Cet article est le soixante-deuxième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le soixante-et-unième, j’ai présenté les syllogismes démonstratifs et par opposition les non démonstratifs. Dans cet article, j’expliquerai comment constuire un syllogisme. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic, pp. 232-234.
C’est tellement facile que la plupart des manuels traditionnels oublient de l’expliquer. Voici donc les étapes à suivre :
- Trouver la conclusion qu’on veut prouver.
- Mettre la conclusion sous forme logique : on doit maintenant avoir les deux termes, le sujet S et le prédicat P.
- Trouver le moyen terme : il suffit de chercher la cause / la raison de notre conclusion (pourquoi est-elle vraie ?). Une fois qu’on l’aura trouvée, on aura naturellement notre moyen terme. Et donc aussi un syllogisme démonstratif. C’est l’étape clé pour créer un bon syllogisme. Pour cela, il faut faire appel à son instinct et son intuition, la facilité vient avec l’habitude, la pratique et l’imitation des autres.
- Vérifier que le syllogisme (l’argument) est valide.
Appliquons cette méthode à un cas pratique : supposons qu’on veuille prouver que les pitbulls (les chiens que les policiers ont souvent avec eux) ne sont pas dignes de confiance1.
- La conclusion qu’on veut prouver : les pitbulls ne sont pas dignes de confiance. C’est là une formulation négative, mais d’expérience les gens sont souvent plus convaincus lorsque la conclusion a une forme affirmative. Donc on prouvera la conclusion suivante : « Les pitbulls sont indignes de confiance. »
- Mettons-la sous forme logique en rajoutant explicitement le quantificateur tous : « Tous les pits bulls sont indignes de confiance. »
- Trouvons le moyen terme M. Posons-nous la question : pour quelle raison les pitbulls seraient indignes de confiance ? C’est parce qu’ils restent agressifs même lorsqu’ils sont dressés. Ayant trouvé la raison de notre conclusion, nous avons maintenant notre moyen terme : « (Ce qui est) agressif même lorsqu’il est dressé. » Nous pouvons désormais le relier au P dans la majeure (« Tout ce qui est agressif même lorsqu’il est dressé est indigne de confiance. ») et à S dans la mineure (« Tous les pitbulls sont agressifs même lorsqu’ils sont dressés. »).
- On a alors bien notre syllogisme valide (la conclusion suit bien des prémisses) :
- Tout ce qui est agressif même lorsqu’il est dressé est indigne de confiance.
- Or, tous les pitbulls sont agressifs même lorsqu’ils sont dressés.
- Donc tous les pitbulls sont indignes de confiance. (la conclusion)
Voici un second exemple. Supposons maintenant que nous voulions expliquer à quelqu’un pourquoi notre monde n’est pas parfait.
- La conclusion qu’on veut prouver : notre monde n’est pas parfait. Comme avant, on prouvera la conclusion affirmative suivante : « Notre monde est imparfait. »
- Mettons-la sous forme logique en rajoutant explicitement le quantificateur tous : « Tous les pitbulls sont indignes de confiance. »
- Trouvons le moyen terme. Posons-nous la question : pour quelle raison notre monde est imparfait ? C’est parce qu’il y a le mal, de la souffrance, de la pauvreté. Ayant trouvé la raison de notre conclusion, nous avons maintenant notre moyen terme : « (Ce qui comporte) le mal, de la souffrance, de la pauvreté. » Nous pouvons désormais le relier au P dans la majeure (« Tout ce qui comporte le mal, de la souffrance, de la pauvreté est imparfait. ») et à S dans la mineure (« Notre monde comporte le mal, de la souffrance, de la pauvreté. »).
- On a alors bien notre syllogisme valide (la conclusion suit bien des prémisses) :
- Tout ce qui comporte le mal, de la souffrance, de la pauvreté est imparfait.
- Notre monde comporte le mal, de la souffrance, de la pauvreté.
- Donc notre monde est imparfait.
Illustration : Charles Laplante, Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure, 1866.
- Nous ne voulons en aucun cas vexer les propriétaires de pitbulls, je reprends comme d’habitude l’exemple que j’ai sous la main, celui de Kreeft…[↩]
0 commentaires