Cet article fait suite à l’introduction sur le problème protestant que je vous invite à lire avant de commencer celui-ci si cela n’est pas déjà fait. Comme je l’avais dit, ces articles sont simplement les notes que je prends en écoutant les cours de David Haines sur l’orthodoxie. Mais qui est David Haines ? J’avais oublié de vous le présenter ! C’est un pasteur québécois, docteur en philosophie, spécialiste du réalisme métaphysique et fan de Thomas D’Aquin, président de l’association axiome. Vous pouvez retrouver son CV ici. Toutefois, au cours de la série, les réflexions de David Haines seront mêlées à mes propres remarques.
Ainsi, dans le dernier article, nous avions défini la notion d’orthodoxie et expliqué sa nécessité ainsi que celle de la théologie naturelle. Nous avions aussi proposé une hiérarchie des doctrines. Ici, nous définirons le problème protestant. Les articles suivants proposeront une solution à ce problème. Je demande au lecteur d’être patient dans la lecture de ces articles qui sont plutôt complexes dans les notions qu’ils abordent.
Une question toute simple
Comme la dernière fois, commençons cet article en nous posant une question toute simple : Que faut-il croire pour être sauvé ?
Carl Trueman, dans son livre The Creedal Imperative, suggère qu’il y a en fait très peu de doctrines qu’il faut croire explicitement pour être sauvé.
Romains 10:9 nous dit que si l’on confesse que Christ est Seigneur et que l’on croit que Dieu l’a ressuscité des morts, nous serons sauvés (Cf. 1 Cor 15:1-4). Ainsi, il faut croire explicitement en la divinité et la résurrection du Christ.
Nous avons proposé dans l’article précédant que certaines doctrines sont fondamentales au christianisme. Nous remarquons ici qu’il semble que les doctrines « à croire explicitement pour être sauvé » sont bien moins nombreuses que les doctrines fondamentales.
Toutefois, si nous y faisons attention, ces deux vérités (la divinité et la résurrection des morts du Christ), contiennent implicitement un grand nombre des vérités fondamentales.
En effet, si nous disons que Jésus est Dieu, nous sous-entendons :
- Dieu existe
- Il existe une forme de pluralité en Dieu (car Jésus est Dieu…et Dieu a ressuscité Jésus). Au moins 2 personnes sont Dieu, c’est un premier pas vers la doctrine de la Trinité.
- Jésus est de la même nature que le Père. Nous ne disons pas que Jésus est un dieu mais qu’il est Dieu, ils ont donc la même nature.
- Une des personnes divines (Jésus) a pris sur elle la nature humaine (car on est en train de dire qu’un homme est aussi Dieu). C’est la doctrine de l’Incarnation.
- Les natures existent. Sinon Christ n’aurait pas pu avoir la nature divine ou prendre la nature humaine. C’est ce qu’on appelle le Réalisme Métaphysique.
- Encore beaucoup d’autres choses…
Si nous disons que Jésus est ressuscité des morts, nous sous-entendons :
- Jésus est un personnage historique, humain et réel.
- Jésus est mort à un moment donné de l’histoire humaine, sinon il n’aurait pas pu ressusciter.
- Des miracles divins se sont produits dans l’histoire (la résurrection est un miracle). Reconnaître cela implique de rejeter le déisme.
Par cette confession (Jésus est Dieu et Dieu l’a ressuscité), nous sous-entendons encore :
- Que des vérités peuvent être communiquées par le langage.
- Que des êtres humains sont capables de comprendre ce langage et de juger de la vérité ou de la fausseté de la communication. Autrement dit, « on n’est pas des bêtes », nous sommes des « animaux » rationnels.
- Il existe une caractéristique unique des êtres humains et de la mort de Christ qui fait que celle-ci peut impacter la destinée de ceux-là. Les humains ont quelque chose de particulier qui font que eux-seuls peuvent être sauvés par cette mort (et non les anges). Et Christ a quelque chose de particulier qui fait qu’il peut les sauver. C’est encore une histoire de nature et de Réalisme Métaphysique : il y a une distinction entre la nature angélique et la nature humaine.
- Les êtres humains doivent être sauvés de quelque chose.
- Les êtres humains ne peuvent pas se sauver eux-mêmes : si tu crois, tu seras sauvé.
- Cette action divine était nécessaire pour le salut de l’homme.
- La mort de Jésus avait un sens, un but.
Plusieurs de ces choses vous paraissent peut-être évidentes, mais plusieurs philosophies et pensées nient certains de ces points. Par exemple, le nominalisme nie l’existence des natures.
Ainsi, même s’il faut croire explicitement peu de choses pour être sauvé, ces « vérités à croire » impliquent un grand nombre d’autres vérités. Nous suggérons donc que, pour être sauvé, il n’est pas nécessaire de croire toutes les vérités fondamentales mais une bonne partie de ces vérités découlent des vérités « nécessaires » au salut. Bien souvent, le jeune croyant confesse la divinité, la mort et la résurrection du Christ et découvre par la suite ce que cela implique (les vérités fondamentales) et ce qui en découle (les vérités secondaires).
En d’autres termes, les vérités que l’on découvre en recevant le Christ n’embrassent pas nécessairement toutes les doctrines qui composent « l’orthodoxie » chrétienne mais elles y mènent naturellement.
Nous suggérons, en passant, que puisqu’il n’est pas nécessaire de confesser (du moins au début de notre marche avec le Christ) toutes les doctrines fondamentales, il ne faudrait pas non plus mettre plus de critères pour que quelqu’un puisse être membre d’une église. En d’autres termes, si quelqu’un confesse que Jésus est Dieu et qu’il est mort et ressuscité, il peut rejoindre une église locale. Si quelqu’un fait partie du peuple de Dieu, comment lui refuser d’être membre de l’église locale ? Bien-sûr, cette église devra ensuite l’enseigner pour qu’il reconnaisse toutes les doctrines fondamentales et secondaires comme vraies. Et bien-sûr, pour ce qui est de prendre une responsabilité d’anciens/pasteurs ou de diacre, les critères sont différents et il est bon qu’une église locale ait une confession de foi à laquelle doivent adhérer ceux qui ont un office, une responsabilité dans cette église.
Par exemple, une personne qui croit à la divinité et la résurrection du Christ mais qui ne connait pas encore l’existence de l’Esprit Saint et ignore que Dieu est trinitaire peut être chrétienne. Il faut distinguer, en effet, l’hérésie et l’ignorance. Un chrétien qui ne connait pas l’Esprit est encore ignorant et doit grandir dans la vérité, un chrétien qui rejette consciemment l’existence du Saint-Esprit… n’est pas chrétien. Ignorer une vérité et rejeter une vérité sont deux choses différentes.
Aparté : Foi ou « vérités à croire » ?
Avant de poursuivre, il convient de préciser la nature de la foi afin de ne pas être mal compris. En me lisant, vous pourriez avoir l’impression que la foi n’est qu’un question de « vérités à croire ». Ce n’est pas ce que je veux dire.
Les réformés ont traditionnellement défini la foi en utilisant 3 mots : Notitia, Assensus et Fiducia.
La Notitia, c’est le contenu de la foi. Ce sont justement ces vérités auxquelles la foi s’attache. La foi a un contenu, certes minimal (divinité et résurrection de Jésus), mais ne peut pas exister sans ce contenu.
L’Assensus, c’est le fait d’être en accord avec ces vérités. Il ne suffit pas de les connaitre intellectuellement, il faut aussi les déclarer vraies.
La Fiducia, enfin, c’est le fait de s’appuyer, se reposer sur ces vérités, y mettre notre confiance.
Ainsi, la foi ce n’est pas simplement connaitre ni même s’accorder à des vérités, ce n’est pas non plus s’appuyer sur quelque chose qui n’aurait aucun contenu. C’est s’appuyer sur des vérités que l’on déclare vraies.
La question que nous avons posé au début de l’article ne concerne donc que la Notitia, le contenu de la foi.
Définition du problème protestant
Le moment est venu de définir précisément ce problème qui est l’objet de notre série, maintenant que nous avons tous les éléments en main pour le comprendre. David Haines dit que c’est le problème qui l’a fait questionner le protestantisme. Que c’est la question la plus complexe pour un protestant. Il en fut de même pour moi. David m’a aidé à trouver une solution qui me satisfait. Voici le problème :
- La définition de l’orthodoxie que nous avons vu dans le premier article, semble impliquer qu’il existe une liste de doctrines ou de croyances fondamentales auxquelles le chrétien doit adhérer pour être considéré comme orthodoxe.
- Le protestantisme, par (1) le Sola Scriptura et (2) la doctrine de l’interprétation individuelle ou privée (croire qu’un individu peut comprendre ce que la Bible enseigne par lui-même) semble rendre impossible la constitution d’une liste de doctrines extra-biblique qu’un chrétien doit confesser pour être considéré comme orthodoxe.
- Si le point 2. est vrai, alors une « orthodoxie » protestante ne peut pas exister. Impossible de proposer une liste de croyances qui composent l’orthodoxie si chaque individu défini pour lui-même ce que la Bible dit.
Alister McGrath, spécialiste de l’histoire de l’Église, dit, dans The Blackwell Companion to Protestantism dit que le problème protestant, c’est que le protestantisme a comme caractéristique fondamentale de placer son emphase sur la compréhension individuelle de la Parole et l’expérience du salut créant ainsi la possibilité de multiples interprétations en doctrine, pratique et politique. Autrement dit, puisque le protestantisme est défini par l’interprétation individuelle de la Parole, il engendre la possibilité d’avoir de multiples listes d’orthodoxie (ce qui n’est pas le cas dans le catholicisme ou l’orthodoxie, du moins en théorie). Nous suggérerons que cette emphase sur l’interprétation individuelle peut être compatible avec une véritable orthodoxie, si cette conception de l’interprétation est remise à sa juste place.
Pour que le problème soit bien compris, nous le reformulerons de multiples façons. Comment pouvons nous déterminer une liste de croyances qui doivent être crues par le chrétien si notre seule autorité est la Bible interprétée par l’individu ? L’expérience montre que, dans le protestantisme, même les meilleurs théologiens ne tombent pas d’accord sur de multiples sujets et même sur la définition de l’orthodoxie. John McArthur et Norman Geisler sont, par exemple, en désaccord sur ce qu’il est nécessaire de croire pour être sauvé. Qui a raison ? Comment le savoir ? Il ne s’agit pas d’une petite doctrine mais d’un point central ! Si des personnes qui sont proposés par plusieurs comme des références ne sont pas d’accord entre eux sur un point si central, comment pouvons-nous prétendre établir une liste « d’orthodoxie » ? Bref, le problème est là et l’expérience le confirme.
A l’époque des apôtres, si une hérésie arrivait sur la scène, les apôtres étaient là pour la corriger. Mais si aujourd’hui notre seul lien avec les apôtres est la Bible et que l’individu est livré à lui-même pour l’interpréter, quel rempart avons-nous contre les hérésies ? De quel droit pouvons-nous déclarer telle interprétation comme hérétique ?
Aparté : Sola ou Solo Scriptura ?
Pour commencer à résoudre le problème, il convient de bien définir les termes. Or, Sola Scriptura est souvent mal compris. Sola Scriptura ne veut pas dire que la Bible est la seule autorité en matière de foi. Sola Scriptura signifie que la Bible est l’autorité suprême, au-dessus des autres autorités. Mais cela ne résout pas le problème, car si la Bible est livrée à l’interprétation de l’individu sans autorité interprétative infaillible, nous nous retrouvons encore avec 1001 interprétations contradictoires et l’impossibilité de définir une liste de doctrines orthodoxes de façon certaine et infaillible.
Revenons donc au problème. Pour le reformuler encore en d’autres mots : Si Sola Scriptura est vrai, alors tous les points de doctrine peuvent être rediscutés, même les centraux. Tandis que si le Magistère catholique est vrai, il peut définir infailliblement des doctrines et résoudre ce problème.
De mauvaises solutions
Nous allons ici analyser et réfuter des solutions courantes à ce problème mais qui ne permettent pas vraiment de le résoudre.
Une des solutions les plus courantes est celle qui consiste à dire que l’Esprit-Saint dirige le croyant pour qu’il arrive à déterminer le sens d’un texte.
Cette solution ne marche pas pour plusieurs raisons. Premièrement, celle-ci se base sur l’interprétation personnelle de plusieurs textes de l’Écriture et donc repose sur un raisonnement circulaire : elle justifie l’interprétation personnelle des Écritures par une interprétation personnelle des Écritures. Comment tu sais que tu peux interpréter la Bible ? Parce que… la Bible me le dit !
Deuxièmement, si l’on applique les principes d’interprétation objectifs aux textes invoqués pour supporter cette opinion, on se rend compte que ces textes n’enseignent pas que le Saint-Esprit va guider le croyant dans son interprétation de la Bible.
Troisièmement, cette solution ne résout rien car comment savoir qui de MacArthur ou Geisler a été guidé par l’Esprit puisqu’ils ne sont pas d’accord ? L’un est-il plus guidé que l’autre ? Est-ce que je prétends être moi-même plus guidé que eux pour prétendre déterminer lequel des deux a raison ?
Prenons le temps de réfuter l’interprétation commune qui est faite des textes invoqués pour soutenir cet opinion.
Les textes souvent invoqués sont Jean 14:26, Jean 15:26, Jean 16:13, 1 Jean 2:27 et Eph 1:13-14.
Jean 14, 15 et 16, dans leur contexte concernent les apôtres, qui avaient connu Jésus et auxquels l’Esprit va rappeler les enseignements de Christ. Pour que l’on rappelle un enseignement à quelqu’un, il faut qu’il ait déjà entendu cet enseignement. L’Esprit est présenté comme « rappelant ce que je (Jésus) vous ai dit ». Cela ne peut s’appliquer qu’à ses auditeurs immédiats qu’étaient les apôtres car nous n’avons pas reçu une parole directe de Jésus que le Saint-Esprit nous rappellera. C’est en effet ce que les apôtres ont fait en écrivant les Évangiles et les épîtres.
Cela est confirmé en Jean 17, à la prière sacerdotale de Jésus, où l’on constate que là encore les apôtres sont l’objet de sa prière (verset 6). Il prie d’abord pour eux et c’est seulement ensuite qu’il prie pour nous, qui avons cru en lui par le ministère des apôtres et de leurs successeurs (verset 20). Jésus distingue clairement les apôtres et ceux qui vont croire la parole des apôtres.
Cette distinction se retrouve en Ephésiens 1:3-14 où Paul parle des versets 3-12 de « nous » puis, au verset 13, il dit « vous aussi ». Faisons attention à cela, Paul parle d’un premier groupe désigné par « nous » puis d’un deuxième, « vous aussi ». En effet, c’est sur le fondement des apôtres et des prophètes que nous sommes édifiés (Éphésiens 2:20). Ainsi, les promesses de Jean 14, 15 et 16 s’appliquent aux apôtres avant tout. Nous ne sommes que ceux qui « croient à leur parole ».
Passons à 1 Jean 2:27. Il est dit ici que les croyants n’ont pas besoin d’être enseigné car l’onction, c’est-à-dire l’Esprit, les enseigne. Mais il ne peut s’agir ici d’un sens absolu car en leur disant cela, Jean est en train de les enseigner ! Son épître entière est enseignement. Si ses lecteurs n’avaient aucun besoin, au sens absolu, d’être enseigné alors pourquoi écrire une telle épître ? Dans tous les cas, ce texte ne parle pas d’interprétation biblique qui serait dirigée par l’Esprit, il ne parle pas d’interprétation biblique du tout ! Dans le contexte, Jean parle des faux docteurs qui niaient que Jésus est le Christ, ces docteurs se sont éloignés de la saine doctrine et ont quitté l’Église (2:19). Jean leur rappelle que l’enseignement de ces hommes est mensonger, les exhorte à demeurer dans le Fils et dans le Père (2:24) et à rejeter ceux qui séduisent par ces fausses doctrines (verset 26). Enfin, il arrive au verset 27 et leur dit que l’onction qu’ils ont reçu les enseigne et qu’ils n’ont donc pas besoin d’être enseigné à demeurer en Christ : « demeurez en lui comme elle vous l’a enseigné ». Le Saint-Esprit enseigne le croyant à demeurer en Christ. Ce texte ne promet donc pas que l’Esprit nous guidera dans notre interprétation de la Bible.
Bien plus, l’Église romaine affirme aussi être guidé par l’Esprit dans son interprétation ! Non pas de façon individuelle toutefois mais par le Magistère, chargé d’enseigner. Il faut que l’Esprit ouvre l’intelligence pour que l’Ecriture soit comprise (Catéchisme de l’Église catholique, III, 3, 111).
Il ne s’agit pas de dire que l’Esprit est inactif quand il s’agit d’interpréter les Écritures, mais que l’action de l’Esprit-Saint ne résout pas le problème protestant car (1) il n’est jamais promis dans le Nouveau Testament que l’Esprit ferait une telle chose et (2) des hommes dignes de confiance, érudits et qui vivent de toute évidence selon la volonté de Dieu arrivent à des conclusions différentes sur l’interprétation biblique.
Le problème demeure donc : Comment déterminer une liste de doctrine nécessaire pour être orthodoxe si (1) la Bible est la seule autorité et (2) l’individu en est l’interprète ?
Certains catholiques répondront ainsi aux protestants qu’en rejetant une autorité (celle du pape) nous nous retrouvons avec des millions d’autorités (chaque croyant), chaque protestant devenant un petit pape ! Chaque dénomination protestante devient une autorité autonome soumise à sa propre interprétation de l’Écriture. Le catholique dispose d’une référence qui lui permet de juger de l’orthodoxie des interprétations de ces différentes dénominations mais le protestant, quel point de référence a-t-il pour pouvoir juger de l’orthodoxie ou non d’une interprétation ?
Si vous commencez à sentir le problème, qu’il commence à vous poser question, que cela commence à vous déranger, alors j’ai réussi mon job. Car, quand on comprend bien ce problème, il ne peut que nous déranger. Et c’est alors que vous êtes prêts à réfléchir à une solution et à lire les prochains articles.
Remarques préalables
Avant de passer à la solution, qui ne sera développée qu’au cours de plusieurs articles, il nous faire trois remarques préalables, la troisième remarque sera traitée dans l’article suivant.
Distinguer l’Écriture des autres autorités
Premièrement, nous rejetons une position qui mettrait la Tradition sur un pied d’égalité avec l’Écriture pour résoudre le problème car, comme le dit Thomas D’Aquin :
« Les moyens par lesquels la foi vient à nous sont tous hors de soupçon. En effet, nous croyons aux prophètes et aux apôtres parce que Dieu leur a rendu témoignage en faisant des miracles, comme il est dit en Mc 16, 20 : ‘confirmant leur parole par les miracles qui l’accompagnaient’. Et aux successeurs des apôtres et des prophètes, nous ne croyons que dans la mesure où ils nous annoncent les choses que ceux-ci ont laissées dans leurs écrits. (Thomas d’Aquin, De Veritatis, Q. 14, A. 10, Ad 11.)»
Et, « Il faut remarquer que, bien que beaucoup aient déjà écrit sur la vérité catholique, la différence est que ceux qui ont rédigé l’Écriture canonique—les évangélistes, les Apôtres et d’autres encore—la proclament avec une telle constance qu’ils ne laissent pas la moindre place au doute. C’est pourquoi Jean dit : et nous savons que son témoignage est vrai – Si quelqu’un vous annonce un autre Évangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème. La raison en est que seule l’Écriture canonique est la règle de la foi. D’autres encore ont parlé de la vérité en ne voulant être crus que dans ce qu’ils disent de vrai. (Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’Évangile de Jean, ch. 21, lect. 9§2656.)»
Ainsi, les auteurs canoniques proclament la vérité, les autres ne doivent être crus que lorsqu’ils disent la vérité. C’est une distinction importante entre la Tradition et l’Écriture. En effet, il serait facile, pour résoudre le problème, de proposer la Tradition comme interprète. Mais en raison de la nature de celle-ci, quand on la contraste avec l’Écriture, cette solution ne peut pas être retenue.
Définir la Tradition
Il convient ici de définir précisément qu’est-ce que désigne le mot Tradition. Les catholiques diront aux protestants que, contrairement à eux, nous n’avons pas de cadre, de guide pour nous garder des fausses interprétations. Ils ont, eux, la Tradition. Mais quand il s’agit de définir précisément la Tradition, les choses deviennent floues et les définition de Tradition sont souvent contradictoires.
La Tradition, selon D. H. Williams dans Evangelicals and Tradition, ce sont les éléments d’une dénomination qui gouvernent sa compréhension (des Écritures et du monde).
Selon cette définition, même ceux qui prétendent ne pas avoir de Tradition en ont une. Les catholiques feront alors remarquer aux protestants que ceux-ci ont abandonné la Tradition des apôtres pour leur(s) nouvelle(s) tradition(s). Nous pouvons ainsi parler de tradition presbytérienne, de tradition baptiste, de tradition réformée, de tradition pentecôtiste, etc.
C’est une des façons d’utiliser le mot Tradition. Mais quand il s’agit du débat entre catholiques et réformés, ce mot prend souvent un deuxième sens. Nous disions plus haut que les auteurs catholiques définissent de diverses façon la Tradition, nous retiendrons ici la définition donnée par le philosophe catholique Josef Pieper dans Tradition, concept and claim : C’est une activité de transmission qui prend place entre 2 personnes, l’une qui transmet et l’une qui reçoit. Il le décrit ensuite plus en détail. Ce qui peut être transmis pourrait être une doctrine, une connaissance, une maxime, une habilité, une coutume, une fête, une norme, etc. Pieper fait 7 remarques sur le concept de Tradition :
- C’est un acte personnel et volontaire. Une personne transmet volontairement à quelqu’un d’autre un contenu.
- La transmission est uni-directionnelle : une personne transmet, l’autre reçoit. La transmission fonctionne comme l’enseignement où le professeur qui sait transmet une information à l’étudiant qui ne sait pas encore.
- Une Tradition implique généralement une chaine de transmission. La personne A transmet à la personne B qui transmet à son tour à la personne C (Cf. 2 Tim 2:2, 1 Cor 15:3 où Paul parle de transmettre, sans la changer, une information)
- La Tradition/transmission a un but précis.
- La procédure de transmission n’est effective que lorsque la personne qui reçoit l’information l’a effectivement acquise, comprise, intégrée ou crue (d’où le fait que les apôtres rappellent souvent ce qu’ils avaient transmis une première fois, afin que la transmission soit effective, cf. 1 Cor 15:1)
- La transmission se fait « sans progression » c’est-à-dire sans changement dans le contenu de ce qui est transmis ni avancement dans la connaissance transmise. J’ai reçu que Jésus est Dieu, je transmets que Jésus est Dieu. Paul insiste sur ce fait en 1 Corinthiens 15:2 « si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé« . Cela est d’autant plus intéressant quand on considère que 1 Corinthiens 15 est certainement le premier Credo de l’Église.
- La Tradition fait autorité. Une Tradition est effectivement transmise quand celui qui la reçoit la considère comme véritable et autoritaire.
Cette définition nous parait exacte et l’auteur protestant F.F. Bruce semble aussi la soutenir en disant que le terme grec utilisé dans le Nouveau Testament pour parler de la Tradition désigne soit le fait de transmettre quelque chose soit la chose qui est transmise.
Cela nous conduit à un troisième sens du mot Tradition qui peut désigner non pas le fait de transmettre mais ce qui est transmis, le contenu. C’est ce troisième sens qui est central dans le débat autour du problème protestant.
En effet, le premier sens n’est pas pertinent car chacun a une tradition. Le deuxième sens (transmission), ne nous avance pas beaucoup plus car selon ce sens, la Bible fait aussi partie de la Tradition chrétienne. En effet, elle aussi a un contenu qui (1) a été transmis d’une personne à une autre au cours des siècles, (2) est uni-directionnelle, (3) a une chaine de transmission, (4) a un but précis, (5) n’est transmis que quand la personne l’a effectivement compris et cru, (6) n’a pas varié dans son contenu, (7) est autoritaire.
C’est donc au sens de « contenu transmis » qu’il faut nous attacher. Mais, là encore, il faut reconnaitre que la Bible est un contenu transmis. On ne peut donc pas reprocher aux protestants de ne pas avoir de Tradition, ils en ont une dans les trois sens du terme !
La véritable question, quant à la Tradition, devient alors : quelle est la relation entre la Bible, qui fait partie de la Tradition, et le reste des écrits chrétiens qui composent la Tradition ?
La hiérarchie dans la Tradition
Il parait clair qu’il y a une véritable distinction entre l’Ecriture et le reste de la Tradition, c’est ce que faisait déjà remarquer Thomas D’Aquin. La Bible est la seule partie de la Tradition que toutes les dénominations reconnaissent et qui est inspirée.
Nécessairement, la Bible tient une position à part. Le reste des écrits chrétiens n’est qu’une tentative d’appliquer, de défendre, d’expliquer ce contenu ultime qu’est la Bible. Le Sola Scriptura, encore une fois, ne consiste pas à rejeter les autres écrits chrétiens, mais a leur donner une juste place. « Seule l’Écriture canonique est la règle de la foi, les autres doivent être crus que dans ce qu’ils disent de vrai ».
C’est pourquoi Thomas D’Aquin n’a pas hésité à rejeter l’opinion de certains pères quand il jugeait qu’ils avaient erré. Si l’on doit donc établir une hiérarchie dans la Tradition chrétienne, nous avons déjà distingué 2 niveaux dans cette Tradition : La Bible puis les auteurs chrétiens. Mais nous distinguerons encore d’autres niveaux dans cette hiérarchie. Pour opérer cette distinction, nous appliquerons 2 critères :
- Cet écrit chrétien s’appuie-t-il de manière sérieuse sur la Bible ?
- Cet écrit chrétien est-il en accord avec ce que la majorité des théologiens affirme ?
Si l’on applique cela aux écrits chrétiens, nous suggérons alors plusieurs niveaux d’autorité :
- La Bible.
- Les Credos et Confessions universels, qui sont donc reconnus par l’écrasante majorité des théologiens chrétiens dans l’histoire.
- Les grands théologiens et docteurs de l’Église (ex : les pères, Anselme, D’Aquin, etc.)
- Les crédos et confessions locaux (ex : une confession de foi, un concile local).
- L’individu.
Mon interprétation est donc moins importante que ce que mon église dit. Et mon église est moins autoritaire que les Confessions universelles. Un ordre de soumission et d’autorité s’établit donc. L’interprétation privée doit donc être comprise à l’intérieur d’un cadre bien plus large.
Conclusion
Nous avons donc défini le problème et replacé dans son juste cadre l’interprétation individuelle, mais ceci ne résout pas du tout le problème. Car, dans le cas où un Concile ou un grand théologien aurait contredit la Bible, comment puis-je le déterminer, moi, individu qui suis sensé me soumettre à ces Conciles ? Comment puis-je dire que tel Concile a erré ?
Les prochains articles aborderont la question du Canon pour compléter la définition du problème puis nous réfuterons la solution catholique romaine à ce problème et finalement nous proposerons une solution protestante.
Le problème ne me semble pas être « Que faut-il croire pour être sauvé ? », mais « Qui faut-il croire pour être sauvé ? ». C’est la foi de Jésus et en Jésus qui sauve, et non pas la foi en une doctrine.
Vous opposez ce que Dieu a uni. Si je dis « je crois en Jésus » mais que ce Jésus auquel je crois n’est ni mort ni ressuscité, alors je n’ai pas la vraie foi. Ainsi, il est important de croire les bonnes choses au sujet de Jésus.
Quand je dis « croire en Jésus », cela veut dire : je crois ce qu’Il a fait (mort / résurrection / ascension) et aussi que je crois ce qu’il a dit et continue de dire à travers l’Espit saint
Donc il s’agit bien de croire à des vérités objectives sur lui et son oeuvre !
En résumé, cela signifie : je le crois, LUI
C’est cela. Et la question de l’article c’est « parmi tout ce qu’il a dit, qu’elles sont les vérités si fondamentales telles que si une personne en nie une, elle ne peut pas être considérée comme chrétienne ? ».
C’est effectivement très important, mais pas décisif pour le salut : je doute que le « larron » sur la croix ait eu connaissance des vérités fondamentales du christianisme
Je pense qu’en tant que Juif et habitant de Jerusalem, il avait eu certaines informations sur le Christ. Non seulement je le pense, mais nous pouvons le prouver par le fait que celui-ci demande au Christ de prendre pitié de lui quand il viendra dans son règne. Il avait donc bien compris ce qu’implique être Messie. Il avait de plus compris que Jésus était sans péché. Et il avait peut-être saisis la resurrection car la seule manière pour un mort de revenir régner et de ne plus être mort.