Des péchés véniels – Turretin (9.4)
7 juillet 2025

Les péchés sont-ils tous par nature mortels, ou peut-on admettre des péchés véniels ? Nous affirmons le premier et nions le second, contre les papistes.

Cette distinction entre péchés mortels et véniels est encore courante dans le catholicisme contemporain : les péchés mortels, graves, nécessitent les sacrements de l’Église romaine pour être pardonnés, tandis que les péchés véniels, plus légers, gênent la relation à Dieu sans la briser et peuvent être « nettoyés » plus facilement. François Turretin, théologien réformé du XVIIe siècle, s’oppose à cette vue des catholiques (comme Bellarmin et le Concile de Trente), qui y voyaient un moyen de justifier la perfection humaine, les œuvres surérogatoires, le mérite et le purgatoire.

Formulation de la question

Turretin précise sa question en trois points :

  1. Il ne s’agit pas d’égalité des péchés. Les réformés ne disent pas que tous les péchés sont aussi graves (comme si mentir équivalait à tuer), contrairement à ce que prétendent leurs adversaires en évoquant les stoïciens. Tous les péchés sont mortels, mais ils diffèrent en degrés de gravité et de punition.
  2. Il ne s’agit pas du résultat. Par la grâce, tous les péchés des élus sont véniels (pardonnés, donc sans mort éternelle), et ceux des réprouvés sont mortels (non pardonnés, menant à la mort). La question porte sur la nature intrinsèque des péchés, pas sur leur issue.
  3. Il ne s’agit pas de la vie chrétienne. Nous reconnaissons que certains péchés graves (cf. 1 Corinthiens 6:10) blessent profondément la foi et menacent le salut actuel, tandis que d’autres, légers (comme les restes de convoitise en Romains 7), n’interrompent pas la grâce. Le théologien protestant Robert Baron utilisait même « mortel/véniel » dans ce sens, mais Turretin préfère « graves/légers » pour éviter la confusion avec les catholiques.

La vraie question est : devant la loi de Dieu, existe-t-il des actes illégaux (anomia) qui ne soient pas mortels par nature ? Les réformés répondent : non, toute transgression est mortelle.

Argumentation

  1. Romains 6:23 : « Le salaire du péché, c’est la mort » et « l’âme qui pèche mourra » (Ézéchiel 18:20). Ces versets visent tout péché, sans distinction. Dire que Paul parle seulement des gros péchés est arbitraire, car il inclut même ses luttes personnelles (Romains 7:24 : « Misérable que je suis ! »).
  2. Deutéronome 27:26 : « Maudit soit celui qui n’obéit pas à toutes les paroles de cette loi » ( repris en Galates 3:10). Si toute déviation, même minime, entraîne une malédiction, aucun péché n’est véniel face à la loi.
  3. Jacques 2:10 : « Celui qui enfreint un précepte est coupable de tous. » Cela s’applique à tout péché, comme le montre l’exemple du favoritisme. Pourquoi ? a) Le même Dieu est offensé dans chaque commandement ; b) Tous les préceptes sont liés par l’amour, et violer l’un, c’est violer l’ensemble ; c) La loi exige une obéissance totale, pas partielle.
  4. Matthieu 12:36 : « Toute parole oiseuse rendra compte au jour du jugement. » Si même ces « petits » péchés mènent à la condamnation (v. 37), ils ne sont pas véniels.
  5. Offense à Dieu : Tout péché, même léger, insulte la majesté infinie de Dieu. Comme une gifle au président est plus grave qu’à un citoyen ordinaire à cause de la dignité offensée, une offense au Créateur est infiniment coupable, méritant une punition éternelle.
  6. Pardon requis : Si Dieu pardonne même les petits péchés, c’est qu’ils sont mortels, car nous ne pouvons les effacer seuls.
  7. Mort de Christ : Christ est mort pour tous nos péchés, même les moindres ; donc, tous sont mortels.

Réponses aux objections

  • §13 : « Si tous les péchés sont mortels, on meurt à chaque fois ? » Non, car la grâce de Christ pardonne tous les péchés des élus, grands ou petits. « Mortel » signifie « méritant la mort », pas « entraînant toujours la mort ».
  • §15 : « Le ‘foin’ et le ‘chaume’ de 1 Corinthiens 3:12 sont des péchés véniels. » Faux, ce sont des doctrines humaines vaines, pas des péchés. Et même si c’étaient des fautes légères, elles ne sont surmontées que par la grâce, pas par leur nature.
  • §16 : « Le péché contre le Saint-Esprit (1 Jean 5:16) est mortel, donc d’autres sont véniels. » Non, ce péché est « mortel » par excellence car impardonnable, mais tous les péchés méritent la mort ; la grâce seule fait la différence.

Nous ne nions pas une hiérarchie de gravité : certains péchés sont bénins, d’autres atroces. Mais nous refusons que les péchés légers soient véniels au sens papiste, c’est-à-dire pardonnables sans Christ. Pour les réformés, tout péché, même minime, nécessite le salut par la croix.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *