Qu’est ce qu’était l’arbre de la connaissance du bien et du mal? – Turretin (8.4)
19 mai 2025

Pourquoi appelle-t-on l’arbre de la connaissance du bien et du mal ainsi, et pourquoi Dieu a-t-il interdit d’y toucher?

Turretin commence par évacuer toute spéculation sur la nature de cet arbre : que ce soit un pommier ou un figuier, si l’Écriture ne dit rien, nous ne dirons rien.

Pourquoi l’appelle-t-on « arbre de la connaissance du bien et du mal » ? ((§§3-4))

Turretin commence par exclure ce que ce fruit n’était pas :

  • Ce n’est pas un nom formel, comme si la connaissance du bien et du mal était faite de pectine et de pépins.
  • Ce n’est pas un nom effectif comme si ce fruit donnait +100 points de sagesse. Turretin attribue cette opinion aux juifs et aux sociniens.
  • Ce n’est pas un nom putatif [présumé à tort], tiré du mensonge du serpent : il n’y aucune raison pour laquelle Adam ou Moïse utiliserait un nom mensonger.

Puis il expose ce que c’est :

  • C’est un nom sacramentel : au fruit matériel est lié une grâce immatérielle.
  • C’est un nom « à posteriori par anticipation » : la consommation de ce fruit était censée venir couronner l’acquisition de la connaissance du bien et du mal par l’expérience vécue, un peu comme la couronne de laurier vient couronner l’expérience de course victorieuse d’un athlète.

Pourquoi cette loi symbolique fut-elle donnée? (§§5-7)

Pourquoi cette loi exploratoire fut-elle donnée en plus de la loi naturelle ?

  1. Pour que Dieu se déclare lui-même Seigneur de l’homme et rendre explicite sa seigneurie déjà établie.
  2. Pour que l’obéissance ou la chute soit plus clairement établie par ce signe extérieur et explicite.
  3. Pour manifester que l’homme a été crée avec un libre-arbitre.
  4. Pour apprendre à l’homme que le bonheur ne consiste pas en la jouissance d’un beau fruit, mais qu’il y a des choses supérieures aux joies matérielles.
  5. Pour apprendre que Dieu seul doit être cherché par dessus tout comme le bien suprême et que nous ne devons acquiescer qu’à lui.

Dieu a donné un commandement facile à accomplir pour que la culpabilité de le transgresser soit plus grande encore.

Quiconque estime cette condamnation ou trop grande ou trop injuste ne sait certainement pas peser la malice d’un péché qui était si facile à éviter. De même que l’obéissance d’Abraham a été d’autant plus grande que le commandement que Dieu lui avait fait était plus difficile, ainsi la désobéissance du premier homme a été d’autant plus criminelle qu’il n’y avait aucune difficulté à faire ce qui lui avait été commandé; – Augustin, La Cité de Dieu, livre 14 §15

Conclusion :

Dieu a donné ce précepte à l’homme pour le mettre à l’épreuve. Ce n’est pas parce que Dieu ignorait la mutabilité d’Adam quant à cette épreuve. C’était en partie pour faire connaître à l’homme sa propre faiblesse […], et en partie aussi pour que Dieu ait une occasion plus grande de déclarer sa gloire à l’homme, dont il aurait été ignorant sinon, par l’exercice de sa miséricorde et de sa justice, dont la manifestation a été permise par le péché. – Turretin, Instituts de Théologie Élenctique, loc 8 Q4 §7

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

3 Commentaires

  1. Avel

    En découvrant toutes ces pensées de Turretin, je ne peux m’empêcher d’être, par certains aspects, admiratif et, par d’autres, dubitatif…

    La comparaison entre la facilité pour Adam et la difficulté pour Abraham est très pertinente. Je la garderai en mémoire.

    Par contre, la conclusion est très problématique. S’il y a une faiblesse en Adam alors celle-ci est forcément un vice de conception.
    Dieu n’a pas créé l’homme parfait, en ce sens qu’il était corruptible, mais il l’a quand même créé très bon, donc sans inclination au mal.
    De plus, prétendre que Dieu a permis (et par la même voulu) le mal pour amener une plus grande gloire rend, de facto, Dieu complice du mal et réduit le scandale de ce dernier en en faisant un mal nécessaire.
    Tout ceci porte atteinte à la sainteté divine et érode la malignité du mal, ce que jamais ne fait l’Écriture.
    La gravité du péché originel ne vient pas tant de la facilité de l’épreuve (même si celle ci est à souligner) mais du fait qu’Adam n’avait aucune raison de désobéir, ni aucune faiblesse en lui qui l’y inclinait. Le péché est donc totalement injustifiable et par la même inexplicable. C’est tout le problème de la question.
    Personnellement, pour une juste appréciation du problème du mal, je recommande vivement « Le mal et la croix » d’Henri Blocher.

    Merci pour tout votre travail sur ce site.

    Réponse
    • Maxime Georgel

      Par « faiblesse » il ne faut pas comprendre une inclinaison au mal. Et en ce sens il est tout à fait exact de dire « aucune faiblesse en lui qui l’y inclinait » comme vous le dites. Il ne faut pas non plus comprendre la maladie ou autres faiblesses qui sont conséquences de la chute. En revanche, Adam avait la faiblesse de l’immaturité enfantine. Adam a été créé non pas dans l’état achevé d’homme glorifié, mais dans un état d’innocence. Il n’était pas revêtu d’un habit glorieux, il était nu et n’en avait pas honte, à la façon d’un enfant. On peut encore parler de faiblesse, de façon impropre, pour désigner le caractère muable de l’homme : si l’homme a chu, c’est qu’il était capable de déchoir. Comme le disent les théologiens, il était capable de ne pas pécher (ce qu’il n’a pas fait) et capable de pécher (ce qu’il a fait). L’homme déchu ne peut pas ne pas pécher. Et l’homme glorifié ne pourra plus pécher.

      Ainsi, faiblesse doit s’entendre relativement à ces deux choses : la mutabilité de l’homme et l’immaturité (non pas coupable, mais comme une jeune plante est immature) de l’état originel. Cette immaturité, illustrée par la nudité l’est également par le fait que l’homme n’avait pas la connaissance du bien et du mal (état attribué aux enfants dans le reste des Écritures).

      L’homme immature et jeune devait apprendre la conscience de sa propre faiblesse afin de se confier en Dieu et d’être éduqué par lui. Il a préféré un raccourci, apprendre par lui-même à discerner le bien du mal et bien loin d’être glorifié en étant rendu semblable à Dieu, il a au contraire perdu la justice et la sainteté dans laquelle il avait été créé.

      Réponse
    • Tallas

      « Le mal et la croix »,
      Et « la doctrine du péché et de la rédemption »,
      Henri Blocher.

      Réponse

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