La culpabilité est-elle la forme du péché, son adjoint inséparable, ou seulement son effet ? Et peut-on distinguer une culpabilité liée à la faute de celle liée à la punition ?
Ces distinctions ne nous sont pas familières quand on parle du péché, mais François Turretin, théologien réformé du XVIIe siècle, commence par clarifier deux effets du péché : l’impureté et la culpabilité. L’impureté est la souillure spirituelle qui corrompt l’âme (ce que le péché fait en nous), tandis que la culpabilité est l’obligation de subir une punition devant Dieu (ce que le péché entraîne hors de nous). La première rend l’homme mauvais, la seconde le rend misérable. Ainsi, le baptême et la grâce agissent différemment : la sanctification lave l’impureté par l’Esprit Saint, tandis que la justification ôte la culpabilité par l’imputation de la justice de Christ.
Turretin définit ensuite la culpabilité théologiquement comme « l’obligation à la punition découlant du péché ». Il distingue :
- La culpabilité potentielle : ce que le péché mérite objectivement par sa nature mauvaise, un mérite intrinsèque de condamnation (to katakritikon), inseparable du péché.
- La culpabilité réelle : la punition effectivement ordonnée par Dieu, qui peut être levée par sa miséricorde (comme dans le pardon).
Ainsi, Turretin rejette l’idée scolastique médiévale selon laquelle la culpabilité serait la forme même du péché (ce qui le définit). Pour lui, elle n’est qu’une conséquence de l’anomia (l’illégalité ou la transgression de la loi), dont il a traité à la question 9.1. Le péché est d’abord une rupture avec la loi ; la culpabilité suit comme effet.
Ces distinctions éclairent des vérités bibliques essentielles :
- Chez les élus, il reste du péché (l’anomia), mais pas de culpabilité réelle : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8:1).
- Chez Christ, il y a culpabilité (il porte nos punitions), mais pas de péché : « Il a été blessé pour nos péchés » (Ésaïe 53:5), « Dieu l’a fait péché pour nous » (2 Corinthiens 5:21), pourtant « il n’a pas commis de péché » (1 Pierre 2:22 ; 1 Jean 3:5 ; Jean 8:46).
Cela exige une séparation entre péché et culpabilité, rendue possible par la différence entre culpabilité potentielle (toujours liée au péché) et réelle (séparable par la grâce). Cependant, un lien demeure : la justice de Dieu et sa loi exigent la punition du péché (Romains 1:32 ; Habacuc 1:13). Mais grâce à l’Évangile, cette culpabilité réelle peut être transférée du pécheur à Christ, notre substitut, qui la prend sur lui par pure grâce.
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