Le neuvième lieu doctrinal parle de ce qui a suivi l’état d’innocence d’Adam : l’état de péché, en général et en particulier. Il sera décomposé en 15 questions :
- La définition du péché, soit l’illégalité.
- Un péché doit-il être volontaire pour compter comme péché ? Non.
- Le lien entre culpabilité et péché.
- Les péchés sont-ils tous mortels? Oui.
- Quels sont les péchés des anges ayant entraîné leur chute?
- Quel est le péché d’Adam qui a entraîné sa chute ?
- Un homme saint peut-il pécher, et quelle en est la vraie cause ?
- Adam a-t-il perdu l’image de Dieu dans sa chute? Oui.
- Le péché d’Adam nous est-il directement imputé ? Oui.
- Héritons nous du péché originel ? Oui.
- Le péché originel est-il une corruption ?
- Comment le péché originel est-il transmis ?
- Le péché actuel et ses divisions.
- Qu’est ce que le péché contre le Saint Esprit ?
- Le péché peut-il être puni par du péché ? Oui.
A présent, je synthétise la première question qui cherche à définir le péché.
Peut on dire droitement que la raison formelle du péché est l’illégalité (anomia). Nous l’affirmons.
Étymologie
Commençons par l’étymologie du mot « péché ». Péché vient du mot hébreu חָטָא (chata’), qui signifie « rater le but ». C’est en ce sens qu’il est utilisé pour les frondeurs de Benjamin qui ne rataient jamais leurs cibles (Juges 20:16). Ainsi, dans l’Écriture, le péché est d’abord une déviation, un échec à atteindre le but que Dieu a fixé à la création. En grec, ἁμαρτία (hamartia), traduit par « péché », porte la même idée de « manquer la cible ». Pour le latin peccatum, dont nous tirons le mot français « péché », il évoque l’idée d’agir sans raison, comme une bête (pecuatum, lié au bétail). Cette image se retrouve dans les Écritures, où les pécheurs non repentants sont comparés à des animaux tels que des chiens, des porcs ou des vipères.
Qu’est-ce que le péché concrètement et dans l’abstrait ?
Dans son sens concret et matériel, tel qu’il se manifeste en nous, Augustin définit le péché comme « un désir, une parole ou un acte contraire à la loi de Dieu » (Réponse à Fauste le Manichéen 22.27). Mais Turretin complète en disant qu’il s’agit de toute inclination, action ou omission en décalage avec la loi de Dieu. Cela est exprimé dans :
- 1 Jean 3,4 : « Quiconque pèche commet une transgression de la loi, et le péché (ἁμαρτία) est la transgression de la loi. »
- Romains 4,15 : « Car là où il n’y a point de loi, il n’y a point non plus de transgression »
La raison formelle (définition) du péché est l’anomie
De là, Turretin et la tradition réformée définissent le péché comme « la transgression de la loi », ou ἀνομία en grec. Il s’agit d’un manque de conformité à la loi de Dieu, qui est la seule véritable loi, qu’elle soit naturelle (imprimée dans la conscience) ou révélée (écrite dans la Parole).
Mais ce n’est pas une simple absence ou une case non cochée. C’est une maladie spirituelle. Comme l’explique Turretin :
Cette privation n’est ni pure ni simple, mais corruptrice ; elle n’est pas inactive, mais énergique ; elle n’est pas une simple négation, mais une disposition pervertie. Non seulement elle ôte la rectitude due, mais elle introduit une dépravation et une qualité corrompue qui infecte toutes les facultés. De même qu’une maladie physique n’est pas seulement une perte de l’équilibre des humeurs, mais aussi une disposition corrompue et un désordre de ceux-ci, le péché (qui est une maladie morale de l’âme) n’est pas seulement la négation d’un bien, mais l’imposition d’une disposition corrompue.
Turretin cite alors Thomas d’Aquin avec approbation :
Comme la maladie corporelle comporte une privation, en ce que l’équilibre de la santé est retiré, et quelque chose de positif, à savoir les humeurs eux-mêmes disposés de manière désordonnée, de même le péché originel n’est pas une pure privation, mais une sorte d’habitude corrompue » – Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-II, Q. 82, Art. 1.
Il y a encore quelques nuances que Turretin développe, mais pour cet article, cela suffira.
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