Cet article est le dix-neuvième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le dix-huitième, j’ai introduit les erreurs de raisonnement de manière générale. Dans cet article, je donnerai la liste complète des erreurs informelles (ou sophismes de mots : les erreurs qui portent sur l’utilisation des mots) que nous découvrirons dans les prochains articles. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic des pages 68 à 69 et de Raisonner en vérité de Bruno Couillaud.
Pour rappel, les erreurs informelles consistent à mal utiliser ou mal comprendre les termes (ou les mots). Par conséquent, les erreurs matérielles sont des erreurs qu’on fait dans la compréhension des termes, dans la première opération de l’esprit.
Bien souvent, nous commettons plus d’erreurs informelles que d’erreurs formelles comme nous utilisons rarement les termes de manière rigoureuse. C’est pourquoi cette partie sera assez longue. Avant de nous lancer dedans, voici une liste non exhaustive1 des erreurs matérielles. Il s’agit d’une combinaison de la liste de Kreeft2 (Socratic Logic, p. 69-71) avec celle de Couillaud (Raisonner en vérité, p. 451-460). Il est possible que je la complète plus tard3.
1. Les erreurs de langage
A. L’équivocité (ou homonymie) d’un terme
B. L’amphibologie (ou amphibolie) d’une expression
C. L’accentuation phonique
D. Biaiser le débat (utiliser des mots biaisés, omettre des informations importantes)
E. Les slogans
F. L’hyperbole (ou exagération)
G. L’épouvantail (ou homme de paille ou encore caricature)
H. La figure du mot
2. Les erreurs de diversion
A. L’argument ad hominem (attaque de la personne) qui inclut « l’empoisonnement du puits », le sophisme tu quoque (« toi aussi »), « le sophisme génétique »
B. L’argument ad verecundiam (l’argument d’autorité)
C. L’argument ad baculum (l’appel à la force)
D. L’argument ad misericordiam (l’appel à la pitié)
E. L’argument ad ignominiam (l’appel à la honte)
F. L’argument ad populum (l’appel à la majorité qui inclut la flatterie (ou « l’appel à la galerie »), l’identification (« Je suis l’un de vous ! »), « C’est ce que tout le monde le fait », « C’est ce que le sondage a dit », l’appel au préjudice, « l’appel au snob », « le grand mensonge »
G. L’argument ad ignorantiam (l’appel à l’ignorance)
3. Les erreurs de sursimplification ou simplification excessive
A. Dicto simpliciter
B. Special case
C. La composition (ou sophisme de sens composé)
D. La division (ou sophisme de sens divisé)
E. Le faux dilemme
F. La citation hors-contexte
G. Les stéréotypes
4. Les erreurs d’induction
A. La généralisation abusive
B. Post hoc, ergo propter hoc (« juste après, donc conséquence de », le sophisme de non-cause, la fausse cause, confondre la concomitance et l’identité)
C. L’hypothèse contraire aux faits
D. L’analogie douteuse
E. L’argument du silence
F. La sélection arbitraire des preuves
G. Biaiser la question
5. Les erreurs de méthodologie
A. « Réfuter » un argument en réfutant sa conclusion
B. Supposer que réfuter un argument démontre que sa conclusion est fausse
C. Ignorer un argument
D. Remplacer une preuve par des explications
E. Répondre à un argument autre que celui qui est avancé
F. Le renversement de la charge de la preuve
G. Remporter le débat mais perdre celui avec qui on débat ou vice-versa
6. Les erreurs métaphysiques
A. Le réductionnisme (en particulier, confondre la forme avec la matière)
B. Le sophisme de l’accident (confondre ce qui est accidentel avec ce qui est essentiel, l’accident avec le sujet)
C. Confondre quantité et qualité
D. Le sophisme du caractère concret mal placé ou réification (confondre ce qui est abstrait avec ce qui est concret)
E. Confondre les causes logiques, psychologiques et physiques
F. Le sophisme de l’existence (confondre essence et existence)
G. Confondre ce qui est naturel avec ce qui est commun
Illustration : Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure de Charles Laplante, publiée dans le livre de Louis Figuier, Vie des savants illustres – Savants de l’antiquité (tome 1), Paris, 1866, pages 134-135.
- En sachant qu’il n’existe pas de classification acceptée par tous les logiciens, même si certaines peuvent avoir des points communs. Par exemple, le philosophe britannique John Stuart Mill en avait une autre. Et une autre très complète. Ce qui important, ce n’est pas tant d’avoir une liste parfaite mais de bien comprendre ce qui différencie ces erreurs d’un bon raisonnement et de les reconnaître dans la pratique.[↩]
- Je n’ai pas trop compris pourquoi il a inclus « les erreurs d’argumentation » (comme la pétition de principe parmi les erreurs informelles. Il reconnaît d’ailleurs que la frontière entre erreur formelle et erreur informelle est parfois floue. Contrairement à lui, Couillaud et Wikipédia rangent plusieurs d’entre elles dans les erreurs formelles. Dans le doute je ferai donc de même.[↩]
- Je ne suis pas sûr de la traduction de toutes les erreurs, n’hésitez pas à me corriger si vous avez de meilleures traductions ![↩]
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