Jean XXII et l'infaillibilité papale.
20 octobre 2017

Le 10 novembre 1324, le pape Jean XXII publia la bulle Quia Quorundam qui répondait à certains ayant une conception extrême de la place de la pauvreté et des possessions terrestres.

La bulle fut publiée principalement pour défendre les nouvelles décisions du pontife qui contredisait une précédente bulle d’un précédent pape, Nicolas III. Sans rentrer dans les détails de la controverse autour de la pauvreté, nous pouvons faire quelques remarques intéressantes sur cette bulle, notamment sur le sujet de l’infaillibilité papale. En effet, les opposant de Jean XXII avançaient qu’un pape avait défendu leur position dans une bulle et que, par conséquent, celle-ci ne pouvait pas être contredite.
Lisons tout de suite comment il définit la position de ses opposants :

“Ils disent que quoi qu’ait défini, par la clé du savoir, le Pontife romain, en matière de foi et de morale, cela perdure avec tant d’immuabilité qu’il n’est pas licite qu’un successeur mette en doute cela ou affirme le contraire (quoi qu’il en soit autrement quand il s’agit des choses relevant de la clé du pouvoir).

Ici, il emploie quelques expressions un peu technique qu’il peut être utile de définir. Selon ses opposants, il existe (1) une clé du savoir, (2) possédée par le pontife, (3) touchant les affaires de foi et de morale, (4) si immuable ou infaillible qu’elle ne peut être mise en doute ou contredite. Il s’agit d’une définition plutôt exacte de ce que nous appelons l’infaillibilité papale. 

“L’infaillibilité dont le Christ a assuré son Église prise comme telle, trouve une application particulière dans l’enseignement du pape, lorsqu’il entend définir une doctrine révélée, concernant la foi ou les mœurs, et en tant que docteur de l’Église entière, manifestant expressément l’intention de porter une définition dogmatique ex cathedra, ainsi que le définit le Ierconcile du Vatican.” (Universalis.edu)

Et que pense-t-il d’une telle infaillibilité ? Lisons donc ce qu’il écrit après avoir examiné leurs affirmations :

Toutefois, il est d’une évidence flagrante que la prémisse de leur argument-à savoir, que ce que le Pontife a défini en utilisant la clé du savoir en matière de foi ou de morale ne peut pas être mis en doute ou contredit par l’un de ses successeurs bien qu’il en soit autrement quand il s’agit des choses relevant de la clé du pouvoir-est entièrement contraire à la vérité.”

Il s’agit d’un rejet explicite et directe de la doctrine de l’infaillibilité papale, par un pape, dans une bulle ayant pour but de définir, en tant qu’évêque de l’Eglise catholique, une doctrine concernant la foi ou la morale comme chacun peut s’en convaincre en lisant la bulle.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

2 Commentaires

  1. Idéfix

    Bonjour,

    Jean XXII n’a pas contredit Nicolas III mais seulement l’interprétation erronée qu’avaient fait les franciscains des propos de Nicolas III. Ils croyaient que Nicolas III avait dit que Jésus et ses apôtres n’avaient jamais rien possédé en propre, ce qui est faux.
    Ensuite, Jean XXII a condamné la conception erronée qu’avaient les franciscains de l’infaillibilité pontificale. En effet, pour Jean XXII, il n’existe pas de “clef de la connaissance”, et il serait absurde de distinguer les actes faits avec “la clef de la connaissance” de ceux faits avec “la clef du pouvoir”. Selon lui, soit toutes les clefs sont nécessaires pour définir une chose (celle de l’examen et celle de la définition), soit seulement la clef du pouvoir est nécessaire, mais alors « de même que la lumière matérielle dirige le porteur de la clef dans l’usage d’une clef matérielle, de même il obtient tout ce qui concerne cette matière de la connaissance au lieu de la lumière. » C’est ce qu’il écrit dans la bulle Quia quorundam : https://franciscan-archive.org/bullarium/qquor-e.html
    Jean XXII n’a donc pas nié l’infaillibilité du pape. Le concile Vatican I n’a d’ailleurs pas enseigné que le pape était toujours infaillible en matière de foi et de morale. C’est le cas seulement lorsque celui-ci manifeste clairement qu’une doctrine est obligatoire pour tous les fidèles ou qu’une erreur est contraire à la foi, ou lorsqu’il présente tel ou tel point de doctrine comme étant “une vérité de foi”, ou “divinement révélé”. Lorsque le pape enseigne en tant que chef de l’Eglise, il représente l’Eglise à lui tout seul, voilà pourquoi il dispose de l’infaillibilité de l’Eglise.

    Cordialement

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *