Cyrille de Jérusalem était évêque de l’Église de Jérusalem au IVe siècle, que nous avons déjà pleinement introduit dans un autre article. Ses conférences catéchétiques sont le seul parcours de formation des nouveaux convertis (catéchètes) que nous ayons à cette époque. Loin de la haute théologie patristique, vous découvrez ici la théologie pour chrétiens ordinaires que l’on enseignait au IVe siècle. Je vous souhaite une bonne lecture.
Voilà pourquoi je plie les genoux devant le Père [de notre Seigneur Jésus-Christ], de qui toute famille dans le ciel et sur la terre tient son nom. – Ephésiens 3.14-15
1 Transition d’avec la conférence précédente. Le sujet de cette conférence est la doctrine du Père.
Revenons à nous-mêmes et accueillons les doctrines salvatrices de la vraie Foi, en associant la dignité de la Paternité à celle de l’Unité, et en croyant en un seul Dieu le Père : car nous ne devons pas seulement croire en un seul Dieu, mais recevons aussi avec dévotion cette vérité, qu’Il est le Père du Fils unique, notre Seigneur Jésus-Christ.
2-3 Contre les juifs, nous affirmons que Dieu est le Père de Jésus-Christ :
1. Psaume 2:7 « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré. » → Cyrille utilise ce verset pour affirmer que Jésus est le Fils unique de Dieu, engendré par le Père. Il souligne que cette filiation divine est une vérité rejetée par les Juifs, qui refusent de reconnaître Jésus comme le Messie. Pour Cyrille, ce verset prouve que Jésus est bien le Fils éternel de Dieu, et non un simple homme.
- Psaume 2:2 : « Les rois de la terre se soulèvent, et les princes se liguent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint. » → Cyrille voit dans ce verset une prophétie concernant l’opposition des Juifs et des puissants de ce monde contre Jésus, l’Oint de Dieu (le Christ). Il insiste sur le fait que cette rébellion contre le Christ est une preuve supplémentaire de leur aveuglement spirituel.
- Jean 14:6 « Personne ne vient au Père que par moi. » → Cyrille utilise cette parole de Jésus pour montrer que la relation avec le Père passe nécessairement par la reconnaissance du Fils. Il critique les Juifs qui pensent pouvoir accéder à Dieu tout en rejetant Jésus. Pour lui, cette parole confirme que Jésus est le seul médiateur entre Dieu et les hommes.
- . Jean 10:9 « Je suis la porte. » → Cyrille interprète cette image de la porte comme une métaphore de l’accès au salut. Il explique que celui qui refuse de passer par Jésus (la porte) ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Cela renforce l’idée que la foi en Jésus est essentielle pour être sauvé.
- Jean 14:6 « Je suis le chemin. » → Cyrille voit dans cette déclaration de Jésus une affirmation claire de son rôle central dans le plan de salut. Il insiste sur le fait que Jésus est le seul chemin qui mène à Dieu, et que toute autre voie est vaine.
- Psaume 89:26-27 « Il m’appellera : Tu es mon Père, mon Dieu et le rocher de mon salut ! Et moi, je ferai de lui le premier-né, le plus élevé des rois de la terre. » → Cyrille applique ce verset à Jésus, voyant dans le « premier-né » une référence à sa prééminence éternelle comme Fils de Dieu. Il rejette l’idée que ce passage pourrait s’appliquer à un roi humain comme David ou Salomon, car seul Jésus peut être appelé « premier-né » dans un sens absolu et divin.
- Psaume 89:36-37« Sa postérité subsistera toujours, et son trône sera devant moi comme le soleil, comme la lune il aura une éternelle durée. » → Cyrille utilise ce verset pour montrer que la royauté de Jésus est éternelle et divine. Il contraste cette promesse avec les royaumes humains, qui sont éphémères, et affirme que seul le Christ peut régner éternellement.
- Psaume 110:3 « De ton sein, avant l’aurore, je t’ai engendré. » → Cyrille interprète ce verset comme une preuve de l’engendrement éternel du Fils par le Père. Il souligne que cette génération est hors du temps (« avant l’aurore »), ce qui confirme la divinité de Jésus et son existence avant la création du monde.
- Psaume 72:5« Il subsistera autant que le soleil, autant que la lune, d’âge en âge. » → Cyrille voit dans ce verset une prophétie concernant la durée éternelle du règne du Christ. Il l’utilise pour montrer que Jésus n’est pas un simple roi terrestre, mais le Roi éternel dont la domination s’étend à toutes les générations.
4-6 Cyrile fait alors une exposition directe et avec peu de fioritures la doctrine du Père :
« Car le nom du Père, par le simple fait de l’énoncer, suggère la pensée du Fils : de même, celui qui nomme le Fils pense immédiatement aussi au Père. Car si l’on parle d’un Père, c’est assurément le Père d’un Fils ; et si l’on parle d’un Fils, c’est assurément le Fils d’un Père. Ainsi, pour éviter que notre déclaration « En un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et de toutes les choses visibles et invisibles » suivie de l’ajout « Et en un seul Seigneur Jésus-Christ » ne conduise quelqu’un à supposer irrévérencieusement que le Fils unique est inférieur en rang au ciel et à la terre, nous avons d’abord nommé Dieu le Père, afin qu’en pensant au Père, nous pensions en même temps aussi au Fils : car entre le Fils et le Père, aucun être ne s’interpose.
Dieu est alors improprement le Père de plusieurs, mais par nature et en vérité le Père d’un seul, le Fils unique, notre Seigneur Jésus-Christ, n’étant pas devenu Père au fil du temps, mais étant de toute éternité le Père du Fils unique. Ce n’est pas qu’Il ait été sans Fils auparavant et soit devenu Père par un changement de dessein : mais avant toute substance et toute intelligence, avant les temps et tous les âges, Dieu possède la dignité de Père, se glorifiant davantage de cette dignité que de toutes les autres. Il n’est pas devenu Père par passion, ni par union, ni dans l’ignorance, ni par effluence, ni par diminution, ni par altération, car tout don parfait et toute grâce excellente vient d’en haut, descendant du Père des lumières, chez qui il n’y a ni variation, ni ombre de changement. Père parfait, Il a engendré un Fils parfait et Lui a remis toutes choses : car Il déclare : « Toutes choses m’ont été remises par mon Père. » Et le Père est honoré par le Fils unique : car le Fils dit : « Je rends honneur à mon Père » et encore : « Comme j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans Son amour. » C’est pourquoi nous disons également comme l’Apôtre : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation » ; et : « Nous fléchissons les genoux devant le Père de qui toute paternité tire son nom dans les cieux et sur la terre » : Le glorifiant avec le Fils unique : car « Celui qui nie le Père, nie aussi le Fils », et encore : « Celui qui confesse le Fils possède aussi le Père », sachant que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. »
7-11 Cyrille aborde ensuite une objection arienne : les ariens confondaient volontairement la filiation de Dieu avec notre filiation. L’idée était de pouvoir dire que nous sommes fils de Dieu comme Jésus est Fils de Dieu, et éloigner l’idée qu’il était de même substance que Dieu. Cyrille prend le temps de répondre avec soin à cette objection.
Cyrille de Jérusalem développe une distinction essentielle entre la filiation divine du Christ et celle des hommes. Il explique que lorsque Jésus dit : « Je monte vers mon Père et votre Père », Il ne dit pas « notre Père », mettant ainsi en évidence une différence fondamentale. Le Christ est Fils de Dieu par nature, tandis que les hommes sont fils par adoption, grâce à la bonté divine.
Cyrille souligne que même si les croyants ont reçu le privilège de prier en disant « Notre Père », ce statut est une grâce et non un droit naturel. Les Écritures montrent que Dieu est appelé Père non pas parce qu’Il engendre physiquement, mais parce qu’Il crée, protège et adopte. Moïse, Ésaïe et Paul sont cités pour démontrer que le terme « père » est souvent employé dans un sens spirituel ou symbolique. Paul, par exemple, se décrit comme père des Corinthiens, non par filiation charnelle, mais par la transmission de la foi.
Le texte aborde également l’exemple de Job, qui se dit père des nécessiteux en raison de son souci pour eux, et de Jésus sur la croix, qui confie sa mère à Jean. De même, Joseph est qualifié de père du Christ non par génération physique, mais par le soin apporté à son éducation. Ces exemples soulignent que le titre de père est souvent accordé pour une fonction protectrice plutôt que pour une paternité biologique.
L’évêque de Jérusalem insiste ensuite sur l’unicité de la filiation naturelle du Christ. Dieu est Père des hommes de manière impropre et temporelle, mais Père du Christ de manière naturelle et éternelle, avant même la création du monde. Cette distinction est illustrée par la prière de Jésus : « Glorifie-moi auprès de Toi avec la gloire que j’avais auprès de Toi avant que le monde fût. »
Enfin, Cyrille rappelle que Dieu le Père est insondable et ineffable, et que seule la vision pure de Son essence est réservée au Fils et au Saint-Esprit. Les anges eux-mêmes ne Le contemplent qu’en fonction de leur rang. Cette réflexion souligne la nature unique de la relation entre le Père et le Fils et la distinction entre la filiation naturelle du Christ et celle adoptive des croyants.
12-16 Cyrille continue ensuite en parlant de notre réponse à la Paternité du Père.
L’auteur insiste sur la grâce divine qui permet aux hommes d’appeler Dieu « Père ». Bien que Dieu soit le Créateur éternel et tout-puissant, Il a condescendu, dans une immense bonté, à se présenter comme le Père des hommes, malgré leur nature temporelle et insignifiante comparée à la sienne. Pourtant, l’humanité a souvent rejeté son Père céleste pour adorer des objets inanimés, comme le bois et la pierre. Certains sont même allés jusqu’à adopter Satan comme père spirituel, en suivant ses voies destructrices.
Cependant, cette filiation spirituelle n’est jamais une fatalité. Cyrille réfute l’idée gnostique selon laquelle certains seraient naturellement enfants de Dieu et d’autres prédestinés à être enfants du diable. Au contraire, l’adoption divine résulte d’un choix libre. Comme l’enseigne Jean, ceux qui croient en Christ reçoivent le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Même Judas, qui a trahi Jésus, n’était pas intrinsèquement un fils de perdition, de même que Paul n’était pas condamné à rester persécuteur.
L’auteur exhorte les chrétiens à marcher selon l’Esprit pour mériter cette adoption divine. Être chrétien ne suffit pas ; il faut aussi produire les œuvres qui témoignent de cette filiation. Ceux qui prétendent être enfants d’Abraham doivent imiter ses œuvres. L’amour pour Dieu doit primer sur tout attachement terrestre, même envers les parents, bien que l’honneur dû aux parents reste une vertu chrétienne fondamentale.
Obéir et honorer ses parents, selon l’auteur, est une expression directe de la piété. Il rappelle le commandement de la Loi : « Honore ton père et ta mère », insistant sur l’importance de leur témoigner reconnaissance et assistance. Même si les enfants ne pourront jamais totalement rendre à leurs parents le don de la vie, ils doivent, autant que possible, contribuer à leur bien-être. Cette reconnaissance permet non seulement de bénéficier de leurs bénédictions, mais aussi d’être jugés dignes par le Père céleste de briller comme le soleil dans son royaume.
Cyrille de Jérusalem conclut en rendant gloire au Père, au Fils unique, Jésus-Christ, et au Saint-Esprit, encourageant les chrétiens à vivre une vie de gratitude, d’obéissance et de piété filiale envers Dieu et leurs parents terrestres.
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