Dieu créa la Terre et la nature et il dit que cela était bon. Puis il créa l’homme et dit que cela était très bon. Se serait-il trompé ? Aurait-il introduit sur la planète bleue la pire des infections ?
Certains activistes écologistes, tels que ceux qui pensent que tout irait mieux si nous n’étions pas là, ou si nous étions un peu moins nombreux, affirment en fait que l’homme est une erreur. La Terre n’aurait pas été créée pour soutenir un tel être, ses ressources ne permettent pas d’alimenter une espèce si invasive. Peut-être que certains ont commencé à penser, comme l’Agent Smith dans Matrix, que
Les humains ne sont pas des mammifères. […] Les humains s’installent pour se multiplier jusqu’à épuiser les ressources naturelles de l’endroit où ils vivent et leur seul espoir de survie, c’est de se déplacer jusqu’à un autre endroit. Il y a d’autres organismes sur la Terre qui ont adopté la même méthode, savez-vous lesquels ? Les virus ! Les humains sont une maladie contagieuse ; le cancer de la planète, ils sont la peste, et les machines qu’ils ont créé sont l’antidote en procédant à leur éradication.
La nature existe pour l’homme
Quelle affirmation controversée ! Que la nature soit « faite pour l’homme » implique tant de choses contraires à la pensée en vogue que cette affirmation biblique est inaudible, offensante, pour les oreilles occidentales modernes.
Premièrement, cela implique que la nature soit « faite » par quelqu’un, « pour » quelque chose. L’existentialisme laisse plutôt entendre que la vie, et la terre, sont des heureux hasards (et peut-on parler « d’heureux » si le bonheur n’est qu’une illusion ?). Il n’y a certainement pas de telos, de but, à la nature. Elle est là et puis c’est tout. Elle ne tire pas son origine d’un être intelligent et n’avance donc pas vers un but intelligent.
Deuxièmement, cela implique que l’homme a une position unique dans la création. Il n’est pas simplement « le plus évolué des mammifères », il est la pierre de touche de la création. Terrible anthropocentrisme ! N’est-ce pas précisément ce qui a conduit au désastre écologique que nous connaissons ?
La révélation biblique nous présente un Dieu qui bâtit un habitat agréable et peuplé pour l’homme. Il ne le place dans le monde qu’à la toute fin. Il agit comme un père qui prépare la chambre de son enfant à naître. Il faut que tout soit prêt et accueillant. Puis, il fait l’homme à son image. Et Genèse 5 nous apprend que cela signifie que Dieu nous fait comme ses enfants. En effet, il est dit au sujet du premier fils d’Adam que ce dernier eut un fils « à son image, à sa ressemblance ».
L’homme a une responsabilité sur la nature
La nature est faite pour l’homme et l’homme pour Dieu. Mais, en un sens, l’homme est aussi fait pour la nature. En effet, dès les premières pages de la Genèse, il se voit confier la charge de « cultiver et de garder » une partie de la création, avec l’ordre d’étendre sa régence sur la création entière.
Bien-sûr, nous voyons dans les pages qui suivent un homme qui se détourne de son mandat, qui méprise l’autorité de Dieu, choisit de se définir lui-même. Cette même rébellion est celle qui anime ceux qui détruisent la planète et ceux qui prétendent qu’elle irait mieux sans nous. En effet, l’un comme l’autre refusent le mandat que Dieu nous a donné de prendre soin de la planète. Ni destruction, ni démission, l’homme est appelé à une sage régence sur ce monde. Mais cette régence ne peut se vivre qu’en reconnaissant celui qui est le vrai Roi légitime de toutes choses. Sinon, elle se transforme en tyrannie.
Néanmoins, la révélation biblique ne s’arrête pas là. Elle parle d’un restaurateur de toutes choses en Jésus-Christ. Il rétablit la relation entre Dieu et l’homme, mais aussi entre les hommes et entre l’homme et la création. Il régénère l’homme pour le rendre à nouveau apte pour sa mission. Mais notons que son incapacité ne lui ôte pas sa responsabilité. Par ailleurs, dans sa grâce (que nous appelons grâce commune en théologie), Dieu permet que l’homme ne tombe pas aussi bas qu’il ne le pourrait. En un sens, tant le progrès technologique que le souci écologique sont des signes de cette grâce. Mais existe-t-il aujourd’hui des exemples concrets qui montrent que, malgré tout, l’homme peut encore remplir en partie sa mission envers la création ?
Les exemples d’échec à cette mission ne manquent pas. Mais ils ne doivent pas voiler les réussites partielles. Prenons le cas du continent européen. L’Europe a perdu un grand nombre de ses forêts. Mais quelle est la plus grande forêt européenne ? Les Landes, une forêt toute artificielle, plantée par l’homme à partir du XIXe siècle pour protéger les villages de certaines intempéries1. Elle représente aujourd’hui près d’un million d’hectares. Certes, cela ne s’est pas fait sans soucis. La première plantation était peu réfléchie et rendait la forêt fragile face aux incendies, d’où l’incendie d’août 1949 qui a ravagé environ 50% de cette forêt. Mais, aussitôt reboisée, la seconde plantation est faite plus sagement et la forêt actuelle est bien plus solide.
Dans la ville de mon enfance, Saint-Quentin, il existe un parc naturel, célèbre pour ses marais. Lors d’une visite guidée avec les gestionnaires du parc, ceux-ci nous ont signalé que, s’ils ne s’occupaient pas en permanence de limiter la pousse des bouleaux, ceux-ci envahiraient tout l’espace et les marais d’Isle disparaitraient avec leur biodiversité si spécifique. C’est ce qu’il s’est produit avec la forêt de Fontainebleau et ses beaux et vieux chênes, aujourd’hui disparus car laissés à l’abandon. C’est aussi le mécanisme suggéré par certains derrière les récents feu de forêts en Australie. Comme l’a montré Myron Ebell, ce n’est ni la démographie australienne ni le réchauffement climatique qui se retrouvent derrière cette catastrophe2. Les Australiens avaient en effet pour habitude de contrôler les feux en les déclenchant eux-mêmes à des endroit bien choisis et à les arrêter à des limites contrôlées afin de ne pas permettre à des feux sauvages et hors de contrôle de se déclencher seuls et de causer des ravages immenses. Certains groupes écologistes ayant fait pression pour que cette pratique cesse, les feux sauvages se multiplient de manière proportionnelle à l’arrêt des feux contrôlés. Ces feux sauvages sont alors attribués par ces mêmes activités au réchauffement climatique, puisqu’ils refusent de reconnaître les erreurs de leur politique de gestion environnementale.
Ce dernier exemple est polémique car récent et très « politisé ». Mais les premiers exemples (Les Landes, le parc d’Isle et la forêt de Fontainebleau) suffiront pour illustrer mon propos. Il semble bien que la nature ne soit pas faite pour être laissée à l’abandon ni pour être consommée sans mesure. Voilà pourquoi, dépositaires de la révélation de celui qui a fait la nature, les chrétiens sont dans une position privilégiée pour aborder la question écologique. Nous savons que la solution n’est pas dans notre désengagement mais dans une saine gestion de la planète. La création ne doit ni être méprisée ni adorée. L’homme est le roi sur Terre. Mais Christ, notre Roi, nous a montré qu’un vrai roi se fait le serviteur de ses sujets au prix de sa vie et non pas le tyran. En tant que chrétiens nous devons encourager les projets locaux et globaux de saine gestion, réfléchis et scientifiquement fondés, des espaces naturels. Mais c’est aussi tout un modèle économique qui doit être réformé pour que cela puisse être atteint.
Le nombre n’est pas le problème
Comme certains le disent avec humour « un homme en France pollue autant en un an qu’une famille au bled sur 4 générations ». Il y a beaucoup de bon sens derrière cela. Il est évident que le nombre de personnes n’est pas le critère majeur pour déterminer l’impact négatif d’une société sur l’environnement. Comme le disait Gérard-François DUMONT cité plus haut, cela ne fait pas de sens d’additionner la population du Laos et celle de la Suède pour calculer la population mondiale et d’en tirer des conclusions sur la démographie. Ces populations ne sont en rien comparables.
Là encore, la révélation biblique et son mandat créationnel parle avec clarté : « multipliez-vous, remplissez la terre ! ». Comme plusieurs l’ont remarqué, les groupes humains n’ont en fait pas le choix d’obéir ou non à ce commandement. Si une société a un taux de natalité qui passe sous l’indice de renouvellement des générations, c’est-à-dire 2, elle ne peut survivre longtemps. En effet, si la natalité est inférieure à 2 par couple, cela signifie que le nombre d’inactifs augmentera en proportion au nombre d’actifs. Ainsi, les mesures de solidarité comme le régime de retraite pour les sociétés développés ou le simple « soin des vieux » des sociétés primitives représentera un poids toujours plus lourd à porter.
Pourtant, Antoine Bueno, auteur du livre Permis de Procréer, affirmait le 28 janvier 2020 dans l’émission Temps de Débat de France Culture que, puisque nous n’arrivons pas à changer de modèle économique, il ne nous reste plus qu’un levier face à la crise écologique : faire moins d’enfant.
Il me semble que cette option est à la fois inacceptable pour le chrétien car contraire au mandat divin et plutôt culottée sur le plan économique. En effet, qui peut dire que les sociétés occidentales ont réellement agit face à l’idolâtrie de la consommation intensive, du confort à tout prix ? Qui peut dire que nous avons vraiment fait tous nos efforts et que « c’est trop dur » ? La responsabilité de la pollution repose-t-elle sur les ménages qu’on encourage à moins procréer ou sur des multinationales avides et avares ?
Une gestion réaliste, éclairée et divine
Que proposer au chrétien dans ces débats actuels ? Lutter contre les idoles du consumérisme. Reconnaître le mandat que nous avons sur terre. Prendre conscience de notre situation de rois-serviteurs sur cette planète et agir en conséquence. Ne pas céder aux philosophies qui feraient de l’homme un virus d’un côté ou un tyran de l’autre. Ne pas douter de la bonté et de la sagesse de Dieu : il nous a placé sur cette Terre, elle saura subvenir à nos besoins. Ne pas non plus en déduire une attitude passive et coupable : en nous plaçant ici, Dieu ne l’a pas fait sans nous donner des indications, si elles ne sont pas respectées, sur ce sujet comme sur d’autres, la catastrophe est inévitable. Et si notre génération aussi plantait sa « forêt des Landes » ?
- Selon Gérard-François DUMONT dans « Le Temps du débat » sur France Culture. Géographe, économiste et démographe, Gérard-François DUMONT est professeur à l’université de Paris-IV-Sorbonne, il enseigne également à l’Institut de géographie et d’aménagement et dirige la revue Population & Avenir.[↩]
- MYRON EBELL, Autralian wildfires were caused by humans, not climate change dans The Washington Examiner.[↩]
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