Les raisons de la foi (Thomas d’Aquin) – Le projet de l’auteur
3 août 2021

Voici un extrait d’un court livre d’apologétique de Thomas d’Aquin intitulé Les raisons de la foi. Il l’a écrit pour répondre aux objections des musulmans (qu’il désigne par “Sarrasins”) contre des doctrines chrétiennes1 comme la Trinité, l’incarnation. Ce qui en fait une ressource très utile et très actuelle pour dialoguer avec nos amis musulmans. D’autant plus qu’elle nous vient du ou d’un des meilleurs philosophes chrétiens. Voici le premier chapitre où Thomas explique le but son livre (source : le site de l’Institut docteur angélique2).


Le bienheureux apôtre Pierre reçut du Seigneur la promesse que sur sa profession de foi serait fondée l’Église contre laquelle les portes des enfers ne peuvent prévaloir (cf. Mt 16, 18). Pour que, contre ces mêmes portes des enfers, la foi qui lui a été confiée demeure inviolée, il s’adresse en ces termes aux fidèles du Christ : « Sanctifiez le Seigneur Christ dans vos cœurs » (1 P 3, 15), c’est-à-dire par la solidité de votre foi. Et c’est avec ce fondement établi dans notre cœur que nous serons protégés contre toutes les attaques et les moqueries des infidèles ; c’est pourquoi il ajoute : « Étant toujours prêts à satisfaire à quiconque vous demande raison de l’espérance et de la foi qui sont en vous ».

Or la foi chrétienne consiste principalement dans la confession de la sainte Trinité et se trouve spécialement glorifiée dans la croix de Notre Seigneur Jésus Christ, « la doctrine de la croix, comme le dit saint Paul, est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une force divine » (1 Co 1, 18). Notre espérance aussi consiste en deux choses, à savoir ce que nous attendons après la mort et l’aide que Dieu nous dispense en cette vie, afin que nous puissions mériter, par les œuvres du libre arbitre, la béatitude future.

Telles sont, comme tu le soutiens, les choses qui sont l’objet d’attaques et de moqueries de la part des infidèles. Les Sarrasins en effet se moquent, comme tu le dis, de ce que nous affirmons que le Christ est Fils de Dieu, alors que Dieu n’a point d’épouse (Coran 6, 101). De plus, ils nous prennent pour des insensés parce que nous confessons trois Personnes en Dieu, estimant que nous faisons par là profession de trois dieux. Ils tournent également en dérision le fait que nous disons que le Christ, Fils de Dieu, a été crucifié pour le salut du genre humain. Si en effet Dieu est tout-puissant, il aurait pu, disent-ils, sauver le genre humain sans la passion de son Fils ; il lui a de même été possible de faire l’homme tel qu’il ne puisse pas pécher. Ils blâment encore les Chrétiens de manger leur Dieu chaque jour à l’autel et objectent que le corps du Christ, fût-il grand comme une montagne, devrait déjà avoir été absorbé complètement.

Pour ce qui est de l’état des âmes après la mort, tu affirmes que les Grecs3 et les Arméniens errent en disant que les âmes ne reçoivent ni punition, ni récompense jusqu’au jour du jugement, mais qu’elles se trouvent comme dans un état intermédiaire, parce qu’elles ne doivent avoir ni peine, ni récompense sans le corps ; et ils avancent pour soutenir leur erreur cette parole du Seigneur : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père » (Jn 14, 2).

Quant à ce qui se rapporte au mérite dépendant du libre arbitre, tu soutiens que les Sarrasins aussi bien que d’autres nations assignent aux actes humains une nécessité provenant de la prescience ou de l’ordonnance divine. Ils prétendent que l’homme ne peut mourir ni même pécher sinon comme Dieu l’a réglé pour lui (cf. Coran 16, 95), et que toute personne, quelle qu’elle soit, a son destin inscrit sur le front.

Au sujet de ces choses, tu me demandes des raisons4 morales et philosophiques que les Sarrasins reçoivent ; il semblerait vain en effet d’avancer des autorités contre ceux qui ne les reçoivent pas. Voulant accéder à ta requête, qui semble issue du pieux désir que tu as de vouloir être, conformément à la doctrine apostolique, prêt à répondre à qui te demande raison [de ton espérance et de ta foi] (cf. 1 P 3, 15), je t’exposerai, selon ce que permet la matière, quelques arguments faciles sur les sujets évoqués, que d’ailleurs j’ai traités de manière plus complète ailleurs5.

  1. Bien sûr, sur ce blog, en tant que Protestants réformés, nous rejetons les chapitres sur l’eucharistie et le Purgatoire. C’est pourquoi nous ne publierons pas les chapitres qui y sont consacrés.[]
  2. Un institut d’étude catholique qui propose des formations en philosophiques et en théologie pour découvrir Thomas d’Aquin. On trouve toutes ou quasiment toutes les œuvres de Thomas gratuitement en ligne sur leur site.[]
  3. Cf. CG IV 91. = Somme contre les Gentils, livre 4, chapitre 91[]
  4. Cf. CG I 2.[]
  5. Dans la CG.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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