Qu'est-ce que la Scolastique Protestante ? – Partie 3
17 septembre 2018

La période de la Scolastique Réformée

La scolastique réformée se réfère à la période de l’orthodoxie des années 1560-1750. Au cours de cette période, nous avons : 1) Orthodoxie primitive (vers 1560-1620) ; 2) Haute orthodoxie (vers 1620-1700) ; et 3) Orthodoxie tardive (vers 1700-1750). Ces dates sont, bien sûr, donnée à titre indicatif, comme si nous passions brutalement d’une période à l’autre. Mais elles nous donnent des époques qui reflètent le climat changeant du discours théologique dû aux événements incroyables précipités par la Réforme.

Dans la période de l’orthodoxie primitive, les réformés étaient généralement dans une période de confessionnalisation et de codification. L’unité était au premier plan dans l’esprit des réformateurs et de leurs successeurs. Les documents confessionnels étaient un moyen d’établir l’unité au fur et à mesure que les églises protestantes étaient construites. Les théologiens réformés ont commenté les crédos œcuméniques, tels que le Credo des Apôtres, tentant ainsi de prouver leur catholicité. Des documents confessionnels tels que la Confession Gallicane (1559), la Confession Belge (1561) et le Catéchisme de Heidelberg (1563) n’étaient que quelques-unes des dizaines et dizaines de confessions écrites à l’époque de l’Orthodoxie primitive (note : vous pouvez consulter plusieurs de ces Confessions ICI).

Les attaques catholiques romaines contre les revendications des réformateurs pleuvant sur les Églises protestantes, les réponses des réformés devaient être bien faites. En conséquence, les scolastiques réformés ont prouvé dans leurs écrits qu’ils avaient maîtrisé les Pères de l’Église primitive, qu’ils avaient une connaissance encyclopédique de la théologie médiévale et qu’ils pouvaient exégéter les Écritures selon des principes sains d’interprétation. Calvin avait certainement une mémoire formidable, mais même lui pouvait de temps en temps mal citer les Pères. Les idées des réformateurs n’ont été ni rejetées ni remplacées d’aucune façon, mais les scolastiques réformés ont développé leur théologie avec plus de précision en adoptant le vocabulaire philosophique de leurs prédécesseurs depuis l’Église primitive. Les confessions de cette époque sont des confessions catholiques, mais distinctement réformées dans la mesure où elles révèlent le fossé qui ne cesse de se creuser non seulement entre l’Église de Rome, mais aussi entre les réformés et les luthériens. C’était quelque chose que Calvin avait passé du temps à essayer d’éviter, mais finalement l’impasse n’allait jamais être surmontée entre ces deux grands groupes protestants.

La Haute orthodoxie commence à l’époque du Synode de Dort (1618-19). Dort est le premier et le seul synode véritablement international. Ce document confessionnel met également en lumière une autre lacune du protestantisme : les différences émergentes entre les Remonstrants (“Arminiens”) et les théologiens orthodoxes réformés, connus sous le nom de contre-Remonstrants dans ce contexte. Après Dort, au lieu d’un flot continu de documents confessionnels – à noter cependant le contexte britannique impliquant les théologiens de Westminster dans les années 1640 – nous voyons un nombre croissant d’ouvrages dogmatiques complets, “dans lesquels les résultats des exégèses, formulations dogmatiques, éléments polémiques et expositions des implications pratiques de la doctrine étaient combinés dans un tout imposant. La scolastique de la haute orthodoxie se caractérisait ainsi par une précision croissante dans son appareil théologique.”[1]

Dort rejeta les points de discorde des Remonstrants, mais la controverse était loin d’être terminée. La position confessionnelle de Dort devait être défendue au milieu de l’assaut continu des “Arminiens” et de la montée en puissance de leurs proches cousins, les Sociniens. C’est ainsi que les positions réformées complexes et défendues de manière élaborée ont été reprises par Francis Turretin, Petrus van Mastricht et Gisbertus Voetius, entre autres. Suivant les traces d’Amandus Polanus, qui a écrit sa très célèbre Syntagma theologiae christianae (1609), ces théologiens ont écrit des systèmes de doctrine qui continuent d’influencer les théologiens réformés jusqu’à ce jour. Leur méthode était la méthode scolastique, ce qui signifie que nous sommes aujourd’hui très redevables à ces scolastiques réformés pour leur travail à l’époque de la haute orthodoxie. Tout lecteur anglais qui possède l’œuvre de Charles Hodge ou de Louis Berkhof a en sa possession un texte scolastique réformé, même si les traitements de Hodge et de Berkhof sont considérablement moins savants que les théologiens mentionnés ci-dessus.

L’Orthodoxie tardive a vu l’effilochage d’une grande partie du bon travail accompli par les théologiens réformés. Pourquoi cela ? En partie parce que la méthode scolastique, dont nous parlerons plus en détail plus loin, a été laissée de côté, mais aussi un certain nombre de points de vue philosophiques (cartésianisme, pensée leibnizienne, Wolffianisme et philosophie des Lumières) se sont liés ensemble à la pensée réformée. Les académies ont également vu un changement dans leur approche de la théologie. Les Lumières amenèrent avec elles des courants théologiques et philosophiques changeants, et les bastions de l’orthodoxie réformée devinrent rapidement des bastions de l’hérésie. 
 


 
[1] Willem J. van Asselt, Introduction to Reformed Scholasticism (Grand Rapids: RHB, 2011), 133.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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