
  • Éphésiens 3:10 : « Afin que les dominations et les autorités dans les lieux célestes connaissent aujourd’hui par l’Église la sagesse infiniment variée de Dieu. »

24 Jérôme réfute l’idée de Jovinien selon laquelle les mérites ne différencient pas les justes des pécheurs, en insistant sur le fait que le jugement appartient à l’avenir, et non au présent. Il illustre cela par des exemples scripturaires :

  1. Le jugement final est réservé au dernier jour, car dans cette vie, les justes et les pécheurs partagent des circonstances similaires (tempêtes, crucifixion, naissances). Jérôme s’appuie sur le Psaume 73:17 : « Jusqu’à ce que je sois entré dans le sanctuaire de Dieu et que j’aie compris leur fin », pour montrer que la justice sera révélée à la fin.
  2. Exemple de Paul en mer (Actes 27) : Paul et les soldats partagent une même tempête et un naufrage, mais leur mérite diffère. Paul a reçu une vision divine montrant que les survivants lui avaient été donnés par le Seigneur, établissant ainsi une distinction morale entre eux.
  3. Exemple de Lot (Genèse 19) : Lot et ses filles furent sauvés de Sodome par leur justice, tandis que ses gendres, s’ils avaient quitté la ville, auraient également pu être sauvés. Cela montre des degrés de mérite différents.
  4. Tour de Siloé (Luc 13:4-5) : La chute de la tour n’a pas puni les plus grands pécheurs mais servit d’avertissement pour les autres. Jérôme conclut que punir certains pour avertir d’autres prouve que tous les pécheurs ne sont pas traités de manière identique.

Ainsi, il démontre que les distinctions de mérite existent dans cette vie et influencent le jugement futur.

25 Jérôme réfute l’argument selon lequel la justice divine ne fait pas de distinction de mérite en utilisant plusieurs exemples scripturaires et analogies.

Il rappelle que, même si tous partagent certains éléments communs (comme la manne pour les Israélites ou les sacrements pour les chrétiens), leur réception varie selon le mérite individuel : « Quiconque mange ou boit indignement sera coupable du corps et du sang du Seigneur » (1 Co 11:27). Judas, qui partageait la coupe avec les Apôtres, est un exemple de divergence de mérite malgré une expérience commune.

Jérôme réfute également l’idée que cette vie reflète parfaitement l’au-delà. Il utilise l’exemple du soleil et de la pluie, qui bénéficient également aux bons et aux méchants (Mt 5:45), pour montrer que, dans cette vie, les distinctions de mérite ne sont pas pleinement visibles, mais le jugement final les révélera.

Les paraboles des dix vierges et des brebis et des boucs (Mt 25:1-13, Mt 25:31-46) montrent des différences fondamentales entre les catégories de personnes selon leur préparation et leur justice. Il mentionne aussi que lors du déluge (Gn 7), tous les hommes étaient pécheurs, mais Noé et sa famille furent sauvés selon leur mérite relatif, bien que Cham ait été maudit par la suite.

Jérôme conclut avec des exemples tirés de la Passion du Christ, montrant que tous n’ont pas péché de manière égale : Judas, Annas, et Caïphe sont beaucoup plus coupables que Pilate, contraint d’agir contre son gré (Jn 19:12). La gravité du péché est proportionnelle au mérite antérieur de chacun (Sagesse 6:6 : « Les puissants souffriront des tourments plus puissants »).

Il termine en affirmant que les symboles de l’Ancien Testament, tels que la Pâque, le Jubilé (Lv 25), et la libération des esclaves, pointent vers un avenir où la vraie liberté sera atteinte dans l’éternité, mais uniquement pour ceux qui la désirent et s’éloignent des œuvres de la chair.

26. Jérôme répond à l’utilisation abusive de la parabole du semeur (Mt 13:3-9) et du passage sur la construction sur le fondement du Christ (1 Co 3:12-15). Il explique que ces textes illustrent la diversité des fruits et des mérites, et qu’il est absurde de nier ces différences, puisque même dans une grande maison, il existe des vases pour des usages divers (2 Tm 2:20).

Il réfute l’interprétation erronée de Jovinien, qui tente de discréditer les distinctions entre les rendements spirituels (centuple, soixante et trente). Jérôme souligne que dans les Évangiles de Matthieu et Marc, le centuple est promis aux apôtres ayant tout quitté, tandis que Luc parle d’un gain bien supérieur (Lc 18:30).

Il accuse Jovinien d’erreur ou de falsification en prétendant qu’un centuple pourrait signifier sept, car aucune allusion dans les Évangiles ne justifie une telle lecture. Il ajoute que l’ordre des nombres (cent, soixante, trente) varie selon les Évangiles sans changer leur sens, car les Écritures emploient souvent une progression ascendante.

Enfin, il conclut que nier ces distinctions dans le bien reviendrait à nier celles du mal, comme les différences entre les graines tombées sur le chemin, les pierres, ou parmi les ronces. Si ces distinctions n’avaient pas d’importance, il aurait été inutile de mentionner six types de terrains, et surtout de terminer par l’appel du Christ : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende », soulignant une signification spirituelle profonde.

27. Jovinien prétend que, puisque le Père et le Fils résident chez les fidèles, et que Christ est leur hôte, rien ne manque à leur foi. Jérôme réfute cette idée en montrant que la présence de Christ varie selon les mérites et les dispositions des croyants. Il illustre cette diversité à travers des références bibliques et une interprétation détaillée.

  • Matthieu 11:11 : « Parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste ; cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. »
    → Jérôme souligne que cette mention de « plus petit » et « plus grand » dans le royaume démontre une hiérarchie spirituelle.
  • Luc 17:5 : « Seigneur, augmente-nous la foi ! »
    → Cette demande des apôtres prouve qu’il existe différents degrés de foi, contredisant l’idée d’une égalité universelle.
  • Matthieu 14:31 : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
    → Le reproche du Christ à Pierre révèle des variations dans la foi, même chez les disciples proches de Jésus.
  • Jérémie 31:31-34 : « Voici, les jours viennent, dit l’Éternel, où je ferai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle […] Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur ; […] ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu’au plus grand. »
    → Jérôme interprète ce passage comme une description du royaume futur, affirmant qu’il inclut des distinctions entre « le plus petit » et « le plus grand. »
  • Matthieu 5:19 : « Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements […] sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera sera appelé grand. »
    → Cette déclaration du Christ établit que l’obéissance et l’enseignement des commandements influencent la position dans le royaume des cieux.

Jérôme conclut en invoquant la parabole des places au festin (Luc 14:10) et l’échelle de Jacob à Béthel (Genèse 28:12), où les anges montent et descendent. Cela symbolise les variations de mérites et de niveaux spirituels, même parmi les êtres célestes. Il rejette l’affirmation de Jovinien selon laquelle tous, y compris les anges, conserveraient uniformément leur statut.

28. Jovinien interprète les « nombreuses demeures » de la maison du Père comme les églises dispersées dans le monde, une idée que Jérôme rejette fermement en s’appuyant sur plusieurs passages bibliques pour clarifier leur sens véritable.

  • Jean 14:2-3 : « Dans la maison de mon Père, il y a plusieurs demeures. Si cela n’était pas, je vous l’aurais dit. Je vais vous préparer une place. Et lorsque je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. »
    → Jérôme explique que ces demeures ne désignent pas des églises terrestres, mais des tabernacles célestes, que chaque croyant prépare par ses propres œuvres. La promesse du Christ concerne le ciel, pas la vie présente, comme en témoigne la perte de la demeure par Judas en raison de sa faute.
  • Matthieu 20:23 : « Quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de le donner, mais cela est pour ceux pour qui cela a été préparé par mon Père. »
    → Cette réponse du Christ aux fils de Zébédée indique que les distinctions dans le royaume des cieux ne sont pas octroyées arbitrairement, mais en fonction des mérites des vertus personnelles. Le Père a préparé des récompenses proportionnées aux œuvres de chacun.

Jérôme poursuit en soulignant que la diversité dans le ciel reflète des différences de mérites spirituels, tout comme dans l’Ancien Testament :

  • Hiérarchie sacerdotale : Le grand prêtre, les prêtres, les lévites et les portiers occupent des rangs distincts selon leurs fonctions. Dans Ézéchiel, les prêtres pécheurs sont rétrogradés, bien qu’ils restent dans le temple.
  • Diversité dans la création : Les poissons variés dans le fleuve d’Ézéchiel symbolisent la pluralité des créatures bénies.
  • Hiérarchie céleste : Archanges, Anges, Trônes, Dominations, Pouvoirs, Chérubins et Séraphins témoignent d’une organisation céleste où les noms reflètent des rôles et des rangs différents.

En conclusion, Jérôme compare cette organisation spirituelle à celle des hiérarchies humaines (empereurs, préfets, tribuns) pour démontrer la cohérence de cette vision. Le royaume céleste n’est pas uniforme, mais ordonné selon les œuvres et vertus.

29. Jovinien utilise le passage « Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple du Saint-Esprit » (1 Corinthiens 6:19) pour affirmer l’uniformité spirituelle entre les croyants, ce que Jérôme réfute en montrant que même un temple a des divisions et des degrés d’importance.

  • L’organisation d’un temple : Jérôme rappelle qu’un temple comprend divers espaces (parvis, saint des saints, entrepôts), symbolisant les divers degrés de mérites spirituels dans le « temple » qu’est le corps humain. Dieu n’habite pas tous de manière égale. Par exemple :
    • Moïse partage son esprit avec les 70 anciens (Nombres 11:25) : une seule source, mais une répartition inégale.
    • L’esprit d’Élie est donné en double mesure à Élisée (2 Rois 2:9), ce qui se manifeste par des miracles plus nombreux et puissants.
  • Le corps du Christ comme assemblée des fidèles : Jérôme accepte que l’Église forme un seul corps spirituel, mais souligne les distinctions entre ses membres, comme indiqué dans 1 Corinthiens 12:12-27. Chacun a un rôle spécifique : qui est la tête, les pieds, les mains du Christ ? Il illustre cette diversité par deux figures féminines dans les Évangiles :
    • La pécheresse pleurant aux pieds du Christ (Luc 7:38).
    • La sainte qui oint sa tête (Matthieu 26:7).
      Certains pensent qu’il s’agit d’une seule femme évoluant spirituellement, mais Jérôme y voit deux états distincts.
  • L’unité des croyants en Dieu : Jovinien cite Jean 17:20-21 : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. » Jérôme nuance cette unité :
    • Les croyants participent à la nature divine (2 Pierre 1:4) non par essence, mais par grâce. L’âme humaine n’est pas de même nature que Dieu, contrairement à ce qu’affirment les Manichéens.
    • « Tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jean 17:23) : L’amour du Père pour les croyants découle de son amour pour le Fils, et cette relation repose sur leur adoption par grâce, comme indiqué dans Jean 1:12-13 : « À tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. »
  • L’union au Christ par l’Eucharistie :
    Jérôme explique cette union en citant Jean 6:56-58 : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. » Ce lien est rendu possible par la foi authentique et l’obéissance, confirmée par 1 Jean 4:13, 15 : « Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. »

La diversité des mérites et des œuvres détermine la place de chacun dans le corps du Christ. Jérôme avertit que prétendre à une foi et des œuvres égales à celles des apôtres sans les avoir est présomptueux et exclut d’obtenir la même récompense spirituelle qu’eux.

30 Jovinien soutient que les titres attribués à l’Église (épouse, sœur, mère) s’appliquent uniformément à tous les croyants. Jérôme contredit cette idée en affirmant que ces désignations reflètent des rôles et mérites spirituels variés au sein de l’Église.

  • Des titres variés pour des rôles distincts : L’Église est appelée épouse pour certains, sœur pour d’autres, et mère pour d’autres encore. Ces distinctions impliquent des rôles différents, comme l’illustre Galates 4:19, où Paul se décrit en travail d’enfantement pour ses « enfants spirituels », indiquant une hiérarchie entre apôtre et croyants.
  • Diversité des membres du corps : Inspiré de 1 Corinthiens 12:23-24, Jérôme montre que certains membres du corps (l’œil, la bouche) sont plus essentiels ou honorés que d’autres (le doigt, les parties honteuses). Cette hiérarchie est également spirituelle :
    • Matthieu 6:22 : « La lampe de ton corps, c’est ton œil » souligne l’importance supérieure de certains rôles.
    • La gravité des péchés varie : emprunter un sou n’équivaut pas à devoir 10 000 talents ; les péchés légers diffèrent des péchés mortels, comme l’enseigne 1 Jean 5:16-17.
  • Hiérarchie spirituelle dans l’Ancien Testament : Jérôme réfute l’idée d’une égalité spirituelle entre les justes et les pécheurs avant la venue du Christ :
    • Esaü et Jacob : Si Esaü appartient au premier Adam (terrestre), comment Jacob, juste, pouvait-il être au second Adam (céleste), alors que le Christ n’était pas encore incarné ? Cette contradiction démontre que même avant la venue du Christ, les justes et les pécheurs occupaient des places différentes en Dieu.
    • Romains 5:14 : « La mort régna depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché comme Adam. » Cela prouve que, dans le premier Adam, coexistaient des justes (brebis) et des pécheurs (boucs).

31 Jérôme répond à l’argument selon lequel tous les péchés, même légers, seraient punis de la même manière en géhenne. Il explique que si tous les hommes sont pécheurs (y compris ceux qui mentent, citant Romains 3:4), il est impossible d’échapper à la punition pour toute faute, si l’on suit la logique de ceux qui n’admettent aucune différence entre les péchés. Il souligne que les martyrs reçoivent des couronnes non selon la forme de leur mort, mais selon la volonté de ne pas renier le Christ. Il réfute l’idée que le fils aîné et le fils prodigue dans la parabole aient les mêmes mérites. En effet, bien que les pécheurs repentis soient accueillis avec miséricorde, ils doivent se couvrir de honte pour leurs fautes, comme le dit Ézéchiel 16:62 et Ézéchiel 36:31. La différence entre les pécheurs et les justes est donc marquée par leur position devant Dieu.

32 Dans ce paragraphe, Jérôme interprète la parabole des ouvriers de la onzième heure (Matthieu 20:1-16) en expliquant que les différents horaires de travail symbolisent les différentes époques de l’histoire du salut. Abel et Seth sont appelés dès le début (première heure), Enoch et Noé à la troisième, Abraham, Isaac et Jacob à la sixième, Moïse et les prophètes à la neuvième, et enfin les Gentils, appelés à la onzième heure, après la crucifixion du Christ. L’auteur précise que le « denier » ne représente pas une récompense unique mais plutôt une vie et une délivrance de la géhenne. Il compare la grâce de Dieu, qui nous libère tous du péché par le baptême, à un souverain qui libère ses sujets de prison. Selon nos vertus et nos efforts, nous préparons chacun un futur différent.

33 Saint Jérôme approche de la conclusion de son traité, et il essaie maintenant de faire une réponse générale à l’argument de Jovinien, plutôt qu’objection par objection:

  1. Matthieu 20:26-27 – « Quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. »
    • Interprétation : Saint Jérôme souligne que, bien que tous les chrétiens soient appelés à être humbles, cette humilité ne vise pas à rendre égaux les individus dans l’au-delà. Le Christ affirme clairement que celui qui se fait petit ici-bas sera grand dans le ciel, ce qui implique que la position céleste dépend de la manière dont on vit sur Terre, et non d’une simple égalité abstraite.
  2. : Luc 7:47 – « Ses péchés, qui sont nombreux, sont pardonnés, car elle a beaucoup aimé. »
    • Interprétation : Jérôme réfute l’idée de Jovinien selon laquelle tous les péchés sont pardonnés de manière égale. Le Christ montre, dans la parabole des débiteurs, que celui qui a beaucoup reçu de pardon (et donc qui a beaucoup aimé) sera en une position supérieure dans le royaume de Dieu. Ceux qui ont peu à se faire pardonner auront une récompense inférieure, car leur amour et leur repentance sont moindres.
  3. Matthieu 25:14-30 – Le maître distribue des talents à ses serviteurs, selon leurs capacités, et récompense ceux qui ont investi les talents avec sagesse.
    • Interprétation : Jérôme montre que le Christ ne parle pas de récompenses égales, mais différenciées selon l’effort, la capacité et l’investissement personnel. Ceux qui ont multiplié leurs talents sont récompensés par une plus grande responsabilité dans le royaume, alors que ceux qui ont négligé leurs talents sont punis. Cette parabole démontre que Dieu accorde à chacun selon ses capacités et son efficacité spirituelle, et non selon une égalité forcée.
  4. Luc 19:23 – « Pourquoi n’as-tu pas mis mon argent chez les banquiers, afin qu’à mon retour je le recouvre avec un intérêt ? »
    • Interprétation : Saint Jérôme critique l’idée de Jovinien selon laquelle la simple préservation des dons reçus suffirait. Le Christ condamne le serviteur qui, par peur ou paresse, garde ses talents enfouis. Jérôme rappelle l’exemple de l’Apôtre Paul, qui, au contraire, faisait croître chaque jour les grâces reçues, cherchant toujours à progresser dans sa foi et ses œuvres, ce qui montre que l’utilisation active des dons de Dieu est la clé de la récompense céleste.
  5. Nombres 35:11 – « Vous désignerez des villes de refuge pour que l’assassin qui aura tué quelqu’un involontairement puisse fuir là. »
    • Interprétation : En se référant aux villes de refuge pour les homicides involontaires, Jérôme montre que même parmi ceux qui sont sauvés, il existe des distinctions. Les fugitifs bénéficient d’une protection, mais leur statut est inférieur à celui des Israélites, tout comme les chrétiens qui, malgré leur salut, peuvent occuper des places de rang inférieur dans le ciel. Les différences de mérite entre les âmes sont donc irréductibles et soulignent la fausseté de l’égalité totale des récompenses, défendue par Jovinien.
  6. Matthieu 25:33-34 – « Il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. »
    • Interprétation : Saint Jérôme réaffirme que, même parmi les brebis du Christ, il existe des distinctions. Jonathan, bien qu’ami de David, est reconnu comme inférieur à ce dernier, et les brebis, tout en étant sauvées, ne sont pas égales en mérite. L’idée d’une récompense identique pour tous est donc incompatible avec les enseignements du Christ, qui montre une hiérarchie même parmi les sauvés.
  7. Luc 12:47-48– « Ce serviteur qui connaissait la volonté de son maître, mais qui n’a pas préparé ni agi selon sa volonté, sera battu de plusieurs coups. »
    • Interprétation : Enfin, Jérôme souligne que la fidélité aux commandements divins détermine la récompense céleste. Ceux qui connaissent la volonté de Dieu et qui y obéissent sont récompensés plus largement, tandis que ceux qui négligent ou ignorent cette volonté, même s’ils sont sauvés, subiront une épreuve. Cela montre que la récompense finale dans le ciel dépend des actions et des choix de chacun.

34 Le passage compare la division de la terre de Juda et des tribus à la structure spirituelle de l’Église céleste. Saint Jérôme pose plusieurs questions sur des éléments spécifiques de l’Ancien Testament, tels que la répartition des tribus, le rôle particulier des prêtres, et les différences dans les vêtements des prêtres. Il insiste sur l’importance des gradations dans la structure de l’Église, du temple et du sacerdoce. Selon lui, si tout le monde était mis sur un même pied d’égalité, les rôles des évêques, prêtres et diacres seraient inutiles, tout comme les différentes vocations et les efforts des vierges, veuves et femmes mariées seraient sans but. Enfin, il rejette l’idée que, simplement en se repentant, tous pourraient être égaux aux apôtres.

§§35-38 Conclusion

35 Saint Jérôme résume les points principaux de son argumentation contre Jovinien. Après avoir examiné les différents états de vie (mariage, veuvage, virginité), il a montré que la virginité est supérieure au veuvage, et le veuvage au mariage. Il a aussi répondu aux objections spécifiques de son adversaire et abordé la question de l’opinion des philosophes et des écrivains séculiers sur ces sujets. Ensuite, il a réfuté l’idée que ceux qui ont été baptisés avec foi ne peuvent pas pécher, affirmant que seule Dieu est sans péché, et que tous les êtres humains peuvent pécher. Concernant le jeûne, il a répondu aux arguments de Jovinien, qui se basaient sur la philosophie et les Écritures. Enfin, dans la dernière section, Saint Jérôme a contredit l’idée de Jovinien selon laquelle il n’y a aucune différence entre les justes et les pécheurs, en réfutant ses exemples tirés des Écritures avec des arguments bibliques et logiques, démolissant ainsi les opinions de Zénon et de son adversaire.

36 Saint Jérôme adresse une critique acerbe à ceux qui, comme l’Épicurisme moderne, se consacrent à une vie de plaisirs et de débauche à cause de Jovinien. Il se moque des adeptes de cette philosophie, les comparant à des porcs, des chiens et des vautours, et souligne que ceux qui suivent ce mode de vie sont souvent bien habillés et flamboyants. En revanche, ceux qui suivent la voie chrétienne sont plus humbles, vivent dans la pauvreté et la souffrance, et se reconnaissent étrangers dans ce monde. Il rappelle que Jésus, même s’il a eu peu de disciples, a souffert seul, tandis que les foules ont suivi les vices des pharisiens. Jérôme dénonce ceux qui se vantent d’avoir une large adhésion, affirmant que cela révèle simplement leur indulgence envers la volupté et le vice. Il critique également les enseignements de Jovinien, qui, selon lui, ont mené à une débauche ouverte, où le péché n’est plus même réprimé. Il évoque le cas des vierges, qui, sous l’influence de Jovinien, sont passées de l’idéalisme chrétien à des comportements d’adultères, et conclut en comparant ses enseignements à ceux d’une veuve de Virgile, qui tente de masquer ses fautes sous une apparence de mariage.

37 Saint Jérôme critique sévèrement les hérésies qui, selon lui, ont émergé dans le monde chrétien, particulièrement la philosophie de Jovinien, qu’il compare à un retour de l’hérésie de Basilide, un ancien maître de la sensualité. Il déplore que la doctrine chrétienne, fondée sur la Croix et la pureté, soit désormais menacée par des vices tels que la luxure et la gloutonnerie. Il cite des passages d’Isaïe et de Jérémie pour illustrer les faux prophètes qui, promettant des plaisirs, éloignent les gens de la vérité. Il critique les enseignements de Jovinien qui minimisent la gravité du péché, comme la fornication, en assurant qu’après le baptême, on peut toujours revenir à la pureté par le repentir. Jérôme fustige ceux qui prônent un mariage excessif et une vie de débauche, et dénonce les femmes et hommes qui, sous l’influence de ces idées, perdent leur chasteté et leur sens moral. Il se moque de ceux qui suivent ces doctrines, les qualifiant de « porcs » et d’« amazones » dans un camp de vices, tout en affirmant qu’il préfère être honni pour sa fidélité à la vérité plutôt que d’être complice de cette corruption.

38 Saint Jérôme adresse un avertissement à Rome, soulignant qu’en acceptant le Christ, la ville a effacé la blasphémie qui la marquait. Il exhorte Rome à vivre selon la grandeur implicite de son nom, qui signifie « force » ou « hauteur », et à ne pas se laisser abaisser par la volupté. Il lui rappelle que, comme Ninive, elle peut échapper à la malédiction divine par la repentance. Jérôme avertit contre l’influence du nom de Jovinien, qui évoque un idolâtre, et critique la résurgence de vices anciens, malgré le passé de Rome, où la sagesse de Pythagore était plus honorée que la débauche d’Épicure.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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